La Puissance des ténèbres/01
ACTE PREMIER[1]
Scène PREMIÈRE
Encore les chevaux partis ! Décidément, ils vont tuer mon poulain ! Nikita ! Eh ! Nikita ! Il est devenu sourd ! (Il écoute et s’adressant aux femmes.) Assez ! vous autres, on n’entend rien !
Quoi !
Fais rentrer les chevaux.
Tout à l’heure, attends !
Oh ! ces ouvriers ! Si j’étais bien, jamais je n’en aurais ! Une source de péchés pour les maîtres ! (Se levant et s’asseyant de nouveau.) Nikita ! Vous avez beau crier… (Se retournant vers les femmes.) Allez donc, quelqu’une de vous autres… Akoulina, va donc les faire rentrer !
Les chevaux ?
Quoi donc ?
Tout de suite. (Elle sort.)
Scène II
Quel flemmard, ce garçon-là ! Il n’est pas soigneux ! Avant qu’il ait pris le temps de se lever, de se… que sais-je ?
Tu peux parler ! Tu es joliment remuant, toi ! Il va du poêle au banc et il est exigeant pour les autres !
Si on n’est pas exigeant avec vous autres, on vous cherchera toute une année à la maison ! Ah ! quel peuple !
Tu fourres dix choses à faire à la fois et tu grognes encore ! Étendu sur le poêle, c’est pas malin de commander !
Si la maladie n’avait pas jeté le grappin sur moi, je ne l’aurais pas gardé un seul jour.
Psio ! Psio ! Psio ! (On entend un poulain hennir et les chevaux entrent par la porte cochère. Les portes grincent.)
Blaguer, c’est son affaire ! Ah ! pour sûr, je ne l’aurais pas gardé !
Je ne l’aurais pas gardé !… Je voudrais te voir à l’œuvre et tu pourrais causer après.
Scène III
Ah ! j’en ai eu du mal ! Y a toujours le grison, qui ne voulait pas rentrer.
Et Nikita donc, où est-il ?
Nikita ? Il est dans la rue.
Et qu’est-ce qu’il y fait ?
Ce qu’il fait ? Il est au coin, il bavarde.
Ah ça ! on ne tirera donc rien d’elle !… Avec qui bavarde-t-il ?
Quoi ? (Piotr fait un mouvement de dépit ; Akoulina se remet à filer.)
Scène IV
Le père et la mère de Nikita sont là. Ils veulent le ramener chez eux. Que je meure si ce n’est pas vrai !
Vrai ?
Vrai ! Que je meure tout de suite ! (Elle rit.) Je passais et il y a Nikita qui m’a dit : — Adieu, qu’il m’a dit, Anna Petrovna ! N’oublie pas de venir t’amuser à ma noce. Moi, qu’il dit, je m’en vais de chez vous… et il riait.
Tu vois ! On n’a pas trop besoin de toi ici ! Voilà Nikita qui s’en va de lui-même. Et lui, il dit : — Je le chasserai !
Eh bien ! Qu’il s’en aille ! Est-ce que je n’en trouverai pas d’autres ?
Et l’argent qui est avancé ? (Anioutka s’avance vers la porte, écoute et s’en va.)
Scène V
L’argent ! Si c’est comme ça, il me le rendra en travail cet été.
Oui, tu es bien aise de le mettre dehors. Ça fait moins de pain à manger ! À moi de trimer tous les jours de l’hiver, comme un pauvre vieux cheval ! La fille n’est pas bien ardente à la besogne, et toi, tu resteras étendu sur le poêle, je te connais, va !
Pas besoin de tant remuer la langue avant de savoir de quoi il s’agit.
L’étable est pleine de bétail. La vache, tu ne l’as pas vendue, et tu as gardé tous les moutons pour l’hiver. À peine si on aura le temps de leur préparer l’eau et le fourrage, et tu veux encore renvoyer le domestique ! Eh bien ! moi, je ne veux pas faire un métier de paysan, je m’étendrai comme toi sur le poêle et que tout aille au diable ! Fais comme tu voudras !
Va donc chercher le fourrage, voyons, il est temps.
Le fourrage ? Bien ! (Elle met son caftan et prend une corde.)
Je ne veux plus travailler pour toi, c’est assez ! Je ne veux plus. Travaille toi-même !
Assez donc ! Qu’est-ce que tu as mangé aujourd’hui ? Tu es comme un vrai mouton enragé !
Enragé toi-même ! On n’a de toi ni travail ni joie ! Tu me dévores l’existence ! Ah ! Vieux chien tremblotant !
Pfff ! Que Dieu me pardonne ! Je vais aller voir ce qu’il y a. (Il s’en va.)
Diable pourri, va !
Scène VI
Pourquoi engueules-tu le père ?
Va-t’en, sotte, tais-toi !
Je sais pourquoi tu l’engueules ! Sotte toi-même ! Chienne ! Je ne te crains pas !
Qu’est-ce que tu veux ? (Elle se lève et cherche quelque chose pour frapper Akoulina.) Prends garde à toi, je te flanquerai un coup de fourche !
Chienne ! Diable ! Voilà ce que tu es ! Diable ! Chienne ! Chienne ! Diable ! (Elle sort.)
Scène VII
Ah ! il a dit : — Viens à ma noce ! Qu’est-ce qu’il trame donc ? Le marier ! Garde-toi bien, Nikita ! Si ce sont tes idées, je me charge… Je ne peux pas vivre sans lui, je ne le laisserai pas partir !
Scène VIII
Petit frère, ça ne va pas ! Le père est venu, il veut m’emmener. Il m’ordonne de revenir à la maison. — Décidément, qu’il dit, nous allons te marier et tu rentreras chez nous.
Eh bien ! marie-toi ! Qu’est-ce que cela me fait ?
Ah ! C’est comme cela, moi qui cherchais à arranger les choses et, elle, la voilà qui m’engage à me marier ! (Clignant de l’œil.) Et pourquoi ça ? As-tu oublié ?
Oui, marie-toi ! Ça ne me regarde pas.
Pourquoi te rebiffes-tu ? Voyez-vous ça ? Elle ne veut plus se laisser passer la main dans le dos ! Qu’est-ce que tu as ?
J’ai que tu veux me lâcher et que si tu veux me lâcher, je n’ai plus besoin de toi, voilà toute l’histoire.
Voyons, Anicia ? Est-ce que je veux t’oublier ? Jamais de la vie ! Décidément, vois-tu, je ne te lâcherai pas et voilà comment je raisonne : même si on me marie, je reviendrai te trouver, pourvu toutefois qu’on ne me retienne pas à la maison.
Est-ce que j’aurai besoin de toi, quand tu seras marié ?
Mais comment veux-tu, petit frère ? Y a pas moyen cependant d’échapper à la volonté paternelle.
Tu rejettes tout sur le dos de ton père et les idées sont toutes à toi. Il y a longtemps que tu prépares tout cela avec ta salope de Marinka. C’est elle qui t’a monté le coup. Ce n’est pas pour rien qu’elle est venue rôder par ici, ces jours derniers.
Marinka ? Est-ce que j’ai besoin d’elle ? Ah ! Y’ en a pas mal comme elle qui me cramponnent !
Pourquoi donc ton père est-il venu ? C’est toi qui lui as mis cela dans la tête, tu me trompais. (Elle pleure.)
Anicia, crois-tu en Dieu, oui ou non ? Je n’ai rien pensé de pareil, même en rêve. Décidément, je ne sais rien de rien. C’est mon vieux qui a pris tout cela sous son bonnet.
Si tu ne veux pas, on ne peut pas te tirer avec un licou.
Aussi je raisonne. Il n’y a pas moyen d’aller contre le père. Seulement, ce n’est pas ma volonté.
Résiste, voilà tout !
Il y en avait un qui résistait comme ça, et alors on lui a caressé le derrière avec des verges à la mairie. C’est bien simple et je n’en ai pas envie. Ça chatouille, à ce qu’il paraît.
Assez de plaisanterie ! Écoute, Nikita, si tu prends Marinka, je ne sais ce que je ferai de moi… Je me périrai ! J’ai commis un péché, j’ai violé la loi… Je ne puis plus revenir sur mes pas. Si jamais tu t’en vas, je m’arrangerai de manière…
Pourquoi m’en irais-je ? Si je voulais m’en aller, je serais parti, il y a longtemps. Hier encore, Ivan Semionitch m’a fait des propositions… il me voulait pour cocher… Eh bien ! je n’ai pas accepté. Et quelle vie cependant ! Je le sais bien, tout le monde veut de moi. Ah ! si tu ne m’aimais pas, ce serait une autre affaire !
Souviens-t’en bien ! Le vieux va mourir d’un moment à l’autre. Nous règlerons notre situation. Nous nous marierons et tu deviendras le maître !
Pourquoi penser à des choses si lointaines ? Qu’est-ce que cela me fait ? Je travaille comme pour moi-même. Le maître m’aime, la patronne aussi et si les femmes me courent après, je n’y suis pour rien, c’est bien simple…
Tu m’aimeras ?
Comme ça ! De tout cœur et toujours comme…
Scène IX
l’image. Nikita et Anicia se séparent brusquement.
Je n’ai rien vu ! Je n’ai rien entendu ! Tu as cajolé une petite femme. Eh bien ! Les veaux, mon Dieu, jouent aussi dans la prairie… Pourquoi pas ? C’est la jeunesse ! Toi mon fils, le maître t’appelle dans la cour.
Moi, j’étais venu pour chercher la hache.
Je sais, je sais, chéri, de quelle hache il s’agit. C’est une hache qui se trouve le plus souvent auprès des femmes.
Eh bien, mère, c’est donc sérieux ! Vous voulez me marier ? J’ai l’idée que vous avez tort. D’abord, moi, je n’y tiendrais pas.
Eh ! chéri, pourquoi te marier ? Vis donc comme avant ! Tout ça, c’est des imaginations du vieux. Va, mon petit, nous arrangerons bien les affaires sans toi !
C’est drôle tout de même. Tantôt on veut me marier, tantôt on ne veut plus. Décidément, je n’y comprends rien.
Scène X
Eh bien, tante Matriona, est-ce sérieux que vous voulez le marier ?
Avec quoi donc, ma petite fraise ? Tu connais bien nos moyens ? Ce sont des paroles en l’air de mon vieux. Le marier, le marier ! ce n’est pas une affaire de sa capacité. Tu sais bien, les chevaux ne rechignent pas sur l’avoine. Quand on est bien, pourquoi chercher mieux ? C’est le cas. Est-ce que je ne vois pas où en sont les choses ?
Eh bien, tante Matriona, je n’ai pas à me cacher de toi. Tu sais tout. J’ai péché, j’aime ton fils.
Ah ! la belle nouveauté ! Comme si la tante Matriona ne le savait pas ! Eh ! ma fille, c’est une rouée, une archi-rouée, la tante Matriona ! La tante Matriona, je te dirai, ma fraise, voit à un mètre sous terre. Je sais tout, ma fraise ! Je sais pourquoi les jeunes femmes ont besoin de poudres qui font dormir. Je les ai apportées. (Elle dénoue un coin de son fichu et en tire un paquet de poudres.) Ce qu’il faut, je le vois bien et ce qu’il ne faut pas, je ne veux pas le savoir, voilà ! La tante Matriona a été jeune, elle aussi ! C’est que, vois-tu, avec mon bêta, il fallait savoir s’arranger pour vivre. Je connais les soixante-dix-sept moyens ! Je vois, ma fraise, que ton vieux a un pied dans la tombe. De quoi est-il capable ? Fiche-lui un coup de fourche, il ne viendra pas seulement une goutte de sang. Au printemps, au plus tard, tu l’enterreras. Faudra prendre quelqu’un dans la maison et mon fils… ça ne ferait-il pas un bon homme ? Pas pire que les autres. Quel bénéfice aurais-je donc d’empêcher mon fils de faire une bonne affaire ? Suis-je ennemie de mon enfant ?
Pourvu qu’il reste avec nous ?
Il restera, mon hirondelle. Ce sont des bêtises. Tu connais mon vieux. Il n’a pas d’esprit à revendre, mais quand il lui entre quelque chose dans sa caboche, c’est le diable pour l’en faire sortir.
Mais d’où vient donc ce projet ?
Vois-tu, ma petite fraise, tu connais le gars. Tu sais comme il aime les femmes. Et puis il n’y a pas à dire, c’est qu’il est bien de sa personne. Eh bien ! Il était, comme tu sais, employé au Chemin de fer et là-bas, il y avait une fillasse, une orpheline qui était cuisinière, et alors cette fillasse commença à le cramponner.
Marinka ?
Oui, elle ! Que la paralysie lui casse les os ! Je ne pourrais pas te dire s’il y a eu ou non quelque chose entre eux, seulement mon vieux a eu vent de l’affaire. Est-elle venue potiner ou le monde a-t-il causé ?…
Est-elle hardie, la catin !
Et voilà mon vieux qui s’emballe ! Tête d’imbécile ! — « Le marier ! Le marier ! Pour couvrir le péché ! Ramenons-le à la maison, qu’il dit, et marions-le ! » J’ai dit tout ce que j’ai pu, rien ! — Très bien ! que j’ai pensé, alors, je m’en vais retourner ton affaire. Vois-tu, ma petite fraise, ces imbéciles-là, faut toujours dire comme eux, et quand on arrive au fait, on fait ce qu’on veut. Le temps de tomber du poêle, vois-tu, et la femme a le temps de tourner dans sa tête soixante-dix-sept idées. Comment veux-tu qu’ils nous comprennent ? — Eh bien ! que j’ai dit, mon bon vieux, voici une excellente affaire, seulement, faut de la réflexion. Allons chez le fils ! Nous demanderons conseil à Piotr Ignatitch, nous verrons ce qu’il dira et nous voilà !
Ah ! tante Matriona, comment faire maintenant ? Et si son père lui en fait une obligation ?
L’obligation ? Nous la fourrerons sous la queue du chien. N’aie pas peur, l’affaire ne se fera pas ! Tout à l’heure, avec ton vieux, je m’en vais si bien tamiser tout ça qu’il n’en restera rien. Si je suis venue avec le père, c’est pour sauver les apparences. Comment donc ? Mon fils nage dans le bonheur, il est à la veille d’être encore heureux et j’irais le marier avec une catin ! Pas si bête que ça !
La Marinka est venue le relancer jusqu’ici. Me croiras-tu, tante Matriona ? Quand on m’a dit qu’on voulait le marier, c’est comme si on m’avait planté un couteau dans la poitrine. Je croyais qu’il la portait dans son cœur.
Ah ! par exemple, ma fraise, faudrait qu’il soit fou pour aimer une salope sans feu ni lieu. Nikita, vois-tu, est un gars qui a de l’idée ! Il sait bien qui il faut aimer. Aussi, quant à toi, ma fraise, ne crains rien, jamais de la vie nous ne l’emmènerons et jamais non plus nous ne le marierons. Vous nous donnerez quelques roubles et il restera.
Il me semble que le départ de Nikita, ce serait ma mort !
Affaire de jeunesse ! Je le crois bien, tu es une femme dans la force de l’âge. Vivre avec une savate pareille !…
Tu peux me croire, tante Matriona ! Ce qu’il me dégoûte, ce qu’il me dégoûte, ce vilain chien ! Je ne puis plus le voir en face !
Ça ne m’étonne pas ! Tiens, viens voir ici. (Elle chuchote et regarde de tous côtés.) J’ai été voir le petit vieux pour les poudres. Il m’a donné une drogue à deux fins. Regarde ici : — « Ça, m’a-t-il dit, c’est une poudre pour faire dormir. Donne-lui en un paquet, il dormira tellement qu’on pourra lui danser sur le ventre et ceci, qu’il a ajouté, est une drogue qui, si tu la lui donnes en boisson, ne laissera aucune odeur, mais qui a une très grande force. C’est pour sept fois : une pincée par fois. Donne-les-lui en sept fois et après cela, qu’il dit, elle aura sa liberté. »
Oh ! qu’est-ce que c’est donc ?
Ça ne laisse aucune trace. Il m’a pris un rouble. Il ne peut pas à moins, qu’il m’a dit, parce que, vois-tu, ces poudres sont très difficiles à composer. Je les ai payées de mon argent, ma fraise. Si tu n’en veux pas, je les porterai à Mikaïlovna.
Oh ! mais, il en résultera peut-être du mal ?…
Quel mal donc, ma fraise ? Si encore ton vieux était solide, mais il n’a que le souffle, il ne peut pas vivre. Il y en a beaucoup qui en font autant.
Ah ! ma pauvre tête ! Je crains beaucoup, Matriona, qu’il ne nous arrive malheur. Oh ! non ! non !
Alors, je vais remporter les poudres.
Alors, tu dis qu’il faut les faire fondre dans l’eau comme les autres ?
Dans le thé, ça vaut mieux. — « Il ne reste aucune trace, qu’il m’a dit, elles n’ont ni odeur, ni rien. » C’est que c’est un homme intelligent.
Oh ! ma pauvre tête ! Est-ce que je me hasarderais à faire ces choses-là, si ce n’était ma vie de forçat ?
N’oublie pas le rouble ! J’ai promis au vieux de le lui rapporter. Il se donne de la peine aussi, lui !
Certainement. (Elle va vers son bahut dans lequel elle cache les poudres.)
Cache-les bien, ma fraise, pour que le monde n’en sache rien et si, Dieu nous en préserve ! il y avait jamais quelque chose, tu dirais que c’est pour les cafards… (Elle prend le rouble.) C’est bon aussi pour les cafards !… (Elle s’interrompt.)
Scène XI
en regardant l’image.
Eh bien ! alors, oncle Akim…
Pour le mieux, Ignatitch… Faudrait pour le mieux, ça… Pour le mieux ! Pour qu’il ne s’ensuive pas de mal. Des polissonneries, ça ! Je voudrais… ça… le mettre à la besogne, le gars, et si toi, vois-tu, tu ne penses pas… on peut essayer autrement… pour le mieux !
Bon, bon ! Assieds-toi et causons. (Akim s’assied.) Alors tu veux donc le marier ?
Pour le marier, ça ne presse pas, Piotr Ignatitch : tu connais notre gêne ; comment veux-tu qu’on se marie quand on a tant de peine à vivoter ? Comment veux-tu que nous le mariions ?
Dame ! Faites pour le mieux.
Pour se marier, y a pas besoin de se presser. C’est comme ça. Les hommes, c’est pas comme les framboises, ça ne tombe pas quand c’est trop mûr.
Eh bien, s’il s’agit de mariage, ça peut être une bonne chose.
On voudrait… vois-tu, oui… parce que il m’est venu un petit travail… en ville… oui… avantageux.
En v’là un travail ! Nettoyer les fosses d’aisances ! Ces jours derniers, il est rentré… ce que j’ai vomi, ce que j’ai vomi, pff !
Au début, oui… on dirait… ça… ça vous monte au nez… mais quand on s’y fait… c’est comme le marc de raisin… et puis, aussi, c’est avantageux. Quant à l’odeur, vois-tu, oui… nous n’avons pas à nous en offenser… nous autres pauvres gens… et puis… on peut changer d’habit… alors, vois-tu, je voudrais que Nikita soit à la maison… il ferait ce qu’il y a à faire, et moi… je gagnerais en ville…
Tu veux garder ton fils à la maison, je comprends ça, mais, l’argent avancé, alors ?…
C’est vrai, c’est vrai, Ignatitch ! Tu as dit juste, pour ça… se louer, vois-tu, c’est se vendre ! Qu’il reste jusqu’à la fin de son temps… pour l’argent, seulement, comme il faut le marier, vois-tu, accorde-lui quelques jours… si cela te convient.
Eh bien, cela se peut.
C’est que nous ne sommes pas d’accord. Je m’ouvrirai devant toi, Piotr Ignatitch, comme devant Dieu. Sois juge entre moi et mon vieux. Il répétaille tout le temps : « Le mariage ! Le mariage ! » Demande-lui un peu avec qui ?… Si la fiancée était comme il faut, est-ce que je suis ennemie de mon enfant ? Mais c’est que la fille a un vice…
Pour ça, tu as tort… tu as tort, vois-tu, d’outrager cette fille ! Tu as tort… parce qu’elle… cette fille… cette même fille a reçu une offense, de mon fils ! Y a une offense… vois-tu… cette fille… oui !
Quelle offense donc ?
C’est arrivé, vois-tu, ça… avec mon fils Nikita… avec Nikita, oui !
Arrête-toi de parler ! J’ai la langue moins épaisse, laisse-moi dire. Le gars, tu le sais bien, était auparavant au chemin de fer, et là cette fille s’est cramponnée à lui, une fille, tu sais, qui ne vaut pas grand’chose… Elle s’appelle Marinka et elle était cuisinière de son équipe. Et maintenant cette même fille déclare que notre fils Nikita l’aurait… comme elle dit… trompée !
Ce ne serait pas bien.
Mais c’est que c’est une fille qui ne marche pas droit. Elle rôde partout… une vraie traînée !
Te voilà encore, la vieille ! Ça n’est pas ça… toujours pas ça… pas ça !
Voilà tous les discours de mon aigle : « — Ça, ça ! » Quoi, ça ? Il ne le sait pas lui-même ! Demande, Piotr Ignatitch, pas à moi, demande aux gens des renseignements sur cette fille. Tout le monde dira la même chose. Une sale vagabonde !
Eh bien ! oncle Akim, s’il en est ainsi, dam ! ce n’est pas la peine de le marier. Une bru, ce n’est pas un sabot… on ne se déchausse pas quand on veut.
La vieille, vois-tu, menteusement… parle contre la fille… oui… menteusement… puisque la fille, oui… elle est très bonne… très bonne, la fille ! J’en ai pitié… oui… J’en ai pitié… de la fille !
En v’là une Notre-Dame de la Miséricorde, qui est charitable pour les autres, mais qui laisse crever de faim les siens ! Il a pitié de la fille, il n’a pas pitié de son fils ! Eh bien ! attache-toi-la au cou et promène-toi avec ! Allons ! assez dit de bêtises comme ça !
Non, pas des bêtises !
Ne me coupe pas ! Laisse-moi dire.
Non, pas des bêtises ! Tu tournes tout à ta manière à propos de la fille ou à propos de toi… mais Dieu, vois-tu, Dieu… il tournera tout à sa guise… il en sera de ça… comme ça…
Avec toi, on ne fait que se fatiguer la langue.
Une fille travailleuse… une bonne fille… sur elle et autour d’elle, oui… avec notre pauvreté, ça, ça fait notre affaire… et la noce ne sera pas chère… mais ce qui me touche le plus, c’est qu’on a fait une offense à cette fille, oui… une orpheline, cette fille ! Et l’offense existe !
Elle est libre de dire…
Toi, oncle Akim, si tu te mets sur le pied d’écouter les femmes, elles t’en raconteront de belles.
Et Dieu donc ? Le bon Dieu ? Est-ce que ce n’est pas une créature humaine, cette fille ? C’est qu’aussi pour le bon Dieu, c’en est une ! Est-ce que ce n’est pas vrai ?
Le v’là encore parti !
Vois-tu, oncle Akim, il ne faut pas toujours ajouter foi à ce que disent ces filles. Le gars n’est pas mort. Envoyons-le chercher pour lui demander si c’est vrai. Il ne se parjurera pas. Appelez-le donc. (Anicia se lève.) Dis-lui que le père le demande. (Anicia sort.)
Scène XII
C’est bien jugé ça, mon bon ! Que le gars s’explique lui-même. C’est que, par le temps qui court, on ne marie pas de force, il faut l’avis du gars aussi. Jamais de la vie il ne voudrait se marier avec elle, se couvrir de honte… Mon idée est qu’il doit rester chez toi à servir son maître. Nous n’aurons pas besoin non plus de le prendre pour l’été, nous pouvons louer un homme. Tu nous donneras un billet de dix roubles et tu le garderas.
Nous causerons de cela après, il faut procéder par ordre. Finis d’abord une chose avant de commencer l’autre.
Moi, Piotr Ignatitch, j’ai dit tout ça… ça… parce que ça me convenait… On tâche toujours d’arranger les choses au mieux pour soi… quant à Dieu, oui… on l’oublie… on pense pour le mieux… on veut ramener tout à son profit et on se fait du tort… Nous pensons pour le mieux… et sans le bon Dieu, il résulte pire.
Oui, certes, Dieu, il ne faut pas l’oublier.
Il en résulte pire… tandis que, d’après la loi, d’après les préceptes de Dieu, cela vous rend joyeux, oui… ça vous attire !… C’est comme ça que j’ai pensé !… Je marierai le gars pour le préserver du péché. Il restera à la maison et moi, oui… je m’occuperai en ville… Le travail est aimable et avantageux aussi. D’après les préceptes de Dieu, vois-tu, ça, c’est mieux ! C’est qu’elle est orpheline. Ainsi par exemple, l’été passé, on a pris du bois chez le commis… de cette manière on pensait le tromper. En effet, on a trompé le commis, mais le bon Dieu, vois-tu, ça… on ne l’a pas trompé. Eh bien, alors !…
Scène XIII
Vous m’avez demandé ? (Il s’assied et prend son tabac dans sa poche.)
Voyons ! Ne connais-tu pas les convenances ? Le père va t’interroger et tu t’amuses avec ton tabac, tu t’assieds ! Viens donc ici, lève-toi ! (Nikita se met devant la table, s’accoude nonchalamment et sourit.)
Il résulte donc ça… c’est que, Nikita… il y a une plainte, vois-tu, une plainte…
De qui la plainte ?
La plainte ? D’une fille, d’une orpheline, vois-tu, la plainte… C’est d’elle que vient la plainte… Contre toi… de cette même Marina… oui !
C’est drôle, vraiment ! Quelle plainte donc ? Qui est-ce qui l’a portée ? Est-ce elle ?
Moi… ça… je t’interroge maintenant… et toi… vois-tu… tu dois me répondre… Tu t’es lié avec une fille, oui… t’es-tu lié avec elle, hein ?
Décidément, je ne comprends même pas ce que vous me demandez.
Tu as fait des bêtises, hein ? avec elle… dis, des bêtises ?
Y a eu bien des choses. Quand on s’embête, on s’amuse parfois avec la cuisinière… on joue de l’accordéon et elle danse… Quelles bêtises voulez-vous encore ?
Ne t’esquive pas, Nikita, réponds raisonnablement à ce que te demande ton père.
Nikita, tu peux tromper les hommes, tu ne tromperas pas Dieu ! Alors, Nikita, vois-tu, ça… penses-y bien… n’ose pas mentir… elle est orpheline… vois-tu… tu peux lui faire du tort… orpheline… oui… parle pour le mieux…
Eh bien ! il n’y a rien à dire… Décidément, j’ai dit tout, puisqu’il n’y a rien… (S’échauffant.) Elle peut tout dire, dire tout ce qu’elle voudra, comme si j’étais mort… Est-ce qu’elle n’a pas parlé, aussi, de Fedka Mikichkine ? Est-ce que par le temps qui court, il n’est plus permis même de s’amuser ? Elle est libre de raconter tout ce qu’elle voudra.
Eh ! Nikita, prends garde à toi… Le mensonge se découvrira toujours… Y a-t-il eu quelque chose, oui ou non ?
En v’là vraiment des crampons ! (Haut.) Je vous dis que je ne sais rien. Je n’ai rien eu avec elle. (Se fâchant.) Par le Christ, tenez ! (Il se signe.) Je veux ne pas bouger de cette planche ! Je ne sais rien de rien ! (Silence. Nikita continue en s’échauffant encore plus.) Est-ce que vous auriez par exemple l’idée de me marier avec elle ? Ce serait un vrai scandale ! Par le temps qui court, on n’a pas le droit de marier les gens de force. C’est bien simple, et puis d’ailleurs, j’ai juré ! Je ne sais rien de rien.
Eh bien ! voilà, tête d’idiot ! Il croit tout ce qu’on lui dit. C’était bien la peine d’humilier comme ça ce pauvre gars ! Il vaut bien mieux qu’il reste à vivre chez son patron comme avant et le patron, en raison de notre gêne, nous donnera un billet de dix roubles et quand le temps viendra…
Eh bien ! alors, oncle Akim ?
Souviens-t’en bien, Nikita, une larme provoquée, ça… ne tombe jamais à côté, mais sur la tête de l’homme ! Souviens-t’en pour qu’il n’en résulte pas… ça !
Je n’ai pas à m’en souvenir. Souviens-t’en toi-même. (Il s’assied.)
Faut aller raconter cela à maman. (Elle sort.)
Scène XIV
Et c’est dans tout comme ça, Piotr Ignatitch, toujours brouillon ! Quand il s’est fourré quelque chose dans la caboche, pas moyen de l’en faire démordre ! On n’a fait que de te déranger pour rien. Quant au gars, qu’il reste ici comme avant. Garde-le, il est à ton service.
Eh bien ! alors, oncle Akim ?
Eh bien ! moi, oui… je n’enlève pas sa liberté au gars… pourvu que… ça… je voulais, vois-tu, oui…
Qu’est-ce que tu bafouilles ? Tu ne le sais pas toi-même. Qu’il reste comme auparavant ! Le gars lui-même ne veut pas s’en aller. Nous n’avons pas besoin de lui. Nous nous arrangerons tout seuls.
Seulement, oncle Akim, si tu l’enlèves pour l’été, je n’en veux pas pour l’hiver. S’il veut rester, que ce soit pour l’année.
Oui, certes, il s’engagera pour une année. Nous autres, pour les grands travaux, s’il le faut, nous louerons quelqu’un. Quant au gars, qu’il reste, et toi, tu nous donneras un billet de dix…
Alors, pour une année encore ?
Si c’est comme ça… oui, alors… vois-tu… c’est ça…
Pour une année, oui, à partir du samedi de St. Dimitri. Pour le gage, tu ne nous lèseras pas ; quant au billet de dix, donne-le maintenant. Viens-nous en aide ! (Elle se lève et s’incline devant Piotr.)
Scène XV
Allons ! Ça va bien, et puisque c’est arrangé comme ça, allons jusqu’à l’auberge et buvons un coup ! Allons, oncle Akim, un verre d’eau-de-vie !
Je ne prends rien…
Tu prendras du thé, alors.
Pour le thé… j’ai un faible… pour le thé, oui…
Et les femmes en prendront aussi. Toi, Nikita, fais rentrer les moutons et ramasse la paille.
C’est bon. (Tous s’en vont, sauf Nikita. La nuit tombe.)
Scène XVI
En v’là des crampons ! — « Dis-nous ce que tu fais avec les filles ! » Ça n’en finirait plus, s’il fallait raconter tout ça ! Ils sont tous à dire : Marie-toi ! S’il fallait se marier avec toutes, on en aurait, des femmes ! C’est pas la peine d’épouser, je vis mieux qu’un homme marié ! Les autres en sont jaloux… C’est drôle, tout de même… on dirait qu’on m’a poussé, quand je me suis signé devant l’image… Comme ça, j’ai coupé court… On dit que c’est dangereux de jurer à faux… Quelle bêtise !… Ce n’est rien… des paroles en l’air, tout simplement !
Scène XVII
Tu aurais dû allumer…
Pour te regarder ? Je te vois bien sans ça.
Veux-tu bien te taire !
Scène XVIII
Nikita, va vite, quelqu’un te demande… vrai !
Qui ?
Marina du Chemin de fer. Elle est dans la rue, au coin.
C’est pas vrai.
Oh ! je veux mourir…
Qu’est-ce qu’elle veut donc ?
Elle te prie de sortir. — « Je n’ai, qu’elle dit, qu’un mot à dire à Nikita. » Je lui ai demandé quoi, elle ne l’a pas dit. Elle a demandé seulement si c’est vrai que tu t’en allais de chez nous, et moi, j’ai répondu que non. Son père voulait l’emmener, que j’ai dit, le marier, mais il a refusé. Il va encore rester une année. « — Alors, qu’elle a dit, envoie-le-moi, pour l’amour de Dieu ! J’ai à lui dire un mot. » Il y a longtemps qu’elle attend. Vas-y donc !
Qu’elle s’en aille à tous les saints ! Qu’irais-je faire ?
Elle dit : « S’il ne vient pas, j’entrerai dans l’izba ! » Que je meure ! J’entrerai, qu’elle dit !
Ne crains rien ! Quand elle aura fini d’attendre… elle s’en ira.
« — Est-ce avec Akoulina, qu’elle dit, qu’on veut le marier ? »
Qui est-ce qu’on veut marier avec Akoulina ?
Nikita.
C’est pas si facile que ça ! Qui donc a dit ça ?
Dame ! il paraît que ça se dit. (Il la regarde et sourit.) Akoulina, est-ce que tu veux de moi, hein ?
De toi ? Avant, peut-être ; maintenant, non.
Pourquoi pas maintenant ?
Parce que tu ne m’aimerais pas.
Pourquoi pas ?
On ne te le permettrait pas.
Qui est-ce qui ne le permettrait pas ?
Ma belle-mère. Elle jure toujours et elle t’a tout le temps à l’œil…
Voyez-vous ça ! Tu remarques bien.
Moi ! Je n’ai rien à remarquer, seulement je ne suis pas aveugle. Elle a assez savonné mon père aujourd’hui, la sorcière à tête carrée ! (Elle s’en va dans le cabinet de débarras.)
Nikita, regarde donc ! (Elle regarde par la fenêtre.) La voilà qui vient ! Que je meure si ce n’est pas elle, je m’en vais ! (Elle sort.)
Scène XIX
Qu’est-ce que tu fais avec moi, Nikita ?
Qu’est-ce que je fais ? Je ne fais rien.
Tu veux me renier ?
Venir ici ? Mais à quoi est-ce que ça ressemble ?
Ah ! Nikita !
Vous êtes drôles, vous autres, vraiment ! Qu’est-ce que tu es venue faire ?
Nikita !
Oui, je suis Nikita ! Qu’est-ce que tu veux ? Va-t’en, je te dis !
Oui, je vois que tu veux me lâcher… Tu veux m’oublier…
De quoi est-ce que j’ai à me souvenir ? Elle ne le sait pas elle-même ! Tu étais dans la rue, tu as envoyé Anioutka… je ne suis pas venu… tu vois donc que je n’ai pas besoin de toi, tout simplement. Eh bien, alors, va-t’en !
Tu n’as pas besoin ! Maintenant tu n’as plus besoin de moi ! J’ai cru que tu m’aimerais, et maintenant que tu m’as perdue, tu n’as plus besoin de moi !
Tout ça, c’est des paroles qui n’avancent à rien, des bêtises ! C’est toi qui as été rapporter à mon père ? Va-t’en, je t’en prie !
Tu sais bien que je n’ai jamais aimé que toi. Épouse-moi ou non, je ne me fâcherai pas… Mais puisque je n’ai pas de torts envers toi, pourquoi ne m’aimes-tu plus ? Pourquoi ?
Ne parlons pas inutilement. Va-t’en ! Oh ! les imbéciles, elles sont toutes folles !
Ce qui me fait de la peine… ce n’est pas parce que tu m’as trompée en me promettant le mariage, mais c’est parce que tu ne m’aimes plus… et ce n’est même pas ça encore… c’est parce que tu m’en as préféré une autre et je sais qui !…
Ce n’est pas la peine de tant parler avec vous autres, vous ne voulez jamais entendre raison. Va-t’en, je te dis, ou ça finira mal !
Mal ? Est-ce que tu voudrais me battre, par hasard ? Eh bien, bats-moi ! Pourquoi détournes-tu ton museau ? Eh ! Nikita !
Certainement, ce n’est pas convenable… quelqu’un peut venir. Et puis, pourquoi parler inutilement ?
C’est fini, alors ? Il ne reste plus rien ? Tu m’ordonnes d’oublier ? Eh bien ! Nikita, souviens-toi ! Je gardais mon honneur comme la prunelle de mes yeux. Tu m’as perdue pour rien, tu m’as trompée, tu n’as pas eu pitié d’une orpheline… (Elle pleure.) Tu m’as reniée, tu m’as tuée et cependant je ne te garde pas rancune. Que Dieu te juge ! Si tu trouves mieux, tu m’oublieras, si tu trouves pire, tu te souviendras de moi ! Tu t’en souviendras, Nikita ! Adieu, puisqu’il en est ainsi ! Ah ! Comme je t’aimais ! Adieu, pour la dernière fois ! (Elle veut l’embrasser et elle le prend par la tête.)
Assez bavardé ! Si tu ne veux pas t’en aller, c’est moi qui m’en irai ! Reste ici.
Monstre ! (Sur le seuil de la porte.) Dieu ne te donnera pas de bonheur ! (Elle sort en pleurant.)
Scène XX
Quel chien tu fais, Nikita !
Pourquoi ?
Comme elle a pleuré ! (Elle pleure.)
Qu’est-ce que cela te fait ?
Ce que cela me fait ? Tu l’as offensée, tu m’offenseras comme ça aussi, espèce de chien ! (Elle rentre dans le cabinet.)
Scène XXI
Quelle bagarre ! J’aime les femmes comme le sucre, mais que de péchés avec elles, ah !… sans fin !
- ↑ Nous publions La Puissance des Ténèbres dans la belle traduction de MM. Isaac Pavlovsky et Oscar Méténier, qui nous en ont donné gracieusement l’autorisation pour laquelle nous leur exprimons ici nos sincères remerciements.
On lira dans l’Appendice les raisons qui nous ont déterminés à publier cette traduction dans notre recueil des œuvres complètes de L. N. Tolstoï.