La Propriété souterraine en France/02

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LA
PROPRIETE SOUTERRAINE
EN FRANCE

II.
LES MINES DE HOUILLE.



Nous avons fait connaître quelle était la situation de la propriété souterraine tant vis-à-vis de l’état que vis-à-vis de la propriété superficiaire[1]. Il faut la voir maintenant aux prises avec les difficultés naturelles qui varient selon la diversité même des gîtes à exploiter. C’est la houille qui nous occupera d’abord. L’origine et la formation de cette substance, qui fournit un si puissant auxiliaire à l’industrie moderne, la législation spéciale qui a régi d’abord l’exploitation de la houille, les procédés d’extraction et les derniers progrès réalisés dans cette branche du travail souterrain, l’industrie et le commerce des combustibles minéraux, enfin quelques-uns des problèmes intéressans qu’ils soulèvent dans la pratique, tels sont les points principaux d’un sujet qui permet d’aborder, outre de hautes questions scientifiques, un des plus curieux chapitres de notre histoire industrielle.

I. – FORMATION ET ORIGINE DE LA HOUILLE.

Les connaissances géologiques sont assez répandues aujourd’hui pour qu’on n’ignore pas que les masses minérales dont se compose la croûte du globe terrestre sont groupées dans un certain ordre, et que la plus grande partie de ces masses existe en couches continues et superposées par assises régulières. Chacun sait que l’étude approfondie de l’ensemble de ces couches a fait reconnaître une série de formations dont la disposition chronologique est hors de doute, bien que la durée des dépôts auxquels elles doivent leur origine soit absolument inconnue. Chacun sait enfin que les couches dont un groupe constitue un de ces terrains stratifiés se sont formées sous l’eau, dans des lacs ou des mers, par voie de sédiment ; qu’elles étaient primitivement horizontales, mais qu’elles ont fréquemment été soulevées lors de l’apparition des montagnes surgissant brusquement, à l’état de roches ignées, de l’intérieur du globe, et que dès lors elles sont devenues des surfaces ondulées et plus ou moins tourmentées dans leur allure par les dislocations du sol. Dans cette vaste échelle des formations sédimentaires, le terrain houiller est situé entre les terrains primaires et les terrains secondaires : il peut être ici considéré indifféremment comme étant à la partie supérieure des uns ou à la partie inférieure des autres.

Pour bien concevoir la manière dont ont pu se former les bassins houillers, il faut se figurer, par la pensée, notre pays tel qu’il devait être au moment de cette période de calme qui a permis le dépôt du terrain qui renferme la houille, alors qu’une atmosphère chaude, brumeuse, riche en acide carbonique, en un mot très propice à une luxuriante végétation, pesait sur le globe entier. L’uniformité de nature des végétaux du monde primitif, dans quelque bassin houiller qu’on les trouve, permet d’admettre, pour la période dont nous parlons, l’uniformité des conditions climatériques, à laquelle contribuait évidemment la chaleur centrale de la terre. Qu’on imagine un sol généralement peu accidenté, parsemé çà et là de collines et de dépressions, mais borné cependant vers le nord par une véritable mer. Les dépressions, rares et de faible étendue, sont devenues des bassins houillers : ce sont ces dépôts lacustres qui, à l’exception cependant du bassin de la Loire, sont relativement si petits et si abondans dans le centre de la France. La mer, qui s’étendait peut-être de l’Ardenne aux montagnes de l’Ecosse et du pays de Galles, est également devenue un vaste bassin houiller qui fait aujourd’hui la richesse de la Belgique, contribue à celle de l’Angleterre, et forme en France le bassin du nord, le second de nos gîtes de combustible minéral. Un tel dépôt pélagien est caractérisé par un lit de calcaire dit carbonifère, dont l’origine est nettement déduite des coquilles marines que les couches renferment, et dont le dépôt a immédiatement précédé celui du terrain houiller. Cette couche marine manque dans les bassins lacustres, dont le lit est un amas confus de fragmens anguleux ou arrondis, de grosseurs diverses, provenant des éboulemens qui ont suivi la production des dépressions du terrain primitif, et cimentés par une pâte de même nature, généralement empruntée à la roche encaissante. La formation qui est venue à la longue combler ces dépressions ne se compose pas seulement de couches de la substance minérale qui lui a donné son nom ; celles-ci n’y constituent au contraire qu’une fraction minime, un trentième au plus de la formation, qui comprend encore, indépendamment du conglomérat que je viens de mentionner, une série de couches indistinctement alternées de grès et de schistes argileux, une sorte de minerai de fer qui malheureusement ne se trouve en France qu’en fort petite quantité, enfin du calcaire d’eau douce. Le plus souvent cet ensemble, où l’on reconnaît fréquemment les traces d’une superposition par ordre de densité des matériaux dont il se compose, est naturellement partagé en quelques groupes partiels qui correspondent certainement à des phases du dépôt et en facilitent la description géologique et industrielle. Il n’est possible de poser aucune règle pour la puissance du terrain, qui, comme celle des couches de houille, est comprise entre des limites fort éloignées, sans qu’aucune relation puisse être établie entre le phénomène géologique et le fait industriel. Naturellement plus grande dans les bassins pélagiens que dans les bassins lacustres, elle est approximativement estimée à 2 kilomètres dans le nord et à 12 ou 1,400 mètres au plus dans la Loire, où cette profondeur est un maximum. L’abondance de ces grès, la présence de galets dans le terrain houiller, sont des indices bien nets de la formation par voie de transport sédimentaire ; mais, en songeant à l’accumulation lente et graduelle des sables à l’embouchure des fleuves et aux amas de grande épaisseur qui se déposent parfois en un jour sur les rives, à la suite de quelque crue torrentielle, on conçoit qu’il est impossible de former aucune conjecture relativement à la durée du dépôt qui a donné naissance au terrain houiller.

Ici se pose la question si intéressante à tous égards de la formation de la houille. L’abondance de végétaux fossiles dans les grès et les schistes qui l’avoisinent fait spontanément concevoir l’idée d’une décomposition végétale. La flore houillère ne comprend pas en effet moins de cinq cents espèces de plantes, au dire de M. Adolphe Brongniart, dont la science botanique a su, par l’étude de simples débris, reconstituer les végétaux qui ornaient alors notre globe. Fécondée par une température qu’on estime au double de celle qu’il possède maintenant, une végétation vraiment tropicale y engendrait, sous notre latitude même, de vastes et splendides forêts de fougères, particulièrement abondantes et caractéristiques, de prêles arborescentes, de sigillaires, de calamités, etc., aux dimensions gigantesques. Les feuilles et les troncs, séparés par l’action des eaux, se rencontrent au milieu des couches, et d’ordinaire dans la direction des plans de stratifications ; mais quelquefois aussi, ce qui est fort remarquable, des végétaux plus ou moins complets y sont debout dans une position perpendiculaire à ces plans, et sont les témoins irrécusables d’un ensablement opéré sur place par les matériaux sédimentaires. On a maintes fois cité le fait, — devenu classique après que le savant Al. Brongniart l’eût révélé il y a une trentaine d’années, — d’une carrière de grès houiller des environs de Saint-Étienne offrant aux yeux de l’observateur, dans une planche naturelle de stratigraphie ; un grand nombre d’arbres fossiles verticalement encastrés dans une couche de 6 mètres de puissance. Le fait n’est d’ailleurs point isolé ; on en trouve notamment de remarquables exemples aux mines d’Anzin et dans une exploitation du bassin de Sarrebruck, où les troncs ont été soigneusement conservés en place.

Probablement creux ou pleins seulement d’une moelle légère, ces grands végétaux ont été remplis intérieurement par la roche encaissante ; ils en sont séparés par une écorce houillère de quelques millimètres, tellement peu adhérente à la roche que l’arbre tombe dès qu’il est privé de point d’appui ; Cette écorce, née de la substance organique de la tige, en garde encore le caractère, et porte même les traces des points d’attache des branches. Ce phénomène intéressant rend évidemment : admissible l’hypothèse de la formation des couches de houille par l’entassement de végétaux enfouis encore humides, pressés, desséchés et finalement minéralisés en masse compacte.

Il ne reste plus alors qu’à expliquer cette accumulation des végétaux ainsi carbonisés. Après avoir vainement essayé d’attribuer pour cause à ce phénomène une action des eaux qui aurait transporté les masses houillères, ou une carbonisation d’immenses forêts surmontant des marécages[2], on en est arrivé à reconnaître, dans l’accumulation des matières végétales formant les couches de houille, les traces d’une végétation aquatique et herbacée, purement locale. Cette hypothèse emprunte même une sorte de sanction à ce fait ; que, si dans une houille pure la décomposition originaire n’a laissé naturellement aucune trace de forme des végétaux constituans, la houille rendue impure par un mélange avec les dépôts sédimentaires porte quelques vestiges de végétaux précisément très petits.

Il est en tout cas permis de supposer, d’après l’analogie complète des caractères du terrain houiller, dans le monde, entier, que le dépôt a dû s’en opérer, uniformément dans de plus ou moins vastes dépressions du terrain primaire devenues, marécageuses, puis transformées en bassins houillers. Quand les formations supérieures se sont déposées, elles ont nécessairement recouvert la formation houillère, et il est absolument impossible de connaître l’étendue absolue des dépôts de combustible minéral, la plus grande partie étant enfouie sans que rien puisse en révéler l’existence, et dès lors sans que la recherche soit autre chose qu’une opération entièrement aléatoire. On ne peut en effet explorer utilement que les points où le terrain houiller n’a point été recouvert, ou du moins ne l’a été qu’incomplètement. Et sur ces points, même dans les bassins les mieux connus, d’après les exemples intéressans, d’explorations suivies de succès que j’aurai l’occasion de citer, on peut encore se promettre plus d’une heureuse surprise. Le terrain houiller ne recouvre jamais d’ailleurs une zone continue d’une bien grande étendue : les calculs les plus récens portent la superficie qu’il occupe à la surface du globe à 550,000 kilomètres carrés, dont 500,000 pour la seule Amérique ; la zone discontinue qui le représente en France n’y occupe guère que 3,200 kilomètres carrés sur les 530,000 que comprend la superficie du sol continental. Telle est l’étendue approximative de la portion des dépressions houillères qui, n’étant pas recouverte entièrement par la série des formations secondaire et tertiaire, est restée à peu près à la surface de la France actuelle. Je dis, à peu près, car nos bassins houillers, sauf un très petit nombre d’exceptions, qui comprend le riche bassin de la Loire, sont au moins partiellement, recouverts par les formations dont je viens de parler.

Pour montrer ce que les recherches de mines de houille ont souvent d’aléatoire, il suffira de citer comme exemple le grand bassin secondaire de Paris, lequel peut recéler un groupe de bassins houillers analogue à celui qui est situé au centre de la France, mais, sans qu’on ose hasarder aucune conjecture à cet égard. Depuis un siècle environ, on annonce, de temps à autre qu’une mine de charbon vient d’être découverte près de Paris. Tantôt ’ ! est à Nanterre ou à Chatou qu’on fait des explorations, comme en 1786 ; tantôt c’est, à Saint-Martin-la-Garenne, aux environs de Mantes, où, durant, la seconde moitié du XVIIIe siècle, on s’est mis, à quatre reprises différentes, à faire des fouilles sur le même point que la tradition avait jadis, sans plus de fondement, gratifié d’une mine d’argent ; tantôt enfin c’est à Luzarches, où la friponnerie et l’ignorance ont tour à tour donné naissance à des compagnies qui y entreprenaient, avec une persévérance digne d’un meilleur sort, des recherches de houille. Or un kilomètre au moins représente, dans les circonstances les plus favorables, la puissance réunie des formations à percer avant d’arriver à un résultat quelconque. Dans ce dernier cas, les explorateurs raisonnaient contrairement aux principes les plus élémentaires de la géologie : par cela seul qu’à Valenciennes les couches houillères se trouvent, par hasard, immédiatement au-dessous de bancs de craie dont l’épaisseur totale est de 200 mètres, attendu que les formations intermédiaires manquent sur ce point, situé à la lisière du terrain de transition, ils voulaient rechercher partout le charbon au-dessous de la craie. Or le terrain houiller ne peut exister dans le bassin de Paris qu’à la condition d’être recouvert par plusieurs formations, dont deux, celle de la craie et celle du calcaire jurassique, ne manquent point à coup sûr ; de plus, le puits de Grenelle et le puits de Passy montrent que la craie seule a plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, et il doit en être à peu près de même du terrain jurassique. On se rappelle la discontinuité de la formation carbonifère ; il pourrait donc parfaitement arriver que le puits, ainsi foré au hasard, tombât, après avoir franchi tous les obstacles du creusement, sur une colline du terrain de transition, au lieu de déboucher dans une dépression houillère, dont l’existence même n’est pas prouvée.

Le terrain houiller n’a généralement pas la régularité que lui assigneraient les indications précédentes : primitivement horizontal, on se le rappelle, il est le plus ordinairement dérangé par des phénomènes contemporains ou postérieurs, d’où résultent des plissemens, des crains, des failles, des brouillages, des rejets, etc., dont il faut chercher la cause dans des accidens généraux ou simplement locaux, et qui peuvent compliquer beaucoup le travail pénible du mineur. Tous les bouleversemens puissans qui ont pu se produire ont marqué leurs traces dans les terrains déjà formés. Sous l’influence de pressions considérables, déterminées par l’irruption de roches ignées qui sont venues les traverser ou les bouleverser, les couches de houille ont été ployées, brisées, dérangées de toute sorte de manières. Ainsi une couche a été pénétrée en plusieurs points par des ramifications du grès dans lequel elle a été déposée, ou inversement elle semble s’être injectée dans la roche voisine par un mouvement brusque et de peu de durée. Ailleurs il y a intercalation d’une roche ignée, qui est venue se placer entre deux couches du terrain, comme si la surface de séparation avait plus facilement cédé lors de la brusque apparition de la roche éruptive. Les couches sont quelquefois complètement renversées ; elles sont brouillées, c’est-à-dire mélangées de matières étrangères. Elles se renflent subitement, pour se rétrécir infailliblement plus loin et même se perdre complètement, comme si la matière encore molle avait été violemment déplacée dans son lit de dépôt par des mouvemens intérieurs. Cette succession de renflemens et d’amincissemens donne même souvent à la couche l’apparence d’un chapelet à grains lenticulaires ; dans ces amincissemens ou crains, alors même que le charbon a disparu, une trace reste le plus souvent visible à l’œil exercé du mineur. Tous ces accidens sont évidemment locaux.

Aux accidens généraux se rattachent nécessairement les plissemens des couches. Les petits bassins lacustres sont d’ordinaire disposés en fond de bateau, parce que dans les deux sens le terrain a été longitudinalement relevé, plus ou moins également, de manière à offrir grossièrement en coupe la y forme d’un arc de cercle qui tourne sa convexité vers le bas. À la superficie, un tel bassin est figuré, dans le cas le plus simple, par une courbe fermée ; la profondeur y croît du centre vers les bords, relevés par les collines du terrain primaire. Mais le type le plus nettement accusé des plis que peut offrir le terrain houiller est le bassin belge, dont nous possédons une portion en France : les couches y forment des zigzags tels qu’on ne peut mieux en donner une idée qu’en en comparant la coupe par un plan transversal à une série de W. Ce fait caractéristique a été produit par une compression violente dans le sens de la largeur du bassin, dont toutes les couches si nombreuses sont régulièrement emboîtées les unes dans les autres par les angles saillans et rentrans, chaque série de plis étant placée sensiblement dans un même plan et les plans de ces plis étant parallèles. Ces plis, souvent extraordinairement brusques, déterminent une série de bassins juxtaposés longitudinalement, dont l’ensemble offre d’ailleurs également des plis longitudinaux. À cela près, les couches du bassin pélagien sont moins irrégulières que les couches des bassins lacustres, où les accidens contemporains de l’époque même du dépôt ont laissé relativement plus de traces.

Enfin le terrain houiller présente une série fort importante d’accidens, tantôt généraux, tantôt locaux, auxquels on donne le nom de failles. Ce sont des interruptions produites, sans relation aucune avec l’allure des couches, par des masses plates de matériaux stériles dont l’épaisseur varie de quelques décimètres à plusieurs mètres. Ces interruptions, accompagnées d’amincissemens et d’étiremens de la houille, ont surtout pour résultat de rejeter soit en haut, soit en bas, certaines portions de couches qui ne se trouvent plus ainsi au même niveau de chaque côté de la faille. Il y a eu dans ce phénomène une rupture du terrain houiller et un glissement brusque d’une partie de celui-ci. On trouve ainsi dans un bassin un ensemble de failles parallèles, le plus souvent en relation ? avec quelque soulèvement des montagnes voisines. Dans ces accidens généraux les ruptures sont peu nombreuses et assez larges, les dénivellations atteignent parfois 200 mètres et réagissent sur toute la série des couches, de telle sorte que si l’une d’elles est souvent assez difficile à retrouver, la distance qui les sépare et qui s’est maintenue donne un moyen facile de chercher les autres. Lorsqu’il ne s’agit que d’accidens locaux, les brisures sont multipliées et étroites, les rejets ne dépassent pas quelques mètres. Dans certaines couches, dit M. Amédée Burat dans son intéressant ouvrage sur les combustibles minéraux[3], les tracés des failles secondaires peuvent être comparés aux fissures d’une glace brisée. — Je n’ai pas besoin d’insister sur l’hésitation qui se trouve alors imprimée à la marche des travaux, malgré les indices généraux ou propres à chaque bassin qui guidaient le mineur dans ces circonstances.

L’épaisseur des couches de houille, qui détermine le mode d’exploitations, est assez ordinairement d’autant moins grande que la couche est plus régulière, de sorte qu’il y a une certaine compensation entre la conduite des travaux d’un bassin et la richesse minérale qu’il renferme. Une couche n’est du reste plus regardée comme exploitable lorsqu’elle a moins de 0m30 d’épaisseur, cas qui se présente assez fréquemment dans le bassin du nord, où du moins le nombre des couches, qui atteint peut-être la centaine, rachète ce qui leur manque en puissance moyenne.


II. – LEGISLATION HOUILLERE.

L’exploitation de la houille, qui est en quelque sorte, connue de temps immémorial, mais dont on n’a entrevu l’utilité industrielle en France qu’à la fin du siècle dernier, apparaît pour la première fois dans ces lettres patentes du 30 septembre 1548 par lesquelles Henri II avait concédé au seigneur de Roberval le monopole exorbitant de toutes les mines du royaume. Le charbon terrestre et les houilles y figurent dans l’énumération des substances minérales que comprend la concession. On conçoit en effet que l’usage du combustible minéral ait longtemps été restreint au chauffage domestique, à la maréchalerie, à la cuisson de la chaux, qu’il se soit répandu avec beaucoup de lenteur, en raison de l’abondance du combustible végétal ; qu’il soit enfin intimement lié au développement de l’industrie, qui a donné à la houille le rang qu’elle occupe aujourd’hui parmi les matières premières. Cependant il est certain que l’Angleterre, où l’emploi du charbon de terre paraît dater du milieu du XIIe siècle, époque à laquelle commençaient, dit-on, les premiers essais d’exploitation en Belgique, en importait chez nous au commencement du XIVe, alors du reste que le bassin de la Loire était déjà superficiellement exploité, ce qui est évidemment dû à la constatation facile du terrain houiller dans cette région. On voit même en 1520 la faculté de Paris délibérer, à la requête du parlement, sur les inconvéniens hygiéniques de la combustion de la houille dans les foyers domestiques. On retrouve la houille parmi les substances que Henri IV avait dans son édit de 1601, exemptées de l’impôt régalien, afin d’encourager les propriétaires du sol à en entreprendre l’extraction ; mais on voit aussi, dans un arrêt du conseil du 14 janvier 1744, portant règlement spécial sur les mines de charbon, que cette libéralité n’avait porté aucun fruit, « soit par la négligence des propriétaires à faire la recherche et l’exploitation desdites mines, soit par le peu de facultés et de connaissances de la part de ceux qui ont tenté de faire sur cela quelque entreprise. Et à ce propos on peut citer un exemple bien remarquable de cette absence de tout esprit déduite qui caractérisait trop souvent l’ancienne administration française. En 1657, Louis XIV, regardant comme nulle et non avenue l’exemption si solennellement proclamée, un demi-siècle auparavant, par son aïeul, abandonnait, pour trente ans, au secrétaire d’état Phélypeaux de La Vrillière son « droit domanial du dixième denier à lui appartenant en toutes les mines de charbon de terre et pierre des provinces du Lyonnais, Forest et Beaujolais. En vain les propriétaires des houillères invoquèrent-ils les dispositions formelles de l’édit de Henri IV ; Louis XIV, dans des lettres de 1660 ; intervenues à l’occasion des difficultés que ceux-ci essayaient de susciter au duc de La Vrillière, rejette leurs prétentions, qu’il qualifie d’artifices, et ajoute que c’est par méprise que le charbon de terre aurait été excepté du droit régalien.

À dater de 1601 jusqu’à Louis XIV, aucun acte général ne paraît avoir été rendu au sujet de l’exploitation proprement dite des mines de houille. En 1689 enfin, le grand roi concédé, pour quarante ans, au duc de Nevers toutes les mines de charbon existant dans la province du Nivernais. Il se montre encore plus libéral pour le duc de Montausier, gouverneur du dauphin, époux de la célèbre Julie d’Angennes, — dont il est peut-être piquant de prononcer le nom, de précieuse mémoire, à propos d’un privilège industriel. Le duc de Montausier obtient, à l’exception des mines de charbon de terre du Nivernais, toutes celles qu’il découvrira de gré à gré des propriétaires, en les dédommageant préalablement suivant et ainsi qu’il sera convenu entre eux, avec faculté de vendre et débiter ledit charbon en gros et en détail. Il est à remarquer que le duc de Montausier avait sollicité modestement un privilège perpétuel ; mais, soit que le contrôleur général des finances eût entrevu l’énormité de cette prétention, soit que l’autorité royale tendît à résister davantage aux exigences de la haute noblesse, la concession avait été limitée comme je viens de le dire. Il est même utile d’observer que, d’après les termes de la concession, différens de ceux de la demande, le privilège n’était en quelque sorte que fictif. Le duc de Montausier mourut avant d’avoir pu connaître les effets de sa concession ; mais sa fille et héritière, la duchesse d’Uzès, — celle-là même dont la gracieuse enfance avait consolé la vieillesse chagrine de Mme de Rambouillet, — fut bientôt obligée de faire interpréter le don royal, par suite d’une contestation grave entre un cessionnaire de ses droits et des exploitans de l’Anjou. Ces derniers voulaient n’attribuer à la donataire que le droit d’ouvrir les mines dans les fonds appartenant soit au roi, soit aux particuliers qui ne voudraient pas en faire l’ouverture. La duchesse d’Uzès demandait au contraire que les mines ouvertes ayant le don de 1689 lui fussent concédées, sauf le dédommagement des propriétaires, et qu’elle pût seule faire ouvrir toutes les nouvelles mines, à l’exclusion même des propriétaires. La question était donc nettement posée ; elle fut nettement tranchée par le roi en faveur de la duchesse d’Uzès, qui, si elle ne put troubler l’exploitation des houillères anciennement ouvertes par les propriétaires, reçut du moins le droit d’ouvrir les mines partout où elle en trouverait, en s’arrangeant avec ces propriétaires, ainsi que le droit de les empêcher de fouiller leurs terrains sans sa permission. Ce système ne fut guère en vigueur qu’en apparence, car le 13 mars 1698 un arrêt célèbre, rendu à l’occasion d’un procès intenté au duc d’Uzès, petit-fils du duc de Montausier, par les religieuses de Sainte-Florine en Auvergne, accorda le droit à tous les propriétaires d’exploiter, sans en demander la permission à personne, les mines de houille qu’ils trouveraient dans leurs terrains. Ce régime de liberté absolue fut, je n’ai pas besoin de le dire, la source d’abus désastreux pour la partie importante de la propriété souterraine dont je m’occupe en ce moment, et ils sont constatés dans l’arrêt déjà cité de 17ùû, où on lit que cette liberté indéfinie a fait naître en plusieurs occasions une concurrence entre les propriétaires, également nuisible à leurs entreprises respectives.

Le régime fatal inauguré par l’arrêt de 1698 ne fut pas, grâce à la singulière élasticité des règlemens de l’ancienne monarchie, adopté dans toute l’étendue du royaume. Dès 1704, on trouve des concessions particulières et exclusives de mines de houille faites par le souverain à divers seigneurs ; elles soulèvent naturellement des oppositions de la part des propriétaires du sol, qui invoquent l’arrêt de 1698 comme ils avaient, jadis invoqué l’édit de 1601, et ne veulent pas se contenter des indemnités de dédommagement qui leur étaient allouées. Louis XIV cette fois n’ose pas les évincer complètement, mais il stipule un délai de six mois, dans lequel ils doivent ouvrir les mines reconnues dans leurs terrains, sous peine d’être déchus de leur droit au profit du concessionnaire. Plus tard, par des motifs au moins puisés dans la nature toute spéciale de la propriété souterraine, les propriétaires ne purent même user de leur droit que dans le cas où ils possédaient quatre arpens de terre d’une même continuité, et avec cette restriction que les fosses seraient ouvertes à plus de 200 perches de celles du concessionnaire et de 200 toises de celles des autres exploitans. Quoi qu’il en soit, le premier retour aux vrais principes qui doivent régir la matière ne s’opéra que sous les règnes suivans. L’arrêt de 1744, renouvelé par Louis XVI en 1783, vint marquer le premier pas qui doive être signalé dans la voie réglementaire pour les mines de houille ; elles ne purent désormais être ouvertes et mises en exploitation qu’après une permission du contrôleur général des finances. Les exploitans furent assujettis à des déclarations d’ordre et de statistique, à des mesures techniques de sécurité, à des indemnités sérieuses envers les propriétaires du sol ; il ne resta de l’édit de 1601 et de l’arrêt de 1698 que l’exemption du droit de dixième. En 1783, une sorte de règlement pratique fut rédigé, pour l’exploitation des charbons de terre, en des termes qui n’ont pour ainsi dire pas vieilli. Avec les progrès de l’industrie houillère, une sorte de jurisprudence s’établit, par laquelle le contrôleur général des finances s’arrogea le droit d’accorder des permissions provisoires de recherches, de ne donner des concessions houillères qu’aux demandeurs intelligens et suffisamment riches, en exigeant d’eux la justification de travaux sérieux d’exploitation et en tenant la main à ce que les propriétaires du sol, préférés quand cela était possible, eussent au moins dix arpens de terre contigus. À toute époque, la rareté et la cherté du bois sont mises en avant par les demandeurs en concessions houillères. En 1788 par exemple, des bourgeois de Falaise disent dans leur requête que ce charbon servira au chauffage du peuple, qui ne peut continuer à filer pendant l’hiver, vu la rigueur du froid. Dans cette même année, l’Académie des Sciences proposait pour sujet de prix d’histoire naturelle l’indication des faits propres à guider les recherches et les exploitations de houille, et renouvelait sa tentative en 1791, puis en 1793, car le prix ne fut décerné que la troisième fois.

La loi de 1791, qui marque, on s’en souvient, une ère de transition dans la législation minérale, ne s’occupe pas d’une manière particulière des mines de houille ; elles furent en droit, à partir de ce moment, sur le même pied que les mines de métaux autres que le fer, et je n’aurais plus à y revenir, si je ne voulais encore une fois rappeler le régime désastreux que cette loi établit pendant vingt ans, en reconnaissant un droit sur la partie superficielle des mines au propriétaire du sol. On voit dès-lors que, relativement aux mines de houille, elle tendait à entraver le développement de la propriété souterraine, en consacrant et perpétuant des abus que le législateur devait si facilement prévoir, — abus qui subsistèrent jusqu’en 1810, époque à laquelle fut enfin inauguré sérieusement le régime salutaire des concessions. Or, durant cette vingtaine d’années, l’industrie houillère commençait précisément à se développer en France et à y prendre rang ; la production montait de 2,500,000 quintaux métriques à 8 millions, et la, consommation de 4,500,000 à près de 9 millions.

La législation actuelle des mines ne contient rien de spécial en ce qui concerne la houille ; mais cette précieuse substance est, on le conçoit sans peine, étroitement liée à l’histoire moderne de la propriété souterraine en France. C’est elle qui a motivé la loi si importante du 27 avril 1838. Depuis plusieurs années, l’administration ne pouvait parvenir à convaincre les concessionnaires des mines de Rive-de-Gier du tort qu’ils se faisaient à eux-mêmes en ne mettant point un terme aux ravages toujours croissans de l’envahissement des eaux. Avec cet égoïsme cupide qui semble parfois être une des conditions vitales de l’industrie, les possesseurs de la partie supérieure du bassin répondaient en montrant les possesseurs de la partie inférieure anéantis et ne leur faisant plus concurrence, le prix d’extraction moindre et le prix de vente plus considérable ; enfin ils alléguaient l’ultima ratio des industriels, le bénéfice. Quant à l’intérêt public, la production était inférieure à la consommation, et l’avenir des mines était gravement compromis par un système d’exploitation en désaccord avec les règles les plus élémentaires de l’art ; les plaintes surgissaient de toutes parts. L’intervention de l’état était évidemment obligatoire en pareille occurrence ; il fallait forcer les exploitans à assurer la conservation, l’aménagement rationnel du précieux dépôt qui leur avait été confié, et arrêter les ravages irréparables qui devraient être les conséquences inévitables d’une incurie systématique et intéressée. La loi de 1838 atteignit complètement ce but d’utilité publique.

À l’histoire de l’industrie houillère se rattache également la promulgation du décret du 23 octobre 1852 sur la réunion des concessions de même nature. La première phase de l’épisode qui a donné naissance à cet acte complémentaire de la loi de 1810 a été exposée ici même[4] avec trop d’autorité pour que je ne sois pas dispensé d’y revenir en détail ; je me contenterai de rappeler qu’il s’agissait de la puissante agglomération des mines de la Loire, au sujet de laquelle s’était posée, avec toute l’importance d’un fait social (suivant la très juste expression de l’écrivain), la question de savoir si la réunion de plusieurs mines dans une même main était ou non, un acte permis par la loi fondamentale. Le gouvernement avait déclaré à plusieurs reprises qu’il ne se croyait pas le droit de dissoudre des associations de ce genre. En même temps, reconnaissant tous les dangers qu’elles pouvaient offrir ; il refusait à la compagnie l’autorisation de se constituer en société anonyme, et négociait avec elle un fractionnement auquel celle-ci semblait vouloir se prêter. Exhumer aujourd’hui des débats dont la vivacité n’a point été oubliée sans doute de ceux qui suivent avec intérêt les problèmes d’économie publique serait tout à fait inutile : qu’il suffise de dire qu’au moment où la révolution de février éclata, elle trouva les passions locales dans une effervescence que la situation politique ne devait certainement pas calmer. La question se présenta donc de nouveau avec toutes ses exigences ; la puissante compagnie traversa sans encombre cette époque difficile, qui pouvait lui être particulièrement fatale. Enhardie peut-être, elle rêva, il y a cinq ans, une association avec des mines d’autres bassins houillers, et ne fut arrêtée que par le décret dont je viens de rappeler la date. Ce décret n’atteignait pas d’ailleurs non plus que le projet de loi présenté dans le même sens, à la fin de 1848, à l’assemblée constituante et retiré après le 10 décembre, l’agglomération des mines de la Loire, attendu que ses envahissemens progressifs étaient depuis longtemps passés à l’état de faits accomplis. Néanmoins le fractionnement de la grande association houillère a été une conséquence directe de cet acte important de la législation minérale ; la dissolution de la compagnie des mines de la Loire sembla nécessaire au gouvernement, et des propositions que celle-ci fût invitée à lui soumettre aboutirent finalement, le 17 octobre 1854, à quatre décrets qui autorisaient autant de sociétés anonymes, représentant la société qui avait en vain poursuivi jusqu’alors l’homologation de ses statuts. Le démembrement fut consommé avec l’aide du Crédit mobilier, qui, concourant à la solution financière de cette question délicate, s’est chargé de desservir la dette de la compagnie primitive et a pu opérer le fractionnement sans trop de secousses pour les intéressés des compagnies nouvelles.

Pour bien comprendre le rôle de cette gigantesque association, qui a encouru des reproches mérités, mais qui a aussi rendu de grands services à l’industrie houillère de la Loire, il convient de se reporter à l’époque où il s’agissait d’effectuer dans ce département la régularisation prescrite par la loi de 1810. Cette opération ne put être achevée qu’en 1824 ; quatorze ans furent perdus dans une lutte acharnée entre les propriétaires de la surface, qui voulaient ressusciter le système de la propriété privée, et les exploitans, leurs fermiers, qui invoquaient comme titre la création à leurs risques et périls de l’industrie houillère. Comme il arrive trop souvent dans un conflit de passions locales, une transaction déplorable fut substituée à la solution rationnelle que réclamait le problème, et annihila de cette façon les effets salutaires qu’avait eus en vue le législateur de 1810. Les propriétaires se réunissaient en nombre suffisant pour présenter à l’administration une superficie capable de former le périmètre d’une concession, demandaient cette concession, tracée sans relation aucune avec l’allure déjà assez nette du terrain houiller, l’obtenaient, et reprenaient le lendemain la libre disposition du tréfonds, réalisant ainsi illégalement le système proscrit par la loi et en tirant les conséquences fâcheuses qu’il ne peut manquer d’entraîner. Quant aux petits propriétaires, ils reçurent cette redevance tréfoncière exorbitante et exceptionnelle dont j’ai parlé ailleurs. Le bassin de la Loire, où devaient poindre plus tard les dangers du monopole, fut le théâtre d’une concurrence excessive, dont la houille en nature était la monnaie courante et dépréciée. Les concessionnaires se la partageaient, les propriétaires du sol la recevaient pour redevance, les ouvriers même la prenaient en guise de salaire. Le premier remède apporté à cet état d’anarchie, de gaspillage et finalement de misère fut la constitution de sociétés particulières ; j’ai dit tout à l’heure combien il fut insuffisant, en faisant connaître l’origine de la loi de 1838. C’est quelques années plus tard que, sous prétexte de mettre fin aux inconvéniens évidens d’un morcellement irrationnel du sol houiller, se forma la vaste association qui groupa les sociétés elles-mêmes et vint se heurter contre l’excès contraire, tout en réparant dans une certaine mesure les fautes dont elle héritait.

Dans de certaines limites, l’agglomération dans les mêmes mains des concessions de mines est en effet une bonne chose, eu égard à la concentration qu’exige forcément un aménagement rationnel de la richesse minérale, aux moyens puissans qu’il faut souvent employer pour vaincre des obstacles qui peuvent être gigantesques, pour extraire les minerais, pour épuiser les eaux, pour créer, les chantiers d’exploitation, eu égard encore aux capitaux considérables que réclame une industrie qui ne peut être convenablement exercée que sur une grande échelle. On conçoit combien, industriellement parlant, une compagnie puissante peut être plus propre que des concessionnaires individuels à l’aménagement d’un bassin houiller : mais la concurrence est commercialement indispensable ; sans elle, le champ resterait ouvert au monopole. Il est temps maintenant d’aborder la question du travail souterrain lui-même, qu’on n’a pu jusqu’ici qu’entrevoir.


III. – PROCEDES D’EXPLORATION.

Il ne peut entrer dans le plan de cette étude de décrire minutieusement les procédés si variés employés pour l’exploitation de la propriété minérale ; mais il est du moins possible, sans sortir des considérations générales, de donner une idée suffisamment nette des ressources dont dispose le mineur pour arracher à la terre les trésors qu’elle recèle. L’art des mines n’est du reste, jusqu’à un certain point, que le résultat d’une pratique séculaire, améliorée par des notions théoriques qui sont venues tardivement, à la suite du progrès des sciences dont cet art est tributaire, fournir les moyens d’expliquer ce qui s’était toujours fait, et faciliter le perfectionnement des méthodes d’exploitation. J’indiquerai plus particulièrement quelques-uns des procédés propres à mettre en lumière la puissance du génie humain s’appliquant à l’extraction des produits minéraux.

Le hasard préside le plus souvent à la découverte des mines ; cependant, en ce qui touche la houille, la présence de la formation géologique à laquelle appartient cette précieuse substance est, on a pu le concevoir, un indice suffisant pour entreprendre des explorations offrant des chances de réussite. C’est en semblable circonstance par exemple, lorsqu’il existe des exploitations houillères dans le voisinage, qu’un sondage, bien moins dispendieux que le creusement d’un puits, peut être pratiqué avec avantage. On sait que ce procédé, qui n’est point particulier à l’art des mines et qui est notamment usité pour le forage des puits artésiens, consiste à percer un trou de petit diamètre au moyen d’un assemblage de tiges en fer ou en bois de 5 à 6 mètres de longueur, suspendu par une extrémité à une chaîne attachée à un engin qui varie avec la profondeur, et terminé à l’autre par un outil approprié à la nature du terrain et aux diverses phases de l’opération. Cette immense tarière, que MM. Mulot et Kind, dont les puits de Grenelle et de Passy ont rendu les noms populaires en France, et M. Degousée ont si bien perfectionnée, sert maintenant à attaquer la roche, à extraire les produite de l’excavation et les boues qu’ils engendrent, à retirer du trou les fragmens des tiges ou des outils à la suite d’un accident qui en a déterminé la rupture, aussi bien que les corps étrangers dont la chute peut entraver le sondage[5], enfin à constater la nature et l’épaisseur des roches traversées aux diverses profondeurs, de manière à permettre de se figurer toute la succession des terrains ; elle sert même à vérifier la direction et l’inclinaison des couches. Je n’ai pas besoin de dire combien un sondage, d’autant plus difficile et plus cher que le trou est plus profond, est minutieux, combien les conditions varient avec la nature des terrains où il est pratiqué, combien le moindre accident fait perdre de temps et d’argent, au point d’obliger parfois à interrompre un forage pour en recommencer un autre. Il suffit de noter que, dans les recherches de houille, le diamètre du trou, variable avec la profondeur finale et le terrain où il est creusé, n’est plus au fond que de quelques centimètres. Ce n’est pas sans un sentiment réel d’admiration qu’on peut penser à un sondage récemment exécuté par M. Kind, pour la compagnie du Creuzot, afin de rechercher le terrain houiller, et dépassant la profondeur de 800 mètres.

Indépendamment des sondages et des puits, verticaux ou inclinés suivant la couche dont on connaît l’affleurement à la surface du sol, on se sert encore utilement, dans les explorations de houille, de simples tranchées à ciel ouvert, menées normalement à la direction présumée de cette couche et plus ou moins profondément. Trois exemples pris dans des régions différentes de la France, où des recherches ont été couronnées d’un plein succès, montreront l’intérêt qui doit s’attacher à ces sortes de travaux.

Le plus important des bassins houillers de la France est celui de la Loire[6], où une trentaine de couches d’un combustible minéral de qualités pures et variées offrent ensemble une cinquantaine de mètres d’épaisseur. Ce bassin repose sur un conglomérat de roches brisées qui occupe une assez grande superficie, et comprend quatre systèmes ou séries de couches dont la séparation est nettement accusée par des massifs stériles, plus ou moins considérables, essentiellement formés de poudingues et de grès. On avait primitivement supposé, avec une apparence de raison qui s’est heureusement évanouie devant une plus grande somme de connaissances acquises, que la ligne de partage des vallées du Rhône et de la Saône était également la ligne de séparation de deux bassins distincts, empruntant leur nom aux deux grandes cités manufacturières qui se sont élevées sur ces centres houillère, à Saint-Étienne et à Rive-de-Gier. Nul n’était mieux préparé à discuter cette hypothèse que M. Gruner, ingénieur en chef des mines, qui a consacré une partie de sa vie à une étude approfondie du terrain houiller de la Loire : il a montré que les deux groupes houillers de Saint-Étienne et Rive-de-Gier ne formaient en définitive qu’un bassin unique ; il a défini nettement les rapports de superposition et la situation relative des couches désormais communes, en même temps qu’il indiquait l’étendue probable de chacune d’elles et qu’il inventoriait approximativement la richesse houillère du département de la Loire. On aperçoit tout de suite les conséquences industrielles d’études géologiques conduites avec cette persistante sagacité que le succès manque rarement de consacrer. Le prolongement de ces couches de Rive-de-Gier, à la fin desquelles on pouvait se croire arrivé, augmente immédiatement notre fortune houillère de toute la quantité de houille qui reste encore à extraire en ce point de notre territoire. — D’un autre côté, le bassin prussien de Sarrebruck et le bassin de la Belgique vont nous offrir deux exemples bien remarquables des nouveaux gîtes de houille que des travaux de recherche menés à grands frais et avec une patience extraordinaire ont récemment conquis à l’industrie française. Là encore nous rencontrerons des membres du corps des mines contribuant activement au développement de la richesse houillère du pays.

« On rapporte, lit-on dans un ouvrage sur le bassin houiller de la Sarre[7], que la manière dont le terrain est limité à l’ouest de la Sarre ne fut pas sans influence sur la division du territoire entre la Prusse et la France, définitivement adoptée par la convention du 20 novembre 1815, et que la frontière entre Sarrebruck et Sarrelouis fut tracée en vue de priver cette dernière des richesses qu’elle avait possédées pendant vingt et un ans. Que le fait soit vrai ou non, et l’on conçoit en tout cas que les Allemands tinssent à rentrer en possession de richesses auxquelles ils avaient à coup sûr des droits antérieurs à ceux de notre conquête, il est certain que le terrain houiller est apparent en Prusse, tandis qu’il ne se montre point dans le département de la Moselle. Il est à peine besoin de dire que cette perte, vivement sentie dans nos provinces de l’est[8], provoque autre chose que de stériles regrets, et l’idée de rechercher sur le sol français le prolongement du bassin prussien germa aussitôt dans les têtes lorraines. Dès 1816, des sondages pratiqués aux environs de Forbach avaient résolu d’une façon péremptoire la question même du prolongement, mais ils n’avaient donné que ce résultat, d’ailleurs fort important. Suivis en 1820 de l’institution d’une concession, les travaux d’exploration avaient à peine pu être transformés en travaux d’exploitation, par suite de l’abondance des eaux rencontrées dans le creusement d’un puits, qui, à une trentaine de mètres de profondeur, donnait déjà 270 hectolitres d’eau par heure. Cette quantité fut même quadruplée un peu plus tard, mais sans paralyser les efforts des exploitans, qui avaient courageusement accru leurs moyens d’épuisement et ne rencontraient plus d’obstacles de ce côté en 1829. Malheureusement le puits, profond alors de 100 mètres, se trouvait placé sur un de ces accidens de terrain qui attendent trop souvent l’explorateur des gîtes houillers à la fin de ses travaux de reconnaissance ; les couches de combustible atteintes étaient dérangées, impures, irrégulières, et finalement une nouvelle irruption des eaux, contre lesquelles on ne se tenait plus en garde, chassa les mineurs des galeries de recherche, qui furent abandonnées ; le creusement du puits fut seul prolongé, et la profondeur de 229 mètres fut obtenue. Après quelques momens d’espoir, dus à la rencontre de couches qui avaient une belle apparence, le découragement s’empara des exploitans, qui voyaient ces couches devenir médiocres, et ils se retirèrent définitivement en 1836 : ils avaient infructueusement dépensé un million !

Cet abandon jeta la contrée dans un véritable désespoir, résultat naturel des espérances excessives qui avaient été conçues, et fit douter un instant du succès de toute entreprise ayant pour but de trouver en France le prolongement du bassin de Sarrebruck de 1819 à 1824, le conseil général de la Moselle avait voté des fonds pour l’exploration du terrain houiller ; ce ne fut qu’en 1843 que la chambre de commerce de Metz émit le vœu que des études y fussent entreprises par les soins de l’administration des mines. Comme le remarque justement M. Jacquot dans l’intéressant résumé de ces études, dont il avait été chargé, le découragement était tout simplement irréfléchi ; le défaut relatif de succès ne tenait absolument qu’à l’imperfection des moyens d’exploration employés et à l’emplacement si malencontreux du puits. Néanmoins la société primitive ne put se reconstituer, et dut vendre sa concession à de nouveaux propriétaires, qui, dans deux sondages entrepris de 1841 à 1845, ne furent pas plus heureux que leurs devanciers.

Si je m’étends à dessein sur ces recherches, ce n’est pas seulement en raison de l’intérêt qu’elles empruntent aux circonstances actuelles de la création d’un centre de richesse minérale destiné à accroître la prospérité industrielle de deux de nos plus belles provinces ; c’est aussi pour donner une idée des alternatives de bonheur et de malheur qui marquent trop souvent les commencemens d’une exploitation minérale. Avec la dernière des dates que je viens de rappeler s’était terminée la phase des revers dans la partie française, du bassin de la Sarre. Une nouvelle société, composée de riches industriels du pays, s’adjoignit à la fin de 1846 l’ingénieur saxon M. Kind ; pourvue alors des moyens les plus perfectionnés, elle entreprit avec rapidité de nouvelles recherches, presque immédiatement couronnées de succès, et qui n’ont eu qu’un court moment d’arrêt, occasionné par la crise industrielle de 1848. Maintenant plus de trente sondages, entrepris par des compagnies créées dans la Lorraine ou à Paris, sont faits de tous côtés avec cette activité fiévreuse qu’engendre le succès ; deux concessions ont déjà été instituées, des demandes en concession s’instruisent ; le terrain houiller, reconnu sur une assez grande étendue, paraît contenir plusieurs couches d’un combustible de bonne qualité, d’allures suffisamment régulières, et d’une puissance totale atteignant parfois une dizaine de mètres.

Un exemple plus curieux encore des dépenses énormes qu’occasionnent trop fréquemment les travaux de recherche nous sera fourni par le bassin du nord. Comme dans l’est, le terrain houiller s’y enfonce, sous des formations postérieures, à une profondeur qui croît à mesure qu’on s’éloigne de la partie représentée hors de France à la superficie, et sans que rien fasse présumer ce qui est relatif, au prolongement souterrain. La complication, qu’introduit dans les recherches cet état naturel des choses explique comment la constatation de la richesse houillère du Hainaut a été réellement précédée du creusement de trente-quatre puits, auquel dix-neuf années et 1,400,000 livres avaient été employés. Ce fut essentiellement un Belge, Jacques Desandrouin, exploitant intelligent et habile de houillères dans la province de Charleroi, qui, en 1720, puis en 1734, grâce à son génie persévérant, dota la France du second, par ordre d’importance, de ses bassins houillers, et jeta les premiers fondemens de ce superbe établissement d’Anzin, qui a aujourd’hui 50 puits de mines en activité, possède 50 machines à vapeur d’une force totale de 1,550 chevaux, et donne du travail à 8,500 ouvriers recevant ensemble un salaire annuel de 4 millions de francs. Constitué en 1757, presque immédiatement prospère, saccagé avec tout le pays par les Autrichiens en 1792, — époque à laquelle 4,000 ouvriers extrayaient déjà annuellement 3,750,000 quint, métriques de houille par 37 puits (on dit que jusqu’alors plus de 150 avaient été creusés) avec 12 machines à vapeur, — exploité un moment par l’état, reconstitué bientôt sur des bases puissantes qui l’ont amené au degré de prospérité dont il jouit de nos jours, le centre houiller d’Anzin, dont la valeur est approximativement représentée par un capital de 43 millions de francs, produit maintenant 12 millions de quintaux métriques de charbon, c’est-à-dire le sixième de l’extraction totale de la France. En 1699, le pauvre village d’Anzin avait 221 habitans ; ce nombre s’élevait à 2,898 en 1801 ; aujourd’hui la commune d’Anzin en compte 5 ou 6,000. À cet accroissement de population correspond un progrès équivalent de l’industrie et de l’agriculture, qui a complètement changé la face du pays.

M. Édouard Grar, dans une remarquable histoire des mines, de houille du nord de la France[9], où il a mis au service d’un vif amour de son pays natal un grand talent et une érudition profonde, a rassemblé tous les élémens propres à faire connaître exactement l’origine du célèbre établissement d’Anzin. C’est la constitution définitive d’une portion française du Hainaut, en 1697, qui a été le motif déterminant des tentatives de recherche faites par ceux qui, après avoir participé aux richesses houillères de la portion autrichienne, s’en voyaient privés tout à coup. Les excitations du gouvernement français donnèrent lieu à d’innombrables explorations, à quelques-unes desquelles il contribua pécuniairement, mais dont aucune ne réussit. Sans se laisser effrayer par un infructueux engloutissement de capitaux considérables, comptant sur des connaissances techniques que ne possédaient pas ses prédécesseurs pour lutter contre les difficultés du terrain et l’abondance des eaux, le vicomte Desandrouin s’associa quelques hommes habiles, parmi lesquels les Mathieu, les Taffin, les Laurent, méritent d’être cités à côté de lui. Au commencement de 1720, c’est-à-dire au bout de dix-huit mois, l’audacieux explorateur tomba à Fresnes sur une couche de houille qu’il attaquait avec joie, lorsqu’à la fin de cette même année une irruption subite d’eaux, qu’il fut impossible de maîtriser, envahit ses travaux et l’obligea à les abandonner complètement. Desandrouin, voyant surtout dans son échec la certitude de l’existence de la houille, ne se découragea point, abandonné de ses associés primitifs, en recrutant d’autres, suivait jour et nuit les phases de son entreprise, il consacra 100,000 écus à la réalisation du projet de recherche dont il était l’auteur. Dans un conte en vers, intitulé le Noble Charbonnier et destiné à montrer que l’histoire de l’industrie peut s’allier à une inspiration poétique de bon aloi, M. Audenelle, membre de la Société d’agriculture, sciences et arts de Valenciennes, a raconté sous une forme attachante la découverte de la houille dans le Hainaut. Il représente son héros parcouant la campagne en proie à son idée créatrice, obsédé plus souvent par le doute que soutenu par l’espérance, souriant à peine à une fille chérie, vingt fois abandonnant la partie, vingt fois la reprenant, arrivant à ce moment suprême où le défaut de ressources va définitivement faire évanouir son rêve, apercevant déjà l’usurier qui s’abat sur son vieux donjon, se voyant traité de fou par cette opinion publique qui n’a de gloire que pour le succès, jetant pourtant un regard prophétique sur ces bienfaits de l’industrie qu’il ne lui aura pas été donné de réaliser, mais qu’un autre saura certainement produire, et bénissant ses enfans dans une dernière étreinte. C’est alors que le drame se termine d’une façon vraiment touchante par l’apparition d’un char pavoisé portant le premier morceau de houille extraite du Hainaut. L’histoire du Noble Charbonnier n’est, on le dit, en grande partie que l’histoire même du vicomte Desandrouin.

Ce ne fut que vingt-deux ans après la découverte de la houille à Anzin que se forma la compagnie des mines de ce nom, née d’une fusion de la société Desandrouin avec deux compagnies rivales. En effet, les imitateurs devaient encore moins manquer après le succès qu’auparavant, et le mouvement que je signalais tout à l’heure dans l’est n’est que la reproduction de ce qui se passa dans le nord pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. De plus, les recherches furent entreprises un peu à tort et à travers, et, si quelques-unes furent heureuses, le plus grand nombre ruina ceux qui les faisaient. Parmi les trois compagnies qui découvrirent la houille, aucune ne put d’ailleurs l’exploiter avec bénéfice. Ce ne fut donc point devant la concurrence que la compagnie Desandrouin baissa pavillon ; ce fut à la suite d’une lutte judiciaire qu’il serait trop long de raconter ici. Deux ans après la création de la compagnie d’Anzin, le noble charbonnier mourut, comme s’il eût alors, remarque ingénieusement M. Grar, accompli sa tâche. Au moment de la révolution, le bénéfice annuel de la compagnie d’Anzin était de 1,200,000 francs. Le génie industriel semble héréditaire dans la famille Desandrouin, car ce fut le fils qui, après la dévastation autrichienne, releva l’établissement créé par le père. Il en est de même de cette famille des Mathieu, que je viens de nommer à côté de Desandrouin, et dont les membres trouvaient, en 1834, la houille sur un autre point du Hainaut et fondaient la compagnie de Douchy.

Il s’écoula en effet un laps de temps bien long avant que le prolongement en France du bassin houiller de la Belgique fût reconnu jusqu’à Douai, pour être plus tard également constaté vers Arras et après quelques tâtonnemens dans la direction de Boulogne. Ce ne fut guère qu’en 1830 que le mouvement des recherches reprit avec une intensité qui n’a plus cessé, et qui a été signalée par les plus grands écarts. À peu près à cette époque, quatre nouvelles concessions houillères, dont deux en faveur de la compagnie d’Anzin, furent instituées. On vit à cette occasion se produire un fait qu’il n’est pas sans intérêt de rappeler à ceux qui seraient tentés de croire que nous valons moins que la génération précédente, et que la fièvre de l’agiotage est particulière à l’industrie des chemins de fer : une action qui valait un peu plus de 2,000 francs se cotait 300,000 fr. avant même que le charbon eût été rencontré. D’autres faits du même ordre se rattachent à l’histoire de l’industrie houillère, notamment à l’époque de la crise financière de 1838. Un membre de la commission de l’association houillère du bassin de la Loire citait au conseil général des manufactures, dans la séance du 13 juin 1846, une concession achetée 20,000 fr. et mise en société comme apport de 800,000 fr. avec un fonds de roulement de 300,000 fr., le tout mobilisé en actions. L’industrie, nécessairement aléatoire, des mines était naturellement prédestinée à servir de théâtre aux exploits des manieurs d’argent.

En 1837, dans le département du Nord, soixante-dix demandes de concessions houillères étaient à la fois inscrites à la préfecture ; les sociétés de recherches semblaient sortir de terre, dit un témoin oculaire de l’engouement effréné avec lequel on se livrait dans cette région à la poursuite du combustible minéral. Pendant longtemps, les sondages, qui, dans la période moderne, se substituent aux puits, tombèrent en dehors des limites du terrain houiller que les explorateurs s’acharnaient à poursuivre dans une direction que lui attribuait son allure générale en Belgique. Je ne parle pas de ceux, malheureusement en majorité et ayant absorbé la somme la plus considérable de capitaux, qui ont été entrepris dans l’ignorance absolue des principes les plus élémentaires de la géologie pratique, et qui ne pouvaient aboutir qu’à des résultats entièrement négatifs ; je parle de ceux dont l’emplacement était rationnellement choisi d’après des considérations de voisinage et les caractères scientifiques du terrain. Cependant, grâce à l’intelligente impulsion donnée aux explorations par les études consciencieuses de M. du Souich, ingénieur des mines, la pratique des recherches dans le département du Nord s’est beaucoup régularisée. Finalement le bassin houiller comprend environ une trentaine de concessions successivement instituées, dont l’ensemble produit 20 millions de quintaux de houille, extraits pour les deux tiers, on le remarquera, par la compagnie d’Anzin[10]. Il est bien constaté maintenant que le précieux dépôt s’infléchit en France de manière à laisser en dehors la ville d’Arras, non loin de laquelle il vient passer. Les recherches continuent du reste à être la grande préoccupation des industriels des départemens du Nord et du Pas-de-Calais, et offrent des chances réelles de réussite.


IV. – MODE D’EXPLOITATION.

La tâche de l’exploitant ne commence que lorsque celle de l’explorateur est terminée ; mais il importe d’observer que les deux rôles continuent cependant à être, juxtaposes pour tout concessionnaire qui veut connaître sérieusement la propriété dont il a été investi et concevoir l’édifice souterrain qu’il va y construire, de telle sorte qu’il puisse extraire le plus sûrement et le plus économiquement la plus grande partie de la houille. Les travaux préparatoires constituent une partie essentielle de l’exploitation : ce n’est que par eux que l’exploitant, disposant alors de travaux à divers états d’avancement, peut espérer d’obtenir une extraction régulière et se voir à l’abri des éventualités fâcheuses.

Contrairement aux règles d’un aménagement rationnel de la propriété souterraine, les mines de houille ont primitivement été ouvertes sur les affleuremens mêmes des couches, soit à ciel ouvert, soit par de petits travaux souterrains qui n’avaient pour engins d’extraction qu’un modeste treuil, tout au plus un petit manège ; on se servait de sacs pour tirer le charbon, et de seaux pour épuiser les eaux souterraines. C’est notamment ainsi qu’a été exploité, le bassin houiller de la Loire durant les deux premiers tiers du XVIIIe siècle. Il existe encore maintenant en France quelques mines à ciel ouvert, dans l’Allier et l’Aveyron par exemple, mais elles sont en infime minorité. On atteint de préférence aujourd’hui les couches à une très grande profondeur par des puits et par des galeries qui ne débouchent qu’exceptionnellement au jour ; quand le gîte houiller est situé dans une montagne.

Le creusement de ces puits est à coup sûr l’un des exemples les plus remarquables des luttes hardies que l’homme engage avec la nature pour lui arracher les richesses qui constituent la propriété souterraine, luttes d’où il sort généralement victorieux. Tantôt, quand il rencontre une portion de terrain sans consistance, il y enfonce un large et long tube en fer, enlevant le terrain ainsi isolé de la masse, soit au fur et à mesure de l’avancement, soit lorsque le tube est arrivé à un terrain solide. Tantôt, et c’est par ce procédé que notre compatriote Brunel à creusé l’un des puits qui donnent accès au tunnel de la Tamise, il descend une tour de maçonnerie qui s’enfonce par son propre poids : dans le cas que je cite la tour gigantesque, d’une hauteur de 10 mètres environ, emportait la machine à vapeur qui devait servir à vider l’espace cylindrique ainsi déterminé ; tantôt enfin, et je dois m’arrêter quelques instans sur ce procédé original, dû à l’un des hommes qui entendent le mieux la rechercher du combustible minéral, on ne songe pas à épuiser les eaux, on les refoule d’une manière permanente au moyen de l’air comprimé.

Dans le creusement d’un puits au milieu de sables mouvans et acquifères sur une des rives de la Loire, il s’agissait, — alors qu’un tube d’une vingtaine de mettes avait déjà été enfoncé jusqu’au terrain solide, — de contenir les eaux pour relier hermétiquement le tube à ce terrain. M. Triger, dont la méthode hardie a été plus tard appliquée avec le même succès au foncement des puits dans le terrain houiller du nord, eut l’idée en 1839 de surmonter le tube d’un appareil qu’il appelle sas-à-air, et qui est une modification fort ingénieuse de la cloche à plongeur. Qu’on se figure un vaste cylindre en fonte, muni d’une soupape de sûreté, destinée à empêcher une élévation trop grande dans la pression de l’atmosphère artificielle dont il va être rempli, et de deux portes s’ouvrant en gens inverse, c’est-à-dire vers l’intérieur, pour permettre l’entrée et la sortie des hommes et des matériaux, et placées l’une à la base supérieure du cylindre, l’autre à la base inférieure, — celle qui est au-dessus du tube garnissant le puits. Cette immense boîte est pourvue de deux robinets, situés comme les deux portes dont je viens de parler, et la mettant en communication l’un avec l’atmosphère extérieure, l’autre avec le tube. Durant la période de travail, le premier de ces robinets est fermé, le second est ouvert ; une machine à comprimé de l’air sous une pression de trois atmosphères (deux effectives) dans le sas, et par suite dans le tube - puisque ces deux espaces communiquent ensemble, l’eau est refoulée, et les ouvriers, travaillant à sec au fond du puits, envoient leurs déblais dans le sas-à-air par l’intermédiaire d’un petit treuil. La porte inférieure joue librement, et la porte supérieure est fortement pressée. Au moment où les ouvriers doivent sortir, on ferme la porte et le robinet inférieurs, et on ouvre avec précaution le robinet supérieur ; l’équilibre atmosphérique se rétablit dans le sas-à-air, la porte supérieure peut être ouverte, et les ouvriers quittent le travail. Une manœuvre tout à fait inverse s’opère lorsqu’ils viennent le reprendre.

Il se passe là, on le pressent, des effets physiologiques tout particuliers pour les ouvriers, qui travaillent dans une atmosphère d’une pression double de celle à laquelle ils sont habitués, et qu’il serait téméraire de vouloir beaucoup dépasser, dans cette atmosphère artificielle, l’homme peut à peine siffler ; il ne parle qu’avec effort, et nasille plus ou moins ; il ressent une sorte de bien-être excessif, dû à l’activité de la respiration, accusée par la rapidité du phénomène de la combustion[11], qui est telle qu’il faut des lampes à mèches très petites pour l’éclairage. La circulation du sang toutefois ne paraît pas se modifier ; la sensation de douleur ou tout au moins de gêne ne se manifeste qu’au commencement de la production et au moment de la cessation de l’atmosphère artificielle. Quand l’ouvrier a pris place dans le sas et que la pression de l’air augmente, il éprouve des bourdonnemens et des douleurs d’oreilles pendant plusieurs secondes, et respire avec quelque difficulté ; quand il y revient pour sortir et que l’équilibre ordinaire tend à se rétablir, il se trouve sous l’impression du froid engendré par la raréfaction de l’air primitivement comprimé, et tel qu’un brouillard épais remplit le sas. Enfin, plusieurs heures après avoir quitté le travail, il est sujet à des maux de tête, à des douleurs dans les articulations qui ont parfois été jusqu’à la perclusion des membres, il garde aussi une sensibilité maladive des organes de l’ouïe ; mais, je dois me hâter de le dire, ces effets fâcheux paraissent toujours avoir été momentanés et avoir cédé à un traitement fort simple. Néanmoins il ne faut employer dans un travail aussi exceptionnel que des hommes jeunes, robustes, d’une grande tempérance, auxquels on doit donner une nourriture très substantielle.

Cette compression atmosphérique présente en outre le danger de l’explosion du sas-à-air, et un accident grave de ce genre est arrivé dans le département du Nord à la fin de 1846. Un soir, le couvercle se brisa subitement avec fracas, probablement par suite du mouvement descensionnel qu’avait pris un massif de maçonnerie placé au-dessus de l’appareil. Quatre ouvriers qui se trouvaient dans le sas-à-àir furent violemment projetés contre les parois et tués sur le coup. Quatre autres, qui travaillaient dans le puits, auraient pu se sauver : la porte de communication, en se refermant, avait empêché une diminution instantanée de tension atmosphérique qui eût suffi à elle seule pour tuer ces ouvriers ; mais, dans leur précipitation à remonter, deux d’entre eux tombèrent au fond du puits, où ils se noyèrent, l’eau ayant fait irruption aussitôt après la cessation de la cause qui la contenait, et deux seulement réussirent à s’éloigner, sains et saufs.

On n’a pas toujours à foncer un puits au travers des sables d’alluvion de la Loire, ou dans l’étage supérieur du terrain crétacé, dont les fissures donnent naissance, dans le nord de la France, à des nappes d’eau souterraines d’une abondance exceptionnelle, qu’il faut traverser sur une vingtaine de mètres pour gagner le terrain solide et imperméable. Dans une roche, ordinaire, le creusement se fait parle tirage à la poudre ; les déblais fournis par les coups de mine sont élevés au jour par des moyens dont là perfection est en rapport avec la profondeur du puits. Les eaux fournies par le terrain, et qui pourraient gêner les ouvriers, sont retenues par des moyens appropriés ou conduites dans un réservoir qui est vidé à des intervalles réguliers. Je ne dois pas oublier de mentionner ici l’audacieuse tentative de M. Kind, qui, au moyen d’un engin gigantesque, a foré, comme un trou de sonde ; un puits dont le diamètre avait plus de Il mètres, et qui avait atteint une profondeur de plus de 120 mètres, lorsqu’il a dû être abandonné par suite de l’affluence des eaux.

Le plus souvent verticaux, ronds, carrés, ou, ce qui est beaucoup plus fréquent, rectangulaires, et divisés en compartimens réservés à des usages spéciaux, les puits de mines nécessitent généralement des travaux de soutènement destinés à garantir la solidité des parois. Ces travaux consistent dans le placement d’une série de cadres de bois, espacés en raison de la pression du terrain, derrière lesquels on met des bois de garnissage, reliés par des tirans qui rendent solidaires toutes les parties du système, fortement maintenu à l’orifice du puits, ou par quelques madriers encastrés dans la roche. Quand ces travaux doivent en outre empêcher l’influence des eaux, ils prennent le nom de cuvelage. Telle est la destination qu’ils reçoivent surtout dans le bassin du nord, où la présence de terrains très aquifères est une source considérable de dépenses. C’est ainsi qu’un puits atteignant le terrain houiller à 140 mètres de profondeur a coûté plus de 1,700,000 francs, après avoir exigé l’établissement d’une machine d’épuisement de la force de 530 chevaux. Si l’opération du cuvelage ne laisse pas de présenter des difficultés excessives, le principe du moins en est simple ; l’idée de maintenir ainsi les eaux est due, dit-on, à Jacques Desandrouin, le glorieux explorateur de notre bassin du nord, ou à quelqu’un de ses compagnons. Dans cette succession de couches supérieures au terrain houiller, toutes ne sont point aquifères ; quelques-unes sont imperméables. Il faut, soit réunir deux de celles-ci par des procédés assez parfaits pour empêcher toute infiltration d’eau, soit établir de même dans l’une la base d’un cuvelage assez haut pour que les eaux ne puissent passer par-dessus ce tube, autour duquel elles se tiennent sans entrer dans le puits.

Les galeries, qui forment avec les puits l’ensemble de l’édifice souterrain d’une mine, sont horizontales ou inclinées, et généralement à sections relativement petites. Là encore, le défaut de solidité du terrain est combattu par un boisage ou un muraillement. Ce dernier mode de soutènement, naturellement plus cher, mais aussi d’une durée indéfinie, est réservé pour les galeries de roulage et d’écoulement qui doivent servir longtemps. Le boisage le plus complet est composé d’une série de cadres plus ou moins espacés, et reliés au besoin par des bois de garnissage. Ce boisage n’est garni d’une pièce inférieure que dans le cas, assez fréquent pour les mines de houille, où le terrain exerce une pression de bas en haut : il est souvent réduit à la pièce supérieure, aux deux pièces verticales, et même à une seule de ces dernières, suivant les circonstances. Il s’agit en effet d’une des plus grandes dépenses de l’exploitation, l’air chaud et vicié des mines pourrissant rapidement les bois, et nécessitant un entretien fort coûteux de la charpente souterraine. Le muraillement est parfois commandé par la destination, lorsqu’il s’agit d’une de ces chambres où doivent être placés des foyers, soit pour l’aérage de la mine, soit pour la production de la vapeur d’une machine établie souterrainement.

Il est un ouvrage particulier que je ne dois point passer ici sous silence ; je veux parler du serrement, pratiqué dans une galerie qui reçoit en un point une irruption de sources débouchant par un ensemble de fissures. On dirige momentanément les eaux de manière à ne point être gêné, et on pratique, dans un endroit où le terrain est bien compact, une entaille suffisante, qu’on bouche avec un assemblage de pièces de bois rendu étanche, et que je ne puis mieux comparer qu’à un gigantesque tampon disposé de telle sorte que la pression des eaux tende à le serrer.

Les outils proprement dits du mineur sont le pic et la pointerolle, que le mineur allemand porte figurés en croix sur sa casquette ; il faut y joindre des coins et des leviers en fer, ainsi que tout l’attirail du tirage des rochers à la poudre ; la dureté du terrain détermine si l’on doit faire usage du pic, de la pointerolle ou de la poudre. Ce dernier procédé, qui a été introduit dans le travail des mines au commencement du XVIIe siècle, est exclusivement employé aujourd’hui pour l’entaillement des roches les plus résistantes, excepté lorsqu’il s’agit de travaux très réguliers où la pointerolle reprend légitimement son ancien empire. Dans les gîtes de houille, le mineur trace avec le pic, soit à la base du massif, parallèlement à la couche, soit en un point quelconque d’un lit argileux, un sillon profond ; il découpe perpendiculairement le massif de chaque côté, puis le détache en enfonçant une série de coins à la partie supérieure de la couche, ou en se servant de la poudre quand il s’agit d’une houille dure.

Les méthodes d’exploitation de la houille varient, on le conçoit, selon la nature et la disposition des gîtes. Sans entrer à ce sujet dans des détails qu’il faudrait multiplier à l’infini, je me bornerai à indiquer le procédé usité pour exploiter une mine de houille placée dans des conditions moyennes à tous égards. On atteint les couches le plus bas possible par un puits, dont la coûteuse installation exige la connaissance la plus approfondie de l’allure de ces couches. Ce puits est ensuite relié aux couches, à divers niveaux, par des galeries menées perpendiculairement à la direction des masses houillères. À partir du point où la couche est rencontrée par le puits ou par ces galeries, on mène d’autres galeries, qui découpent la touche en massifs rectangulaires dont les dimensions horizontales sont en relation avec la solidité du terrain. Dans cette première période, les galeries faites dans le charbon donnent des produits ; on procède, dans une seconde période, à l’enlèvement des massifs houillers, en commençant dans la région la plus éloignée et en revenant toujours vers le puits d’extraction. Dans le bassin du nord, où les couches sont nombreuses et peu puissantes, les remblais fournis par les matières stériles tirées du gîte sont assez abondantes pour soutenir les excavations provenant de l’extraction du combustible, sans cependant en remplir complètement les vides. La pose de ces remblais est un travail différent de celui de l’abatage de la houille, et confié à des ouvriers spéciaux qui viennent, à la fin de la journée, consolider les excavations faites par les ouvriers préposés à la partie principale de l’exploitation. Dans la majorité des cas, les remblais fournis par les matières inertes sont tout à fait insuffisans, et on se borne à les utiliser pour en faire, suivant les circonstances, des piliers situés à égale distance ou des murs continus, qui ne forment qu’un soutènement provisoire ; c’est l’affaissement en masse du terrain supérieur qui est destiné à combler les vides, quand on n’a plus à rentrer dans les chantiers. Toujours d’ailleurs des étais verticaux en bois sont placés au fur et à mesure de l’avancement des travaux et sont sacrifiés en partie, Lorsqu’il s’agit de couches très puissantes, pour lesquelles il n’y aurait pas moyen de construire économiquement des piliers capables de soutenir le terrain, on est obligé d’amener des remblais de la superficie et de les disposer plus ou moins irrégulièrement dans les excavations. Une méthode simple, mais improductive et surtout fort dangereuse, consiste laisser des piliers qu’on abandonne et qui s’écrasent bientôt sous le poids du terrain supérieur. Il en a été ainsi dans plusieurs mines du département de la Loire. Enfin, quand on exploite par un même puits, ou par les mêmes galeries des couches parallèles, on a soin de procéder de haut en bas, afin d’éviter la gêne qu’occasionnerait la dislocation du terrain pour l’exploitation ultérieure.

Le transport intérieur de la houille ne se fait qu’exceptionnellement à dos d’homme : il peut s’opérer dans des brouettes, il peut se faire avec des traîneaux armés de patins, que tire un ouvrier ou un cheval ; mais il s’opère le plus souvent au moyen de chariots, dont les roues glissent sur de petite chemins de feu, quelquefois à ornières, le plus souvent à rails saillans très simples. Il est à peine besoin de dire, que le système d’aiguilles et de plaques tournantes usité dans nos grandes voies de communications est réduit, dans les mines, à la plus grande simplicité. La voie est unique, avec quelques tronçons d’évitement. Si par hasard la mine débouche un jour par une galerie, ces rails se prolongent à la superficie jusqu’aux dépôts. En tout cas, la forme des chariots ; est très variable suivant les conditions qu’ils auront à remplir. Tantôt ils sont vidés en bas du puits d’extraction dans des tonnes plus grandes qui sont élevées au jour ; mais ce transvasement a le grave inconvénient de briser la houille dont les gros fragmens sont plus estimés que les petits. Tantôt ils sont eux-mêmes attachés seuls ou par groupes, s’ils sont petits, au câble de la machine d’extraction, ou encore, suivant le procédé le plus perfectionné, placés dans des cages à deux ou même à quatre étages, qui sont enlevées par cette machine.

Pour un puits vertical de petite profondeur, l’engin d’extractions est un simple treuil, sur lequel est attaché un câble dont une partie s’enroule et monte une tonne pleine, tandis que l’autre se déroule et descend une tonne vide. Si l’exploitation est développée, cet engin primitif est remplacé par un manège à chevaux, et le plus souvent par une machine à vapeur plus ou moins puissante. Les tonnes à extraction, d’une capacité variable qui atteint parfois 25 hectolitres, ont une forme bombée pour qu’elles ne s’accrochent point aux parois du puits. Les câbles sont en chanvre goudronné, ronds ou plats, ou en fer, et s’enroulent, suivant leur forme, sur un tambour cylindrique ou conique, ou dans une bobine. Si le puits est incliné, l’extraction s’opère à l’aide de chariots à caisses de forme appropriée.

L’exploitation d’une mine comprend, outre les travaux d’extraction, d’autres travaux non moins importans, destinés à combattre les deux grands ennemis du mineur, — l’eau et l’absence d’air.

J’ai déjà eu occasion d’indiquer les moyens qu’on emploie contre certaines inondations souterraines, de montrer, à propos de la loi de 1838, de quelle importance peut être l’assèchement des mines ; il importe d’ajouter quelques mots sur l’épuisement régulier des eaux. Les puits sont le plus souvent terminés par un puisard de quelques mètres, augmenté au besoin par une galerie latérale, où viennent se rendre ces eaux et d’où on les extrait. Lorsqu’elles ne sont pas très abondantes, elles sont tirées au jour, à la fin de la période de travail, par la machine d’extraction avec des tonnes à soupapes. Toutefois l’épuisement s’opère principalement au moyen de pompes étagées, mues par des machines à vapeur, dont l’établissement et l’usage quotidien exigent des sommes considérables : la pompe inférieure élève les eaux du puisard dans une bâche supérieure, où elles sont refoulées par une autre pompe, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elles soient amenées au jour. Telle machine d’épuisement débarrasse ainsi quotidiennement une mine, dans une vingtaine d’heures, de 16,000 hectolitres d’eau pris à une profondeur de 3 ou 400 mètres.

Dans les galeries de mines, l’air est incessamment vicié par une absorption partielle d’oxygène, due à la respiration des hommes, à la combustion des lumières et à la décomposition chimique des substances qui se trouvent dans les excavations souterraines. Cette altération de l’air est encore augmentée par la présence des gaz qui proviennent de la déflagration de la poudre employée pour attaquer la roche, ou des dégagemens qui ont ordinairement lieu au travers des fissures du terrain. On a enfin à redouter, spécialement dans les houillères, le gaz hydrogène carboné, auquel les mineurs donnent le nom de grisou, et qui, en contact avec l’air atmosphérique, produit un mélange explosif et peut déterminer de graves incendies. L’emploi d’agens chimiques étant insuffisant pour détruire ces gaz nuisibles, il faut de toute nécessité avoir recours à des moyens physiques, par exemple à l’action continuelle de machines soufflantes ou aspirantes, qui, en lançant de l’air pur préalablement comprimé ou en aspirant l’air vicié, finissent toujours par engendrer une active ventilation, bien essentielle pour préserver les mineurs de l’anémie, cette terrible affection qui leur est particulière, et ne comporte guère de remède. L’aérage des mines n’est pas toujours ainsi obtenu artificiellement ; il est souvent naturel, le renouvellement de l’air résultant simplement de la différence qui existe entre la température, variable avec les saisons, de l’air atmosphérique et la température invariable des parois des excavations souterraines. Cette différence suffit même à déterminer un courant d’air persistant, alors que les deux orifices qui doivent faire communiquer au jour l’ensemble des travaux sont au même niveau, pourvu que quelque circonstance locale, assez fréquente, vienne rompre l’équilibre instable dans lequel se trouve la colonne d’air à mettre en mouvement. Lorsque les orifices sont à des niveaux différens, le sens du courant varie avec les saisons : en hiver, il entre par l’orifice inférieur et sort par le supérieur ; en été, il suit la route inverse.

Dans le cas d’un orifice unique, comme dans une excavation en creusement, cet aérage naturel est rare. En hiver, pour un puits, il s’établit bien, mais il fait défaut en été. Aussi partage-t-on d’ordinaire ce puits par une cloison hermétique en deux compartimens, dont l’un est surmonté d’une cheminée de plusieurs mètres. Quand il s’agit d’une galerie horizontale de quelque hauteur, la différence de niveau des parties supérieure et inférieure peut établir un courant, mais il sera plus sûr de mettre une cloison soit verticale, soit horizontale, avec une cheminée. Il arrive parfois qu’au lieu de cette division de l’excavation, on se contente d’y placer un simple tube rectangulaire en bois, qui va jusqu’au fond et se prolonge verticalement au dehors de quelques mètres.

Lorsqu’une exploitation est en communication avec l’atmosphère par deux orifices au moins, et que la ventilation spontanée est insuffisante, l’aérage peut être activé, si l’on surmonte le plus élevé des orifices d’une haute cheminée en maçonnerie. Dès que l’exploitation a un certain développement, il faut avoir recours à un foyer placé au bas du puits de sortie de l’air[12] ou à des machines aspirantes ou soufflantes. On conçoit que la masse d’air pur introduite, par un moyen quelconque, dans l’ensemble compliqué d’excavations dont se compose une mine, doit être aménagée de telle sorte que le renouvellement ait lieu dans tous les endroits où sont les ouvriers. Cette masse d’air, variable avec l’état de l’atmosphère souterraine, est une espèce de réservoir auquel on puise pour attribuer à chaque région la quantité dont elle a besoin, en la dirigeant convenablement au moyen de portes, dont les unes, se fermant hermétiquement, sont destinées à isoler les parties où le courant ne doit pas passer, et dont les autres, ne fermant qu’incomplètement et percées même d’ouvertures en rapport avec les exigences des travaux, règlent l’affluence de l’air. C’est par un système ainsi combiné de portes que L’on parvient à introduire de l’air pur jusqu’au front des chantiers d’exploitation, sans qu’il arrive avec une vitesse capable de gêner les ouvriers.

L’emploi des foyers d’aérage, très répandu dans les houillères, simple et peu dispendieux, permettant d’ailleurs, quand la température n’est pas trop élevée, l’usage des puits de sortie de l’air pour l’extraction, peut même s’étendre aux mines à grisou. Seulement il est alors absolument indispensable de placer le foyer dans une chambre spéciale. Ce foyer doit être alimenté avec de l’air qui n’ait pas circulé dans les travaux, et la petite galerie qui relie cette chambre avec le puits de sortie de l’air doit être assez longue pour que jamais une étincelle ne puisse atteindre le mélange explosif qui est soutiré par le courant ascendant. Autrefois le procédé employé pour se débarrasser du grisou était élémentaire, mais fort dangereux, et finalement insuffisant au point de vue de l’aérage. Chaque matin, un ouvrier, la figure bien enveloppée, allait y mettre le feu ; maintenant on se borne à le délayer dans de l’air pur en suffisante quantité, et à remplacer, dans les mines où ce gaz existe, les chandelles ou les lampes à feu nu, qui constituent le moyen d’éclairage ordinaire, par la lampe de sûreté, qui a immortalisé le nom du chimiste anglais. Davy.

Ici encore je rencontre un écrivain qui a voulu dramatiser un épisode de l’histoire de l’industrie houillère ; mais je suis obligé de le combattre, car il a émis une hypothèse erronée au sujet du principe sur lequel est fondée la lampe bienfaisante. Dans une pièce représentée, il y a peu d’années, sous le titre de la Lampe de Davy[13], on suppose que la fiancée du grand chimiste, ayant, malgré ses recommandations, ouvert un récipient plein d’un mélange explosible à côté d’une lampe allumée, jette instinctivement, en le voyant reparaître, son écharpe sur ce récipient et empêche ainsi l’explosion imminente. Frappé de ce fait, mais préoccupé du peu de consistance du frêle tissu, Davy applique machinalement son front sur le treillage métallique qui garnit la croisée, et, à l’impression de froid qu’il ressent, conçoit l’idée d’utiliser ce treillage métallique. C’est sans doute une idée heureuse que de célébrer et de vulgariser sous la forme dramatique une des inventions les plus remarquables de l’industrie minérale ; mais je crois devoir placer à côté de la fiction la réalité. Le principe de la lampe de Davy réside dans la propriété que possède une gaze métallique, — à mailles suffisamment étroites (120 à 140 ouvertures par centimètre carré), — d’intercepter la flamme produite par la combustion d’un mélange d’hydrogène carboné et d’air atmosphérique. En conséquence, la mèche d’une lampe ordinaire est placée au milieu d’un cylindre de gaze métallique, dans l’intérieur de laquelle pourra impunément prendre feu l’air impur que ce cylindre contient sans enflammer l’atmosphère, ambiante. La seule précaution, indiquée par Davy lui-même, consiste à éviter une agitation trop forte de la lampe, parce qu’elle peut faire passer la flamme au travers de la gaze. Là est le danger de cette belle invention ; il ne faut donc pas, malgré la ventilation parfaite dont ont besoin les houillères à grisou, que la vitesse du courant dépasse une certaine limite. L’inconvénient de la lampe de Davy est une insuffisance de lumière dont se plaignent vivement les mineurs, et c’est à obtenir un meilleur éclairage que tendent toutes les modifications proposées par ceux qui veulent perfectionner cet appareil. On en a augmenté un peu le diamètre, ce qui ne peut se faire que dans des limites assez restreintes ; on a substitué en partie au cylindre métallique un cylindre de cristal, et on a obtenu des lampes qui éclairent trois ou quatre fois plus que celle de Davy. Bien qu’elles ne soient pas non plus exemptes d’inconvéniens, elles tendent à se propager, notamment en Belgique.

Après l’indication des moyens d’habitation de l’édifice souterrain, de l’aérage avant tout indispensable, des travaux, de l’épuisement des eaux, de la circulation intérieure, il convient de parler de l’introduction des ouvriers dans le cas le plus ordinaire, celui où l’édifice n’est en communication avec le jour que par des puits. Dès que ces puits ont une certaine profondeur, la question de la descente, et surtout de la remonte des mineurs, acquiert une importance, tout à la fois hygiénique et économique, qui mérite un examen particulier. On a commencé à s’en préoccuper, il y a environ vingt-cinq ans, dans la contrée minérale par excellence, dans le Hartz, où quelques mines atteignent jusqu’à 700 mètres de profondeur.

Le plus ordinairement les ouvriers circulent dans le puits au moyen d’échelles verticales ou inclinées : le puits est partagé en sections de plusieurs mètres de hauteur, séparées entre elles par des planchers, et munies d’échelles à montans en bois ou en fer. Si l’échelle, régnant alors le long du puits, est verticale, la projection du centre de gravité du mineur qui s’y trouve tombant en dehors des points d’appui qu’il prend avec ses pieds, il est obligé de développer avec ses bras un effort considérable. Suivant quelques médecins, les fonctions respiratoires seraient en outre gênées au point de provoquer une déchirure des poumons ; la fatigue peut, en tout cas, avoir pour conséquences immédiates des chutes qui, bien qu’elles ne puissent avoir lieu que sur les planchers de séparation, sont fréquemment mortelles. Les sujets jeunes et robustes peuvent seuls faire un usage continu des échelles ; encore perdent-ils ainsi inutilement une fraction notable de leurs forces et de leur temps, et ils arrivent fatalement d’ailleurs à un dépérissement prématuré. Au point de vue économique, la question n’est pas moins grave. La dépense par ouvrier,et par jour est estimée à 0 fr. 25 cent., en supposant un puits de profondeur moyenne exclusivement destiné à la descente et à l’ascension des ouvriers, et en tenant compte du capital de l’échelle et du temps perdu pour le travail.

Quant aux échelles inclinées, elles offrent à peu près les mêmes inconvéniens. M. Lambert, ingénieur des mines belge, a calculé la valeur de l’angle qu’une échelle doit faire avec l’horizon pour être à la fois sûre et commode. Il a trouvé que cet angle devait être de 70 degrés : alors le centre de gravité du mineur se projette précisément au milieu de ses pieds. Si cet angle était dépassé, la position du corps serait évidemment moins avantageuse ; le danger n’existerait plus sans doute comme dans l’hypothèse contraire, mais une autre cause de fatigue serait introduite, l’homme n’étant point constitué pour marcher à quatre pattes ou à peu près.

L’usage des échelles est à coup sûr l’une des causes de l’asthme, auquel est si sujette la population souterraine ; mais les avis sont partagés sur l’importance qu’il faut attribuer à cette cause. Une commission médicale du Hainaut belge estimait même en 1840 que la circulation précipitée apportait seule dans les fonctions respiratoires un léger trouble, qui n’était en outre que momentané, et que la dépense d’efforts musculaires dans la remonte ne devait point être prise en considération, comme précédant immédiatement le repos qui termine la journée. Quoi qu’il en soit de cet optimisme, que je suis peu disposé à partager, l’emploi des échelles inclinées est infiniment préférable à celui des tonnes d’extraction pour la circulation des mineurs dans les puits. Par ce dernier système, particulièrement usité dans les houillères de la Loire, la question de commodité est certainement résolue aussi bien qu’on peut le désirer ; mais il n’en est plus de même de la question de sûreté. De nombreux accidens, le plus souvent mortels, sont déterminés par l’usage des tonnes. Les câbles se rompent, les machines se brisent ou se dérangent, des corps tombent dans les puits, les deux tonnes de sens contraire se heurtent au croisement dans les puits qui ne sont pas divisés en compartimens ; les tonnes peuvent être enlevées au-dessus des poulies sur lesquelles passent les câbles, ou être descendues dans le puisard qui se trouve au bas du puits. Si même ces diverses causes d’accidens pouvaient disparaître, l’usage des tonnes soulèverait encore une objection grave, car un tel mode d’ascension devient insuffisant en cas d’explosion du grisou ou d’irruption d’eau, en raison du nombre limité d’ouvriers qui peuvent être enlevés à la fois. En outre, pendant que la tonne est dans le puits, le mineur est soumis à l’impression d’un air froid et humide contre lequel il n’est pas défendu, comme sur les échelles, par l’exercice du corps. Finalement, bien que la dépense ne soit peut-être plus représentée ici que par une somme de 0 fr. 10 cent, par jour et par ouvrier pour la fraction afférente des frais d’achat et d’entretien de la machine d’extraction, etc., ce système est interdit dans plusieurs pays. En France, le règlement de 1813 est muet sur ce point ; mais l’interdiction a été spontanément faite par la compagnie d’Anzin, qui donne un supplément quotidien de salaire de 1 franc 25 centimes à chaque ouvrier travaillant à une profondeur supérieure à 400 mètres. En Belgique, la proscription est toujours venue échouer contre les préjugés économiques des exploitans et les habitudes routinières des ouvriers. M. Lambert, qui s’est tout particulièrement occupé de cette question intéressante, a proposé, il y a une dizaine d’années, Une échelle hélicoïdale en fer faisant précisément, au point où l’ouvrier pose le pied, un angle de 70 degrés avec l’horizon. L’expérimentation de cette échelle, à laquelle il ne manque qu’une rampe pour la transformer en escalier, a donné les résultats qu’avait annoncés la théorie, et n’a point produit les effets de vertige qui pouvaient être à craindre ; mais cet ingénieux système n’a point été adopté par l’industrie, par suite de la nécessité qu’il entraîne du creusement d’un puits spécial. Cette objection est également faite à une invention encore plus complète et plus satisfaisante dont on a pu voir un modèle à l’exposition universelle ; je veux parler de la warocquère.

Le principe élémentaire des fahrkunst[14] peut être facilement saisi. Qu’on imagine de grandes tiges, disposées à une petite distance les unes des autres, animées d’un mouvement alternatif et inverse, tel que l’une monte pendant que l’autre descend et que deux oscillations consécutives de l’ensemble sont séparées par un temps d’arrêt. Chacune de ces tiges porte une série de plates-formes sur lesquelles un homme peut se tenir, et qui sont espacées du double de l’amplitude d’une oscillation. Il est évident que, si cet homme profite de chaque temps d’arrêt pour passer de la plateforme où il est placé sur la plate-forte correspondante de l’autre tige, il montera ou descendra, suivant son point de départ. Inventée en 1833 par un officier des mines du Hartz, la fahrkunst n’affectait pas d’abord la forme perfectionnée que je viens de supposer, et qui est à peu près celle de la warocquère. Au lieu de plates-formes, les tiges ne portaient que de simples marchepieds, sur lesquels se plaçaient les ouvriers en s’aidant de poignées en fer qu’ils saisissaient avec les mains. Pour se servir de l’appareil ainsi conçu, il fallait évidemment une vigueur, une agilité qu’on ne trouve que dans la jeunesse. Ce système a heureusement été perfectionné par M. Warocqué, propriétaire d’un charbonnage belge. Ce bienfaisant et habile industriel s’était proposé d’obtenir un mode de circulation rapide et commode pour ses ouvriers dans un puits profond de 530 mètres. Il a trouvé, il y a plus de dix ans, une solution très complète du problème. Les paliers sont entourés d’une balustrade, divisés en deux sections, dont l’une est affectée à la série des ouvriers ascendans et l’autre à celle des ouvriers descendans, recouverts d’une tôle hérissée d’aspérités pour que le pied ne puisse glisser. Les tiges sont munies de poignées que l’ouvrier peut saisir au besoin dans l’obscurité. Cet appareil est mû par une machine à vapeur, et, ce qui constitue une modification capitale, le mouvement alternatif, imprimé directement à l’une des tiges, est transmis à l’autre par un balancier hydraulique, qui est en outre destiné à obvier à un dérangement de la machine, auquel cas les ouvriers trouvent dans le même puits une série d’échelles à leur portée. J’ai dit l’objection financière que soulève cet ingénieux mécanisme ; elle semble avoir été levée par un ingénieur de la compagnie d’Anzin, M. Méhu, qui avait récemment installé une machine servant à la fois à l’extraction du charbon, à la circulation des ouvriers et même à l’épuisement des eaux ; mais cet ingénieur est mort avant d’avoir pu compléter l’exécution de son idée, qui a été appliquée du reste à un puits incliné d’une houillère de la Haute-Saône.

Les Annales des Travaux publics de Belgique contiennent sur la warocquère un intéressant rapport où se trouve un calcul qui résume le côté saillant de la question du transport des mineurs dans un puits. On suppose un centre d’exploitation desservi par un puits de 504 mètres et occupant simultanément 133 ouvriers : la remonte et la descente de ce personnel par les tonnes n’exigeraient pas moins de huit heures, soit le tiers de la journée complète ; avec une warocquère, dans les conditions les plus timidement réduites de vitesse de la machine et du nombre d’ouvriers qui lui seraient confiés ensemble, la seconde de ces opérations se ferait en cinq quarts d’heure ; la première ne demanderait qu’une demi-heure, et en cas de sinistre, où le temps est si précieux, qu’un quart d’heure.

Il ne me reste plus, pour compléter cette étude, qu’à rappeler le rôle tout particulier que l’exploitation des mines de houille a joué dans l’histoire de l’industrie humaine, et je ne parle pas ici du concours indispensable qu’est venu apporter à la machine à vapeur le combustible minéral. L’exploitation des houillères a déterminé la création de la machine à vapeur elle-même : c’est pour épuiser les eaux d’une mine de houille anglaise qu’a été conçu, à la fin du XVIIe siècle, le premier moteur à feu. C’est aussi à l’industrie houillère qu’est due l’introduction de la première machine à vapeur en France, importée en 1734 par la compagnie Desandrouin pour faciliter des recherches dans le terrain houiller du nord. L’exploitation des houillères anglaises a également engendré les chemins de fer, en nécessitant la construction de ces petits chemins à ornières destinés à faciliter le transport des produits de l’extraction. Elle a enfin provoqué la création de la machine locomotive, appliquée uniquement d’abord aux wagons chargés de charbon. En France et en Belgique comme en Angleterre, les premiers chemins de fer ont été faits pour desservir des mines de houille. C’est donc l’industrie houillère qui a été la source de tous les grands progrès de cette précieuse force motrice dont nous jouissons maintenant sous tant de formes.


E. LAME FLEURY.

  1. Voyez la livraison du 1er octobre
  2. M. Élite de Beaumont a ruiné ces deux systèmes en les soumettant à d’ingénieux : calculs. « Une futaie de la plus belle venue possible, écrivait notamment cet illustre géologue en 1842, qui couvrirait la France entière, serait loin de contenir autant de carbone qu’une couche, de houille, de 2 mètres d’épaisseur étendue dans les seuls bassins houillers connus.
  3. De la Houille, traité théorique et pratique des combustibles minéraux (houille, lignite, anthracite, etc.), 1 vol. in-8o 1851.
  4. Du Principe d’association appliqué à l’industrie houillère par M. Jules Petitjean, conseiller référendaire à la cour des comptes. – Voyez la Revue des Deux Mondes du 1er juin 1846.
  5. On arrache également ainsi un de ces tubes en tôle destinés à prévenir les éboulemens, s’ils viennent à céder sous la pression du terrain ou à être déchirés par les outils. C’est précisément à un accident de cette nature qu’est dû le fâcheux temps d’arrêt que subit tout à fait au dernier moment le forage du puits artésien du bois de Boulogne.
  6. Quelques chiffres peuvent donner une idée du rôle que joue ce bassin dans la production houillère de la France : il a donné, en 1814, 2,541,878 quintaux métriques, — en 1820 4,448,410 q. m., — en 1830 7,449.161 q. m., — en 1840 11,048,592 q. m., — en 1850, 15,581,247 q. m., — et en 1852, 16,391,834 q. m., soit près du tiers de la production française.
  7. Études géologiques sur le bassin houiller de la Sarre, par M. Jacquot.
  8. Dix millions de quintaux métriques, soit la plus grande partie de la production du bassin prussien, — dont le décuplement s’était opéré de 1815 à 1850, et qui a plus que triplé depuis cette époque, — sont absorbés annuellement par la Lorraine et l’Alsace, et aussi par la compagnie des chemins de fer de l’Est. Pour donner une idée de l’importance du tributaire que je mets ainsi sur le même pied que deux provinces, j’ajouterai qu’il absorbe à lui seul par jour, pour le chauffage des 250 locomotives qui sont en feu pour le service quotidien, 1,700 quintaux métriques de houille et 1,800 quintaux métriques de coke.
  9. Histoire de la Recherche, de la Recouverte et de l’Exploitation de la Houille dans le Hainaut français, dans la Flandre française et dans l’Artois (1716-1791), 3 vol. in-8o.
  10. La progression de l’extraction houillère de notre second bassin se déduit des chiffres suivans : en 1810 2,318,382 quintaux métriques, — en 1820 3,230,125 q. m., — en 1830 4,944,776 q. m., — en 1840 7,762,968 q. m. — en 1850, 10,016,774 q. m., — et en 1852 10,728,458 q. m., soit près du cinquième de la production française. Depuis cette époque, la production du bassin du nord a doublé.
  11. Le feu se propage avec une telle vitesse, qu’un ouvrier qui avait laissé enflammer ses vêtemens périt victime de son imprudence, sans qu’il fût possible de lui porter secours.
  12. Cette idée de l’emploi du feu pour appeler un courant d’air, qui, dit-on, était regardée comme neuve en Angleterre au commencement de notre siècle, avait été appliquée dans le département du Nord par Desandrouin, lorsqu’osant s’écarter à 800 mètres du puits, le hardi explorateur avait été obligé de se préoccuper de la ventilation de ses travaux souterrains.
  13. Cette comédie en un acte et en vers, de M. Ostrowski, a été représentée en 1854 au second Théâtre-Français. — J’ajouterai à ce propos que, si l’industrie houillère a ses poètes, elle a aussi son peintre. On a pu remarquer à l’exposition dernière de grandes études à l’aquarelle des mines de Saône-et-Loire, faites par M. Bonhomme, qui, à l’exposition universelle, avait représenté des intérieurs de forges de la Meuse et du Berri. En Angleterre, les grands industriels se plaisent à faire ainsi exécuter le panorama de leurs magnifiques établissemens.
  14. C’est ainsi que se nomment en Allemagne, où ils ont été primitivement inventés, les appareils destinés à monter et à descendre les ouvriers dans les mines.