La Pucelle d’Orléans/1
LA PUCELLE
D’ORLÉANS
CHANT PREMIER.
[1] :
Ma voix est faible, et même un peu profane.
Il faut pourtant vous chanter cette Jeanne
Qui fit, dit-on, des prodiges divins.
Elle affermit, de ses pucelles mains
Des fleurs de lis la tige gallicane,
Sauva son roi de la rage anglicane,
Et le fit oindre au maître-autel de Reims.
Jeanne montra sous féminin visage,
Sous le corset et sous le cotillon,
D’un vrai Roland le vigoureux courage.
J’aimerais mieux, le soir, pour mon usage,
Une beauté douce comme un mouton ;
Mais Jeanne d’Arc eut un cœur de lion :
Vous le verrez, si lisez cet ouvrage.
Vous tremblerez de ses exploits nouveaux ;
Et le plus grand de ses rares travaux
Fut de garder un an son pucelage.
Ô Chapelain[2], toi dont le violon,
De discordante et gothique mémoire,
Sous un archet maudit par Apollon,
D’un ton si dur a raclé son histoire ;
Vieux Chapelain, pour l’honneur de ton art,
Tu voudrais bien me prêter ton génie :
Je n’en veux point ; c’est pour Lamotte-Houdart[3],
Quand l’Iliade est par lui travestie.
Le bon roi Charle, au printemps de ses jours,
Au temps de Pâque, en la cité de Tours,
À certain bal (ce prince aimait la danse)
Avait trouvé, pour le bien de la France,
Une beauté nommée Agnès Sorel[4].
Jamais l’Amour ne forma rien de tel.
Imaginez de Flore la jeunesse,
La taille et l’air de la nymphe des bois,
Et de Vénus la grâce enchanteresse,
Et de l’Amour le séduisant minois,
L’art d’Arachné, le doux chant des sirènes :
Elle avait tout ; elle aurait dans ses chaînes
Mis les héros, les sages, et les rois.
La voir, l’aimer, sentir l’ardeur naissante
Des doux désirs, et leur chaleur brûlante,
Lorgner Agnès, soupirer et trembler,
Perdre la voix en voulant lui parler,
Presser ses mains d’une main caressante,
Laisser briller sa flamme impatiente,
Montrer son trouble, en causer à son tour,
Lui plaire enfin, fut l’affaire d’un jour.
Princes et rois vont très-vite en amour.
Agnès voulut, savante en l’art de plaire,
Couvrir le tout des voiles du mystère,
Voiles de gaze, et que les courtisans
Percent toujours de leurs yeux malfaisants.
Pour colorer comme on put cette affaire,
Le roi fit choix du conseiller Bonneau[5],
Confident sûr, et très-bon Tourangeau :
Il eut l’emploi qui certes n’est pas mince,
Et qu’à la cour, où tout se peint en beau,
Nous appelons être l’ami du prince,
Mais qu’à la ville, et surtout en province,
Les gens grossiers ont nommé maq.......
Monsieur Bonneau, sur le bord de la Loire,
Était seigneur d’un fort joli château.
Agnès un soir s’y rendit en bateau,
Et le roi Charle y vint à la nuit noire.
On y soupa ; Bonneau servit à boire ;
Tout fut sans faste, et non pas sans apprêts.
Festins des dieux, vous n’êtes rien auprès !
Nos doux amants, pleins de trouble et de joie,
Ivres d’amour, à leurs désirs en proie,
Se renvoyaient des regards enchanteurs,
De leurs plaisirs brillants avant-coureurs.
Les doux propos, libres sans indécence,
Aiguillonnaient leur vive impatience.
Le prince en feu des yeux la dévorait ;
Contes d’amour d’un air tendre il faisait,
Et du genou le genou lui serrait.
Le souper fait, on eut une musique
Italienne, en genre chromatique[6] ;
On y mêla trois différentes voix
Aux violons, aux flûtes, aux hautbois.
Elles chantaient l’allégorique histoire
De ces héros qu’Amour avait domptés,
Et qui, pour plaire à de tendres beautés,
Avaient quitté les fureurs de la gloire.
Dans un réduit cette musique était,
Près de la chambre où le bon roi soupait.
La belle Agnès, discrète et retenue,
Entendait tout, et d’aucuns n’était vue.
Déjà la lune est au haut de son cours ;
Voilà minuit : c’est l’heure des amours.
Dans une alcôve artistement dorée,
Point trop obscure, et point trop éclairée,
Entre deux draps que la Frise a tissus,
D’Agnès Sorel les charmes sont reçus.
Près de l’alcôve une porte est ouverte,
Que dame Alix, suivante très-experte,
En s’en allant oublia de fermer.
Ô vous, amants, vous qui savez aimer,
Vous voyez bien l’extrême impatience
Dont pétillait notre bon roi de France !
Sur ses cheveux, en tresse retenus,
Parfums exquis sont déjà répandus.
Il vient, il entre au lit de sa maîtresse ;
Moment divin de joie et de tendresse !
Le cœur leur bat ; l’amour et la pudeur
Au front d’Agnès font monter la rougeur.
La pudeur passe, et l’amour seul demeure.
Son tendre amant l’embrasse tout à l’heure.
Ses yeux ardents, éblouis, enchantés,
Avidement parcourent ses beautés.
Qui n’en serait en effet idolâtre ?
Sous un cou blanc qui fait honte à l’albâtre
Sont deux tétons séparés, faits au tour,
Allants, venants, arrondis par l’Amour ;
Leur boutonnet a la couleur des roses.
Téton charmant, qui jamais ne reposes,
Vous invitiez les mains à vous presser,
L’œil à vous voir, la bouche à vous baiser.
Pour mes lecteurs tout plein de complaisance,
J’allais montrer à leurs yeux ébaudis
De ce beau corps les contours arrondis ;
Mais la vertu qu’on nomme bienséance
Vient arrêter mes pinceaux trop hardis.
Tout est beauté, tout est charme dans elle.
La volupté, dont Agnès a sa part,
Lui donne encore une grâce nouvelle ;
Elle l’anime : amour est un grand fard,
Et le plaisir embellit toute belle.
Trois mois entiers nos deux jeunes amants
Furent livrés à ces ravissements.
Du lit d’amour ils vont droit à la table.
Un déjeuner, restaurant délectable,
Rend à leurs sens leur première vigueur ;
Puis, pour la chasse épris de même ardeur,
Ils vont tous deux, sur des chevaux d’Espagne,
Suivre cent chiens jappants dans la campagne.
À leur retour on les conduit aux bains.
Pâtes, parfums, odeurs de l’Arabie,
Qui font la peau douce, fraîche, et polie[7],
Sont prodigués sur eux à pleines mains.
Le dîner vient ; la délicate chère,
L’oiseau du Phase et le coq de bruyère,
De vingt ragoûts l’apprêt délicieux,
Charment le nez, le palais, et les yeux.
Du vin d’Aï la mousse pétillante,
Et du Tokai la liqueur jaunissante,
En chatouillant les fibres des cerveaux,
Y porte un feu qui s’exhale en bons mots
Aussi brillants que la liqueur légère
Qui monte et saute, et mousse au bord du verre :
L’ami Bonneau d’un gros rire applaudit
À son bon roi, qui montre de l’esprit.
Le dîner fait, on digère, on raisonne,
On conte, on rit, on médit du prochain,
On fait brailler des vers à maître Alain[8],
On fait venir des docteurs de Sorbonne,
Des perroquets, un singe, un arlequin.
Le soleil baisse ; une troupe choisie
Avec le roi court à la comédie,
Et, sur la fin de ce fortuné jour,
Le couple heureux s’enivre encor d’amour.
Plongés tous deux dans le sein des délices,
Ils paraissaient en goûter les prémices.
Toujours heureux et toujours plus ardents,
Point de soupçons, encor moins de querelles,
Nulle langueur ; et l’Amour et le Temps
Auprès d’Agnès ont oublié leurs ailes.
Charles souvent disait entre ses bras,
En lui donnant des baisers tout de flamme :
« Ma chère Agnès, idole de mon âme,
Le monde entier ne vaut point vos appas.
Vaincre et régner, ce n’est rien que folie.
Mon parlement[9] me bannit aujourd’hui ;
Au fier Anglais la France est asservie :
Ah ! qu’il soit roi, mais qu’il me porte envie ;
J’ai votre cœur, je suis plus roi que lui. »
Un tel discours n’est pas trop héroïque ;
Mais un héros, quand il tient dans un lit
Maîtresse honnête, et que l’amour le pique,
Peut s’oublier, et ne sait ce qu’il dit.
Comme il menait cette joyeuse vie,
Tel qu’un abbé dans sa grasse abbaye,
Le prince anglais[10], toujours plein de furie,
Toujours aux champs, toujours armé, botté,
Le pot en tête, et la dague au côté,
Lance en arrêt, la visière haussée,
Foulait aux pieds la France terrassée.
Il marche, il vole, il renverse en son cours
Les murs épais, les menaçantes tours,
Répand le sang, prend l’argent, taxe, pille,
Livre aux soldats et la mère et la fille,
Fait violer des couvents de nonnains,
Boit le muscat des pères bernardins,
Frappe en écus l’or qui couvre les saints,
Et, sans respect pour Jésus ni Marie,
De mainte église il fait mainte écurie :
Ainsi qu’on voit dans une bergerie
Des loups sanglants de carnage altérés,
Et sous leurs dents les troupeaux déchirés,
Tandis qu’au loin, couché dans la prairie,
Colin s’endort sur le sein d’Égérie,
Et que son chien près d’eux est occupé
À se saisir des restes du soupé.
Or, du plus haut du brillant apogée,
Séjour des saints, et fort loin de nos yeux,
Le bon Denis[11], prêcheur de nos aïeux,
Vit les malheurs de la France affligée,
L’état horrible où l’Anglais l’a plongée,
Paris aux fers, et le roi très-chrétien
Baisant Agnès, et ne songeant à rien.
Ce bon Denis est patron de la France,
Ainsi que Mars fut le saint des Romains,
Ou bien Pallas chez les Athéniens.
Il faut pourtant en faire différence ;
Un saint vaut mieux que tous les dieux païens.
« Ah ! par mon chef, dit-il, il n’est pas juste
De voir ainsi tomber l’empire auguste
Où de la foi j’ai planté l’étendard :
Trône des lis, tu cours trop de hasard ;
Sang des Valois, je ressens tes misères.
Ne souffrons pas que les superbes frères
De Henri Cinq[12], sans droit et sans raison,
Chassent ainsi le fils de la maison.
J’ai, quoique saint, et Dieu me le pardonne,
Aversion pour la race bretonne :
Car, si j’en crois le livre des destins,
Un jour ces gens raisonneurs et mutins
Se gausseront des saintes décrétales,
Déchireront les romaines annales,
Et tous les ans le pape brûleront.
Vengeons de loin ce sacrilège affront :
Mes chers Français seront tous catholiques ;
Ces fiers Anglais seront tous hérétiques ;
Frappons, chassons ces dogues britanniques :
Punissons-les, par quelque nouveau tour,
De tout le mal qu’ils doivent faire un jour. »
Des Gallicans ainsi parlait l’apôtre,
De maudissons lardant sa patenôtre[13] ;
Et cependant que tout seul il parlait,
Dans Orléans un conseil se tenait.
Par les Anglais cette ville bloquée,
Au roi de France allait être extorquée.
Quelques seigneurs et quelques conseillers,
Les uns pédants et les autres guerriers,
Sur divers tons déplorant leur misère,
Pour leur refrain disaient : « Que faut-il faire ? »
Poton, La Hire, et le brave Dunois[14],
S’écriaient tous en se mordant les doigts :
« Allons, amis, mourons pour la patrie,
Mais aux Anglais vendons cher notre vie. »
Le Richemont criait tout haut : « Par Dieu,
Dans Orléans il faut mettre le feu ;
Et que l’Anglais, qui pense ici nous prendre,
N’ait rien de nous que fumée et que cendre. »
Pour La Trimouille, il disait : « C’est en vain
Que mes parents me firent Poitevin ;
J’ai dans Milan laissé ma Dorothée :
Pour Orléans, hélas ! je l’ai quittée.
Je combattrai, mais je n’ai plus d’espoir :
Faut-il mourir, ô ciel ! sans la revoir ! »
Le président Louvet[15], grand personnage,
Au maintien grave, et qu’on eût pris pour sage,
Dit : « Je voudrais que préalablement
Nous fissions rendre arrêt de parlement
Contre l’Anglais, et qu’en ce cas énorme
Sur toute chose on procédât en forme. »
Louvet était un grand clerc ; mais, hélas !
Il ignorait son triste et piteux cas :
S’il le savait, sa gravité prudente
Procéderait contre sa présidente.
Le grand Talbot, le chef des assiégeants,
Brûle pour elle, et règne sur ses sens :
Louvet l’ignore ; et sa mâle éloquence
N’a pour objet que de venger la France.
Dans ce conseil de sages, de héros,
On entendait les plus nobles propos ;
Le bien public, la vertu les inspire :
Surtout l’adroit et l’éloquent La Hire
Parla longtemps, et pourtant parla bien ;
Ils disaient d’or, et ne concluaient rien.
Comme ils parlaient, on vit par la fenêtre
Je ne sais quoi dans les airs apparaître.
Un beau fantôme au visage vermeil,
Sur un rayon détaché du soleil,
Des cieux ouverts fend la voûte profonde.
Odeur de saint se sentait à la ronde.
Le farfadet dessus son chef avait
À deux pendants une mitre pointue
D’or et d’argent, sur le sommet fendue ;
Sa dalmatique au gré des vents flottait,
Son front brillait d’une sainte auréole[16],
Son cou penché laissait voir son étole,
Sa main portait ce bâton pastoral
Qui fut jadis lituus augural[17].
À cet objet qu’on discernait fort mal,
Voilà d’abord monsieur de La Trimouille,
Paillard dévot, qui prie et s’agenouille.
Le Richemont, qui porte un cœur de fer,
Blasphémateur, jureur impitoyable,
Haussant la voix, dit que c’était le diable
Qui leur venait du fin fond de l’enfer ;
Que ce serait chose très-agréable
Si l’on pouvait parler à Lucifer.
Maître Louvet s’en courut au plus vite
Chercher un pot tout rempli d’eau bénite.
Poton, La Hire, et Dunois, ébahis,
Ouvrent tous trois de grands yeux ébaubis.
Tous les valets sont couchés sur le ventre.
L’objet approche, et le saint fantôme entre
Tout doucement porté sur son rayon,
Puis donne à tous sa bénédiction.
Soudain chacun se signe et se prosterne.
Il les relève avec un air paterne ;
Puis il leur dit : « Ne faut vous effrayer ;
Je suis Denis[18] et saint de mon métier.
J’aime la Gaule, et l’ai catéchisée,
Et ma bonne âme est très-scandalisée
De voir Charlot, mon filleul tant aimé,
Dont le pays en cendre est consumé,
Et qui s’amuse, au lieu de le défendre,
À deux tétons qu’il ne cesse de prendre.
J’ai résolu d’assister aujourd’hui
Les bons Français qui combattent pour lui.
Je veux finir leur peine et leur misère.
Tout mal, dit-on, guérit par son contraire.
Or si Charlot veut, pour une catin,
Perdre la France et l’honneur avec elle,
J’ai résolu, pour changer son destin,
De me servir des mains d’une pucelle.
Vous, si d’en haut vous désirez les biens,
Si vos cœurs sont et français et chrétiens,
Si vous aimez le roi, l’État, l’Église,
Assistez-moi dans ma sainte entreprise ;
Montrez le nid où nous devons chercher
Ce vrai phénix que je veux dénicher. »
Ainsi parla le vénérable sire.
Quand il eut fait chacun se prit à rire.
Le Richemont, né plaisant et moqueur,
Lui dit : « Ma foi, mon cher prédicateur,
Monsieur le saint, ce n’était pas la peine
D’abandonner le céleste domaine
Pour demander à ce peuple méchant
Ce beau joyau que vous estimez tant.
Quand il s’agit de sauver une ville,
Un pucelage est une arme inutile.
Pourquoi d’ailleurs le prendre en ce pays ?
Vous en avez tant dans le paradis !
Rome et Lorette ont cent fois moins de cierges
Que chez les saints il n’est là-haut de vierges.
Chez les Français, hélas ! il n’en est plus.
Tous nos moutiers sont à sec là-dessus.
Nos francs-archers, nos officiers, nos princes,
Ont dès longtemps dégarni les provinces.
Ils ont tous fait, en dépit de vos saints,
Plus de bâtards encor que d’orphelins.
Monsieur Denis, pour finir nos querelles,
Cherchez ailleurs, s’il vous plaît, des pucelles. »
Le saint rougit de ce discours brutal :
Puis aussitôt il remonte à cheval
Sur son rayon, sans dire une parole,
Pique des deux, et par les airs s’envole,
Pour déterrer, s’il peut, ce beau bijou
Qu’on tient si rare, et dont il semble fou.
Laissons-le aller ; et tandis qu’il se perche
Sur l’un des traits qui vont porter le jour,
Ami lecteur, puissiez-vous en amour
Avoir le bien de trouver ce qu’il cherche !
- ↑ Plusieurs éditions portent :
Vous m’ordonnez de célébrer des saints.
Cette leçon est correcte ; mais nous avons adopté l’autre, comme plus récréative. De plus, elle montre la grande modestie de l’auteur. Il avoue qu’il n’est pas digne de chanter une pucelle. Il donne en cela un démenti aux éditeurs qui, dans une de leurs éditions de ses Œuvres, lui ont attribué une ode À sainte Geneviève, dont assurément il n’est pas l’auteur. (Note de Voltaire, 1773.) — L’ode À sainte Geneviève est incontestablement de Voltaire. (R.) - ↑ Tous les doctes savent qu’il y eut, du temps du cardinal de Richelieu, un Chapelain, auteur d’un fameux poëme de la Pucelle, dans lequel, à ce que dit Boileau,
Il fit de méchants vers douze fois douze cents.
Boileau ne savait pas que ce grand homme en fit douze fois vingt-quatre cents, mais que, par discrétion, il n’en fit imprimer que la moitié. La maison de Longueville, qui descendait du beau bâtard Dunois, fit à l’illustre Chapelain une pension de douze mille livres tournois. On pouvait mieux employer son argent. (Note de Voltaire, 1762.) — Le manuscrit du poëme de la Pucelle, composé de vingt-quatre chants, se trouve à la Bibliothèque royale. (R.) - ↑ Lamotte-Houdart, auteur d’une traduction en vers de l’Iliade, traduction très-abrégée, et cependant très-mal reçue. Fontenelle, dans l’éloge académique de Lamotte, dit que c’est la faute de l’original. (Note de Voltaire, 1762.) — Fontenelle n’a point composé d’éloge de Lamotte ; mais en répondant, au nom de l’Académie française, à l’évêque de Luçon, successeur de Lamotte, il dit que le défaut le plus essentiel qui empêcha sa traduction de réussir, et peut-être le seul, c’est d’être l’Iliade. (R.)
- ↑ Agnès Sorel, dame de Fromenteau, près de Tours. Le roi Charles VII lui donna le château de Beauté-sur-Marne, et on l’appela dame de Beauté. Elle eut deux enfants du roi son amant, quoiqu’il n’eût point de privautés avec elle, suivant les historiographes de Charles VII, gens qui disent toujours la vérité du vivant des rois. (Note de Voltaire, 1762.) — Voltaire avait probablement en vue l’historien Jean Chartier, qui parle ainsi (Histoire de Charles VII ; Paris, 1661, in-folio, page 191) des relations de Charles VII et de sa maîtresse : « Quand le roy alloit voir les dames et damoiselles, mesmement en l’absence de la reyne, ou qu’icelle belle Agnès le venoit voir, il y avoit tousjours grande quantité de gens presens, qui oncques ne la virent toucher par le roy au-dessous du menton ; mais s’en retournoit, après les ebattements licites et honestes faits comme à roy appartient, chacun en son logis par chacun soir, et pareillement ladite Agnès au sien. » (R.)
- ↑ Personnage feint. Quelques curieux prétendent que le discret auteur avait en vue certain gros valet de chambre d’un certain prince ; mais nous ne sommes pas de cet avis, et notre remarque subsiste, comme dit Dacier. (Note de Voltaire, 1762.)
— Quelques annotateurs prétendent que ce gros valet de chambre est Dangeau, favori de Louis XIV.
- ↑ Le chromatique procède par plusieurs semi-tons consécutifs, ce qui produit une musique efféminée, très-convenable à l’amour. (Note de Voltaire, 1762.)
- ↑ Dans une lettre au comte de Tressan (9 décembre 1736), Voltaire se plaint de ce que, dans les copies du Mondain, on ait écrit :
Rendent sa peau douce, fraîche, et polie ;
tandis qu’il fallait mettre :Rendent sa peau plus fraîche et plus polie.
En composant le vers de la Pucelle auquel cette note se rapporte, il n’aperçut pas, à ce qu’il paraît, le pléonasme que semblent offrir les mots douce et polie, et qui l’avait choqué dans le vers du Mondain. (R.) - ↑ Alain Chartier.
- ↑ Le parlement de Paris fit ajourner trois fois à son de trompe le roi, alors dauphin, à la table de marbre, sur les conclusions de l’avocat du roi, Marigny (voyez les Recherches de Pasquier). (Note de Voltaire, 1762.) — « Maistre Nicolas Roulin, advocat de la douairiere de Bourgongne, institue une accusation à huis-ouvert contre Charles de Valois ; et après luy, maistre Pierre de Marigny, advocat du roy, conclud à ce qu’il fust proclamé à trois briefs jours à la table de marbre du Palais, pour l’homicide par lui commis en la personne du duc Jean. Ce qui est faict à son de trompe et cry public ; et, après tout l’ordre judiciaire à ce requis et observé, il est, par arrest, declaré indigne de succeder à la couronne. » Pasquier, Recherches de la France, liv. VI, chap, iv. (R.)
- ↑ Ce prince anglais est le duc de Bedford, frère puîné de Henri V, roi d’Angleterre, couronné roi de France à Paris. (Note de Voltaire, 1762.
- ↑ Ce bon Denis n’est point Denis le prétendu aréopagite, mais un évêque de Paris. L’abbé Hilduin fut le premier qui écrivit que cet évêque, ayant été décapité, porta sa tête entre ses bras, de Paris jusqu’à l’abbaye qui porte son nom. On érigea ensuite des croix dans tous les endroits où ce saint s’était arrêté en chemin. Le cardinal de Polignac contant cette histoire à Mme la marquise du ***, et ajoutant que Denis n’avait eu de peine à porter sa tête que jusqu’à la première station, cette dame lui répondit : « Je le crois bien ; il n’y a, dans de telles affaires, que le premier pas qui coûte. » (Note de Voltaire, 1762.) — Les éditeurs de Kehl ne se sont point trompés en imprimant en entier le nom de Mme du Deffant (voyez Correspondance, lettre du 27 janvier 1764), mais j’ai cru devoir laisser la note telle qu’elle a paru du vivant de l’auteur.
C’est bien Hilduin, comme Voltaire le dit ici, et non pas Harduinus, comme il le dit dans le Dictionnaire philosophique (article Denis), qui parla le premier (Areopagitica, Coloniæ, 1563, in-8o, folio 118) du singulier voyage de saint Denis. Le bon abbé, tout en convenant (folio 120) que le fait est étrange, n’y trouve cependant rien de difficile : « Quanquam mirum sit, non tamen difficile. » (R.)
- ↑ Henri V, roi d’Angleterre, le plus grand homme de son temps, beau-frère de Charles VII, dont il avait épousé la sœur, était mort à Vincennes, après avoir été reconnu roi de France à Paris ; son frère, le duc de Bedford, gouvernait la meilleure partie de la France au nom de son neveu Henri VI, reconnu aussi pour roi de France à Paris par le parlement, l’hôtel de ville, le châtelet, l’évêque, les corps de métiers, et la Sorbonne. (Note de Voltaire, 1773.)
- ↑ Réminiscence de ces vers de J.-B. Rousseau :
Pour un procès tous deux s’étant émus,
De maudissons lardaient leurs oremus.Épigrammes, I, xviii. - ↑ Poton de Saintrailles, La Hire, grands capitaines ; Jean de Dunois, fils naturel de Louis d’Orléans et de la comtesse d’Enghien ; Richemont, connétable de France, depuis duc de Bretagne ; La Trimouille, d’une grande maison du Poitou. (Note de Voltaire, 1762.)
- ↑ Le président Louvet, ministre d’État sous Charles VII. (Id., 1762.)
- ↑ Auréole, c’est la couronne de rayons que les saints ont toujours sur la tête. Elle paraît imitée de la couronne de laurier dont les feuilles divergentes semblaient environner de rayons la tête des héros ; ce qui a fait tirer à quelques-uns l’étymologie d’auréole de laurum, laureola : d’autres la tirent d’aurum. Saint Bernard dit que cette couronne est d’or pour les vierges. « Coronam quam nostri majores aureolam vocant, idcirco nominatam… » — Cette note appartient, à la seconde phrase près, à l’édition de 1762, où elle s’appliquait au vers 307 du onzième chant. La rédaction actuelle a paru dans l’édition de Kehl : les éditeurs l’ont, avec raison, transposée à l’endroit du poëme où le mot auréole parait pour la première fois. (R.)
- ↑ Le bâton des augures ressemblait parfaitement à une crosse. (Note de Voltaire, 1762.)
- ↑ Ce Denis, patron de la France, est un saint de la façon des moines. Il ne vint jamais dans les Gaules. Voyez sa légende dans les Questions sur l’Encyclopédie, à l’article Denis : vous apprendrez qu’il fut d’abord créé évêque d’Athènes par saint Paul ; qu’il alla rendre une visite à la vierge Marie, et la complimenta sur la mort de son fils ; qu’ensuite il quitta l’évêché d’Athènes pour celui de Paris ; qu’on le pendit, qu’il prêcha fort éloquemment du haut de sa potence ; qu’on lui coupa la tête pour l’empêcher de parler ; qu’il prit sa tête entre ses bras, qu’il la baisait en chemin, en allant à une lieue de Paris fonder une abbaye de son nom. (Note de Voltaire, 1773.) — Cette note contient plusieurs inexactitudes : 1° l’article Denis du Dictionnaire philosophique, dans lequel ont été fondues les Questions sur l’Encyclopédie, est consacré à l’aréopagite, et non point à l’évêque de Paris, patron de la France ; 2° dans cet article il n’est pas question de compliments faits à la Vierge sur la mort de son fils, non plus que des baisers donnés par Denis à sa tête, qu’il tenait entre ses bras. (R.)