La Radiologie et la guerre/07

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Félix Alcan (p. 120-124).

VII

ORGANISATION D’APRÈS GUERRE

La constitution du service radiologique de guerre n’est pas seulement pour nous un motif légitime de soulagement en ce sens qu’elle correspond à un devoir accompli envers ceux qui risquaient leur vie pour la défense de la patrie commune. Nous devons, en plus, y trouver un enseignement impérieux pour l’avenir. Nous devons en déduire une organisation d’après guerre dans l’intérêt du développement de notre race.

Maintenant que l’éducation sur ce point a été faite, que nul médecin ou chirurgien n’ignore plus les bienfaits de l’examen radiologique, et que cette connaissance est également répandue parmi les citoyens qui ont été soldats et parmi leurs familles, — on ne peut plus revenir à l’ancien état de choses où l’emploi de radiodiagnostic était réservé à des cas exceptionnels et à des localités exceptionnelles. Il est indispensable d’assurer à toute la population française le bénéfice d’une méthode d’examen aussi précieuse.

Il est à remarquer, tout d’abord, qu’avec la fin de la guerre, ne se sont nullement éteintes les obligations de solidarité sociale suscitées par celle-ci. Nombreux sont les démobilisés qui, revenus dans leurs foyers, ont conservé des souffrances ou des infirmités contractées pendant le service. À tous ceux-là sont dus les soins qui peuvent améliorer leur santé et faciliter leur travail ; et il est parfaitement légitime d’étendre ce droit à leurs familles.

Une obligation analogue est créée par les conditions spéciales de vie dans les régions libérées. La reprise d’activité dans ces régions est parfois très difficile. Les accidents de travail y sont nombreux. Le poste de secours est un élément essentiel du groupement qui entreprend la reconstruction des villages détruits et la mise en valeur des champs ou des puits de mines. À chaque poste de secours doit être affecté un appareil radiologique qui en augmente l’efficacité.

Les conséquences néfastes de la guerre se font sentir encore de bien d’autres manières. Il n’est point nécessaire d’insister sur notre bilan en ce qui concerne le nombre de la population et la santé publique. Nous savons tous que la France a perdu l’élite de sa jeunesse tant au point de vue physique qu’au point de vue moral, et que parmi les citoyens qui ont été épargnés sévit la tuberculose. C’est la tuberculose encore qui attaque la vie des jeunes enfants et compromet l’avenir de la race.

Pour conjurer le danger qui menace celle-ci, aucun effort ne doit être épargné, et le mot d’ordre doit être de faire tout ce qui est possible pour conserver à la France chacun de ses citoyens et pour assurer le développement des enfants. Déjà cette nécessité a été largement comprise, et un vaste effort a été entrepris pour la création de dispensaires antituberculeux et de sanatoriums dans toute la France. Ces établissements dont le rôle est la lutte contre la tuberculose ont besoin pour cela de tous les moyens qu’offre la science moderne ; ils doivent, en particulier, disposer d’appareils radiologiques pour l’examen des lésions pulmonaires et des lésions osseuses.

Les nécessités de l’examen radiologique ne se bornent pas à ces exemples. Cet examen s’impose dans un grand nombre de cas qui se présentent fréquemment dans la vie courante ; il doit constituer un procédé de diagnostic, non point exceptionnel, mais tout à fait habituel. Il doit, en particulier, être employé pour veiller à la santé des enfants, pour contrôler le développement de leur système osseux et l’état des organes internes.

Pour remplir ce rôle social, le service radiologique doit être un élément exigé dans tout hôpital, hospice ou établissement sanitaire de France, dans les villages comme dans les villes. Une telle organisation comporte une grande provision de matériel et un personnel correspondant. La réalisation est facilitée par les disponibilités en appareillage qui résultent de la guerre et par la formation de personnel qui a eu lieu pour les besoins de la guerre.

Le Service de Santé qui s’est trouvé en possession d’un matériel considérable, a pris la décision d’affecter celui-ci à ses hôpitaux militaires, et, dans la mesure des disponibilités, aux hôpitaux mixtes ou civils. De plus, les voitures radiologiques ou postes mobiles en bon état doivent être mis à la disposition des centres de région pour parer aux besoins de celles-ci, en se rendant dans les villages où il n’existe aucun poste fixe. On obtient ainsi un noyau d’organisation qui s’étend sur toute la France.

En dehors de cette action, il en est une autre, d’initiative privée. Les œuvres de guerre, qui disposaient d’appareils radiologiques, en premier lieu le Patronage National des Blessés, ont voulu compléter leur tâche en répartissant les appareils rendus disponibles dans les hôpitaux et dispensaires, de manière à établir des centres de service radiologique ou à conserver ceux qui s’étaient fondés pendant la guerre.

Les hôpitaux et hospices civils des villes de province ont été, en général, utilisés pour le service des blessés pendant la guerre. À ce titre, ils ont été pourvus d’installations radiologiques établies le plus souvent par l’initiative privée. Il est à remarquer que, dans presque tous les cas semblables, les municipalités ont demandé après la guerre à conserver l’installation et n’ont pas hésité à faire dans ce but un effort en versant une indemnité à l’œuvre qui avait fourni les appareils. C’est là une indication réconfortante du progrès réalisé dans la connaissance générale du rôle de la radiologie et de la nécessité de son emploi régulier.

Ainsi nous pouvons prévoir dès à présent une organisation assez complète qui pourra se perfectionner progressivement, à condition de disposer d’un personnel compétent suffisamment nombreux. Celui-ci doit pouvoir être renouvelé suivant les besoins. Il est dont important que continuent à fonctionner les centres d’enseignement pour les médecins spécialisés en radiologie ainsi que pour les manipulateurs ou manipulatrices chargés d’assurer le bon fonctionnement des appareils. Pour répondre à ce besoin, un cours de Radiologie a été créé récemment à la Faculté de Médecine de Paris.

Il convient aussi d’encourager la fabrication des appareils, des ampoules, soupapes, écrans, etc., afin que les nombreux centres radiologiques nouvellement créés puissent s’approvisionner facilement en matériel indispensable.