Aller au contenu

La Petite Cady/13

La bibliothèque libre.
La renaissance du livre (p. 108-119).

XIII

Cyprien Darquet et l’institutrice, s’étant retournés, aperçurent Cady à quelque distance, au bras de son compagnon.

Le député s’étonna.

— Qui diable a-t-elle raccroché ?

Et reconnaissant le jeune magistrat, il l’interpella, en riant, à voix haute.

— Comment, Renaudin, c’est vous qui enlevez ma fille ?

Cady quitta le jeune homme et courut à son père en bondissant comme une chèvre. Toute trace de larmes et de chagrin avait disparu de son visage mobile.

— Pardi ! cria-t-elle de sa voix cinglante et insoucieuse, quand un père est en bonne fortune, la fille peut bien se barrer avec son type !

— Qu’est-ce qu’elle dit ? s’exclama le député, une seconde décontenancé et ahuri.

Puis, il haussa les épaules : la petite parlait à tort et à travers, sans comprendre la portée de ses paroles.

Renaudin, qui arrivait plus lentement, désireux de s’esquiver, n’avait pas saisi le sens de la remarque de Cady.

Il serra la main de Cyprien, s’enquérant banalement.

Mme Darquet va bien ? Elle n’est pas avec vous ?

— Non. Oh ! ma femme est rarement libre le dimanche. Vous savez qu’elle est à la tête de nombreuses œuvres charitables. Aujourd’hui, il y aura séance fort orageuse à l’Œuvre de l’Enfance abandonnée, dont elle est le plus ferme soutien. Renouvellement du bureau, approbation des comptes. Et il ne s’agit pas de laisser triompher certaines influences qui feraient tomber l’œuvre entre les mains de nos adversaires politiques, qui s’en feraient une arme…

Renaudin acheva en souriant :

— Qu’il vaut mieux garder entre les vôtres ?

— Vous croyez plaisanter, mon cher, mais rien n’est plus vrai. Tout se tient dans la machine sociale.

Cady le tirait par le bras.

— Papa, je meurs de faim !… Allons prendre du chocolat au restaurant de la Cascade !…

— Venez-vous avec nous, Renaudin ? proposa Darquet.

Le jeune homme s’excusa.

— Je vous remercie ; j’ai du travail, et je rentre chez moi au plus vite.

Dans la rotonde du café, comble de consommateurs, Cady, agile et pleine d’aisance, devança un couple qui se dirigeait vers l’unique table libre et se carra, le coude sur la nappe.

— Trois chocolats et des biscuits ! jeta-t-elle au garçon qui souriait.

Mlle Armande s’assit, intimidée.

— Que de monde !

L’orchestre, en veste rouge, attaquait une valse bruyamment, et sans cesse de nouveaux arrivants entraient, venant du Bois, ou déposés par des taxis-autos ou des fiacres.

Darquet repoussa son chocolat.

— Enlevez ça !… Un porto.

Cady voulut s’interposer.

— Oh ! papa, tu ne vas pas encore boire de ces saletés !

Mais, fronçant les sourcils, le député la pria rude- ment de se taire.

— Tu deviens impossible ! s’écria-t-il sèchement.

Puis il se remit à causer en riant avec Mlle Armande.

Cady demeura interdite. C’était la première fois que Darquet la traitait avec cette dureté… Ah ! c’était bien fini la joie de ses dimanches d’enfant gâtée aux côtés de son père !… Et cela, grâce à cette étrangère !…

Brusquement, tout lui parut affreux, triste, odieux autour d’elle. Elle examina ses compagnons et nota les veinules violettes du nez de Darquet, la patte d’oie striant profondément ses tempes, ses paupières et ses oreilles flasques. Auprès de lui, l’œil émerillonné, Mlle Armande montrait une peau jaune, au grain grossier, sur laquelle la chaleur de la salle commençait à faire luire de minuscules gouttelettes de sueur.

— Ils sont laids !…laids !… marmotta la fillette avec dégoût, avec désespérance, se sentant prodigieusement éloignée moralement de ces deux êtres dont le mutuel désir sensuel qui la frôlait l’emplissait d’une immense répulsion.

Jusque-là, elle avait gaiement raillé les liaisons, les fugues passionnelles de son père, que lui révélaient seulement les propos grossiers des domestiques.

Mais ce n’était chez elle que du verbiage, un machinal cynisme d’emprunt devant les faits intangibles. Face à face avec la réalité, le contact de celle-ci l’écœurait et désorientait sa pauvre petite âme de fillette, qui, d’instinct et obscurément, conservait pour son père un besoin de confiance et de respect, gardait le désir exaspéré d’une affection pure et protectrice de sa part.

— Oh ! oui, ils sont laids ! se répétait-elle rageuse- ment, sans démêler que son horreur dépassait les personnes physiques, allait jusqu’aux âmes vulgaires de ce couple.

— Qu’est-ce que tu dis ? demanda Cyprien qui recouvrait sa bonne humeur, son genou pressant celui de l’institutrice, sous la table.

Cady éleva une voix dédaigneuse.

— Je dis que tout le monde est affreux.

Mlle Armande promena autour d’elle un regard déçu.

— Le fait est que j’aurais cru le public plus élégant ici !

Le député s’esclaffa :

— Mais, ma chère, c’est dimanche, aujourd’hui, ne l’oubliez pas ! On vient casser la croûte !…

Et, clignant de l’œil, il désignait un ménage qui se faisait servir un pain, du gruyère et du vin blanc.

Justement, un individu cocasse, tête blafarde, moustaches jaunes hérissées, se penchait, très intimidé, devant Cady, que magnifiaient sa pelisse de loutre et son large chapeau.

— Madame, balbutia-t-il, voulez-vous me permettre de prendre cette chaise libre ?…

Mais, retrouvant tout à coup sa drôlerie primesautière habituelle, Cady protesta, d’une voix pointue de douairière revêche :

— Du tout, monsieur !… C’est la chaise de mon mari !…

L’homme s’éclipsa, effaré, avec force excuses.

Darquet se renversa sur son siège pour mieux rire.

— Ah ! mauvais petit microbe, va !

Cady redevenait morose.

— Partons, papa. On s’embête ici. Allons au thé de la rue Royale.

Il acquiesça.

— C’est cela, faisons l’éducation parisienne de Mlle Lavernière.

Un taxi-auto les emporta de nouveau.

Cette fois, dans l’ombre de cette fin de journée d’hiver qui tombait rapidement, Cady n’essaya plus d’entraver les mystérieux rapprochements qui s’effectuaient soi-disant à son insu.

Elle parlait, égrenait une folle suite de mots, pour s’étourdir et ne plus penser.

Les autres riaient de ses propos saugrenus. Ils riaient plus fort encore, croyant à une dernière singerie, lorsque, descendant rue Royale, elle ouvrit deux larges yeux clairs, demandant :

— Qu’est-ce que j’ai dit depuis une demi-heure ?… Je ne me souviens plus de rien !

Elle était sincère.

Cette fois, Mlle Lavernière resta saisie de l’élégance du lieu où l’on entrait et dont elle ne pouvait percevoir le frelaté de l’équivoque.

Un domestique en livrée voyante se hâta de faire manœuvrer la porte tournante, qui projeta l’institutrice à l’entrée d’une longue galerie blanche, tapissée de glaces, remplie de plantes vertes, meublée de canapés profonds, de moelleux fauteuils de panne claire, sur lesquels une nuée de jolies femmes aux toilettes de prix, aux fourrures opulentes, causaient bas, avec des gestes étudiés et toute une pantomime gracieuse et savante ; car leur conversation sans intérêt n’était qu’un prétexte à jolies attitudes.

Parmi elles, peu d’hommes ; et ceux-ci, de très jeunes gens — silhouettes de snobs — ou des étrangers cossus, d’un certain âge.

Des garçons en habit noir s’empressaient autour des nouveaux arrivants, qui s’installèrent à un guéridon nappé de blanche toile damassée ornée de guipure. Un cornet de cristal contenait une gerbe de roses, de mimosas, d’anémones bleues et cramoisies, au doux parfum frais.

Ici, l’orchestre revêtu de l’inévitable veste rouge, mais qui affectait la forme d’un smoking et dédaignait les soutaches d’or, jouait presque continuellement en sourdine des morceaux qui accompagnaient sans les troubler les causeries, les flirts, qui rythmaient harmonieusement les allées et venues des femmes qui entraient, sortaient, ou voisinaient de table en table, avec l’allure factice et spéciale des comédiennes en scène.

Au premier étage, une série de petits salons en galerie surplombante dominaient la salle du rez-de-chaussée, tels que des loges de théâtre, que l’on pouvait clore en baissant les stores.

Trois de ces cabinets étaient occupés et de derrière les frêles cloisons venaient parfois des rires féminins, des éclats de voix bruyants.

— On s’amuse là-haut ! dit Cady en levant la tête.

Juste à ce moment, deux stores se levaient, et un homme et une femme se penchèrent en riant, examinant la salle en bas.

Mlle Lavernière ébaucha un cri de surprise.

— Mais, cette dame, c’est…

Elle se tut, son pied écrasé sous celui de Cady. D’ailleurs, M. Darquet souriait, sans l’entendre.

— Tiens, mais c’est Draven ! fit-il à mi-voix.

L’homme était, en effet, le diplomate norvégien son ami. Quant à la femme, Mlle Armande ne pouvait s’y tromper : ces cheveux blonds, ce délicieux ovale de vierge de Raphaël appartenaient à la dame du Palais de Glace, à la mère du petit Georges.

Et voici que, suivant les regards de Cady impassible, elle apercevait à une table proche le jeune homme maquillé et teint, à l’œil poché, en compagnie de deux individus cuivrés, à la chevelure aile de corbeau, aux diamants étincelants piqués à la cravate et encerclant les doigts.

On avait apporté le service à thé, d’argenterie reluisante, et, pendant que Cady servait avec adresse, déjà experte, un maître d’hôtel solennel faisait flamber du rhum sur des crêpes minuscules dans une poêle de nickel à réchaud d’alcool la spécialité de la maison.

— C’est très mauvais, déclarait Cady, mais c’est amusant à voir brûler… Chaque fois, je crois que le garçon aura le nez roussi.

— Là-haut Draven et la jeune femme avaient disparu ; l’on referma les stores ; de nouveau des rires éclataient.

Darquet, qui avait dévisagé avec une surprise admirative la compagne de son ami, n’y tint plus.

— Attendez-moi, je vais serrer la main de Draven ; j’ai précisément quelque chose d’urgent à lui communiquer.

À peine était-il éloigné que Cady apostropha son institutrice à voix basse :

— Eh bien, un peu de plus c’était la gaffe !…

Mlle Lavernière fit un geste confus et vexé

— Que voulez-vous, je n’ai pas l’habitude de tous ces mensonges.

Cady lui lança un regard chargé d’obscurs ressentiments.

— Bah ! plus vous irez, et mieux vous saurez mentir… et sans que cela vous coûte, allez !…

Puis, gâchant sa crêpe, et abandonnant sa tasse de thé à demi pleine :

Tout ça, c’est détestable et je m’ennuie ! dit-elle d’un ton crispé. Allons-nous-en… Au thé Duphot, c’est moins snob et plus amusant.

Elle se levait déjà, remontant sa pelisse sur ses épaules.

— Mais, ma chérie, objecta Mlle Armande, nous ne pouvons pas partir sans votre père.

— Vraiment !… Eh bien, vous allez voir cela !

Elle fit signe à un garçon.

— Vous direz au gros monsieur, quand il redescendra qu’il nous retrouvera au thé Duphot…

Le domestique s’inclina.

— Bien, mademoiselle.

Et auprès de la porte, le larbin ajouta avec un accent de regret pénétré :

— Alors, mademoiselle s’ennuie chez nous ?

— Tu parles, mon vieux !…

Et elle s’enfourna dans l’alvéole de la porte tournante, en entraînant son institutrice avec elle.

Mlle Armande protesta, indignée :

— Dieu, comme vous vous tenez mal !…

Dehors, Cady prit son bras en jetant un regard satisfait autour d’elle.

— J’aime bien Paris, le soir…

L’air était calme, le ciel obscur et la vive clarté provenant des magasins et des cafés qui enveloppait la foule des promeneurs sur le trottoir ne franchissait pas le premier étage : c’était comme la coulée d’un fleuve lumineux encaissé entre de hautes berges sombres.

Les deux jeunes filles dépassèrent la lourde masse ténébreuse de la Madeleine, s’arrêtèrent un instant aux étalages coquets brillamment illuminés des Trois-Quartiers et s’engagèrent dans la rue Duphot.

Tout de suite elles se trouvèrent en face des devantures voilées de linon et de guipures de la maison de thé.

Au moment où elles allaient entrer, une femme sortit de la porte cochère précédente, regarda vaguement de leur côté, sans les apercevoir, et vira, regagnant le boulevard.

Cady arracha brusquement son bras de dessous celui de Mlle Armande.

— Ça, par exemple, c’est drôle ! s’écria-t-elle. Vous l’avez reconnue ?

Mlle Lavernière hésita.

— C’est-à-dire, il me semble bien…

— Pardi, c’est Mme Garnier, le cornac de mes cousines Serveroy !… Que diable fait-elle dans cette maison ?

Et Cady examina soupçonneusement le porche sombre. De chaque côté de l’entrée étaient appendues des plaques commerciales appartenant à une couturière, une modiste, une agence de contentieux.

La jeune fille revint désappointée.

— Entrons.

Dans la salle aux tentures vertes encadrées d’acajou, éclairée par des guirlandes de fleurs électriques, la musique assez bruyante couvrait à peine le bourdonnement des conversations très élevées.

Toutes les tables étaient occupées ; des arrivants allaient et venaient, montaient au premier étage pour découvrir un guéridon libre et redescendaient désappointés. Les uns sortaient, l’air déçu ; d’autres s’entêtaient, attendaient debout et anxieux que quel- qu’un sortît. Il semblait qu’il y eût un attrait immense à consommer du chocolat huileux et du thé de l’Inde exécrable en ce lieu, que desservaient avec une négligence pleine de désinvolture des « maids » en tabliers à bretelles et des nègres vêtus de blanc, le visage d’un noir d’ébène poli couronné de la masse crépue de leur épaisse chevelure.

Mlle Lavernière s’inquiétait.

— Mon Dieu, nous ne pourrons trouver de place… Alors, comment votre père nous rejoindra-t-il ?

Cady répondit avec tranquillité :

— Mais si, on va se caser tout de même, vous verrez…

Elle avança dans la salle, se frayant, un chemin entre les groupes avec aplomb. Et, soudain, elle eut un sourire de contentement.

— Voilà notre affaire !

Et elle fonça résolument jusqu’à une table occupée par deux jeunes gens.

Elle avait reconnu Maurice Deber et Jacques Laumière.

— Vous… vous allez nous faire place ! déclara-t-elle en s’emparant d’une chaise.

Et, couvrant le jeune peintre d’yeux subitement attendris, sans s’occuper de son institutrice ni du compagnon de son ami, elle ajouta, dégonflant son cœur :

— Mon petit Jacques, je suis si heureuse de te retrouver, aujourd’hui, si tu savais !…

Des larmes involontaires montaient à ses paupières ; elle se sentait amollie, vaincue par toute la fatigue morale et physique de cette journée.

Mais Deber s’était levé, offrant poliment une chaise à Mlle Armande, qui restait debout, silencieuse et décontenancée.

— Merci, monsieur, fit-elle avec reconnaissance.

Laumière l’avait saluée d’un signe de tête familier. Sans se lever, il aidait la fillette à retirer sa pelisse.

— Tu dois étouffer là-dessous ?

— Du tout, j’ai froid… Jacques, je suis un pauvre petit oiseau tout glacé…

Le jeune homme rit.

— Une tasse de thé te réchauffera.

Et il commanda au nègre qui approchait :

— Deux thés et sandwiches de foies gras.

Cady fit la grimace.

— Je suis écœurée de thé et de chocolat… Demande-moi un cocktail.

— Tu es folle ! D’ailleurs, tu sais bien que l’on ne sert cela qu’en haut au fumoir.

Elle se leva.

— Eh bien, viens… On redescendra après. Oh ! si, je veux aller là-haut… cela pue, cela sent exquis, le tabac, l’alcool, la poudre de riz, le nègre et le vieux chien, qui dort sous le comptoir du gérant !… J’adore cela !

Jacques se leva.

— Allons, cinq minutes seulement.

Mlle Armande s’interposa d’un air contrarié.

— Je vous en prie, monsieur, ne lui faites rien boire.

— Soyez tranquille, son cocktail sera anodin.

La fillette le pinça, lui glissant tout bas, d’une voix ardente :

— Il sera ce que je voudrai ! Est-ce que tu sauras me refuser quelque chose, par hasard, toi ! Et puis, au fond, tu adores me griser.

Une gêne pesait sur Maurice Deber et Mlle Lavernière, restés seuls. Le jeune fonctionnaire leva les yeux sur l’institutrice.

— C’est la première fois que vous conduisez Mlle Darquet ici ? demanda-t-il.

Elle devina dans ces mots un imperceptible blâme et rougit, répondant avec précipitation :

— Oh ! ce n’est pas moi qui l’ai amenée… Son père, M. Darquet, est avec nous, et il va nous rejoindre.

— Ah !

Il jeta les yeux autour de lui et remarqua, souriant de l’air dépaysé de l’institutrice :

— C’est une cohue assez amusante.

— Un peu effrayante, répondit-elle avec une timidité qui n’était pas jouée.

Les types les plus divers se coudoyaient dans cette salle rastas, provinciaux, quarts de mondaines, honnêtes familles bourgeoises venues pour observer le « grand monde », artistes, professionnels des deux sexes de vices spéciaux.

Précisément à cette minute, la corpulente silhouette du député se dressa au-dessus des tables. Il aperçut Mlle Armande, sourit et fonça, la main tendue.

— Tiens, c’est vous, Deber ?… Et ma gamine, que diable en avez-vous fait ?

Le fonctionnaire répondit avec une ironie que l’autre ne remarqua point :

— Elle est au fumoir, en train de faire des études comparées d’humanité et d’alcools en compagnie de Jacques Laumière.

— Ah ! parfait ! dit Darquet avec indifférence.

Et il s’installa tout contre Mlle Armande, son gros pied écrasant la bottine de celle-ci.

— Je viens de faire connaissance de la plus jolie femme de Paris, commença-t-il, l’œil brillant, la lèvre inférieure gourmande, gonflée et tremblotante.

Mais Cady, qui arrivait sans qu’on l’eût aperçue, se jeta sur une chaise, pâle, le regard étrange.

— Oh ! papa, s’écria-t-elle d’un ton crispé. Je t’en prie, ne parle pas femmes devant moi !… Cela m’écœure !…