La Rue de Jérusalem/Partie 2/Chapitre 14

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Le Constitutionnel (feuilleton paru du 16 nombre 1867 au 21 mars 1868p. 420-431).


XIV

Le couteau du parricide.


Les jeunes Messieurs de Cocotte et de Piquepuce, serviteurs zélés, s’empressaient déjà à exécuter l’ordre de leur souveraine et prenaient le fils unique de la Goret par les épaules pour le jeter dehors. Le vicomte Annibal les arrêta du geste et dit tout bas à Mme de Clare dont le regard l’interrogeait :

Il fait jour !

Ces trois mots valaient toute une longue explication.

Ils signifiaient que le malheureux garçon debout sur le seuil de la porte, soit qu’il agît de plein gré, soit qu’il fût poussé à son insu, avait un rôle dans la comédie des Habits-Noirs.

Mathurine écumait.

Les trente-cinq sous étaient bien pour quelque chose dans son extravagante indignation, car nulle créature humaine ne dépouille entièrement son instinct, et Harpagon reste rogneur de liards, quand même il prodigue des monceaux d’or ; mais la rage de Mathurine avait un motif autre et plus puissant.

On peut se faire une idée de l’importance qu’elle attachait à sa dignité princière par le prix qu’elle y mettait, elle, l’avare émérite et acharnée ; on peut deviner à quel point elle tenait à sa gloire si chèrement achetée ; c’était la démence de l’orgueil paysan.

Or, au plus haut faîte de cette gloire, elle se heurtait contre une humiliation inattendue.

Ce pataud en guenilles l’avait appelée « Ma m’man » devant tous ses domestiques, les comtesses, le vicomte, les dames de Paris, etc. Nous sommes dans la folie jusqu’au cou, ne l’oublions pas : folie grotesque et triste à la fois, mais surtout folie vraie : d’une vérité absolue.

Folie de femme, forte à sa manière, qui avait dépensé, les pieds dans la fange, à grossir sa montagne d’or, des prodiges d’astucieuse diplomatie.

Elle n’avait pas honte d’elle-même ; soit qu’elle ignorât sa repoussante laideur, ses ridicules odieux, tout ce qui la faisait haïssablement burlesque, soit qu’elle se sentît de force à imposer tout cela, elle allait droit son chemin, et tête haute. Elle ne riait pas. Elle n’eût pas fait crédit à ces belles dames et à ces nobles valets d’un seul hommage, payé comptant. Elle appuyait, de parti-pris, son lourd sabot sur toutes ces têtes qui étaient pour elle le nec plus ultra de l’élégance et de la distinction.

Elle avait assez d’esprit, la monstrueuse vieille, pour jouir du contraste.

Ses mains sordides reluisaient d’or, elle savait bien cela, et se laissait effrontément adorer dans sa crasse, comme ces dégradantes idoles qui font peur aux Chinois agenouillés.

Mais elle avait honte de son fils, ce pauvre malheureux innocent, battu depuis l’enfance, mal bâti, maigre, boiteux, déguenillé, affamé.

Elle avait horriblement honte.

Il n’était de rien à tout cet or. Son aspect faisait dégoût et pitié. On ne l’avait pas initié : il se croyait pauvre. Sa présence seule maculait le triomphe de Mathurine comme une insulte et un opprobre.

Elle laissa retomber le couvercle de son bahut brusquement ; elle se redressa de toute sa hauteur. Ses cheveux gris, frémissants, se hérissaient sur son crâne.

— Oh ! oh ! dit-elle d’une voix qui sortait rauque par l’effort qu’elle faisait pour la contenir, vous ne voulez pas chasser mon fieu, vous autres ! Vous avez raison : il serait votre maître, si c’était mon idée ! alors, sortez vous-mêmes, et plus vite que ça ! On n’a plus besoin de vous ! on sait faire ses affaires toute seule. Toi, éclopé, tire tes sabots et entre. Pas de bon Dieu ! on va voir !

Le jeune gars, d’un côté, les Parisiens, de l’autre, obéirent en silence.

Le malheureux enfant fit quelques pas à l’intérieur en boitant.

Il avait la tête nue et tenait ses sabots dans sa main mutilée.

— Ferme la porte, Vincent Goret ! lui ordonna Mathurine, dès que les autres furent sortis.

Il poussa le lourd battant en tremblant de tous ses membres.

Au dehors, derrière ce battant, les physionomies avaient subitement changé. La comtesse de Clare souriait au vicomte Annibal, qui lui dit :

— Bien-aimée, cet empereur Vespasien enrhumé du cerveau, le jour où il fit son célèbre mot : l’argent n’a pas d’odeur… Qu’avons-nous ce matin ?

— Nous faisons les fonds pour payer la loi, répliqua l’ancienne Marguerite de Bourgogne avec indifférence.

Annibal respira un flacon de femme qu’il avait à la main.

— Bien ! bien ! murmura-t-il sans perdre son éblouissant sourire. Un parricide, je crois ? Nous n’y allons pas par quatre chemins, mon cœur !

Marguerite appela du doigt Cocotte et Piquepuce qui marivaudaient avec les demoiselles d’honneur.

— Il nous faudra trois ou quatre paysans, dit-elle : des témoins.

— Bien ! bien ! répéta Annibal, je comprends… Mes amis, mettez la demi-douzaine. Et revenez vite, car on commence à se disputer là-dedans ; on va bientôt se battre.

— Moi, dit Cocotte, j’ai déjà été ce matin jusqu’à Mortefontaine montrer la Thérèse Soulas à Troubadour. Il y en a de l’ouvrage en train !

Piquepuce et lui prirent la campagne.

La comtesse Corona n’était nullement mêlée à tout cela. Elle s’éloignait, triste et courbée sous une profonde fatigue, sans même avoir échangé un salut avec sa collègue, Mme de Clare.

— Celle-là, dit Marguerite, qui la montra du bout de son éventail, aurait fait une assez jolie sainte, sans le péché originel.

Annibal lui baisa la main en radotant une fadeur d’Italie, et ce fut tout.

Le pauvre diable de prêtre s’en allait d’un autre côté, continuant son bréviaire.

Dans la salle basse, la mère et le fils étaient en présence.

Tout le monde sait comment sont éclairées les fermes normandes : c’est la porte ouverte qui donne la plus grande somme de lumière ; la porte fermée y fait le crépuscule.

La Goret s’appuyait toujours au couvercle de son coffre. Le malheureux Vincent poussait de gros soupirs en tourmentant la bride de ses sabots.

C’était, dans toute la force du terme, une misérable créature. D’un coup de son gros poing velu, Mathurine l’eût écrasé.

— Comme ça, dit-elle, tu as fait trente-cinq sous de casse, fiot ?

— Oui, ma m’man, par le malheur que j’ai eu.

— Et tu viens me les demander, hé, fiot, les trente-cinq sous ?

— Oui, ma m’man, avec un peu à manger et à boire.

La Goret allongea le bras au-dessus du lit et prit sa bouteille.

— C’est des remèdes, grommela-t-elle en forme d’apologie. Ça te ferait du mal, innocent. À moi pas.

Et elle but une bonne lampée à même.

Sa colère était un peu tombée.

Elle n’avait pas été trop méchante envers son gars, quand il était petit. On ne le battait que les jours où il volait du pain noir, et sauf les doigts coupés pour un bon motif, on ne lui avait jamais rien cassé qu’une jambe.

Nous n’exagérons pas : Mathurine avait du bon. Si elle avait rencontré l’éclopé dans un chemin creux, tout uniment, elle l’aurait embrassé, c’est certain ; peut-être même lui aurait-elle donné un mauvais sou refusé au débit de tabac.

Mais venir montrer ses guenilles aux gens qui disaient à Mathurine : Votre Altesse Royale !

Enfin, n’importe. La tempête se calmait. Mathurine en était à se demander comment elle ferait pour lui donner à boire, à manger et ses trente-cinq sous, sans passer pour être trop riche.

— Fiot, dit-elle d’un ton notablement radouci, je réfléchis dur et profond, sans que ça paraisse. Je cherche où je pourrais prendre tout d’un coup tant d’argent.

Nous savons déjà que l’éclopé n’était pas là de lui-même. On l’avait endoctriné. Qui ? Ce n’était pas à lui qu’il aurait fallu le demander.

Il haussa les épaules pour son malheur et répondit :

— Oh ! là là ! ma m’man ; ce n’est point beaucoup d’argent pour vous, trente-cinq sous ! qu’on dit que vous avez des mille et des cents de rente, à vous, tout partout appartenant.

La main de la Goret se crispa de nouveau.

— Qui dit cela ? interrogea-t-elle avec toute sa colère déjà revenue.

— Le monde, donc !

— Le monde, fiot ? fit-elle avec une feinte douceur. Va, mon poulet, raconte comme le monde cause.

— Sans compter, poursuivit le gars, que j’ai vu le dedans de votre bahut. Ah ! là là ! y en a assez dedans, ma m’man, des sous, des francs, des écus…

— Ah ! gronda Mathurine, tu as vu le dedans de mon bahut ? C’est du bien qui appartient aux beaux messieurs et aux belles dames de tantôt, mon petit fiot.

— Brin, brin, not’m’man, répliqua le gamin en souriant d’un air finaud. Vous les avez appelés comme ça vos domestiques, ceux-là !

C’était bien vrai, mais il ne faut pas avoir raison contre les rois.

La Goret n’avait jamais été patiente, sinon vis-à-vis de plus fort qu’elle. Depuis son avènement au trône, elle ne savait plus supporter l’ombre d’une contradiction.

Elle se jeta sur son fils, qui en était encore à rire niaisement de l’à-propos de sa riposte et, lui arrachant des mains ses sabots, elle se mit à cogner de tout son cœur, à tour de bras.

L’éclopé n’opposa d’abord aucune résistance. Les coups de sabot pleuvaient comme grêle sur son dos, sur sa tête, et même sur sa figure ; il essayait de parer avec ses mains maladroites et disait :

— Ma m’man, vous tapez trop dur ! ma m’man, vous me faites du mal ! ma m’man, est-ce que vous auriez le cœur de me périr assassiné, moi qu’est vot’enfant, de vos propres mains !

Mathurine n’entendait plus et tapait toujours, aveuglément, follement.

Et, en frappant, elle grondait :

— Il n’y a rien ici à moi ! On me pilerait dans l’auge qu’on n’aurait pas de moi trente-cinq sous ! À manger, coquin ! À boire, voleur ! N’as-tu pas l’âge de gagner ta vie ! N’est-ce pas toi qui devrais donner le boire et le manger à ta vieille mère faible et infirme !

Les coups sonnaient, le sang coulait. Le gars Vincent commençait à crier misère, mais rien ne bougeait au-dehors.

En voyant le sang, la Goret devint furieuse. C’était une femelle de taureau, elle eut la fièvre rouge. À la volée, elle jeta les sabots qui brisèrent une vitre et saisit un grand pieu à planter les choux qui se trouvait à portée de sa main.

En même temps, selon l’instinct étrange de toutes les femmes qui appellent du secours, même quand elles assomment l’autre sexe, leur maître, elle se mit à hurler :

— À la garde ! à la force ! au voleur ! à l’assassin ! on m’égorge !

Et elle lança un coup de bout à l’éclopé qui para en tombant à plat ventre.

Le pauvre diable, aux abois, cherchant machinalement une arme pour se défendre, plongea sa main dans sa poche et en retira son couteau.

Si vous saviez quel misérable couteau ! un eustache de six liards qui se retournait sens devant derrière et branlait entre les deux lattes de son manche de bois blanc, un couteau qui n’aurait pas saigné un poulet, un couteau qui n’aurait pas même pelé une pomme.

Cependant c’était un couteau. Le nom fait la chose.

Au bruit du carreau qui éclatait, on avait entendu une rumeur au-dehors. La porte s’ouvrit avec violence, juste au moment où la Goret déchargeait à deux mains un terrible coup de pieu sur le crâne du malheureux gars, qui lâcha son couteau, et s’affaissa inanimé.

La porte ouverte donna passage à un petit groupe de paysans des deux sexes.

Au-devant d’eux marchait un personnage remarquable, évidemment étranger à la contrée : mine effrontée, cheveux d’un jaune poussiéreux, chapeau Jeune-France, costume élégant du prix de 45 francs (complet), à la Belle Jardinière.

En deux sauts, Clampin, dit Pistolet, — c’était lui dans l’exercice de ses fonctions, — traversa la chambre et tomba sur le petit couteau qu’il éleva triomphalement entre l’index et le pouce.

— Voilà la preuve du délit ! prononça-t-il avec emphase. Villageois, vous êtes témoins. Ce n’est pas moi qui ai inventé cette arme meurtrière. La respectable mère de famille qui est devant vos yeux a failli devenir victime d’un parricide !

Les paysans regardaient tour à tour d’un air incertain l’enfant écrasé qui gisait à terre et la Goret qui venait de s’asseoir sur la table, écarlate et prête à crever d’un coup de sang.

— C’est pourtant vrai, dit un valet de charrue, que le gars avait son couteau.

— Sûr ! ajouta un pâtour, et que la Goret a de l’argent à voler plein sa paillasse.

— Tu mens, toi ! s’écria Mathurine, maniant avec peine sa langue épaisse.

— Et dans ses ormoires aussi, reprit le valet, et dans sa cave.

— Et dans tout ! fit le chœur des assistants. Elle a de l’or gros comme la paroisse !

— Vous mentez ! répéta Mathurine. Mon fiot a voulu faire la fin de moi, pour trente-cinq sous de casse qu’il a eue chez ses maîtres les Mathieu… et décampez, racaille ! Je n’aime point voir les gens chez moi !

Personne ne bougea.

Personne non plus n’eut l’idée de secourir l’éclopé.

Cinq ou six gars et deux filles restaient là chômés, comme ils parlent, c’est-à-dire debout, les jambes écartées, la tête pendante et les bras ballants.

Évidemment nul d’entre eux n’était jamais entré dans le logis de Mathurine, car ils regardaient avec un sournois étonnement le luxe disparate des fauteuils, des tapis et des rideaux.

Il y avait là de quoi causer pour longtemps aux champs et à la veillée.

Aucun des « gens de Paris » ne se montrait en ce moment.

Pistolet était ici chez lui comme partout. Il prit une écuelle, puisa de l’eau à la cruche et vint offrir ce simple breuvage à la Goret, qui le repoussa énergiquement.

Pistolet porta l’écuelle à l’éclopé qui reprenait ses sens et qui but avec avidité.

— Monstre ! lui dit le gamin du haut de son indignation, tu n’as pas même la conscience de ton crime !

Les paysans s’étaient groupés et chuchotaient.

— Y a bien des vilenies dans c’te maison-là, disait l’un.

— Et des cache-cache ! répondait l’autre.

— Et quand la justice y descendra, on en verra des péchés !

Mathurine se remit sur ses pieds et prit son plantoir.

Les paysans reculèrent.

— Villageois ! dit Pistolet, qui en étonna au moins deux par la force qu’il mit à les saisir sous les épaules, vous êtes priés d’aller chacun chez vous. Soyez discrets. La divulgation de pareils attentats ne peut être que nuisible aux mœurs. Mais si ce malheureux usait une seconde fois de violence, vous avez vu, vous sauriez éclairer la justice, en qualité de témoins véridiques et sincères.

— Ah çà ! quoi que vous êtes, vous ? demanda le valet de charrue en essayant de résister.

Pistolet le jeta dehors avec son camarade en répondant :

— Je suis un bourgeois de Paris, la grand’ville, et je voudrais avoir votre vigoureuse santé, simples habitants des campagnes.

Il en lança deux autres à la porte, embrassa les deux filles et reprit :

— Bonsoir, villageois, portez-vous bien, mes amis.

Dès que la salle fut vide, la porte opposée, donnant dans l’étable et de là dans la cour, s’ouvrit brusquement. Le vicomte Annibal, Cocotte et Piquepuce parurent sur le seuil.

Tous trois étaient armés.

Pistolet croisa ses bras sur sa poitrine dans une attitude dramatique.

— Pas de bêtise, dit-il. Vous pouvez me regarder dans les yeux : Il fait jour.

— Tu as trop bien joué, l’ami, répliqua le vicomte. Qui t’a mis au fait ?

— Celui-ci, riposta le gamin, en montrant du doigt Piquepuce.

— Je n’ai prononcé qu’un mot, prononça ce dernier. Il a tout compris.

— Qui es-tu ? demanda Annibal avec menace ; d’où viens-tu ?

Pistolet mit un doigt sur sa bouche et glissa un regard vers la Goret qui fourrait le goulot de la bouteille au remède entre ses dents.

— Si vous m’aviez demandé : Que fais-tu ? prononça-t-il tout bas, j’aurais répondu : Je joue la poule.

— Je te conseille de ne pas plaisanter !…

— Compagnon, cherchez plus sérieux que moi ! Si vous m’aviez demandé où ça que je joue la poule, je vous aurais ajouté : à l’estaminet de L’Épi-Scié.

Annibal, à ce nom, hésita. Il tendit la main à Pistolet et lui dit tout bas :

— Faites le signe.

Mais le gamin poussa un grand cri de joie et s’élança vers la porte du fond, où se montrait le minois curieux de Mlle Joséphine de Noirmoutiers.

— Mèche !

— Clampin !

Ce fut une reconnaissance en règle : ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, et Pistolet triomphant s’écria :

— Demandez à Madame depuis combien de temps qu’on en consomme du crime !

— C’est vrai qu’il en mangeait avant moi, répondit Mèche, ayant toujours de quoi payer des douceurs, sans profession avouée. C’est pour le retrouver que je me suis engagée dans la chose.

— Service de M. Trois-Pattes du Plat-d’Étain, dit Pistolet avec dignité en se retournant vers Annibal. S’il faut passer un examen, allons-y, maître !

Il lâcha la main de la fille d’honneur qui venait de lui figurer le signe, et répéta le même attouchement sous les doigts d’Annibal.

Celui-ci, parlant à la cantonade, dit aussitôt :

— Entrez, Madame la comtesse. Cet homme n’est pas de trop.

La comtesse de Clare passa le seuil.

— Altesse, dit-elle à la Goret, Monseigneur, informé de l’horrible attentat, envoie chercher de vos nouvelles.

— Chut ! fit Annibal, en montrant Vincent, l’éclopé, qui ouvrait de grands yeux.

— Je me charge de lui, dit Pistolet. Il en sait trop long, ce brave-là !

À ce mot « Altesse », Pistolet avait légèrement tressailli, et ses dernières paroles étaient principalement destinées à cacher sa propre surprise.

La Goret ôta sa bouteille de sa bouche.

— Pas de bon Dieu ! gronda-t-elle, c’est gênant d’être princesse. En voilà des histoires ! Je n’ai donc plus le droit de taper sur mon fieu sans qu’on l’accuse de ci et de ça ! Il n’a pas voulu me périr, et son couteau ne tuerait pas un lapin… Allons ! allons ! innocent, vient baiser m’man. Ces messieurs et ces dames vont me prêter quarante sous pour ta casse et ton déjeuner. Ne dis pas ce que tu as vu ou on t’assomme, c’te fois-là pour de bon… File !

— Mais… voulut objecter Annibal.

— Tais ton bec, bel homme, et donne les quarante sous… pas de réplique !

Annibal obéit, parce que Pistolet lui dit à l’oreille :

— Il est pour payer la loi, c’est sacré. On va vous l’empailler proprement.

Pendant que l’éclopé sortait par la porte principale, Pistolet se glissa dans l’étable, et de là dans la cour qui avait une issue au-dehors.

En passant, il avait lancé un coup d’œil à Mèche, qui le suivit.