La Russie en 1839/Lettre douzième
La lettre qu’on va lire a été portée de Pétersbourg à Paris par une personne sûre, et l’ami à qui elle était adressée me l’a conservée à cause de quelques détails qui lui ont paru curieux. Si le ton est plus louangeur que celui des lettres que je gardais, c’est parce qu’une trop grande sincérité aurait pu en certaine occurrence compromettre la personne obligeante qui avait offert de porter ma relation. Je me suis donc cru obligé dans cette lettre, mais seulement dans celle-ci, d’outrer le bien et d’atténuer le mal : si je crois devoir faire cet aveu, c’est parce que le moindre déguisement serait une faute dans un ouvrage dont le prix tient uniquement à l’exactitude scrupuleuse de l’écrivain. La fiction gâte le récit d’un voyage, par la même raison qu’un fait réel encadré et par conséquent plus ou moins dénaturé dans une œuvre d’imagination, la dépare.
Je désire donc que cette lettre soit lue avec un peu plus de précaution que les autres, et surtout qu’on n’en passe pas les notes qui lui servent de correctif.
Le croiriez-vous ? il y a cinq jours que j’ai reçu votre lettre du 1er juillet, et, sans exagération, je n’ai pas eu le temps d’y répondre. Je n’aurais pu le prendre que sur mes nuits ; mais avec les mortelles chaleurs de Laponie qui nous accablent, ne pas dormir serait dangereux.
Il faut être Russe et même Empereur pour résister à la fatigue de la vie de Pétersbourg en ce moment : le soir, des fêtes telles qu’on n’en voit qu’en Russie, le matin des félicitations de cour, des cérémonies, des réceptions ou bien des solennités publiques, des parades sur mer et sur terre ; un vaisseau de 120 canons lancé dans la Néva devant toute la cour doublée de toute la ville : voilà ce qui absorbe mes forces et occupe ma curiosité. Avec des jours ainsi remplis, la correspondance devient impossible.
Quand je vous dis que la ville et la cour réunies ont vu lancer un vaisseau dans la Néva, le plus grand vaisseau qu’elle ait porté, ne vous figurez pas pour cela qu’il y eût foule à cette fête navale ; les quatre ou cinq cent mille hommes qui habitent Pétersbourg sans le peupler, se perdent dans la vaste enceinte de cette ville immense dont le cœur est de granit et d’airain, le corps de plâtre et de mortier, et dont les extrémités sont de bois peint et de planches pourries. Ces planches sont plantées en guise de murailles autour d’un marais désert[1]. Colosse aux pieds d’argile, cette ville d’une magnificence fabuleuse ne ressemble à aucune des capitales du monde civilisé, quoique pour la bâtir on les ait copiées toutes ; mais l’homme a beau aller chercher ses modèles au bout du monde, le sol et le climat sont ses maîtres, ils le forcent à faire du nouveau, même quand il ne voudrait que reproduire l’antique.
J’ai vu le congrès de Vienne, mais je ne me souviens d’aucune réunion comparable pour la richesse des pierreries, des habits, pour la variété, le luxe des uniformes, ni pour la grandeur et l’ordonnance de l’ensemble, à la fête donnée par l’Empereur le soir du mariage de sa fille, dans ce même palais d’hiver brûlé il y a un an, et qui renaît de ses cendres à la voix d’un seul homme.
Pierre le Grand n’est pas mort ! Sa force morale vit toujours, agit toujours : Nicolas est le seul souverain russe qu’ait eu la Russie depuis le fondateur de sa capitale.
Vers la fin de la soirée donnée à la cour pour célébrer les noces de la grande-duchesse Marie, comme je me tenais à l’écart selon mon usage, l’Impératrice, qui m’avait adressé déjà quelques mots gracieux dans l’embrasure d’une fenêtre, m’a fait chercher dans tout le bal pendant un quart d’heure par des officiers de service qui ne me trouvaient pas. J’étais absorbé par la beauté du ciel, et j’admirais la nuit, appuyé contre cette même fenêtre où l’Impératrice m’avait laissé. Depuis le souper je n’avais quitté cette place qu’un instant pour me trouver sur le passage de Leurs Majestés ; mais n’ayant pas été aperçu j’étais retourné dans l’espèce de tribune d’où je contemplais à loisir le poétique spectacle d’un lever de soleil sur une grande ville pendant un bal de cour. Les officiers qui me cherchaient par ordre m’aperçurent enfin dans ma cachette, et se hâtèrent de me mener près de l’Impératrice qui m’attendait. Elle eut la bonté de me dire devant toute la cour : « M. de Custine, il y a bien longtemps que je vous demande, pourquoi me fuyez vous ?
— Madame, je me suis placé deux fois sur le pas sage de Votre Majesté, elle ne m’a pas vu.
— C’est votre faute, car je vous cherchais depuis que je suis rentrée dans la salle de bal. Je tiens à ce que vous voyiez ici toutes choses en détail, afin que vous emportiez de la Russie une opinion qui puisse rectifier celle des sots et des méchants.
— Madame, je suis loin de m’attribuer ce pouvoir ; mais si mes impressions étaient communicatives, bientôt la France regarderait la Russie comme le pays des fées.
— Il ne faut pas vous en tenir aux apparences, vous devez juger du fond des choses, car vous avez tout ce qu’il faut pour cela. Adieu, je ne voulais que vous dire bonsoir, la chaleur me fatigue ; n’oubliez pas de vous faire montrer dans le plus grand détail mes nouveaux appartements, ils ont été refaits sur les idées de l’Empereur. Je donnerai des ordres pour qu’on vous fasse tout voir. »
En sortant elle me laissa l’objet de la curiosité générale et de la bienveillance apparente des assistants.
Cette vie de la cour est si nouvelle pour moi qu’elle m’amuse : c’est un voyage dans l’ancien temps ; je me crois à Versailles et reculé d’un siècle. La politesse magnifique est ici le naturel ; vous voyez combien Pétersbourg est loin de notre pays actuel. Il y a du luxe à Paris, de la richesse, de l’élégance même ; mais il n’y a plus ni grandeur ni urbanité : depuis la première révolution nous habitons un pays conquis où les spoliateurs et les spoliés se sont abrités ensemble comme ils ont pu. Pour être poli, il faut avoir quelque chose à donner : la politesse est l’art de faire aux autres les honneurs des avantages qu’on possède : de son esprit, de ses richesses, de son rang, de son crédit et de tout autre moyen de plaisir : être poli, c’est savoir offrir et accepter avec grâce ; mais quand personne n’a rien d’assuré, personne ne peut rien donner. En France, aujourd’hui rien ne s’échange de gré à gré, tout s’arrache à l’intérêt, à l’ambition ou à la peur ; l’esprit n’a de valeur que d’après le parti qu’on en peut tirer, et la conversation même tombe à plat dès qu’un secret calcul ne l’anime pas.
La sécurité dans les conditions est la première base de l’urbanité dans les rapports de la société et la source des saillies de l’esprit dans la conversation.
À peine reposés du bal de la cour, nous avons eu hier une autre fête au palais Michel, chez la grande duchesse Hélène, belle-sœur de l’Empereur, femme du grand-duc Michel et fille du prince Paul de Wurtemberg qui habite Paris. Elle passe pour l’une des personnes les plus distinguées de l’Europe ; sa conversation est extrêmement intéressante. J’ai eu l’honneur de lui être présenté avant le bal : dans ce premier moment, elle ne m’a dit qu’un mot, mais pendant la soirée elle m’a donné plusieurs fois l’occasion de causer avec elle. Voici ce que j’ai retenu de ses gracieuses paroles :
On m’a dit que vous aviez à Paris et à la campagne une société fort agréable.
— Oui, Madame, j’aime les personnes d’esprit, et leur conversation est mon plus grand plaisir ; mais j’étais loin de penser que Votre Altesse Impériale pût savoir ce détail.
— Nous connaissons Paris et nous savons qu’il s’y trouve peu de gens qui comprennent bien le temps actuel, tout en conservant le souvenir du temps passé. C’est sans doute de ces esprits-là qu’on rencontre chez vous. Nous aimons par leurs ouvrages plusieurs des personnes que vous voyez habituellement, surtout madame Gay et sa fille, madame de Girardin.
— Ces dames sont bien spirituelles et bien distinguées ; j’ai le bonheur d’être leur ami.
— Vous avez là pour amis des esprits fort supérieurs.
Rien n’est si rare que de se croire obligé d’être modeste pour les autres, c’est pourtant une nuance de sentiment que j’éprouvai en ce moment. Vous me direz que de toutes les modesties c’est celle qui coûte le moins à manifester. Égayez-vous là-dessus tant qu’il vous plaira, il n’en est pas moins vrai qu’il me semblait que j’aurais manqué de délicatesse en livrant trop crûment mes amis à une admiration dont mon amour-propre eût profité. À Paris, j’aurais dit tout net ce que je pensais ; à Pétersbourg, je craignais d’avoir l’air de me faire valoir moi-même sous prétexte de rendre justice aux autres. La grande-duchesse insista.
« Nous lisons, dit-elle, avec grand plaisir les livres de madame Gay, que vous en semble ?
— Il me semble, Madame, qu’on y retrouve la société d’autrefois peinte par une personne qui la comprend.
— Pourquoi madame de Girardin n’écrit-elle plus ?
— Madame de Girardin est poëte, Madame, et pour un poëte, se taire c’est travailler.
— J’espère que telle est la cause de son silence, car avec cet esprit d’observation et ce beau talent poétique il serait dommage qu’elle ne fît plus que des ouvrages éphémères[2]. »
Dans cet entretien, je devais m’imposer la loi de ne faire qu’écouter et répondre ; mais je m’attendais à ce que d’autres noms prononcés par la grande-duchesse vinssent encore flatter mon orgueil patriotique et mettre ma réserve d’ami à de nouvelles épreuves.
Mon attente fut trompée ; la grande-duchesse qui passe sa vie dans le pays du tact par excellence, sait mieux que moi sans doute ce qu’il faut dire et ce qu’il faut taire ; craignant également la signification de mes paroles et celle de mon silence, elle ne prononça pas un mot de plus sur notre littérature contemporaine.
Il est certains noms dont le son seul troublerait l’égalité d’âme et l’uniformité de pensée imposée despotiquement à tout ce qui veut vivre à la cour de Russie.
Voilà ce que je vous prie d’aller lire à mesdames Gay et de Girardin : je n’ai pas la force de recommencer ce récit dans une autre lettre, ni matériellement le temps d’écrire à personne. Mais, une fois pour toutes, je veux vous décrire les fêtes magiques auxquelles j’assiste ici chaque soir.
Chez nous, les bals sont déparés par le triste habit des hommes, tandis que les uniformes variés et brillants des officiers russes donnent un éclat particulier aux salons de Pétersbourg. En Russie, la magnificence de la parure des femmes se trouve en accord avec l’or des habits militaires : et les danseurs n’ont pas l’air d’être les clercs de procureur de leurs danseuses.
La façade extérieure du palais Michel, du côté du jardin, est ornée dans toute sa longueur d’un portique à l’italienne. Hier, on avait profité d’une chaleur de 26 degrés pour illuminer les entre-colonnements de cette galerie extérieure par des groupes de lampions d’un effet original. Ces lampions étaient de papier, et ils avaient la forme de tulipes, de lyres, de vases… C’était élégant et nouveau.
À chaque fête que donne la grande-duchesse Hélène, elle imagine, m’a-t-on dit, quelque chose d’inconnu ailleurs ; une telle réputation doit lui peser, car elle est difficile à soutenir. Aussi cette princesse si belle, si spirituelle, et qui est célèbre en Europe par la grâce de ses manières et l’intérêt de sa conversation, m’a-t-elle paru moins naturelle et plus contrainte que les autres femmes de la famille Impériale. C’est un lourd fardeau à porter dans une cour que le renom d’une femme bel esprit. Celle-ci est une personne élégante, distinguée, mais elle a l’air de s’ennuyer : peut-être eût-elle vécu plus heureuse, si, née avec du bon sens, peu d’esprit et point d’instruction, elle fût restée une princesse allemande renfermée dans le cercle monotone des événements d’une petite souveraineté. L’obligation de faire les honneurs de la littérature française à la cour de l’Empereur Nicolas m’épouvante pour la grande-duchesse Hélène.
La lumière des groupes de lampions se reflétait d’une manière pittoresque sur les colonnes du palais et jusque sur les arbres du jardin ; il était rempli de peuple. Dans les fêtes de Pétersbourg, le peuple sert d’ornement, comme une collection de plantes rares embellit une serre chaude. Du fond des massifs plusieurs orchestres exécutaient des symphonies militaires et se répondaient au loin avec une harmonie admirable. Des groupes d’arbres illuminés à feux couverts produisaient un effet charmant : rien n’est fantastique comme la verdure éclairée pendant une belle nuit.
L’intérieur de la grande galerie où l’on dansait était tapissé avec un luxe merveilleux ; quinze cents caisses et pots de fleurs des plus rares formaient un bosquet odorant. On voyait à l’une des extrémités de la salle, au plus épais d’un taillis de plantes exotiques, un bassin d’eau fraîche et limpide d’où jaillissait une gerbe sans cesse renaissante. Ces jets d’eau, éclairés par des faisceaux de bougies, brillaient comme une poussière de diamants et rafraîchissaient l’air toujours agité par d’énormes branches de palmiers humides de pluie et de bananiers luisants de rosée, dont le vent de la valse secouait les perles sur la mousse du bosquet odorant. On aurait dit que toutes ces plantes étrangères, dont la racine était cachée sous un tapis de verdure, croissaient là dans leur terrain, et que le cortège des danseuses et des danseurs du Nord se promenait par enchantement sous les forêts des tropiques. Je croyais rêver. Ce n’était pas seulement du luxe, c’était de la poésie. L’éclat de cette magique galerie était centuplé par une profusion de glaces que je n’avais encore vue nulle part. Les fenêtres donnant sur le portique dont je vous ai décrit l’ingénieuse illumination, restaient ouvertes à cause de la chaleur excessive de cette nuit d’été ; mais, hors celles qui servaient d’issues, toutes les baies étaient cachées par d’énormes écrans dorés, à glaces d’un seul morceau, et le pied des écrans disparaissait dans des corbeilles de fleurs ; les dimensions de ces miroirs encadrés de dorures et rehaussés d’un nombre immense de bougies, m’ont paru prodigieuses. On croyait voir les portes d’un palais de fées. Ces glaces s’adaptaient comme des pièces de marqueterie à l’embrasure de la croisée qu’elles étaient destinées à dissimuler ; c’étaient des rideaux de diamant bordés d’or. Remarquez que la hauteur de la galerie est considérable, et que les jours dont elle est percée sont extrêmement larges. Les glaces remplissaient ces ouvertures sans toutefois intercepter entièrement l’air, car on avait laissé entre les écrans et les châssis ouverts un intervalle de plusieurs pouces, qui ne paraissait pas et qui suffisait cependant pour rafraîchir la température. Sur le panneau opposé à la galerie du jardin, on avait également appliqué des glaces à cadres dorés, de même grandeur que celles des croisées correspondantes. Cette salle est longue comme la moitié du palais. Vous pouvez vous figurer l’effet d’une telle magnificence. On ne savait où l’on était ; les limites avaient disparu ; tout devenait espace, lumière, dorure, fleurs, reflet, illusion : le mouvement de la foule et la foule elle-même se multipliaient à l’infini. Chacun des acteurs de cette scène en valait cent, tant les glaces produisaient d’effet. Ce palais de cristal sans ombres est fait pour fête ; il me semblait que le bal fini, la salle allait disparaître ainsi que les danseurs. Je n’ai rien vu de plus beau, mais le bal ressemblait à d’autres bals et ne répondait pas à la décoration extraordinaire de l’édifice. Je m’étonnais que ce peuple de danseurs n’imaginât pas quelque chose de nouveau à jouer sur un théâtre si différent de tous les lieux où l’on a coutume de danser et de s’ennuyer, sous prétexte de se réjouir. J’aurais voulu voir là des quadrilles, des surprises, des apparitions, des ballets, des théâtres mobiles. Il me semble qu’au moyen âge l’imagination avait plus de part aux divertissements de cour. Je n’ai vu danser au palais Michel que des polonaises, des valses et de ces contredanses dégénérées qu’on appelle des quadrilles dans le français-russe ; même les mazourkes qu’on danse à Pétersbourg sont moins gaies et moins gracieuses que les vraies danses de Varsovie. La gravité russe ne pourrait s’accommoder de la vivacité, de la verve et de l’abandon des danses vraiment polonaises.
Sous les ombrages parfumés de la galerie que je vous ai décrite, l’Impératrice venait se reposer après chaque polonaise ; elle trouvait là un abri contre la chaleur du jardin illuminé, dont l’air, pendant cette orageuse nuit d’été, était tout aussi étouffant que celui de l’intérieur du palais.
Dans cette fête, j’ai eu le loisir de comparer les deux pays, et mes observations n’étaient pas à l’avantage de la France. La démocratie doit nuire à l’ordonnance d’une grande assemblée ; la fête du palais Michel s’embellissait de tous les hommages, de tous les soins dont la souveraine était l’objet. Il faut une reine aux divertissements élégants, mais l’égalité a tant d’autres avantages qu’on peut bien lui sacrifier le luxe des plaisirs ; c’est ce que nous faisons en France avec un désintéressement méritoire ; seulement je crains que nos arrière-neveux n’aient changé d’avis quand le temps sera venu de jouir des perfectionnements préparés pour eux par des grands-pères trop généreux. Qui sait alors si ces générations, détrompées, ne diront pas en parlant de nous : « Séduits par une éloquence fausse, ils furent vaguement fanatiques et nous ont rendus positivement misérables ? »
Quoi qu’il en puisse être de cet avenir américain tant promis à l’Europe, je ne saurais assez vous faire admirer la fête du palais Michel. Admirez donc de toutes vos forces, et ce que je vous décris et ce que je ne puis vous peindre.
Avant l’heure du souper l’Impératrice, assise sous son dais de verdure exotique, me fit signe de m’approcher d’elle : à peine avais-je obéi que l’Empereur vint près du bassin magique, dont la gerbe d’eau jaillissante nous éclairait de ses diamants en nous rafraîchissant de ses émanations embaumées. Il me prit par la main pour me mener à quelques pas du fauteuil de sa femme, et là il voulut bien causer avec moi plus d’un quart d’heure sur des choses intéressantes ; car ce prince ne vous parle pas comme beaucoup d’autres princes, seulement pour qu’on voie qu’il vous parle.
Il me dit d’abord quelques mots sur la belle ordonnance de la fête. Je lui répondis « qu’avec une vie aussi active que la sienne, je m’étonnais qu’il pût trouver du temps pour tout, et même pour partager les plaisirs de la foule.
— Heureusement, reprit-il, que la machine administrative est fort simple dans mon pays : car avec des distances qui rendent tout difficile, si la forme du gouvernement était compliquée, la tête d’un homme n’y suffirait pas. »
J’étais surpris et flatté de ce ton de franchise ; l’Empereur, qui, mieux que personne, entend ce qu’on ne lui dit pas, continua en répondant à ma pensée : « Si je vous parle de la sorte, c’est parce que je sais que vous pouvez me comprendre : nous continuons l’œuvre de Pierre le Grand.
— Il n’est pas mort, Sire, son génie et sa volonté gouvernent encore la Russie. »
Quand on cause en public avec l’Empereur, un grand cercle de courtisans se forme à une distance respectueuse. De là, personne ne peut entendre ce que dit le maître sur lequel s’arrêtent cependant tous les regards.
Ce n’est pas le prince qui vous embarrasse quand il vous fait l’honneur de vous parler, c’est sa cour.
L’Empereur reprit : « Cette volonté est très-difficile à faire exécuter ; la soumission vous fait croire à l’uniformité chez nous : détrompez-vous ; il n’y a pas de pays où il y ait autant de diversité de races, de mœurs, de religion et d’esprit qu’en Russie. La variété demeure au fond, l’uniformité est à la superficie : et l’unité n’est qu’apparente. Vous voyez là près de nous vingt officiers : les deux premiers seuls sont Russes, les trois suivants sont des Polonais réconciliés, une partie des autres sont Allemands, il y a jusqu’à des khans de Kirguises qui m’amènent leurs fils pour les faire élever parmi mes cadets : en voici un, » me dit-il en me montrant du doigt un petit singe chinois, dans son bizarre costume de velours tout chamarré d’or ; cet enfant de l’Asie était affublé d’un haut bonnet roide et pointu, à grands rebords arrondis et retroussés, semblable à la coiffure d’un escamoteur.
« Là, deux cent mille enfants sont élevés et instruits à mes frais avec cet enfant.
— Sire, tout se fait en grand en Russie : tout y est colossal.
— Trop colossal pour un homme.
— Quel homme fut jamais plus près de son peuple ?
— Vous parlez de Pierre le Grand ?
— Non, Sire.
— J’espère que vous ne vous bornerez pas à voir Pétersbourg : quel est votre plan de voyage dans mon pays ?
— Sire, je désire partir aussitôt après la fête de Péterhoff.
— Pour aller ?
— À Moscou et à Nijni.
— C’est bien ; mais vous vous y prenez trop tôt : vous quitterez Moscou avant mon arrivée, cependant j’aurais été bien aise de vous y voir.
— Sire, ce mot de Votre Majesté me fera changer de projet.
— Tant mieux, nous vous montrerons les nouveaux travaux que nous faisons au Kremlin. Mon but est de rendre l’architecture de ces vieux édifices plus conforme à l’usage qu’on en fait aujourd’hui ; le palais trop petit devenait incommode pour moi : vous assisterez aussi à une cérémonie curieuse dans la plaine de Borodino : j’y dois poser la première pierre d’un monument que je fais élever en commémoration de cette bataille. »
Je gardais le silence et sans doute l’expression de mon visage devint sérieuse. L’Empereur fixa ses yeux sur moi, puis il reprit d’un ton de bonté et avec une nuance de délicatesse et même de sensibilité qui me toucha : le spectacle des manœuvres au moins vous intéressera. — Sire, tout m’intéresse en Russie. »
J’ai vu le vieux marquis D*** qui n’a qu’une jambe, danser la polonaise avec l’Impératrice ; tout estropié qu’il est, il peut marcher cette danse qui n’est qu’une procession solennelle. Il est venu ici avec ses fils : ils voyagent vraiment en grands seigneurs : un yacht à eux les a portés de Londres jusqu’à Pétersbourg où ils se sont fait envoyer des chevaux anglais et des voitures anglaises en grand nombre. Leurs équipages sont les plus élégants s’ils ne sont les plus riches de Pétersbourg : on traite ici ces voyageurs avec une bienveillance marquée : ils vivent dans l’intimité de la famille Impériale ; le goût de la chasse et les souvenirs du voyage de l’Empereur à Londres, quand il était grand-duc, ont établi entre lui et le marquis D*** cette espèce de familiarité qui me paraît devoir être plus agréable aux princes qu’aux particuliers devenus l’objet d’une telle faveur. Où l’amitié est impossible, l’intimité me semble gênante. On dirait quelquefois, à voir les manières des fils du marquis envers les personnes de la famille Impériale, qu’ils pensent là-dessus comme moi. Si la franchise gagne les hommes de cour, où la louange se réfugiera-t-elle et la politesse avec elle[3] ?
Vous ne sauriez vous faire une idée de l’agitation de la vie que nous menons ici : le spectacle seul de tant de mouvement serait pour moi une fatigue.
Le jeune*** est à Pétersbourg, nous nous rencontrons partout, et avec plaisir : c’est le type du Français actuel, mais vraiment bien élevé. Il me paraît enchanté de tout : ce contentement est si naturel, qu’il est communicatif ; aussi je crois que ce jeune homme plaît autant qu’il veut plaire ; il voyage bien, il a de l’instruction, recueille beaucoup de faits qu’il suppute mieux qu’il ne les classe, à son âge on chiffre plus qu’on n’observe. Il est très-fort sur les dates, les mesures, les nombres et quelques autres données positives, ce qui fait que sa conversation m’intéresse et m’instruit. Mais quelle conversation variée que celle de notre ambassadeur ! Que d’esprit de trop pour les affaires, et combien la littérature le regretterait si le temps qu’il donne à la politique n’était encore une étude dont les lettres profiteront plus tard. Jamais homme ne fut mieux à sa place, et ne parut moins occupé de son rôle ; de la capacité sans importance : voilà aujourd’hui, ce me semble, la condition du succès pour tout Français occupé d’affaires publiques. Personne, depuis la révolution de Juillet, n’a rempli aussi bien que M. de Barante la charge difficile d’ambassadeur de France à Pétersbourg
Je joins ici le cérémonial observé pour toutes les fêtes du mariage de la grande-duchesse Marie. Cette lecture vous ennuiera comme celle de tout cérémonial. Mais il n’y a rien que de curieux dans un pays si éloigné du nôtre. La Russie est tellement inconnue chez nous, que les descriptions qu’on nous en fait nous intéressent toujours. La ressemblance de certaines choses m’étonne autant que la différence de certaines autres, et la comparaison entre deux pays séparés par une telle distance, et rapprochés par une influence mutuelle, ne peut manquer de piquer vivement la curiosité[4].
Le grand chambellan est mort avant le mariage.
Cette charge vient d’être donnée au comte Golowkin, ancien ambassadeur de Russie en Chine, où il n’a pu pénétrer. Ce seigneur, entré en fonction à l’occasion des fêtes du mariage, a moins d’expérience que n’en avait son prédécesseur. Un jeune chambellan, nommé par lui, vient d’encourir la colère de l’Empereur, et d’exposer son chef à une réprimande un peu sévère. C’était au bal de la grande duchesse Hélène.
L’Empereur causait avec l’ambassadeur d’Autriche. Le jeune chambellan reçoit de la grande-duchesse Marie l’ordre d’aller inviter, de sa part, cet ambassadeur à danser avec elle. Dans son zèle, le pauvre débutant, rompant le cercle que je vous ai décrit, arrive intrépidement jusqu’à la personne de l’Empereur pour dire devant Sa Majesté elle-même à l’ambassadeur d’Autriche : « Monsieur le comte, madame la duchesse de Leuchtenberg vous prie à danser pour la première polonaise. »
L’Empereur, choqué de l’ignorance du nouveau chambellan, lui dit très-haut : Vous venez d’être nommé à votre charge, Monsieur, apprenez donc à la remplir : d’abord ma fille ne s’appelle pas la duchesse de Leuchtenberg ; elle s’appelle la grande-duchesse Marie[5] ; ensuite vous devez savoir qu’on ne vient pas m’interrompre quand je cause avec quelqu’un[6] ».
Le nouveau chambellan, qui recevait cette dure réprimande de la bouche même du maître, était malheureusement un pauvre gentilhomme polonais. La rigidité de l’Empereur ne se contenta pas de ce peu de mots : il fit appeler le grand chambellan, et lui recommanda d’être à l’avenir plus circonspect dans ses choix.
Cette scène rappelle ce qui se passait assez souvent à la cour de l’Empereur Napoléon. Les Russes achèteraient bien cher un passé de quelques siècles !
J’ai quitté le bal du palais Michel de fort bonne heure ; en sortant, je m’arrêtai sur l’escalier, où j’aurais voulu demeurer : c’était un bois d’orangers en fleurs. Je n’ai rien vu de plus magnifique, de mieux ordonné que cette fête ; mais je ne connais rien de si fatigant que l’admiration prolongée, quand elle ne porte ni sur les phénomènes de la nature, ni sur les ouvrages de l’art.
Je vous quitte pour aller dîner chez un officier russe, le jeune comte de***, qui m’a mené ce matin au cabinet de minéralogie, le plus beau, je crois, de l’Europe ; car les mines de l’Oural sont d’une richesse incomparable. On ne peut rien voir seul ici ; une personne du pays est toujours avec vous pour vous faire les honneurs des établissements publics, et il y a dans l’année peu de jours favorables pour les bien voir. L’été, on replâtre les édifices dégradés par le froid ; l’hiver, on va dans le monde, on danse quand on ne gèle pas. Vous croirez que j’exagère, si je vous dis qu’on ne voit guère mieux la Russie à Pétersbourg qu’en France. Dégagez cette observation de sa forme paradoxale, vous aurez la vérité pure. Il est certain qu’il ne suffit pas de venir dans ce pays pour le connaître. Sans protection, vous n’auriez l’idée de rien, et souvent la protection vous tyrannise et vous expose à vous former des notions fausses[7].
- ↑ Les quais de la Néva sont de granit, la coupole de Saint-Isaac est de cuivre, le palais d’hiver, la colonne d’Alexandre sont de belle pierre, de marbre et de granit, la statue de Pierre Ier est d’airain.
- ↑ Cette conversation est reproduite mot à mot.
- ↑ Quelques jours après que cette lettre fut écrite, il se passa dans l’intérieur de la cour une petite scène qui fera connaître les manières des jeunes gens les plus à la mode aujourd’hui en Angleterre ; ceux-ci n’ont rien à reprocher ni à envier aux agréables les plus impolis de Paris : il y a loin de ce genre d’élégance brutale à la politesse des Buckingham, des Lauzun et des Richelieu. L’Impératrice voulait donner un bal intime à cette famille près de quitter Pétersbourg. Elle commence par inviter elle-même le père qui danse si bien avec sa jambe de bois. « Madame, répond le vieux marquis***, on m’a comblé à Pétersbourg, mais tant de plaisirs surpassent mes forces : j’espère que Votre Majesté me permettra de prendre congé d’elle ce soir et de me retirer demain matin sur mon yacht pour retourner en Angleterre ; sans cela je mourrais de joie en Russie. Eh bien, je renonce à vous, » reprend l’Impératrice, satisfaite de cette réponse polie, et digne de l’époque où le vieux lord dut entrer dans le monde ; puis se retournant vers les fils du marquis qui voulaient prolonger leur séjour à Pétersbourg : « Je compte au moins sur vous, » dit-elle à l’aîné. — « Madame, répond celui-ci, nous avons pour ce jour-là une partie de chasse aux élans. » L’Impératrice, qu’on dit fière, ne se décourage pas, et s’adressant au cadet : « Vous, du moins, vous me restez, » lui dit-elle. Le jeune homme, à bout d’excuses, ne sait que répondre ; mais dans son dépit il appelle son frère et lui dit tout haut : « C’est donc moi qui suis la victime ? » Cette anecdote a fait la joie de la cour,
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Cérémonial de la Célébration du Mariage de son Altesse Impériale Madame la Grande-Duchesse MARIE NICOLAIEVNA avec Son Altesse Sérénissime Monseigneur le duc MAXIMILIEN DE LEUCHTENBERG, approuvé par Sa Majesté l’Empereur.
Le jour qui aura été choisi pour la cérémonie, une salve de cinq coups de canon, tirés des remparts de la forteresse de Saint- Pétersbourg, annoncera que dans cette journée devra avoir lieu la célébration du Mariage de Son Altesse Impériale Madame la Grande-Duchesse MARIE NICOLAIEVNA avec Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc MAXIMILIEN de LEUCHTENBERG.
D’après les annonces qui auront été envoyées, les membres du Saint-Synode et du Haut Clergé, la Cour et les autres personnes de distinction des deux sexes, les Ambassadeurs et Ministres étrangers, les Généraux, les Officiers de tout grade de la Garde et les Officiers supérieurs des autres troupes, se réuniront au Palais d’hiver, à heures du matin, les Dames en costume russe et les Cavaliers en grand uniforme.
Lorsque les Dames d’honneur, qui auront été appelées pour habiller l’Auguste Fiancée, sortiront des appartements intérieurs après avoir accompli cette fonction, un Maître des Cérémonies en avertira l’Auguste Fiancée, et l’accompagnera jusqu’aux appartements intérieurs.
Dans cette journée, l’Auguste Fiancée portera une couronne sur la tête, et par-dessus la robe, un manteau de velours ponceau, doublé d’hermine, dont la longue traîne sera portée aux côtés par quatre Chambellans, et à l’extrémité par le dignitaire en fonctions d’Écuyer de Son Altesse Impériale.
Leurs Majestés l’Empereur et l’Impératrice se rendront des appartements intérieurs, à la chapelle du Palais, dans l’ordre suivant :
I. Les Fourriers de la Cour et les Fourriers de la Chambre Impériale ;
II. Les Maîtres des Cérémonies et le Grand-Maître des Cérémonies ;
III. Les Gentilshommes de la Chambre, les Chambellans et les Cavaliers de la Cour Impériale, marchant deux à deux, les moins anciens en avant ;
IV. Les Premières Charges de la Cour, deux à deux, les moins anciens en avant ;
V. Un Maréchal de la Cour avec son Bâton ;
VI. Le Grand Chambellan et le Grand-Maréchal de la Cour avec son Bâton ;
VII. Leurs Majestés l’Empereur et L’Impératrice, suivis du Ministre de la Maison de l’Empereur, ainsi que des Aides de Camp Généraux et Aides de Camp de Sa Majesté Impériale, de service ;
VIII. Son Altesse Impériale Monseigneur le Césarévitch Grand-Duc Alexandre Nicolaievitch ;
IX. Leurs Altesses Impériales Messeigneurs les Grands-Ducs Constantin Nicolaievitch, Nicolas Nicolaievitch et Michel Nicolaievitch ;
X. Leurs Altesses Impériales Monseigneur le Grand-Duc Michel Pavlovitch et Madame la Grande-Duchesse Hélène Pavlovna ;
XI. Son Altesse Impériale Madame la Grande-Duchesse Marie Nicolaievna, avec son Auguste Fiancé, Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc Maximilien de Leuchtenberg ;
XII. Leurs Altesses Impériales Mesdames les Grandes-Duchesses Olga Nicolaievna, Alexandra Nicolaievna et Marie Mikhailovna ;
XIII. Leurs Altesses Sérénissimes Monseigneur le Prince Pierre d’Oldenbourg et Madame la Princesse son épouse. Les Dames d’honneur, les Demoiselles d’honneur à portrait, les Demoiselles d’honneur de Sa Majesté l’Impératrice et de Leurs Altesses Impériales Mesdames les Grandes-Duchesses, ainsi que les autres personnes de distinction des deux sexes, suivront par ordre d’ancienneté.
À l’entrée de la Chapelle, Leurs Majestés Impériales seront reçues par les Membres du Saint-Synode et du Haut Clergé, portant la Croix et l’eau bénite.
Au commencement du service divin, lorsque l’on chantera le verset :
Господи силою твоею возвеселится Царь, (O Seigneur, par ta puissance, le Roi sera exalté. traduction wikisource.)
Sa Majesté l’Empereur conduira les Augustes Fiancés à la place préparée pour la célébration du mariage, et en même temps les personnes désignées pour porter les couronnes s’approcheront des Augustes Fiancés.
Alors commencera, d’après le rit de l’Église Grecque, la Cérémonie du Mariage, pendant laquelle, après l’Évangile, on fera mention, dans la prière pour la Famille Impériale, de Madame la Grande-Duchesse Marie Nicolaievna et de son Époux.
Après la Cérémonie du Mariage, les Augustes Époux présenteront leurs remerciments à Leurs Majestés Impériales, et reviendront occuper leurs places. Le Métropolitain, assisté des Membres du Saint-Synode, commencera ensuite les prières d’actions de grâces, et lorsqu’on entonnera le Te Deum, il sera tiré des remparts de la forteresse de Saint-Pétersbourg, une salve de cent un coups de canon.
À l’issue de la cérémonie religieuse, les Membres du Saint-Sy- node et du Haut Clergé offriront leurs félicitations à Leurs Majestés Impériales.
En sortant de la Chapelle Leurs Majestés Impériales et la Famille Impériale retourneront dans les appartements intérieurs avec le même cortège et dans l’ordre énoncé ci-dessus. À Leur arrivée dans la pièce où un Autel Catholique aura été dressé, Sa Majesté l’Empereur conduira les Augustes Époux à cet Autel, où la Cérémonie du Mariage sera alors célébrée d’après le rit Catholique-Romain ; à l’issue de cette cérémonie, la Famille Impériale rentrera dans l’intérieur des appartements, après avoir reçu les félicitations du Clergé Catholique-Romain.
Lorsque l’heure du banquet sera venue, et que les dignitaires des trois premières classes auront occupé les places qui leur auront été désignées, on viendra l’annoncer à Leurs Majestés Impériales qui se rendront à table accompagnées de la Famille Impériale, et précédées de la Cour.
Leurs Majestés Impériales et tous les Membres de la Famille Impériale seront servis à table par des Chambellans ; les coupes seront présentées à Leurs Majestés Impériales par les Grands Échansons ; aux Augustes nouveaux Époux par le dignitaire en fonctions d’Écuyer de la Cour de Son Altesse Impériale Madame la Grande-Duchesse ; à Leurs Altesses Impériales Monseigneur le Césarévitch Grand-Duc Héritier par le dignitaire faisant fonctions d’Écuyer de Son Altesse Impériale ; à Messeigneurs les Grands-Ducs et Mesdames les Grandes-Duchesses, par des Chambellans.
Pendant le repas il y aura concert vocal instrumental.
Les toasts seront portés au bruit des salves d’artillerie tirées des remparts de la forteresse de Saint-Pétersbourg.
Savoir :
1°. À la santé de Leurs Majestés Impériales. — 51 coups de canon.
2°. Des Augustes nouveaux Époux. — 31 coups de canon.
3°. De toute la Famille Impériale. 31 coups de canon.
4°. De Son Altesse Royale Madame la Duchesse de Leuchtenberg. 31 coups de canon.
5° Du Clergé et de tous les fidèles sujets de Sa Majesté l’Empereur. 31 coups de canon.
Après le banquet Leurs Majestés Impériales et la Famille Impériale retourneront avec le même cortége dans les appartements intérieurs.
Dans la soirée du même jour, il y aura un bal paré, auquel assisteront toutes les personnes de distinction des deux sexes, Ambassadeurs et Ministres étrangers, et les personnes présentées à la Cour.
Avant la fin du bal, les personnes désignées par l’Empereur pour recevoir les nouveaux époux, se rendront dans les appartements de Leurs Altesses, où Leurs Majestés l’Empereur et l’Impératrice, précédés de la Cour, les accompagneront.
À l’entrée de ces appartements, Leurs Majestés Impériales et les nouveaux Époux seront reçus par les personnes désignées à cet effet, et se rendront ensuite dans l’intérieur des appartements, où se trouvera une Dame d’honneur pour le déshabillé de Madame la Grande-Duchesse.
Dans cette journée il sera récité des prières d’actions de grâces dans toutes les églises et les cloches sonneront, ainsi que les deux jours suivants ; la Capitale sera illuminée le soir, pendant trois jours.
* Le 3 juillet [* D’après le calendrier Julien] spectacle au Grand Théâtre en gala.
Le 4 juillet, les Augustes Époux recevront, à onze heures du matin, les félicitations des personnes de distinction des deux sexes admises à la Cour, et à une heure de l’après-midi, celles du Corps diplomatique.
Le soir, grand bal dans la salle Blanche du Palais d’Hiver, et souper.
Le 6 juillet, bal chez Leurs Altesses Impériales Monseigneur le Grand-Duc Michel Pavlovitch et Madame la Grande-Duchesse Hélène Pavlovna.
Le 8 juillet, bal chez le Prince d’Oldenbourg.
Le 9 juillet, départ de la Cour Impériale pour Péterhoff.
Le 11 juillet, bal masqué public et illumination à Péterhoff. - ↑ Ce titre lui avait été conservé en la mariant.
- ↑ Ne vous l’ai-je pas dit ? à cette cour on passe sa vie en répétitions générales. Depuis Pierre Ier, un Empereur de Russie n’oublie jamais qu’il est chargé de tout enseigner lui-même à son peuple, et en même temps il est toujours préoccupé de la crainte qu’on ne vienne à lui manquer de respect.
- ↑ C’est ce qu’on veut.