La Thébaïde en Amérique/Avertissement

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AVERTISSEMENT.



Saint-Paul disait, en parlant aux Colossiens :

« Pour moi, mes frères, lorsque je suis venu vers vous pour vous annoncer l’Évangile de Jésus-Christ, je n’y suis point venu avec les discours élevés d’une éloquence et d’une sagesse humaine. Car je n’ai point fait profession de savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. (1. Cor- 2, l, 2)… Or je dis ceci, afin que personne ne vous trompe par des discours subtils et élevés. » (Coloss. 2, 4.)

Au Concile de Nicée, entre autres philosophes païens, grands et subtils ergoteurs qu’on ne pouvait convaincre, il s’en trouva un dont l’esprit était plus vif et plus fertile en sophismes. Après les autres Évêques, qui tous avaient argumenté, Spiridion obtint de parler à son tour ; il se leva, et au lieu de discuter avec le philosophe, comme avaient fait les autres Évêques, en lui opposant avec éloquence les arguments les plus irréfragables, il récita le Credo d’une voix ferme et impressive ; et il lui dit en finissant : « Voilà la croyance des chrétiens ; et toi, que crois-tu ? » Le philosophe païen, étonné de cette façon naïve de procéder et éclairé en même temps de la lumière d’en haut, répondit avec le même accent de foi : « Je crois ce que vous croyez ; je confesse que vous avez dit la vérité ». Puis, se tournant vers les autres philosophes, il leur dit : « Quand on a disputé avec moi de paroles et de raisons, j’ai repoussé les discours par les discours, et réfuté les raisons par les raisons ; mais quand la vertu divine a parlé par la bouche de son serviteur, ni l’esprit ni la raison humaine n’ont pu résister à la vertu divine. »

« Je ne sache pas, écrivait Saint-Denys l’Aréopagite à Polycarpe, après sa conversion par Saint-Paul ; je ne sache pas avoir jamais disputé contre les Grecs, ou d’autres errants, persuadé qu’il suffit aux hommes de bien {{|de|se}} connaître et d’exposer la vérité directement et telle qu’elle est. Car dès qu’on l’aura légitimement démontrée, et clairement établie, en quelque espèce que ce soit, par là même il sera prouvé que tout ce qui n’est pas elle, tout ce qui en porte frauduleusement la ressemblance, n’est effectivement pas elle, ne lui ressemble pas, et que c’est plutôt une apparence qu’une réalité. Vainement donc, l’apôtre de la vérité réfute tantôt ceux-ci, tantôt ceux-là… C’est par suite de cette conviction, à mon avis, fort judicieuse, que je n’ai pas tenu beaucoup à discuter contre les Grecs et les Gentils : ce m’est assez, si Dieu le permet, de connaître la vérité d’abord, et puis de l’exposer comme il convient. » (Lettre septième à Polycarpe, Évêque.)

Et comme a dit enfin le plus étonnant génie encyclopédique, l’écrivain le plus indépendant de nos jours, Antoine Madrolle, à qui il n’a manqué aucune gloire, pas même celle d’être méconnu et calomnié par ceux qu’il a le plus défendus et glorifiés :

« En disant la vérité, vous ferez tomber l’erreur presque sans la nommer. Tout ce qui ne viendra pas s’appliquer sans lacunes sur l’éternelle, sur la droite Règle, fera, par cela même, acte de courbure, de dissidence, de contrariété. L’erreur ne se présentera pas ; car elle se ferait peur à elle-même, en blessant le Type-modèle. »

Telle est la méthode que nous suivrons, autant que cela nous sera possible, en procédant, comme nous le ferons, par traditions et autorités : — c’est la méthode apostolique.