La Première lutte de Frédéric II et de Marie-Thérèse/15

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La Première lutte de Frédéric II et de Marie-Thérèse
Revue des Deux Mondes3e période, tome 64 (p. 5-32).
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VIII.

LA MALADIE DU ROI.


Il semble qu’à certains momens de l’histoire la Providence prenne plaisir à se jouer de nos calculs les mieux faits et de nos prévisions en apparence les plus assurées. La maladie ou la mort, ces ministres muets de ses volontés, qui n’obéissent qu’à elle seule et qui frappent sans avertir, sont, à ces heures critiques, les instrumens qu’elle emploie pour faire sentir que son action est souveraine et indépendante de tout concours humain.

Le 4 août 1744, au moment où Louis XV faisait son entrée à Metz, tout paraissait seconder ses espérances ; l’annonce que lui apportait l’envoyé du roi de Prusse enlevait, en réalité, tout péril à la résolution généreuse qu’il avait prise de voler au secours de l’Alsace, sans en diminuer en rien le mérite. Dès qu’on était certain que quatre-vingt mille Prussiens allaient, au premier jour, passer la frontière autrichienne, le prince Charles était, par là même, contraint de reculer et d’évacuer l’Alsace sans coup férir. Il ne s’agissait plus que d’arriver à temps sur ses derrières pour changer sa retraite en déroute et précipiter dans le Rhin ses bataillons fugitifs. Une fois cette opération relativement facile accomplie, Louis prenait rang, du premier coup, parmi les souverains qui méritent la reconnaissance de leurs peuples et qui vivent dans la mémoire de la postérité. Ce triomphe était célébré d’avance, le 7 août au soir, dans un splendide souper qui fut offert par le roi à l’officier prussien et où la santé des deux monarques fut saluée à plusieurs reprises par de copieuses rasades. Le lendemain, le roi devait assister à un Te Deum chanté en remercîment d’un nouveau succès remporté en Italie par l’armée du prince de Conti, dont un des lieutenans, le bailli de Givry, venait d’enlever, sous les yeux mêmes du roi de Sardaigne, la forteresse importante de Château-Dauphin. Le départ pour l’Alsace devait avoir lieu le jour suivant.

Le matin du 8, le roi se réveilla avec un grand mal de tête et une grosse fièvre. On attribua cette indisposition soit à la fatigue d’un voyage très rapidement poursuivi par une chaleur excessive et sous un soleil ardent, soit au repas trop abondant de la veille ; en un mot, à un brusque changement de régime qui n’était pourtant pas assez complet, puisque les épreuves nouvelles n’interrompaient pas d’autres genres d’excès. Il fallut renoncer à assister au Te Deum et laisser partir seul en avant le maréchal de Noailles ; mais, dans les journées du 10 et du 11, le mal, au lieu de se dissiper, s’aggrava, et les médecins durent reconnaître qu’ils étaient en présence d’une fièvre putride d’un mauvais caractère.

Du moment que le roi avait dû garder le lit, les duchesses de Châteauroux et de Lauraguais, introduites par le duc de Richelieu, avaient voulu veiller seules à son chevet, faisant la garde avec soin, imposant le silence aux médecins comme aux domestiques, et ne laissant ni entrer ni sortir personne qui pût répandre au dehors les alarmes qu’elles commençaient à ressentir. Mais de tels secrets ne se gardent pas longtemps, et le mystère même, en cas pareil, accroît l’inquiétude au lieu de la calmer. On ne tarda pas à murmurer, dans l’entourage royal, contre une séquestration contraire à toutes les règles de l’étiquette et imposée par une compagnie si suspecte. Les princes du, sang présens à l’armée, le duc de Chartres et le comte de Clermont, rappelèrent très haut que, si quelqu’un entrait chez le roi, leur rang les autorisait à y pénétrer avant tous autres : le duc de Bouillon, grand-chambellan, invoqua la prérogative de sa charge, qui lui donnait le droit d’assister à toutes les consultations des médecins. L’évêque de Soissons, grand-aumônier, demanda d’un ton moins animé, mais plus grave, si on voulait courir le risque de laisser mourir le roi de France sans le secours de la religion, à l’état de péché public. De leur côté, de jeunes officiers, amis de Richelieu, se riaient de ces prétextes et de ces scrupules, et la querelle devint assez vive pour que, de l’antichambre, le bruit s’entendît dans les appartemens intérieurs. Les duchesses et les confidens, avertis de ces rumeurs, essayèrent de faire taire les mauvaises langues en décidant les médecins, Lapeyronie et Chicoyneau, à donner une consultation publique. On leur fit la leçon, et les deux docteurs déclarèrent que, si l’état du roi donnait lieu à quelques symptômes alarmans, de nature à effrayer ceux qui n’en connaissaient pas la cause, à leurs yeux, ce n’étaient que les effets ordinaires d’une forte fièvre, et que le véritable danger consisterait à donner au malade, sur le caractère de ses souffrances, une inquiétude prématurée. Richelieu, de son côté, qui avait des prétentions à se connaître en médecine, affirma qu’il avait tâté le pouls du roi à plusieurs reprises et qu’il ne reconnaissait ni l’intensité fébrile ni le trouble qui pouvaient faire craindre un péril prochain.

Ces avis, trop évidemment concertés d’avance, ne rassurèrent personne. « Ces messieurs sont-ils protestans, disaient les âmes pieuses scandalisées, pour attacher si peu de prix à l’accomplissement des prescriptions de l’église ? » Les princes prirent alors leur parti de forcer la porte, puisqu’on ne la leur ouvrait pas. Le comte de Clermont entra le premier, suivi du duc de Chartres : on dit qu’ils furent obligés de pousser eux-mêmes du pied le battant de la porte, en heurtant assez rudement le duc de Richelieu, qui roulait leur barrer le passage, et à qui le duc de Chartres demanda avec hauteur si un valet avait la prétention de faire la loi aux parens de son maître. L’un et l’autre s’approchèrent alors du lit du roi, en protestant qu’ils n’avaient d’autre intention que de lui rendre leurs dommages et de s’informer de ses nouvelles. Le roi les reçut de bonne grâce, et ils se retirèrent.

Mais la glace était rompue, et le cérémonial ordinaire reprit son cours. L’évêque de Soissons en profita pour avertir le roi qu’il était temps de mettre sa conscience en règle. « Je suis trop faible en ce moment, dit le prince ; mais les médecins promettent de me soulager dans la journée, et je vous ferai prévenir. » L’évêque n’insista pas ; seulement, en quittant la chambre, il avertit qu’il se tenait aux ordres du roi, Dès qu’il fut sorti, Mme de Châteauroux rentra, et, s’approchant du malade royal, lui parla dans les termes de leur passion accoutumée ; mais le roi, lui prenant la main pour la baiser : « Ma princesse, lui dit-il (c’est le duc de Luynes qui met cette expression dans sa bouche), je crois que je fais mal et qu’il faudra peut-être nous séparer. » Puis il recommanda au duc de Richelieu de l’emmener chez lui et de prendre soin d’elle.

C’était un congé tendrement donné, mais il n’y avait pas à s’y méprendre. La duchesse, ne pouvant se résigner, après avoir inutilement séduit les médecins, essaya de fléchir le confesseur : c’était un jésuite, le père Pérusseau, assez timide de sa nature et rendu tel, plus encore, par l’embarras de la position très délicate qu’il avait dû garder dans ces derniers temps. Croyant sans doute qu’elle trouverait chez lui quelques-unes de ces facilités de conscience que des calomnies très accréditées prêtaient à la fameuse compagnie, Mme de Châteauroux s’efforça d’obtenir qu’il se bornât à lui interdire l’entrée de la chambre royale, sans la faire sortir avec éclat du palais et en se contentant de la promesse que tout commerce criminel cesserait à l’avenir si le roi se rétablissait. « La proposition, dit Luynes, qui raconte l’entretien sans pourtant affirmer positivement qu’il ait eu lieu, ne fut point agréée par le père Pérusseau, et cela est aisé à croire. » En tout cas, la conversation ne put être longue, car un grand bruit qui s’éleva l’interrompit : c’était le roi qui venait d’être saisi d’une subite défaillance ; il s’était déjà cru mort, et en proie à la terreur des châtimens célestes, appelait à grands cris les secours de l’église.

Si le père Pérusseau (ce que je suis très éloigné de croire) eût eu la faiblesse de céder, ou la naïveté d’ajouter foi aux promesses de Mme de Châteauroux, il en eût été pour ses frais de crédulité, car ce n’était point assez de recevoir les aveux secrets du roi et les promesses de son repentir : il fallait, par la réception des derniers sacremens, en donner à la conscience publique, si récemment outragée, l’éclatant témoignage ; et ce n’était pas le confesseur, mais bien le grand-aumônier qui était le ministre désigné de cette solennité. Celui-là ne pouvait être sujet même au soupçon de la moindre complaisance. François de Fitz-James, évêque de Soissons, était un prélat encore jeune, de la plus illustre origine, petit-fils du maréchal de Berwick, appelé lui-même à la succession d’une duché-pairie et qui, malgré sa qualité d’aîné de famille, avait renoncé dès l’adolescence à l’éclat de son rang pour obéir à l’appel d’une sainte vocation. La pureté de ses mœurs, l’intégrité de son caractère, après avoir édifié son diocèse, défiaient, depuis plusieurs années déjà, la malveillance de la société corrompue au sein de laquelle sa charge de cour l’obligeait de vivre. Ceux que son autorité gênait, ne sachant que lui reprocher, l’accusaient volontiers d’incliner vers le jansénisme, non qu’il eût jamais opposé aucune résistance aux définitions théologiques de Rome ou refusé sa signature à aucun formulaire, mais parce que la sévérité de sa tenue, la rigueur, parfois même l’âpreté de son zèle, lui donnaient un air de famille avec les docteurs de cette secte fameuse. Un tel homme n’avait garde de mettre en oubli cette antique règle de l’église : à savoir que la réparation en tout genre doit être proportionnée au scandale et que le rang élevé d’un pécheur, en donnant plus d’éclat à ses fautes, l’oblige à en apporter autant dans sa pénitence. Il avait trop souffert d’ailleurs du spectacle qu’il avait eu sous les yeux, du mélange qu’il avait dû tolérer entre les pratiques extérieures de la dévotion et l’effronterie du libertinage, pour se prêter plus longtemps à une confusion qui, à cette heure suprême, devenait sacrilège. Il ne voulait pas que les saintes cérémonies de l’église parussent une comédie jouée en face de la mort et dont acteurs et spectateurs se riraient ensuite également si le danger venait à disparaître. Aussi, quand on vint lui demander de porter au roi la communion en viatique, il déclara nettement qu’il ne se rendrait pas à cette prière si la maîtresse congédiée n’avait d’abord quitté la ville, où sa présence n’était expliquée que par la passion coupable qui l’y avait amenée. L’injonction transmise au pénitent fut obéie sans résistance, et les deux sœurs durent recevoir l’ordre de s’éloigner sur-le-champ de Metz.

Ce fut le comte d’Argenson, ministre de la guerre, qui fut chargé d’aller leur porter ce triste message. Il trouva Mme de Châteauroux seule avec Richelieu, dans une attente pleine d’angoisse. Le comte était un de ceux qui s’étaient montrés le plus empressés à la courtiser pendant sa faveur, et elle comptait sur son amitié ; aussi, en entrant, portait-il sur son visage la trace d’une émotion jouée ou véritable ; il fit même, racontait plus tard Richelieu, semblant de se trouver mal ; ce ne fut que d’une voix entrecoupée et tremblante qu’il put lui dire : « Le roi vous conseille, madame, de vous en aller à quatre ou cinq lieues de Metz. » La malheureuse resta consternée. Obéir était nécessaire, mais non facile, car il n’était pas sans danger de traverser les rangs d’une foule émue qui remplissait les rues de la ville. L’irritation était au comble contre les deux femmes qu’on accusait d’avoir compromis la santé du roi par la vie de débauche qu’elles lui avaient fait mener et attiré sur lui la colère céleste par les désordres dont elles l’avaient rendu complice. Richelieu eut l’heureuse pensée d’aller demander aide à Belle-Isle, de qui dépendait, en sa qualité de gouverneur, la sécurité de la ville. Le maréchal, en vrai gentilhomme, n’hésita pas à se mettre, lui et ses gens, à la disposition des deux proscrites. Il vint les prendre et les fit monter avec sa nièce, Mme de Bellefond, dans un carrosse à ses armes et à sa livrée et dont les stores furent baissés avec soin ; elles passèrent ainsi sans être reconnues et vinrent se réfugier toutes tremblantes dans une maison de campagne des environs. C’était une demeure abandonnée et en mauvais état, où il n’y avait ni chaises pour s’asseoir ni lits pour se coucher. « Tâchez de nous en envoyer, écrivait par le retour du carrosse la duchesse à Richelieu, car je ne puis faire passer à ces dames la nuit blanche. Mandez-moi aussi des nouvelles du roi. Mais, au nom de Dieu, qu’on ne le tue pas, maintenant qu’il a fait ce qu’on voulait : que la tête ne tourne pas aux gens qui ont sa vie entre leurs mains. Ne vous affectez pas, je vous prie, de ce qui m’arrive. Pourvu que le roi vive, c’est tout ce qu’il me faut. J’espère que mes amis conserveront de l’amitié pour moi[1]. »

Ce n’était pourtant pas encore assez pour satisfaire les scrupules de l’austérité du prélat ; cette station si voisine de la ville, et qui semblait attendre ou permettre un prompt retour, ne lui parut pas rassurante. Dans l’ordre des rites sacrés, le viatique devait être suivi de l’extrême-onction, mais on remit la seconde cérémonie au lendemain, la première ayant fait éprouver au malade trop de fatigue : quand il s’agit de donner ce dernier témoignage de la réconciliation du pécheur avec l’église, l’évêque refusa encore d’y procéder avant d’être assuré que les dames fugitives s’étaient remises en route pour une destination plus éloignée. Cette fois encore nulle résistance ne pouvait lui être opposée. « Où voulez-vous donc qu’elles aillent ? demanda-t-on au roi. — À Paris, ou bien où elles voudront, répondit-il, pourvu que ce soit loin. » Il reçut alors l’extrême-onction devant une affluence de ministres, d’officiers et de courtisans aussi nombreux, dit une relation écrite du temps, qu’un parterre d’opéra à une première représentation. L’office terminé, l’évêque se retourna vers l’assistance : « Messieurs, dit-il, le roi me charge de vous déclarer qu’il se repent dm scandale et du mauvais exemple qu’il a donné. » Puis, faisant allusion à un bruit qui circulait et à une nomination qu’on disait déjà faite, il ajouta : « Le roi déclare qu’il n’a point l’intention d’appeler Mme de Châteauroux à la surintendance de la maison de la dauphine. — Ni de faire sa sœur dame d’atours, » dit alors le roi d’une voix faible, mais entendue de tous les assistans ; supplément de contrition assez inutile, prêtant à d’étranges interprétations et que l’évêque se défendit, tout de suite d’avoir provoqué, Richelieu a raconté depuis lors, qu’à ce moment une mesure de sévérité allait être réclamée contre lui-même, désigné comme l’instigateur des désordres du roi, et, qu’averti de ce qui le menaçait, il s’était placé d’avance en face du prélat afin de lui répondre tout haut et de relever le défi. Un tel scandale n’eut pas lieu : la réparation obtenue fut sans doute trouvée suffisante, au moins pour l’édification de la cour. Mais, pour que le peuple entier pût s’associer à la pénitence publique du souverain, la galerie de planches, objet de si fâcheux commentaires, fut démolie dans la soirée et un n’en laissa aucun vestige. La justice divine parut alors satisfaite, et un temps d’arrêt s’étant manifesté dans les progrès jusque-là constans du mal, on commença à espérer qu’elle pourrait se laisser fléchir[2].

Les deux duchesses s’éloignaient cependant rapidement de Metz, précédées d’un courrier de cabinet que le comte d’Argenson avait préposé à leur garde, en apparence pour faciliter leur voyage, en réalité pour s’assurer que rien ne viendrait entraver l’ordre royal. Ce n’est pas l’histoire, c’est le roman ou le drame qui pourrait peindre d’assez sombres couleurs l’état de rage et de désespoir où était plongée l’orgueilleuse favorite emportée ainsi, avec une hâte ignominieuse, loin de l’amant qui la couronnait la veille, dont elle s’était crue chérie, et qui la laissait chasser sans un regret, sans un regard, sans un mot de compassion. Jamais voyage ne fut plus affreux. Partout où le carrosse devait s’arrêter, la populace s’ameutait, d’insolens railleurs venaient passer leur tête aux portières. C’était un concert de sales invectives et de grossiers jurons. A l’entrée même de certaines villes, il fallait descendre, faire à pied de longs circuits pour éviter des rues du des places qu’on n’aurait pu traverser en sécurité. La nature ardente de Mme de Châteauroux ne fléchissait pas sans combat sous le poids de cette horrible situation. Par moment, elle voulait résister, s’arrêter, attendre un souvenir qu’elle espérait encore, un retour du caprice de la fortune. Son imagination se monte alors : le roi se guérira ; il l’aime encore, il lui saura gré d’être restée à portée de son appel ; elle sera vengée : ses persécuteurs seront chassés à leur tour. Pourvu cependant que la reine, dont on annonce la venue, ne reprenne pas possession du cœur de son époux, ou n’amène pas avec elle quelque dame qui puisse arrêter les regards du convalescent !

« Je vous assure, écrit-elle dès la première soirée à Richelieu, que je ne peux pas me mettre en tête qu’il en meure ; il est impossible que ce soient ces monstres qui triomphent… Je crois bien que tant que la tête du roi sera faible, il sera dans la grande dévotion ; mais, dès qu’il sera un peu remis, je parie que je lui trotterai furieusement dans la tête, et, qu’à la fin, il ne pourra pas résister et qu’il parlera de moi, et que tout doucement il demandera à Lebel ou à Bachelier (les valets de chambre) ce que je suis devenue. Comme ils sont pour moi, mon affaire sera bonne ; je ne vois pas du tout en noir pour la suite, si le roi en revient, et en vérité, je le crois. Je ne vais plus à Paris ; après mûre réflexion, je reste à Sainte-Menehould avec ma sœur… Il est inutile de le dire, parce que, avant qu’on le sache, il se passera au moins deux ou trois jours, et puis je puis être tombée malade en chemin, ce qui est assurément fort vraisemblable. Mais remarquez que, d’ici à ce temps, la chose sera décidée en bien ou en mal ; si c’est en bien, on n’osera rien dire, et comme le roi ne m’a pas fait spécifier l’endroit et qu’il a dit : à Paris, ou bien où elle voudra, pourvu que ce soit loin, il est plus honnête pour lui, s’il en revient, que j’aie cru que vingt lieues étaient au bout du monde et que je me sois retirée dans un lieu où je ne puis avoir nulle sorte de nouvelles ni de consolations, et uniquement livrée à ma douleur ; et puis, dans la convalescence, quarante lieues de plus ou de moins ne laisseront pas que d’y faire, non pas pour me revoir, car je n’y compteras de sitôt, mais pour me faire dire quelque chose… S’il en meurt, je resterai à Paris avec mes amis ; mais je vous assure que je regretterai le roi toute ma vie, car je l’aimais à la folie et beaucoup plus que je ne le faisais paraître… S’il en meurt, je ne suis pas pour faire des bassesses, dût-il m’en revenir le royaume de France. Jusqu’à présent je me suis conduit (sic) tel qu’il me convient, avec dignité ; je me soutiendrai toujours dans le même goût, c’est le seul moyen de me faire respecter, de faire revenir le public pour moi et de conserver la considération que je crois que je mérite. J’oublie de vous dire, sur ce que le Soissons se défend d’avoir parlé au roi de Mme de Lauraguais, que je le croirais assez, et que j’ai pensé dès le premier moment que cela venait du roi, par bonté pour moi et pour que nous ne fussions pas séparées, et pour que ma sœur fût ma consolation ; mais il ne faut pas le dire, parce que cela justifierait le Soissons, et qu’en vérité je ne suis pas payée pour cela… Je suis persuadée qu’il recevra la reine tout au mieux et qu’il lui fera cent mille amitiés parce qu’il se croit des torts avec elle et obligé de les réparer. Vous me manderez quelles sont les dames qu’elle a amenées. S’il en revient, cher oncle, que ce sera joli ! Vous verrez : je suis persuadée que ceci est une grâce du ciel et que les méchans périront. Si nous nous tirons de cela, vous conviendrez que notre étoile nous conduira bien loin. »

Mais le lendemain, arrivée au lieu où elle annonçait le dessein de rester et d’attendre, comme rien ne vient, elle sent bien qu’il faut obéir. « Ne soyez pas effrayé, écrit-elle, de ma proposition de rester ici : ma lettre n’était pas partie, que je fis réflexion que cela serait ridicule, et nous partirons demain sans faute ; mais c’est assez simple que ma tête se trouve égarée par-ci par-là. Soyez tranquille, je vous promets que je vais tout de suite à Paris… Je vous donne ma parole d’honneur que je ne paresse plus… Tout ceci est bien terrible et me donne un furieux dégoût pour le pays que j’ai habité bien malgré moi, et, bien loin de désirer d’y retourner un jour, je ne pourrai pas m’y résoudre. Tout ce que je voudrais par la suite, c’est qu’on réparât l’affront qu’on m’a faite (sic) et n’être pas déshonorée. Voilà, je vous assure, mon unique ambition. Bonsoir, je ne peux pas vous en dire davante, étant mourante. »

Puis elle reprend la plume. Ne dit-on pas que sa sœur de Flavacourt accompagne la reine ? « Elle mériterait bien que M. de Soissons lui donne une petite marque de sa bonté ; je n’en désespère pas, ou elle viendra peut-être du roi, cela serait assez plaisant. Ah ! mon Dieu, qu’est-ce que tout ceci ? Je vous donne ma parole que voilà qui est fini pour moi. Il faudrait être une grande folle pour avoir envie de s’y embarquer et vous savez combien peu j’étais flattée et éblouie de toutes les grandeurs, et que si je m’en étais crue, je n’en serais pas là. Il faut prendre son parti et n’y plus songer. Tâchez de remettre du calme dans votre esprit et de ne pas tomber malade,[3]. »

A Bar-le-Duc, cependant, il fallut bien, bon gré, mal gré, faire halte, sans quoi on risquait de croiser un autre cortège qui arrivait en sens contraire, plus rapidement peut-être encore, et soulevant sur son passage des émotions bien différentes. C’était la reine qui accourait, incertaine si elle arriverait à temps pour recevoir le dernier soupir de son époux. A quelque distance, derrière elle, suivait le dauphin avec le duc de Châtillon, son gouverneur, puis les princesses filles du roi, avec leurs dames. Le courrier des duchesses avait reçu de M. d’Argenson l’instruction formelle de faire tous les détours nécessaires pour éviter une si fâcheuse rencontre. Mais la difficulté de desservir sur une même route tant d’équipages à la fois, faisant changer à tout moment les itinéraires, un hasard et un malentendu amenèrent précisément ce qu’on voulait fuir : la souveraine et la favorite furent sur le point de se trouver en face l’une de l’autre sur une place publique, et Dieu sait quel tumulte en serait résulté ! Heureusement la duchesse, prévenue, eut le temps de se réfugier et de se renfermer dans une maison écartée de la ville, d’où elle pouvait entendre des acclamations qui ne ressemblaient pas à celles dont ses oreilles étaient tristement assourdies.

Du jour, en effet, où la nouvelle du péril du roi avait été apportée à Versailles, la reine n’avait eu qu’un vœu et qu’une pensée, c’était de voler auprès de lui. Mais telle était la règle impérieuse à laquelle comme toute autre elle obéissait, telle peut-être aussi sa crainte de n’être pas bienvenue même auprès d’un lit de mort, qu’elle n’avait pas osé bouger avant d’en avoir demandé par un courrier exprès à Metz l’autorisation formelle. La permission ne lui fut accordée que le jour où le roi fit l’aveu complet de ses fautes et comme un complément de son repentir. L’ordre de départ fut aussitôt donné ; mais nulle hâte n’était possible avec les interminables formalités de l’étiquette de cour, et plus de vingt-quatre heures durent être encore employées à mettre d’accord l’ordre régulier du service avec les convenances particulières aux dames qui devaient accompagner la reine. Mme de Flavacourt entre autres, appelée par tour à cet honneur, réclamait son droit, et il fallut un peu d’art pour l’y faire renoncer. Puis le voyage rapide n’étant pas dans les habitudes royales, d’autres délais furent nécessaires pour mettre en état de courir la poste de vieilles berlines qui depuis longtemps ne servaient plus. Bref, ce ne fut que le 15 août, après la messe, que la reine put se mettre en route, avec tant de voitures de suite qu’il fallait lui préparer quatre-vingts chevaux de poste à chaque relais.

L’annonce de son départ rendait publique et certaine, à Paris, la nouvelle qui ne circulait jusque-là que mystérieusement et à l’état de rumeur douteuse. Tous les témoignages contemporains sont unanimes pour attester que ce fut comme une commotion électrique qui se communiqua d’un bout de la cité et presque de la France, à l’autre ; on vit alors combien le sentiment du dévoûment monarchique, bien que déjà affaibli, était vivant encore dans le cœur des Français et toujours prêt à se ranimer dès que le souverain ne faisait pas lui-même tout ce qu’il fallait pour l’éteindre. Le coup qui menaçait Louis l’atteignait à l’heure où, après une longue attente, il n’avait encore fait que promettre à ses peuples de se montrer digne de leur affection. La nation entière apprit pourtant avec désespoir que cette espérance pouvait lui être enlevée, et la pleura d’avance comme si elle eût déjà été réalisée. Frappé au moment où il allait combattre pour la délivrance du sol national, on le regardait déjà comme une victime de la cause qu’il n’avait pas eu le temps de servir. « On s’écriait, dit Voltaire : « Il périt pour avoir voulu nous défendre ! » Ce fut une alarme, un désespoir universels. La foule, groupée autour des bureaux de poste à l’heure de l’arrivée des courriers, s’arrachait les lettres qui apportaient des nouvelles. L’émotion fut portée au comble lorsqu’on apprit la rupture du lien scandaleux qui était le seul grief qu’on eût encore à reprocher à l’auguste malade. A distance, on ne pouvait savoir ; ce que de tristes détails laissaient déjà soupçonner aux témoins plus rapprochés, et ce que la suite ne devait que trop faire voir, c’est que ce repentir, plutôt imposé qu’éprouvé, venait d’une pusillanimité servile, non d’un sérieux réveil de conscience. On y vit un acte de générosité chrétienne qu’on célébra dans les églises, où les fidèles accouraient, à toute heure, pour demander grâce à la Providence. Ce sentiment était tellement général, tellement répandu dans toutes les classes, que ce fut un poète populaire, Vadé, auteur de chansons grossières, qui imagina de joindre ce jour-là au nom de Louis l’épithète de Bien-Aimé : surnom qui devait lui rester toute sa vie, alors même que la différence du mot et de la réalité en fit une étrange dérision.

Le passage rapide de la reine dans les mêmes lieux, au milieu des mêmes populations que venait de traverser la courtisane, fut une véritable ovation. Partout où elle s’arrêtait, on se précipitait pour baiser la trace de ses pas, ou se jeter sur sa main pour l’inonder de larmes : on eût dit le triomphe de la vertu et la morale outragée rentrant dans ses droits. Insensible à ces hommages, uniquement préoccupée de l’accueil qui l’attendait, tressaillant toutes les fois qu’un courrier envoyé ou un voyageur parti de Metz pouvait lui apporter quelques nouvelles, la reine se donnait à peine le temps de respirer et fit route quarante-huit heures de suite sans s’arrêter, Elle arriva à Metz le 18 août, à minuit, pour apprendre avec autant de joie que de surprise qu’une amélioration inattendue s’était manifestée dans l’état du roi.

Que ce fût l’effet d’une dose inaccoutumée d’émétique administrée par un empirique, nommé Dumoulin, qu’on avait fait venir quand tous les médecins s’étaient déclarés découragés, ou simplement une de ces réactions que la nature opère souvent à elle seule dans les maladies inflammatoires, il est certain qu’au moment où on n’attendait plus que le dernier soupir et où le moindre bruit entendu dans la chambre du malade semblait être l’annonce de la fin, le mal se relâcha subitement, la fièvre tomba et la connaissance, un instant égarée, revint. Quelques heures de sommeil apportèrent un véritable soulagement et c’est en sortant de ce repos salutaire que Louis apprit l’arrivée de la reine. Malgré l’heure avancée de la nuit, il témoigna à l’instant le désir de la voir. « La reine entra seule, dit Luynes, le roi l’embrassa et lui demanda pardon des chagrins et des peines qu’il lui avait causés. » Le lendemain, faisant venir toutes les dames de la reine, il renouvela en leur présence le même aveu, s’excusant en particulier auprès de Mme de Luynes de l’avoir fait souvent souffrir, sans doute en lui imposant une compagnie qui répugnait à sa vertu. Les jours suivans, l’amélioration se soutint et, avant la fin de la semaine, la guérison paraissait certaine.

La reine avait peine à croire à son bonheur. Voir son époux repentant et rétabli, réconcilié avec Dieu, et rendu à la fois à la vie et à sa tendresse, c’était plus que, pendant ses heures d’angoisses, elle n’avait osé demander dans ses prières. Aussi ne pouvait-elle contenir son ravissement. « Je n’ai rien de plus pressé que de vous dire que je suis la plus heureuse des créatures, écrivait-elle à l’ennemi de sa rivale, Maurepas, le seul ministre qui n’eût pas fléchi devant l’idole. Le roi se porte mieux. Dumoulin assure qu’il est presque hors d’affaire : il dit même plus, et je n’ose encore m’en flatter. Il a de la bonté pour moi, je l’aime à la folie. Dieu veuille avoir pitié de nous et nous le conserver 1 Je vous conseille de demander la permission de venir. Adieu, ne doutez pas de mon amitié : j’embrasse Mme de Maurepas[4]. »

Elle avait raison d’être heureuse, car elle n’était pas seule à se réjouir, et son bonheur, qui n’avait rien d’égoïste, fut promptement partagé par toute la France. Dès que cette guérison, que sa piété trouvait miraculeuse, se fut confirmée de manière à convaincre les plus incrédules, ce fut dans les rangs de la nation une explosion de joie qui tenait du délire. Il semblait que la patrie était sauvée parce que le roi était conservé. La satisfaction publique se manifesta sous toutes les formes : Te Deum, feux de joie, illuminations dans toutes les villes, cantates sur tous les théâtres, hommages de félicitations en prose et en vers, qu’on faisait passer par centaines sous les yeux du convalescent. On s’abordait partout dans les rues sans se connaître pour se communiquer l’heureuse nouvelle. « Qu’ai-je donc fait, disait le roi lui-même surpris, pour être aimé ainsi ? » Et dominé encore par la sérieuse impression de la mort, il promettait de reconnaître tant d’affection et de la mériter même en prenant, dès que ses forces seraient revenues, le commandement de l’armée qui devait délivrer la France, a En attendant, faisait-il dire au maréchal de Noailles, n’oubliez pas que c’est pendant que Louis XIV était mourant, que le prince de Condé a gagné la bataille de Rocroi. »

Noble langage et souvenir plein d’à-propos. Malheureusement, on allait se convaincre que Noailles, général sage et que l’expérience avait rendu timide, n’avait ni l’audace juvénile ni le génie de Condé[5].


II

La déclaration portée à Vienne par le ministère prussien y avait causé, en même temps qu’un trouble bien naturel, une surprise qui l’était moins, car les préparatifs faits depuis six mois déjà par Frédéric pour mettre son armée sur le pied de guerre étaient si appareils qu’il fallait, en réalité, se fermer les yeux pour ne pas les voir. Mais telle était la confiance de Marie-Thérèse dans son droit et dans sa fortune et tel aussi son désir de n’interrompre, à aucun prix, son opération agressive contre la France, que, jusqu’au dernier moment, elle n’avait pas voulu croire à la réalité de ces menaces. C’était, pensait-elle, un jeu de Frédéric pour l’intimider et la décider à entrer en relation avec l’empereur en lui restituant la Bavière : « Ne vous inquiétez donc pas tant de la Prusse, écrivait-elle au général Traun, qui commandait l’armée du Rhin avant la venue du prince Charles. C’est sans doute un ennemi dangereux, mais Dieu est avec nous… D’ailleurs, ce qui le regarde n’a rien à faire avec l’armée que vous commandez. » Vainement le prince Charles lui-même, à peine arrivé, avait-il reçu par une voie secrète, mais très sûre, avis de la conclusion du traité d’union de Francfort ; cet avertissement, transmis par lui à son frère, ne fut pas écouté : c’était encore Frédéric qui faisait courir ces bruits pour répandre l’alarme. Enfin, la facilité avec laquelle s’était accompli le passage du Rhin acheva de persuader à la reine que tout désormais devait lui réussir : « Que les choses aillent seulement bien sur le Rhin, écrivait son conseiller Bartenstein, et jamais le roi de Prusse, qui suit toujours la fortune, n’osera se mettre contre nous[6]. »

Ce fut donc un grand mécompte lorsqu’il fallut enfin se convaincre que cette invasion du sol français, si heureusement commencée, mais si témérairement entreprise, bien loin de faire reculer Frédéric et d’intimider ses mauvais desseins, le décidait au contraire à faire brusquement un pas en avant et à jeter le masque. Le péril de la situation apparut alors dans toute sa réalité. Tandis qu’une puissante armée prussienne allait se précipiter sur la Bohême, menaçant Prague, peut-être même Vienne, on n’avait en face d’elle, pour lui tenir tête, que le corps d’armée qui occupait la Bavière et qui avait lui-même fort à faire pour garder cette conquête et prévenir un retour offensif de son souverain légitime. La principale armée autrichienne se trouvait engagée à plus de cent lieues de son centre naturel d’action, ayant mis le Rhin entre elle et l’Allemagne et voyant arriver le gros des forces françaises commandées par Louis XV, qui pouvait, par une manœuvre heureuse, soit la jeter dans le fleuve, soit lui en interdire l’accès. Le désappointement fut vivement ressenti dans le cabinet et presque même dans tous les rangs de la population de Vienne, et se traduisit, comme c’est assez l’ordinaire chez les esprits faibles, par une explosion de colère et cette attitude de fanfaronnade qui cache mal la terreur. Il n’y avait point d’épithète injurieuse qu’on ne prodiguât à Frédéric : « Voilà bien, écrivait le grand-duc à son frère, l’abominable caractère de ce monstre… Je reconnais l’infamie du roi de Prusse, qui est plus infâme que jamais ! Mais nous allons donner de toutes nos forces pour non-seulement le chasser de Bohême, mais même de la Silésie et au-delà, car je me flatte qu’on le rosse comme il faut, et il le mérite, n’ayant ni foi, ni honneur, ni religion. Ce serait beau d’écraser ce diable-là tout d’un coup et de le mettre hors d’état de le devoir jamais craindre. » Et l’irritation du prince était si bien partagée par la foule qu’il fallut mettre des gardes à la porte du ministre de Prusse pour éviter que sa vie ne fuit compromise dans un tumulte populaire[7].

Marie-Thérèse seule, quoiqu’en réalité aussi déçue, et peut-être même plus que tout autre (car la faute qui causait le péril lui était particulièrement imputable) ce perdit pas son sang-froid. De gré ou de force, elle dut bien reconnaître enfin que le seul parti à prendre était de rappeler immédiatement le prince Charles, en lui recommandant même assez de diligence pour éviter tout engagement avec l’armée française et ramener la sienne intacte de l’autre côté du Rhin. Mais en donnant, de sa propre main, l’ordre qui contenait en réalité l’aveu de son imprudence, elle y joignait une instruction détaillée sur la manière dont cette évacuation devait s’accomplir, pour ne pas laisser absolument sans défense les possessions autrichiennes qui bordaient la rive droite du Rhin et où on pensait que le roi de France porterait son attaque s’il trouvait ses propres provinces délivrées. C’était elles en réalité, fait remarquer d’Arneth, qui paraissait seule avoir conservé l’intelligence et le souci des détails militaires. Les mesures prises, elle résolut de se mettre immédiatement en route pour Presbourg, où sa venue était déjà annoncée et où elle se proposait de faire un nouvel appel au dévoûment inépuisable de ses fidèles Hongrois. Sa présence y était de nouveau nécessaire ; « elle seule (disait un écrivain anglais du temps) pouvant faire régner l’union dans cette nation travaillée par tant de divisions, car elle avait l’art de faire du moindre de ses sujets un héros dévoué à sa cause[8]. »

Le prince Charles, aussitôt l’ordre reçu, se mit en devoir de l’exécuter. Il abandonna successivement ses positions, d’abord Saverne, puis Haguenau, reculant toujours dès qu’il pouvait craindre que le maréchal de Noailles, qui s’avançait, vînt à l’atteindre. Sa préoccupation unique était de ne pas engager d’action, persuadé (dit le procès-verbal du conseil de guerre qui fut tenu a cette occasion) que de la conservation de son armée dépendait celle des états héréditaires de la maison d’Autriche et qu’une victoire même, accompagnée, comme elle le serait, de pertes inévitables, pourrait tout compromettre. Par la même raison, Noailles devait à tout risque et à tout prix chercher le combat. La célérité de la marche, la vigueur de l’attaque, n’avaient jamais été plus nécessaires. Par malheur, les premiers indices du mouvement de retraite des Autrichiens lui parvinrent en même temps qu’il recevait de Metz les bulletins les plus alarmans et presque désespérés de la maladie du roi. Quelque douloureuse que fût la surprise, un grand citoyen, un véritable homme de guerre, aurait dominé son émotion pour ne penser qu’à son devoir. Noailles n’eut pas cette fermeté d’âme. Toutes les conséquences publiques et privées de l’événement qui menaçait apparurent à la fois à son esprit. Le roi mort, qui prenait sa place ? Un enfant gouverné par une mère que personne n’avait songé à ménager et qui devait en vouloir aux favoris de la veille de leur complaisance pour les faiblesses de son époux. La pensée de cette ruine possible, certaine même, de son crédit, la crainte de la responsabilité qu’il encourrait si un échec, dans cette heure critique, pouvait lui être imputé le jetèrent dans une perplexité qui se trahit par la mollesse et l’incertitude de ses résolutions. Il poursuivit lentement les Autrichiens, ne s’éloignant qu’à regret de Metz, d’où une nouvelle décisive pouvait à tout moment arriver. Quand il atteignit enfin, le 23 août, l’arrière-garde ennemie, ce fut seulement à la tombée du jour, dans un terrain marécageux, où, dès le commencement de l’action, la cavalerie s’embourba, hommes et chevaux culbutant les uns sur les autres. De là une confusion générale à laquelle la nuit seule vint mettre un terme. Noailles se crut vainqueur, parce que les ennemis avaient fui devant lui avec une hâte qu’il prenait pour de la terreur et qui n’était qu’une feinte habile pour se rapprocher plus rapidement du Rhin, dont le passage était déjà commencé. L’opération fut continuée et terminée le lendemain, pendant que les troupes françaises prenaient une journée de repos. Bref, le 24 au soir, l’armée autrichienne tout entière était sur la rive droite du fleuve avec son matériel intact. Le feu fut mis sur-le-champ aux ponts qui avaient servi à la traversée pour arrêter une poursuite que Noailles, d’ailleurs, n’essaya pas.

C’était ce même jour, 23 août, que Frédéric entrait en Bohême : il s’y était rendu par la ligne directe, traversant la Saxe malgré la résistance épeurée d’Auguste III, qui protestait contre la violation de son territoire. Mais on lui produisit une réquisition en règle de Charles VII, qui, en sa qualité de chef du saint-empire, exigeait le passage à travers tous les états allemands d’une armée auxiliaire qui venait à son secours. Il fallut se rendre à une invitation appuyée par quatre-vingt mille hommes en armes, et même remercier les Prussiens de ne pas faire plus de dégât sur leur chemin. La Bohême étant à peu près dégarnie de troupes, Frédéric comptait arriver sans résistance jusqu’à Prague, dont il s’apprêtait à faire le siège. On peut juger quels furent sa surprise et son mécontentement quand il apprit que l’armée qu’il croyait paralysée ou anéantie en Alsace était au contraire dégagée, libre de ses mouvemens, en pleine marche vers le nord et prête à se trouver d’un jour à l’autre en face de lui ! Toutes ses espérances étaient déçues et tous ses plans renversés du même coup. Au lieu d’un succès facile emporté par surprise, c’était une lutte sérieuse à soutenir. Rien ne l’assurait plus que la France, délivrée de ses propres inquiétudes, ne lui laisserait pas sur les bras (comme il l’avait toujours craint) l’embarras dont elle venait elle-même de se décharger. Naturellement enclin à la méfiance et prompt à avoir l’injure à la bouche, il vit tout de suite une trahison cachée dans ce qui n’était que le résultat fâcheux, mais assez explicable, d’une complication imprévue. Il n’hésita pas à exprimer assez clairement ses soupçons dans une lettre adressée à Louis XV lui-même, bien différente des flatteries dont il le comblait la veille, et où il ne prenait presque pas la peine de lui parler de la part qu’il avait prise à sa maladie et de lui faire compliment sur sa guérison. « Monsieur mon frère, lui disait-il, je viens d’apprendre avec la plus grande surprise du monde le passage du Rhin du prince Charles, heureusement exécuté. Je prie Votre Majesté de se ressouvenir des engagemens qu’elle a pris envers moi et de me décider dans un cas où je ne sais quel jugement porter de ce qui arrive. Je la prie de se souvenir de ce que je lui ai écrit à tant de reprises et de me dire elle-même ce que j’ai à attendre de la France, ou si je n’ai rien à attendre du tout. A peine me suis-je déterminé à tout faire pour la France que je me vois pris au dépourvu. Tout cela m’est bien sensible, mais je l’attribue à l’indisposition de Votre Majesté. » Une épître plus vive encore, adressée au maréchal de Schmettau, servait de commentaire à celle-ci… « Je ne sais, disait-il, ce que je dois penser d’un tel procédé du maréchal de Noailles, qui le couvre de honte et de confusion… Aussi veux-je que vous en fassiez des plaintes amères au roi de France. » Il l’engageait pourtant en terminant à ne pas trop aigrir le roi. « Mais, ajoutait-il, je regrette la disgrâce de Mme de Châteauroux[9]. »

Schmettau n’avait garde, on le pense bien, de tenir secrète et surtout d’atténuer l’expression d’une irritation qui s’exprimait dans de tels termes. Il jeta tout haut feu et flamme contre le maréchal de Noailles, en ajoutant ce que son maître ne voulait pas dire, mais n’était pas fâché qu’on devinât : c’est que les choses n’auraient pas pris ce tour fâcheux et suspect si on avait suivi, dans le choix du général envoyé pour diriger l’expédition du Rhin, l’avis de ceux qui connaissaient l’Allemagne. De telles paroles trouvaient à Metz plus d’un écho pour les redire et même pour les porter, malgré la distance, au camp jusqu’aux oreilles du maréchal de Noailles. Averti du travail fait contre lui, Noailles se justifia avec une certaine noblesse en s’adressant d’abord directement au roi de Prusse. Après avoir établi avec plus ou moins de vérité ou de conviction qu’il n’avait ni perdu un jour, ni négligé une précaution : « Il n’est pas de la prudence., Sire, ajoutait-il assez hardiment, de censurer les manœuvres de la guerre lorsqu’on est éloigné des lieux où elle se passe… Qu’il soit permis à un homme qui sert depuis cinquante-deux ans, qui doit avoir quelque expérience, et qui s’intéresse véritablement à la grandeur et à la gloire de Votre Majesté, de la mettre en garde contre les imaginations de guerre, dans lesquelles on n’a pesé ni les avantages, ni les inconvéniens des projets, en se laissant séduire par les apparences du grand et du vaste, sans combiner ni les mesures ni les moyens… Ces imaginations sont bien différentes du vrai génie de guerre qui connaît des principes et des règles, et qui sait que ce n’est qu’avec une extrême circonspection qu’on se garantit des écarts d’un zèle et d’une ardeur inconsidérés. » Il écrivait en même temps au roi pour demander la permission de se rendre auprès de lui en personne, afin de conférer sur la suite à donner à la campagne commencée : en réalité, c’était demander à venir plaider sa cause. « Je serai ravi de vous revoir, monsieur le maréchal, répondit Louis d’une main encore tremblante ; vous me trouverez avec bien de la peine à revenir : il est vrai que c’est des portes de la mort. Ce n’est pas sans regret que j’ai appris l’affaire du Rhin ; mais la volonté de Dieu n’était pas que j’y fusse et je m’y soumets de bon cœur, car il est bien vrai qu’il est maître en toutes choses, mais un bon maître. En voilà assez, je crois, pour une première fois[10]. »

La lettre du roi semblait respirer à la fois et son ancien attachement pour son conseiller préféré et les nouveaux sentimens de piété dont, depuis sa pénitence, on le disait animé. En réalité, cependant, quand Noailles arriva à Metz, il trouva l’une et l’autre de ces dispositions également en train de se refroidir. A mesure, en effet, que les forces du convalescent revenaient, les spectateurs malins pouvaient remarquer que sa dévotion, d’abord très expansive et ne tarissant pas en expressions de reconnaissance envers Dieu, devenait plus réservée et moins prompte à se manifester au dehors. Par momens même, on voyait passer un nuage sur son front quand un incident rappelait les scènes qui s’étaient passées auprès de son lit de souffrance, comme si la pensée lui venait qu’il avait peut-être poussé la soumission jusqu’à compromettre la dignité royale et pris des engagemens dont les passions, qui se rallumaient insensiblement avec la santé et la vie, allaient se trouver gênées. Ses prières étaient moins longues, ses conférences avec le père Pérusseau moins fréquentes, sa tendresse pour la reine moins démonstrative. Faut-il ajouter, comme l’affirme dans ses Mémoires, avec une indécence malicieuse, la vieille duchesse de Brancas, que la pauvre reine, toute heureuse de se croire aimée de nouveau, se donnait le tort de jouir avec trop peu de discrétion de son triomphe, s’en laissait félicitée tout haut par ses dames, et qu’elle fut même assez mal inspirée pour essayer d’attester cette reprise de possession, par je ne sais quel air de rajeunissement dans son extérieur et de coquetterie dans sa toilette qui prêtait un peu à rire ? Rien n’était plus propre assurément à faire naître dans la mémoire de son époux des regrets et des comparaisons qui n’étaient pas à son avantage[11].

Quoi qu’il en soit, cette altération insensible des sentimens du roi était suivie avec une curiosité railleuse par tous les courtisans ; mais ceux qui s’appliquaient le plus attentivement à en discerner les moindres nuances étaient, comme on peut bien le penser, les ambitieux qui avaient lié leur fortune à celle de la favorite et qui avaient pu se croire un moment entraînés dans sa disgrâce. C’étaient Tencin, accouru à Metz avec les autres ministres à la nouvelle de la révolution du palais, et beaucoup moins soucieux de l’honneur de l’église que touché des malheurs de l’amie de sa sœur ; Belle-Isle, compromis par sa générosité de la dernière heure ; Richelieu surtout, qui, ne pouvant se flatter de faire oublier sa complicité dans toutes les faiblesses royales, n’avait de ressource que de spéculer hardiment sur leur retour. Tous ceux-là voyaient avec un plaisir mal déguisé le roi retourner, par degrés, à ses instincts naturels. Mais en face d’eux, un autre groupe formé des amis de la reine, de Châtillon, gouverneur du dauphin, de tous les gens pieux, en un mot, qui avaient applaudi à la fin des scandales, et de Maurepas (peu digne de : leur être associé, mais qu’un ressentiment personnel enrôlait dans leurs rangs), était également en éveil, craignant à tout moment, de perdre l’ascendant qu’il venait à peine de reconquérir.

Noailles, dans la situation critique où le plaçait sa mésaventure, avait le malheur de ne pouvoir compter sur l’appui ni de l’un ni da l’autre des deux partis qui se tenaient ainsi en observation. Il avait pris trop de part, aux débuts, de la liaison du roi avec Mme de Châteauroux, vécu avec elle pendant les premiers temps de sa faveur dans une trop grande et trop visible intimité, pour n’être pas vu avec défiance par ceux qui avaient applaudi à son départ. Mais l’humeur que, dans les derniers temps, il lui avait témoignée à elle-même de sa présence à l’armée ne le recommandait pas non plus à la bienveillance des amis qui la regrettaient. Puis on paie toujours tôt ou tard, dans le monde, surtout à la cour, les avantages dont on a joui tout seul, surtout quand on les a étalés avec trop peu de ménagement ; le revers de la médaille, c’est qu’au jour de la disgrâce, on n’est défendu ni regretté par personne. Ce fut le sort qu’éprouva Noailles ; il put lire, le jour de sa rentrée à Metz, la malveillance dans tous les regards. « Le déchaînement contre lui est universel, « écrit Luynes dans son Journal, et, effectivement, pendant qu’il traversait les rangs des courtisans pour entrer dans le cabinet du roi, il put entendre murmurer assez haut derrière lui des plaisanteries sur ce qu’il appelait encore sa victoire du 23 août, et ce que toute l’armée avait baptisé du nom de journée des culbutes. Tous les yeux étaient ouverts et toutes les oreilles tendues pour apprendre quel accueil il allait recevoir.

La curiosité fut déçue, au moins ce jour-là, car le roi ne laissa rien voir sur son visage. « Voilà le maréchal arrivé depuis hier, écrivait Belle-Isle au comte de Clermont. Il vint chez le roi sur les huit heures. Sa Majesté jouait ; le maréchal s’approcha, il mit un genou en terre et lui baisa la main. Le roi dit : « Monsieur le maréchal, vous voyez un ressuscité. » Cela dit, il ne fut question de rien de part ni d’autre. Le roi fit des questions générales sur les blessés, demanda où était présentement le prince Charles, M. de Noailles s’en alla, comme tout le monde, après le jeu. » Il y avait pourtant eu un moment, dans le cours de l’entretien, où les malins avaient cru triompher, car le roi avait demandé assez haut : « Monsieur le maréchal, comment avez-vous fait pour ne pas être culbuté comme MM. tel et tel (qu’il nomma) ? » Mais Noailles, sans se troubler, répondit qu’il n’était pas présent là où la confusion avait eu lieu, et profita de la question pour faire connaître la nature de l’accident et les mesures qu’il avait prises afin d’en empêcher les suites. Le roi parut agréer ses explications, a En somme, écrivait Tencin, la réception a été un problème. Est-elle bonne ? est-elle mauvaise ? Les sentimens sont partagés ; ce qu’il en faut conclure, c’est qu’elle n’a pas été brillante[12]. »

Tencin avait raison : les favoris sont comme les amans ; ce qu’ils doivent le plus redouter, ce n’est pas l’irritation, c’est l’indifférence, et la froideur polie du roi dut paraître à Noailles le plus alarmant des symptômes ; mieux aurait valu cent fois des reproches un peu vifs qui lui auraient permis une justification complète. C’est en tête-à-tête, à la vérité, et non dans un cabinet plein de monde qu’une explication de ce genre aurait pu avoir lieu avec utilité. Mais ce fut précisément cette faveur d’un entretien particulier qui fut refusée au maréchal de Noailles. Le roi, alléguant la faiblesse de tête et la difficulté de travail que lui avait laissées sa maladie, s’excusa de ne pouvoir l’entendre sur les faits passés, et, quant aux décisions à prendre, il le renvoya poliment soit au ministre de la guerre, soit au conseil, dont il faisait partie lui-même. Mais ce conseil, où il rencontrait ses rivaux et ses ennemis, comme Tencin et Maurepas, ne tenait plus que des séances courtes et irrégulières, l’état du roi servant encore ici de prétexte pour les abréger ou les renvoyer d’un jour à l’autre. En attendant, tout languissait, toutes les résolutions demeuraient en suspens. Le roi, qui était censé tout conduire, ne dirigeait plus rien, et toute la machine administrative et militaire semblait être, comme lui, atteinte de défaillance.

La situation était pourtant très pressante, car il fallait décider au plus tôt ce qu’on devrait faire pour réparer la faute commise, et si, afin de rejoindre le prince Charles (puisqu’on n’avait pu l’arrêter), on lancerait l’armée française à sa suite au-delà du Rhin. Frédéric ne cessait de demander une résolution prompte et hardie de cette nature, prétendant, non sans raison, qu’on la lui avait promise par le traité signé le 5 juin. Schmettau, excité chaque jour par une lettre nouvelle qui lui enjoignait de pousser à la roue, assiégeait les ministres d’insistances, de mémoires écrits ou de pressantes allocutions. « Mais il aurait plutôt, dit Frédéric dans ses Mémoires, transporté les montagnes que secoué l’engourdissement de cette nation. » Enfin, après plusieurs délibérations assez confuses, on s’arrêta à une demi-mesure ayant pour but d’éluder plutôt que de remplir les engagemens qu’on avait pris. On confia au comte de Clermont un petit corps de troupes qui dut rejoindre l’armée de Charles VII et, de concert avec les Bavarois, s’avancer en Allemagne afin de tendre la main à Frédéric. Quant au reste de l’armée française, on dut bien aussi lui faire passer le Rhin, mais au-dessus de Strasbourg, pour envahir ce qu’on appelait l’Autriche antérieure et mettre le siège devant Fribourg-en-Brisgau, chef-lieu de cette province. Schmettau eut beau représenter que Marie-Thérèse, tenant beaucoup plus à Prague qu’à Fribourg, ne détournerait pas un soldat de Bohême pour aller défendre ses possessions rhénanes, et que cette diversion prétendue serait sans aucune utilité pour son maître, il ne put rien obtenir de plus. On lui avait promis de porter la guerre en Allemagne, on lui tenait parole. Cette exécution littérale devait lui suffire et, sans l’écouter davantage, l’ordre fut envoyé au maréchal de Coigny de commencer le mouvement des troupes vers Fribourg et de préparer les opérations du siège, « Mon gros Valori, écrivait Frédéric en apprenant ces irrésolutions si pauvrement terminées du ministère français, nous prendrons Prague, mais vos Français ne feront que des sottises. »

Restaient encore plusieurs points, et des plus importans, à résoudre. D’abord, le roi partirait-il avec son armée et irait-il encore prendre part aux travaux de ce siège ? Nouveaux débats sur ce point, et des plus vifs. Toute la faculté médicale poussait des cris à la seule idée de voir compromettre, par une nouvelle épreuve, une santé aussi précieuse, sauvée par miracle et encore chancelante, et, naturellement, les amis de Mme de Châteauroux faisaient chorus, pressés qu’ils étaient de ramener le roi là où il aurait la facilité et, par là même, la tentation de se rapprocher d’elle. Richelieu pourtant (il s’en est du moins beaucoup vanté par la suite) ne fut point de ceux qui le conseillèrent dans le sens de la faiblesse. S’il faut l’en croire, le roi, décidément fatigué à la fois de l’héroïsme et de la vertu, ne lui cacha pas son désir de revoir sa maîtresse : « Avant de la revoir, lui répondit-il, faites ce qu’elle vous aurait conseillé et ce que Gabrielle aurait conseillé à Henri IV. » Et ce serait là-dessus que le roi, reprenant courage, aurait annoncé son départ pour le lendemain. L’anecdote, bien que rapportée par une amie très intime du duc, ne mérite qu’une médiocre confiance, car elle se ressent trop du ton de vanterie habituelle à un personnage qui, toute sa vie, a toujours voulu que tout ce qui se passait, en fait de bien comme de mal, de vice comme de vertu, fût attribué à son influence. Rien ne prouve d’ailleurs que Louis XV, à ce moment, bien qu’intérieurement travaillé de désirs et de regrets, eût pris le parti de se donner un nouveau démenti et fait le calcul d’une rechute préméditée. Ce qu’il y a de certain seulement, c’est que, s’il ne recherchait pas encore les sociétés illicites, il était déjà fatigué des légitimes, car, la reine lui ayant demandé la permission de l’accompagner jusqu’à Strasbourg : « Ce n’est pas la peine, » lui dit-il sèchement, et il lui enjoignit de retourner à Versailles après avoir fait visite à son père à Lunéville[13].

Le roi partait donc ; mais qui allait l’accompagner ? qui devait commander sous lui et sous ses ordres, ou plutôt pour lui et en son nom ? Serait-ce Belle-Isle, qui pouvait s’y attendre, tant son nom était fréquemment prononcé dans toutes les lettres du roi de Prusse ? Serait-ce Noailles, en vertu du droit de sa charge officielle ? On apprit bientôt avec surprise que ce ne serait ni l’autre et que Louis, se réservant à lui seul le commandement supérieur, comptait diriger le siège de sa personne, sans autre concours que celui de Coigny. Belle-Isle ne reçut pas la permission de raccompagner au-delà de Strasbourg, et, Noailles ayant demandé s’il devait suivre plus loin : « Comme vous voudrez, » lui fut-il répondu, sans qu’un mot fût ajouté à cette invitation si peu pressante. Ainsi se trahissait chez Louis XV cette inconstance de sentiment, cette incohérence d’esprit qui, le rendant tour à tour confiant ou méfiant à l’excès, le portaient tantôt à se décharger complètement du fardeau du commandement, tantôt à le ressaisir avec jalousie, sans avoir jamais la force ni la patience de le porter longtemps lui-même. Tel il devait se montrer jusqu’au jour où, par une étrange combinaison, il réussit à satisfaire à la fois ses penchans contraires en constituant, d’une part, un ministère public auquel il faisait tout faire et un cabinet occulte dirigé secrètement par lui-même et chargé de surveiller, de contrarier même, à l’occasion, les dépositaires officiels du pouvoir.

En attendant, la campagne, un instant commencée avec tant d’énergie et d’éclat, allait se continuer sous d’assez tristes auspices : la seconde alliance de la France et de la Prusse reprenait tous les caractères de la première. C’était, de nouveau, dans les conseils de la France la mollesse et l’indécision ; de nouveau aussi, chez Frédéric, l’impatience, l’irritation et cette promptitude au soupçon qui semblait faite pour préparer et pour justifier au besoin des représailles : au lendemain de la conclusion du nouveau traité, on eût dit qu’on était encore à la veille de la rupture de l’ancien.

Tel était le triste résultat du temps d’arrêt imprévu qui avait suspendu la marche de Louis XV vers l’Alsace ; et c’est ici qu’on peut voir combien à certains momens de l’histoire (j’en demande pardon aux théories des philosophes) un événement inattendu et insignifiant en lui-même peut changer pour longtemps chez un peuple tout le cours des faits et même des idées. Jamais accident ne fut, à coup sûr, plus impossible à prévoir et ne parut plus promptement réparé que le mal soudain, mais passager, qui menaça, à Metz, les jours du roi ; il est pourtant peu d’événemens du siècle qui aient eu, en tout genre, des conséquences plus fâcheuses et plus étendues. L’effet le plus immédiat, le plus direct (mais non pas le pire), ce fut d’altérer tout d’un coup les relations personnelles qui venaient de s’établir heureusement entre Louis XV et Frédéric au moment où ils entraient ensemble en campagne. La veille, ce n’étaient des deux parts que protestations d’amitié et témoignages de confiance et même d’admiration mutuelles. Frédéric surtout ne tarissait pas en louanges enthousiastes sur les qualités qu’il découvrait chez son allié. Sans doute, ce juge perspicace connaissait trop bien les hommes et surtout en pensait trop de mal, pour être aussi réellement séduit qu’il le prétendait par les éclairs de générosité royale dont était traversée l’âme de Louis XV, et les complimens qu’il lui prodiguait sont trop exagérés pour porter le cachet de la sincérité. Mais le seul fait qu’il prenait soin de le ménager, de le flatter même, comme son élève et son émule, au lieu de le harceler des propos piquans dont il avait criblé la vieillesse de Fleury, attestait un adoucissement de son humeur qui, mettant de la souplesse dans le jeu de tous les ressorts, promettait à la nouvelle alliance de meilleurs jours qu’à la précédente. Tout fut brusquement changé quand on apprit que, faute de pouvoir être conduits par leur roi lui-même, les Français avaient manqué au poste qui leur était assigné pour seconder à temps l’agression prussienne en Bohême. Ce fut un crime impardonnable : Louis XV fut perdu dans l’estime de Frédéric pour s’être donné le tort de ne pas arriver, à tout risque, fût-il mourant, au rendez-vous où il devait se rendre pour lui complaire. Il faut bien penser aussi que les incidens mêmes de la maladie ne contribuèrent pas à réhabiliter le malade aux yeux du prince incrédule. A voir dans quels termes dédaigneux Frédéric s’exprime dans ses Mémoires sur ce roi « entouré de prêtres, de confesseurs et de tout l’attirail que l’église catholique emploie pour envoyer les mourans dans l’autre monde, » on peut juger quelle impression lui laissèrent des scènes qui froissaient chez lui les sentimens du philosophe, au même moment où le général voyait tous ses plans de campagne et le politique toutes ses combinaisons déconcertés. Il n’en fallut pas davantage pour faire déborder de nouveau tous les flots d’amertume que contenait ce cœur irascible. Tout fut dit dès lors entre les deux princes : ils purent se haïr encore quelque temps, ou se mépriser en restant unis, mais on vit se préparer le jour où le dédain railleur de l’un et l’amour-propre blessé de l’autre feraient éclater cette lutte ouverte qui a ensanglanté l’Europe pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, et dont l’issue nous a été si funeste.

Mais si ce changement de dispositions, ou plutôt ce retour à de vieilles habitudes, fut chez Frédéric l’effet de la malencontreuse maladie de Metz, le résultat, plus triste encore chez Louis XV, fut d’arrêter une transformation de caractère qui aurait peut-être pu sauver de la juste réprobation de l’histoire sa mémoire et son règne. Le mal le surprit au milieu de la première résolution virile qu’il eût prise depuis qu’il était en état de penser et d’agir ; si la victoire l’en eût récompensé, qui peut dire que celle-là eût été la seule et la dernière ? Qu’on se figure le roi de France rentrant dans sa capitale après avoir de sa propre main délivré son royaume de l’invasion et vu fuir l’étranger devant ses yeux, quelle n’eût pas été sur son passage l’ivresse de l’enthousiasme populaire ? Qui sait quelle trace une telle journée eût pu laisser dans l’esprit du fils de tant de rois en qui les instincts héréditaires d’une grande race n’étaient pas encore complètement étouffés ? La France eût été fière de son libérateur, qui eût peut-être tenu à rester digne d’elle. Quand un homme a mérité une fois sa propre estime et celle du monde, il lui en coûte d’y renoncer et il lui est aisé de n’en pas déchoir. Combien de destinées et de renommées ont dépendu ainsi d’une occasion saisie ou manquée ! Celle qui s’offrit alors à Louis XV ne se retrouva plus. Quand il revint à la vie, la gloire qu’il croyait tenir s’était échappée ; sa nature molle, fatiguée d’un effort inutile, s’affaissa sur elle-même et ne chercha plus que le plaisir et le repos.

Et pourtant ce ne fut pas encore là le plus grand mal. La conséquence vraiment déplorable de ces scènes douloureuses, ce fut le parti qu’en sut tirer une secte déjà puissante pour décréditer, aux yeux d’une génération travaillée par le doute, l’église et la religion qui avaient été contraintes d’y figurer avec un lugubre éclat.

J’ai dit, à la vérité, et tous les récits le constatent, que le public fut unanime, au premier moment, pour admirer l’humilité de la pénitence du roi et l’austérité courageuse du prélat qui l’assista. Mais telle est la mobilité de l’opinion française qu’il suffit de quelques jours et de la connaissance plus exacte de quelques détails pour la retourner bientôt en sens contraire. Ce furent d’abord des plaintes timides qui s’élevèrent en faveur de Mme de Châteauroux : une femme belle et malheureuse trouve toujours quelque part des cœurs compatissans. Puis le clergé fit la faute de triompher trop bruyamment de la victoire remportée par un prélat sur la conscience d’un roi. Il n’en fallut pas davantage pour inquiéter la susceptibilité des meilleurs catholiques, très facilement alarmés, dans l’ancienne France, de tout ce qui ressemblait à un empiétement de l’autorité ecclésiastique sur les droits et la dignité royale. « On regarde, disait déjà à la fin d’août le chroniqueur Barbier dans son Journal, la conduite de M. l’évêque de Soissons comme la plus belle chose du monde ; moi je la trouve légère et trop satisfaisante pour l’autorité ecclésiastique sur les princes, dans un moment critique… Il faut respecter la dignité d’un roi et le faire mourir avec religion, mais avec dignité et majesté. » Ce sentiment ne. tarda pas à être répandu dans tout le monde parlementaire, avocats et magistrats, défenseurs jaloux de toutes les prérogatives royales, dont l’avocat Barbier n’était qu’un écho. On se rappela qu’une des maximes gallicanes prétendait interdire, même au souverain pontife, d’excommunier publiquement les princes, de crainte que la censure qui pourrait atteindre leurs actes n’entravât l’exercice de leur pouvoir. Un évêque pouvait-il s’arroger le droit qu’on refusait au pape lui-même. C’était le moment d’ailleurs où commençait la fameuse querelle des billets de confession, exigés par l’autorité épiscopale à Paris pour accorder la sépulture chrétienne aux défunts suspects de jansénisme et que le parlement se croyait le droit d’interdire. L’exemple d’une condition imposée à la confession du roi lui-même parut un fâcheux précédent. On rapporte que quelques curés de Paris s’étant permis de lire en chaire l’amende honorable du prince mourant, les gens du roi s’émurent de tant d’audace et firent savoir à l’archevêque qu’ils commenceraient des poursuites si on n’imposait pas silence à ces sujets peu respectueux. Les déclamations des philosophes ne tardèrent pas à faire sur ce point, comme sur tous les autres, écho aux scrupules des légistes, et il est resté acquis à l’histoire que l’église avait profité des angoisses de l’agonie pour humilier la royauté devant l’arrogante domination du fanatisme.

Dieu me garde, après avoir eu le chagrin de dépeindre une société et un temps où tant de consciences fléchissaient sous le débordement d’une corruption trop générale, de blâmer chez l’évêque de Soissons cette vertu rigide que n’avait pu altérer, même le contact pernicieux de la cour ! Fitz-James était dans son droit et dans la dignité de sa profession en proscrivant une femme coupable dont un cardinal n’avait pas craint de se faire, sous ses yeux, l’adulateur et le complice. C’était une réparation qu’il devait à l’honneur de son caractère sacré. S’il eût eu, d’ailleurs, la faiblesse de traiter un pécheur couronné autrement que le plus humble des fidèles, combien de réclamations plus légitimes se seraient élevées contre sa complaisance : intéressée ! Toutefois, s’il est vrai que l’église, comme toute son histoire l’atteste, sans jamais fléchir sur la rigueur des principes, sait en tempérer l’application par égard pour l’état des mœurs, par prudence ou par charité, on peut se demander si c’était pour un évêque bien connaître l’esprit de son temps que de parler tout haut, à un souverain du XVIIIe siècle, comme Ambroise à Théodose. Il est permis de penser qu’avec moins d’éclat et plus de douceur, en donnant une publicité moins théâtrale aux avens du roi, en imposant un châtiment moins cruel à sa maîtresse, on aurait évité de mettre aux prises, dans la conscience des peuples, des sentimens qui sont faits pour s’appuyer et non pour se combattre, le respect de la loi religieuse et celui de la dignité royale, l’indignation contre le vice et la pitié pour le malheur.

Mais ce qui a contribué, plus que toute chose, à envelopper l’ensemble des faits dont Metz avait été le théâtre dans un blâme rétrospectif, ce fut la précipitation scandaleuse avec laquelle on vit Louis XV, à peine rendu à la vie, se plonger de nouveau dans les désordres que, de sa bouche mourante, il avait si sévèrement condamnés. C’est ce honteux lendemain qui a jeté son reflet sur la veille. Louis XV, corrigé, rappelé au sérieux de la vie par les avertissemens de la mort, métamorphosé, comme Shakspeare nous dépeint Henry V d’Angleterre, ou comme le fut notre Charles VII après Jeanne d’Arc, eût donné un exemple respecté de tous et fait honneur à la grande autorité morale qui aurait su réveiller sa conscience et lui faire souvenir qu’il était roi. Mais quand on le vit plus humilié de son repentir que de sa faute, quel est même le chrétien sincère qui put regarder sans dégoût une dévotion intermittente née de la peur et disparaissant avec elle, et l’espoir du salut éternel négocié au rabais par un ignoble marché de la dernière heure, toujours résiliable et conditionnel ? Rien n’était moins conforme à ce que l’église enseigne sur les conditions de pardon et les effets de la grâce ; mais rien aussi n’était plus propre à exposer l’église elle-même aux plus fâcheuses méprises et aux comparaisons les moins avantageuses. La philosophie eut beau jeu à chercher dans son histoire, pour l’opposer à un tel spectacle, l’exemple rare (mais qui n’est pas introuvable) du petit nombre de sages qui ont su s’attacher au bien durant le cours de leur vie et rester fermes devant la mort sans être soutenus par l’attente d’une récompense dans l’immortalité.

On mesurerait donc difficilement le tort que, dans cette triste journée, comme dans tout le reste de son existence, Louis XV a fait à la religion, dont il conservait le culte extérieur en violant tous ses préceptes. Sans doute, c’est une très fausse manière d’apprécier les doctrines morales et religieuses que de les juger par les vices ou les vertus qu’elles inspirent aux puissans de ce monde qui les professent, — car le pouvoir, à lui seul, est un grand corrupteur, et aucun principe ne suffit pour donner à toutes les âmes la force de résister à ses séductions. Il y a eu peu de chrétiens édifians et encore moins de philosophes austères parmi ceux qui ont porté la couronne. Il faut bien se souvenir, pourtant, que les exemples partis de haut sont ceux que la foule voit de plus loin : dans les temps où les esprits sont partagés entre des idées qui se combattent, le vulgaire, pour décider entre elles, jette volontiers les yeux sur ceux qui, placés en évidence par leur situation élevée, les représentent avec éclat. Un parallèle grossier et superficiel, mais par là même à la portée du plus grand nombre, décide alors, dans un sens ou dans l’autre, le courant de l’opinion populaire. Sous ce rapport, dans le grand conflit qui s’engagea au XVIIIe siècle entre l’incrédulité et la foi, l’Allemagne chrétienne fut mieux partagée que la France. Car si Frédéric prêtait à l’ascendant croissant de l’irréligion l’appui de la puissance doublée du génie, en face de lui la foi mâle de Marie-Thérèse s’offrait à tous les regards dans une auréole de gloire et de vertu, et nul n’avait à rougir de servir avec elle le Dieu qu’elle invoquait. Mais quel est en France le croyant qui aurait osé lever les yeux sur la royauté très chrétienne personnifiée dans Louis XV ?


J’arrête ici, pour le moment du moins, la suite de ce récit, qui ne pourrait être continué sans aborder une phase entièrement nouvelle de l’histoire de cette longue guerre. Une seconde lutte est engagée entre Marie-Thérèse et Frédéric, une seconde alliance conclue entre la France et la Prusse ; mais, bien que les parties intéressées dans le conflit soient les mêmes, le rôle des acteurs, dans ce second acte du même drame, va prendre un aspect tout différent. Un événement qu’on pouvait déjà prévoir, la mort prématurée de Charles VII, en élevant Marie-Thérèse à la dignité impériale sous le nom du grand-duc son époux, lui confère des droits qui n’appartenaient pas à la reine de Hongrie et qui, exercés par sa main vigoureuse, altèrent à son profit tout l’équilibre des forces dans l’empire. Par suite de ce changement, qui n’est pas seulement nominal, la France, détournée du but primitif de ses efforts, puisqu’elle ne peut plus prétendre à disputer la couronne de Charles-Quint à ses descendans, s’éloigne de l’Allemagne pour ne plus chercher la puissance autrichienne qu’en Italie, et l’Angleterre sur mer et dans les Pays-Bas. Le champ du combat s’élargit ainsi et s’étend à toute l’Europe ; en même temps, toutes les positions étant prises et toutes les puissances entrant en guerre à la fois, la parole est surtout aux événemens militaires, et les relations diplomatiques perdent de leur intérêt et de leur importance. C’est un tableau bien différent de celui qui a passé sous nos yeux, et, pour le mettre dans tout son jour, d’autres couleurs seraient nécessaires, peut-être la main d’un autre peintre.


Duc DE BROGLIE.

  1. La duchesse de Châteauroux à Richelieu, 13 août 1744’. (Lettre communiquée par M. de Boislisle.)
  2. Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p. 39-44-60-62. — Fragment des Mémoires de la duchesse de Brancas. — Ces deux documens sont ceux dont je me sois servi à peu près exclusivement dans le récit de la maladie du roi, en laissant de côté tous les mémoires apocryphes et même toutes les actions romanesques qui abondent sur ce triste incident de la vie de Louis XV. Je l’ai complété à la dernière heure en y ajoutant quelques traits d’une relation écrite attribuée au duc de Richelieu lui-même, très différente de celle qu’on peut trouver dans le recueil de Soulavie, et qui m’a été communiquée par M. A. de Boislisle. Ce juge si compétent affirmant l’authenticité de cette pièce, il n’est pas possible de la mettre en doute quoiqu’elle contredise directement, sur plusieurs points importans, le récit de Luynes, qui, arrivé à Metz le lendemain des scènes qu’il raconte, était en mesure d’être aussi bien informé que personne, et celui de Mme de Brancas, propre belle-mère de Mme de Lauraguais. Ce n’est pas la seule occasion où de pareilles divergences se rencontrent entre les assertions des témoins oculaires des mêmes faits ; la défaillance de la mémoire et parfois le défaut de sincérité des narrateurs en donnent une explication suffisante. Pour faire comprendre par un exemple l’embarras où ces contradictions jettent celui qui cherche à les concilier, je dirai seulement que, tandis que Mme de Brancas accuse les médecins de Louis XV d’avoir dissimulé son mal le plus longtemps possible pour ménager Mme de Châteauroux, le duc de Richelieu, dans la pièce curieuse qui m’a été confiée, dirige contre ces mêmes médecins une imputation toute contraire. Il leur prête le dessein d’exagérer la gravité du mal pour entrer dans les vues des ennemis de la duchesse et provoquer son bannissement. Une mention, insérée par l’avocat Barbier dans son Journal, atteste pourtant que l’opinion de Mme de Brancas était celle du public contemporain. (Barbier, août 1744.)
  3. Lettres de Mme de Châteauroux à Richelieu. — Bibliothèque de Rouen.
  4. Lettre de la reine à Maurepas, tirée des archives de M. de Chabrillan.
  5. Mémoires du duc de Luynes, t. VI, l, c, — Mémoire attribué à Richelieu et communiqué par M. de Boislisle.
  6. D’Arneth, t. II, p. 394, 406, 408, 555.
  7. D’Arneth, t. II, p. 556-557.
  8. Ibid., p. 416, 421.
  9. Frédéric à Louis XV et a Schmettau, 31 août 1744. — Pol Corr., t. II, p. 261, 262.
  10. Mémoires de Noailles, t. III, p. 380. — Rousset, t. II, p. 181.
  11. Mémoires de Luynes, t. VI, p. 85. — Fragmens des Mémoires de la duchesse de Brancas.
  12. Rousset, t. I, Introduction, p. CL, CLIII. — Mémoires de Luynes, t. VI, p. 73.
  13. Fragmens des Mémoires de la duchesse de Brancas. — Mémoires de Luynes, t. VI, p. 82.