La Route fraternelle/17

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La Route fraternelleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 56-58).


L’ÉTOILE DE LA PAIX

À G. Deberme.



Étoile de la Paix, toi qui sembles éclore
Derrière la colline, et déjà mettre autour
De notre crépuscule une clarté d’aurore,
Et du siècle prochain, toi qui seras le jour ;

Ils avaient à l’envi douté de ta venue,
Les Bismarck monstrueux et les nains Talleyrand,
Mais le juste aussitôt, joyeux, t’a reconnue,
Et le sublime instinct des peuples te comprend.

Les habiles en vain vont crier aux chimères,
Et leurs rires sonner autour des tapis verts,
Palpitantes vers toi tendront toutes les mères,
— Ces fleurs d’humanité — leurs calices ouverts.

De cette vieille Europe à l’âme encor barbare,
Tu sauras dissiper l’héréditaire erreur
Qui croit à la vertu des canons, et prépare
L’hégire de l’Amour par l’ère de terreur.


Du sauvage mourant tu verras naître l’homme
Enfin ; et tu verras, du front de la cité,
Le mot d’airain : Si vis pacem para bellum,
Par un vent de justice à jamais emporté,

Tandis qu’un autre mot à sa place étincelle,
Qu’on croyait utopie et n’est que vérité :
« Si tu veux assurer la paix universelle,
Un peu moins d’armements, beaucoup plus d’équité. »

Prisonnière longtemps sur les lèvres du sage,
La parole ignorée, ou dédaignée encor,
A pris son libre vol sous forme de message
Vers les quatre horizons ouvrant ses ailes d’or,

Et quand l’Idée éclate, au message commise…
Des flots de la Caspienne aux flots de l’Océan,
Comme au soudain lever de l’Étoile promise,
Tous les bergers — les bons — entonnent le Pæan !

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Étoile, tu luiras demain sur les patries
Qui ne cesseront pas d’exister, mais auront
— Rivales de travaux et non pas de tueries —
Plus d’outils dans la main, moins de casques au front.


Étoile, tu luiras demain sur les frontières
Qui resteront aussi, mais seront à leur tour,
Non de rouges champs clos ou de blancs cimetières,
Mais des portes d’accueil et des chemins d’amour ;

Et tu luiras demain sur les drapeaux eux-mêmes,
Qui, fraternellement, riront sous l’azur bleu,
Car toutes les couleurs de ces divers emblêmes,
Tiennent dans l’arc-en-ciel, cet étendard de Dieu.