La Théorie physique/PREMIERE PARTIE/Chapitre III

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Chevalier & Rivière (p. 45-83).


CHAPITRE III

LES THÉORIES REPRÉSENTATIVES ET L’HISTOIRE DE LA PHYSIQUE

§ I. — Rôle des classifications naturelles et des explications dans l’évolution des théories physiques.

Ce que nous proposons comme but à la théorie physique, c’est de devenir une classification naturelle, c’est d’établir entre les diverses lois expérimentales une coordination logique qui soit comme l’image et le reflet de l’ordre vrai selon lequel sont organisées les réalités qui nous échappent ; c’est à cette condition que la théorie sera féconde, qu’elle suggérera des découvertes.

Mais une objection se dresse aussitôt contre la doctrine que nous exposons ici.

Si la théorie doit être une classification naturelle, si elle doit chercher à grouper les apparences comme sont groupées les réalités, la méthode la plus sûre pour arriver à ce but n’est-elle pas de chercher d’abord quelles sont ces réalités ? Au lieu de construire un système logique qui représente sous une forme aussi condensée et aussi exacte que possible les lois expérimentales, dans l’espoir que ce système logique finira par être comme une image de l’ordre ontologique des choses, ne serait-il pas plus sensé de tenter d’expliquer ces lois, de dévoiler ces choses cachées ? N’est-ce pas ainsi, d’ailleurs, qu’ont procédé les maîtres de la science ? N’est-ce pas en s’efforçant vers l’explication des phénomènes physiques qu’ils ont créé ces théories fécondes dont les saisissantes divinations provoquent notre étonnement ? Qu’avons-nous de mieux à faire que d’imiter leur exemple et que de revenir aux méthodes condamnées en notre premier Chapitre ?

Que plusieurs des génies auxquels nous devons la Physique moderne aient construit leurs théories dans l’espoir de donner une explication des phénomènes naturels, que quelques-uns même aient cru avoir saisi cette explication, cela n’est pas douteux ; mais cela non plus n’a rien de concluant contre l’opinion que nous avons exposée au sujet des théories physiques. Des espoirs chimériques ont pu provoquer d’admirables inventions sans que ces inventions donnent corps aux chimères qui les ont fait naître. D’audacieuses explorations, qui ont grandement contribué au progrès de la géographie, sont dues à des aventuriers qui cherchaient le pays doré ; ce n’est pas une raison suffisante pour faire figurer l’Eldorado sur nos planisphères.

Si donc on veut prouver que la recherche des explications est une méthode vraiment féconde en Physique, il ne suffit pas de prouver que bon nombre de théories ont été créées par des penseurs qui s’efforçaient vers de telles explications ; il faut prouver que la recherche de l’explication est bien le fil d’Ariane qui les a conduits au milieu de la confusion des lois physiques et qui leur a permis de tracer le plan de ce labyrinthe.

Or, cette preuve, non seulement il n’est pas possible de la donner, mais encore une étude, même superficielle, de l’histoire de la Physique fournit, en abondance, des arguments qui concluent en sens contraire.

Lorsqu’on analyse une théorie créée par un physicien qui se propose d’expliquer les apparences sensibles, on ne tarde pas, en général, à reconnaître que cette théorie est formée de deux parties bien distinctes : l’une est la partie simplement représentative qui se propose de classer les lois ; l’autre est la partie explicative qui se propose, au-dessous des phénomènes, de saisir la réalité.

Or, bien loin que la partie explicative soit la raison d’être de la partie représentative, la graine d’où elle est issue ou la racine qui alimente son développement, le lien entre les deux parties est presque toujours des plus frêles et des plus artificiels. La partie descriptive s’est développée, pour son compte, par les méthodes propres et autonomes de la Physique théorique ; à cet organisme pleinement formé, la partie explicative est venue s’accoler comme un parasite.

Ce n’est pas à cette partie explicative parasite que la théorie doit sa puissance et sa fécondité ; loin de là. Tout ce que la théorie contient de bon, ce par quoi elle apparaît comme classification naturelle, ce qui lui confère le pouvoir de devancer l’expérience se trouve dans la partie représentative ; tout cela a été découvert par le physicien lorsqu’il oubliait la recherche de l’explication. Au contraire, ce que la théorie contient de faux, ce qui sera contredit par les faits, se trouve surtout dans la partie explicative ; le physicien l’y a introduit, guidé par son désir de saisir les réalités.

Et de là cette conséquence : Lorsque les progrès de la Physique expérimentale mettent la théorie en défaut, lorsqu’ils obligent à la modifier, à la transformer, la partie purement représentative entre presque entière dans la théorie nouvelle, lui apportant l’héritage de tout ce que l’ancienne théorie possédait de plus précieux, tandis que la partie explicative tombe pour faire place à une autre explication.

Ainsi, par une tradition continue, chaque théorie physique passe à celle qui la suit la part de classification naturelle qu’elle a pu construire, comme, en certains jeux antiques, chaque coureur tendait le flambeau allumé au coureur qui venait après lui ; et cette tradition continue assure à la science une perpétuité de vie et de progrès.

Cette continuité de la tradition est masquée aux yeux de l’observateur superficiel par le fracas incessant des explications qui ne surgissent que pour s’écrouler.

Tout ce que nous venons de dire, appuyons-le de quelques exemples. Ils nous seront fournis par les théories auxquelles a donné lieu la réfraction de la lumière. Nous les emprunterons à ces théories non point parce qu’elles sont exceptionnellement favorables à notre thèse, mais au contraire parce que les personnes qui étudient superficiellement l’histoire de la Physique pourraient penser que ces théories doivent leurs principaux progrès à la recherche des explications.

Descartes a donné une théorie qui représente les phénomènes de la réfraction simple ; elle fait le principal objet des deux admirables traités de la Dioptrique et des Météores, auxquels le Discours de la méthode servait de préface ; fondée sur la constance du rapport entre le sinus de l’angle d’incidence et le sinus de l’angle de réfraction, elle range dans un ordre très clair les propriétés que présentent les verres diversement taillés, les instruments d’optique composés avec ces verres ; elle rend compte des phénomènes qui accompagnent la vision ; elle analyse les lois de l’arc-en-ciel.

Descartes a donné aussi une explication des effets lumineux. La lumière n’est qu’une apparence ; la réalité est une pression engendrée par les mouvements rapides des corps incandescents au sein d’une matière subtile qui pénètre tous les corps ; la matière subtile est incompressible, en sorte que la pression qui constitue la lumière s’y transmet instantanément à toute distance ; si loin qu’un point se trouve d’une source de lumière, au moment même où celle-ci s’allume, le point est éclairé. Cette transmission instantanée de la lumière est une conséquence absolument nécessaire du système d’explications physiques créé par Descartes ; à Beeckman qui ne voulait point admettre cette proposition et qui, à l’imitation de Galilée, cherchait à la contredire au moyen d’expériences, d’ailleurs enfantines, Descartes écrivait[1] : « Pour moi elle est tellement certaine que si, par impossible, elle était convaincue d’erreur, je serais prêt à vous avouer sur le champ que je ne sais rien en philosophie. Vous avez si grande confiance en votre expérience que vous vous déclarez prêt à tenir fausse toute votre philosophie si aucun laps de temps ne sépare le moment où l’on voit dans le miroir le mouvement de la lanterne du moment où on le perçoit à la main ; moi, au contraire, je vous déclare que si ce laps de temps pouvait être observé, ma philosophie tout entière serait renversée de fond en comble. »

Que Descartes ait créé lui-même la loi fondamentale de la réfraction ou qu’il l’ait, selon l’insinuation de Huygens, empruntée à Snell, la question a été débattue avec passion ; la solution est douteuse, mais elle nous importe peu ; ce qui est certain, c’est que cette loi, c’est que la théorie représentative à laquelle elle sert de base, ne sont point issues de l’explication des phénomènes lumineux proposée par Descartes ; à leur génération, la Cosmologie cartésienne n’a eu aucune part ; l’expérience, l’induction, la généralisation, les ont seules produites.

Il y a plus ; jamais Descartes n’a tenté un effort pour relier la loi de la réfraction à sa théorie explicative de la lumière.

Il est bien vrai qu’au commencement de la Dioptrique, il développe, au sujet de cette loi, des analogies mécaniques ; qu’il compare le changement de direction du rayon qui passe de l’air dans l’eau au changement de marche d’une balle, vigoureusement lancée, qui passerait d’un certain milieu dans un autre milieu plus résistant ; mais ces comparaisons mécaniques, dont la rigueur donnerait prise à bien des critiques, rattacheraient plutôt la théorie de la réfraction à la doctrine de l’émission, doctrine où un rayon de lumière est comparé à une rafale de petits projectiles violemment lancés par le corps lumineux ; cette explication, soutenue au temps de Descartes par Gassendi et reprise plus tard par Newton, n’a aucune analogie avec la théorie cartésienne de la lumière ; elle est inconciliable avec elle.

Ainsi, entre l’explication cartésienne des phénomènes lumineux et la représentation cartésienne des diverses lois de la réfraction, il y a simple juxtaposition ; il n’y a aucun lien, aucune pénétration. Aussi, le jour où l’astronome danois Römer, en étudiant les éclipses des satellites de Jupiter, démontre que la lumière se propage dans l’espace avec une vitesse finie et mesurable, l’explication cartésienne des phénomènes lumineux tombe tout d’un bloc ; mais elle n’entraîne même pas une parcelle de la doctrine qui représente et classe les lois de la réfraction ; celle-ci continue, aujourd’hui encore, à former la majeure partie de notre Optique élémentaire.

Un rayon lumineux unique, passant de l’air au sein de certains milieux cristallins tels que le spath d’Islande, fournit deux rayons réfractés distincts, dont l’un, le rayon ordinaire, suit la loi de Descartes, tandis que l’autre, le rayon extraordinaire, échappe aux prises de cette loi. Cette « admirable et insolite réfraction du cristal clivable d’Islande » avait été découverte et étudiée[2], en 1657, par le Danois Erasme Berthelsen ou Bartholinus. Huygens se propose de formuler une théorie qui représente à la fois les lois de la réfraction simple, objet des travaux de Descartes, et les lois de la double réfraction. Il y réussit de la manière la plus heureuse. Non seulement ses constructions géométriques, après avoir fourni, dans les milieux amorphes ou dans les cristaux cubiques, le rayon réfracté unique qui suit la loi de Descartes, tracent, dans les cristaux non cubiques, deux rayons réfractés, mais encore elles déterminent entièrement les lois qui régissent ces deux rayons ; ces lois sont si compliquées que l’expérience, réduite à ses seules ressources, ne les eût peut-être pas démêlées ; mais après que la théorie en a donné la formule, elle les vérifie minutieusement.

Cette belle et féconde théorie, Huygens l’a-t-il tirée des principes de la Cosmologie atomistique, de ces « raisons de méchanique » par lesquelles, selon lui, « la vraye Philosophie conçoit la cause de tous les effets naturels » ? Nullement ; la considération du vide, des atomes, de leur dureté, de leurs mouvements, n’a joué aucun rôle dans la construction de cette représentation. Une comparaison entre la propagation du son et la propagation de la lumière, la constatation expérimentale que l’un des deux rayons réfractés suivait la loi de Descartes, tandis que l’autre ne lui obéissait point, une heureuse et audacieuse hypothèse sur la forme de la surface d’onde optique au sein des cristaux, tels sont les procédés par lesquels le grand physicien hollandais a deviné les principes de sa classification.

Non seulement Huygens n’a point tiré des principes de la Physique atomistique la théorie de la double réfraction ; mais une fois cette théorie découverte, il n’essaye pas de la rattacher à ces principes ; il imagine bien, pour rendre compte des formes cristallines, que le spath ou le cristal de roche sont formés par des empilements réguliers de molécules sphéroïdales, préparant ainsi la voie à Haüy et à Bravais ; mais, après avoir développé cette supposition, il se contente d’écrire[3] : « J’ajouteray seulement que ces petits sphéroïdes pourraient bien contribuer à former les sphéroïdes des ondes de lumière, cy-dessus supposez, les uns et les autres estant situez de mesme, et avec leurs axes parallèles. » À cette courte phrase se réduit tout ce qu’il a tenté pour expliquer la forme de la surface d’onde lumineuse, en attribuant aux cristaux une structure appropriée.

Aussi sa théorie demeurera-t-elle intacte, tandis que les diverses explications des phénomènes lumineux se succéderont les unes aux autres, fragiles et caduques, malgré la confiance en leur durée que témoigneront ceux qu’elles ont pour auteurs.

Sous l’influence de Newton, l’explication émissionniste triomphe ; cette explication est absolument contraire à celle que Huygens, créateur de la théorie ondulatoire, donnait des phénomènes lumineux ; de cette explication, jointe à une Cosmologie attractioniste, conforme aux principes de Boscovich, et que le grand atomiste hollandais eût réputée absurde, Laplace tire une justification des constructions d’Huygens.

Non seulement Laplace explique par la Physique attractioniste la théorie de la réfraction, simple ou double, découverte par un physicien qui prônait des idées tout opposées ; non seulement il la déduit « de ces principes[4] dont on est redevable à Newton, au moyen desquels tous les phénomènes du mouvement de la lumière, à travers un nombre quelconque de milieux transparents et dans l’atmosphère, ont été soumis à des calculs rigoureux » ; mais encore il pense que cette déduction en accroît la certitude et la précision. Sans doute, la solution des problèmes de double réfraction que donne la construction d’Huygens, « considérée comme un résultat de l’expérience, peut être mise au rang des plus belles découvertes de ce rare génie… On ne doit pas balancer à la mettre au nombre des plus certains comme des plus beaux résultats de la Physique. » Mais « jusqu’ici cette loi n’était qu’un résultat de l’observation, approchant de la vérité, dans les limites des erreurs auxquelles les expériences les plus précises sont encore assujetties. Maintenant, la simplicité de la loi d’action dont elle dépend doit la faire considérer comme une loi rigoureuse. » Laplace va même, dans sa confiance en la valeur de l’explication qu’il propose, jusqu’à affirmer que cette explication seule pouvait dissiper les invraisemblances de la théorie d’Huygens et la rendre acceptable aux bons esprits, car « cette loi a éprouvé le même sort que les belles lois de Kepler qui furent longtemps méconnues, pour avoir été associées à des idées systématiques dont, malheureusement, ce grand homme a rempli tous ses ouvrages ».

Au moment même où Laplace traite avec ce dédain l’Optique des ondulations, celle-ci, promue par Young et par Fresnel, reprend le pas sur l’Optique de l’émission ; mais, grâce à Fresnel, l’Optique ondulatoire a subi une modification profonde ; la vibration lumineuse n’est plus dirigée suivant le rayon ; elle lui est perpendiculaire ; l’analogie entre le son et la lumière, qui avait guidé Huygens, a disparu ; néanmoins l’explication nouvelle conduit encore les physiciens à adopter la construction des rayons réfractés par un cristal, telle que l’a imaginée Huygens.

Il y a plus : en changeant sa partie explicative, la doctrine d’Huygens a enrichi sa partie représentative ; elle ne figure plus seulement les lois qui régissent la marche des rayons, mais aussi les lois dont dépend leur état de polarisation.

Les tenants de cette théorie seraient maintenant en bonne posture pour retourner à Laplace la pitié méprisante qu’il témoignait à leur endroit ; il devient malaisé de relire sans sourire ces phrases que le grand mathématicien écrivait[5] au moment même où l’Optique de Fresnel triomphait : « Les phénomènes de la double réfraction et de l’aberration des étoiles me paraissent donner au système de l’émission de la lumière, sinon une certitude entière, au moins une extrême probabilité. Ces phénomènes sont inexplicables dans l’hypothèse des ondulations d’un fluide éthéré. La propriété singulière d’un rayon polarisé par un cristal de ne plus se partager en passant dans un second cristal parallèle au premier indique évidemment des actions différentes d’un même cristal sur les diverses faces d’une molécule de lumière. »

La théorie de la réfraction donnée par Huygens n’embrassait pas tous les cas possibles ; une immense catégorie de corps cristallisés, les cristaux biaxes, offraient des phénomènes qui ne pouvaient rentrer dans ses cadres. Ces cadres, Fresnel se proposa de les élargir, de telle sorte que l’on y pût classer non seulement les lois de la réfraction simple, non seulement les lois de la double réfraction uniaxiale, mais encore les lois de la double réfraction biaxale. Comment y parvint-il ? En cherchant une explication du mode de propagation de la lumière dans les cristaux ? Nullement, mais par une intuition de géomètre où aucune hypothèse sur la nature de la lumière ou sur la constitution des corps transparents n’avait de place. Il remarqua que toutes les surfaces d’onde que Huygens avait eu à considérer pouvaient se tirer, par une construction géométrique simple, d’une certaine surface du second degré ; cette surface était une sphère pour les milieux uniréfringents, un ellipsoïde de révolution pour les milieux biréfringents uniaxes ; il imagina qu’en appliquant la même construction à un ellipsoïde à trois axes inégaux, on obtiendrait la surface d’onde qui convient aux cristaux biaxes.

Cette audacieuse intuition a été couronnée du plus éclatant succès ; non seulement la théorie proposée par Fresnel s’est accordée minutieusement avec toutes les déterminations expérimentales ; mais encore elle a fait deviner et découvrir des faits imprévus et paradoxaux que l’expérimentateur, livré à lui-même, n’aurait jamais eu l’idée de rechercher ; telles sont les deux espèces de réfraction conique ; le grand mathématicien Hamilton a déduit de la forme de la surface d’onde des cristaux biaxes les lois de ces étranges phénomènes, que le physicien Lloyd a ensuite recherchés et découverts.

La théorie de la double réfraction biaxiale possède donc cette fécondité et ce pouvoir de divination où nous reconnaissons les marques d’une classification naturelle ; et cependant, elle n’est pas née d’un essai d’explication.

Non pas que Fresnel n’ait tenté d’expliquer la forme de surface d’onde qu’il avait obtenue ; cette tentative le passionna même à tel point, qu’il ne publia pas la méthode qui l’avait conduit à l’invention ; cette méthode fut connue seulement après sa mort, lorsqu’on livra enfin à l’impression son premier mémoire sur la double réfraction[6]. Dans les écrits qu’il publia, de son vivant, sur la double réfraction, Fresnel s’efforça sans cesse de retrouver, au moyen d’hypothèses sur les propriétés de l’éther, les lois qu’il avait découvertes ; « mais ces hypothèses[7], dont il avait fait ses principes, ne résistent pas à un examen approfondi ». Admirable lorsqu’elle se borne à jouer le rôle de classification naturelle, la théorie de Fresnel devient insoutenable dès là qu’elle se donne pour une explication.

Il en est de même de la plupart des doctrines physiques ; ce qui, en elles, est durable et fécond, c’est l’œuvre logique par laquelle elles sont parvenues à classer naturellement un grand nombre de lois en les déduisant toutes de quelques principes ; ce qui est stérile et périssable, c’est le labeur entrepris pour expliquer ces principes, pour les rattacher à des suppositions touchant les réalités qui se cachent sous les apparences sensibles.

On a souvent comparé le progrès scientifique à une marée montante ; appliquée à l’évolution des théories physiques, cette comparaison nous semble fort juste et peut être suivie jusque dans ses détails.

Celui qui jette un regard de courte durée sur les flots qui assaillent une grève ne voit pas la marée monter ; il voit une lame se dresser, courir, déferler, couvrir une étroite bande de sable, puis se retirer en laissant à sec le terrain qui avait paru conquis ; une nouvelle lame la suit, qui parfois va un peu plus loin que la précédente, parfois aussi n’atteint même pas le caillou que celle-ci avait mouillé. Mais sous ce mouvement superficiel de va-et-vient, un autre mouvement se produit, plus profond, plus lent, imperceptible à l’observateur d’un instant, mouvement progressif qui se poursuit toujours dans le même sens, et par lequel la mer monte sans cesse. Le va-et-vient des lames est l’image fidèle de ces tentatives d’explication qui ne s’élèvent que pour s’écrouler, qui ne s’avancent que pour reculer ; au dessous se poursuit le progrès lent et constant de la classification naturelle dont le flux conquiert sans cesse de nouveaux territoires, et qui assure aux doctrines physiques la continuité d’une tradition.


§ II. — Les opinions des physiciens sur la nature des théories physiques.

Un des penseurs qui ont le plus vivement insisté pour que les théories physiques fussent regardées comme des représentations condensées et non comme des explications, M. Ernst Mach, a écrit [8] ce qui suit :

« L’idée d’une économie de la pensée se développa en moi par mes expériences professorales dans la pratique de l’enseignement. Je la possédais déjà lorsqu’en 1861 je commençai mes leçons comme privatdocent, et je croyais alors être seul à l’avoir, ce que l’on voudra bien trouver pardonnable. Mais aujourd’hui, je suis, au contraire, convaincu qu’au moins un pressentiment de cette idée doit toujours avoir été un bien commun à tous les investigateurs qui ont réfléchi sur la recherche en général. »

En effet, dès l’antiquité, certains philosophes ont fort exactement reconnu que les théories physiques n’étaient nullement des explications ; que leurs hypothèses n’étaient point des jugements sur la nature des choses ; que c’étaient seulement des prémisses destinées à fournir des conséquences conformes aux lois expérimentales.

Les Grecs connaissaient à proprement parler une seule théorie physique, la théorie des mouvements célestes ; c’est donc au sujet des systèmes cosmographiques qu’ils ont émis et développé leur conception de la théorie physique. D’ailleurs, les autres théories, ressortissant aujourd’hui à la Physique, qu’ils avaient portées à un certain degré de perfection, savoir la théorie de l’équilibre du levier et l’Hydrostatique, reposaient sur des principes dont la nature ne pouvait être l’objet d’aucun doute ; les demandes d’Archimède étaient visiblement des propositions d’origine expérimentale, que la généralisation avait transformées ; l’accord de leurs conséquences avec les faits résumait et ordonnait ceux-ci sans les expliquer.

Les Grecs distinguent nettement, dans la discussion d’une théorie sur le mouvement des astres, ce qui est du physicien — nous dirions aujourd’hui du métaphysicien — et ce qui est de l’astronome. Au physicien il appartient de décider, par des raisons tirées de la Cosmologie, quels sont les mouvements réels des astres. L’astronome, au contraire, ne doit point s’inquiéter si les mouvements qu’il imagine sont réels ou fictifs ; leur seul objet est de représenter exactement les déplacements relatifs des astres[9].

Dans ses belles recherches sur les systèmes cosmographiques des Grecs, Schiaparelli a mis en lumière un passage bien remarquable touchant cette distinction entre l’Astronomie et la Physique ; ce passage de Posidonius, résumé ou cité par Geminus, nous a été conservé par Simplicius. Le voici : « D’une manière absolue, il n’appartient pas à l’astronome de savoir ce qui est fixe par nature et ce qui se meut ; mais parmi les hypothèses relatives à ce qui est immobile et à ce qui se meut, il examine quelles sont celles qui correspondent aux phénomènes célestes. Il doit recourir au physicien pour les principes. »

Ces idées, qui expriment la pure doctrine péripatéticienne, ont inspiré maint passage des astronomes de l’antiquité ; la Scolastique les a formellement adoptées. À la Physique, c’est-à-dire à la Cosmologie, de rendre raison des apparences astronomiques en recourant aux causes mêmes ; l’Astronomie ne traite que de l’observation des phénomènes et des conclusions que la géométrie en peut déduire : « L’astronomie, dit saint Thomas, commentant les Physiques d’Aristote, a des conclusions en commun avec la Physique. Mais comme elle n’est pas purement physique, elle les démontre par d’autres moyens. Ainsi le physicien démontre que la terre est sphérique par un procédé de physicien, par exemple parce que ses parties tendent de tout côté et également vers un centre ; l’astronome, au contraire, par la figure de la lune dans les éclipses, ou bien par ce fait que les étoiles ne se voient pas de même des diverses parties de la terre. »

C’est par suite de cette conception du rôle de l’astronomie que saint Thomas, dans son commentaire au De cœlo d’Aristote, s’exprime de la manière suivante au sujet du mouvement des planètes : « Les astronomes se sont efforcés de diverses manières d’expliquer ce mouvement. Mais il n’est pas nécessaire que les suppositions qu’ils ont imaginées soient vraies, car peut-être les apparences que les étoiles présentent pourraient être sauvées par quelque autre mode de mouvement encore inconnu des hommes. Aristote cependant use de telles suppositions relatives à la nature du mouvement comme si elles étaient vraies. »

En un passage de la Somme théologique (i, 32), saint Thomas marque encore plus nettement l’incapacité de la méthode physique à saisir une explication certaine : « On peut, dit-il, de deux manières différentes rendre raison d’une chose. La première consiste à prouver d’une manière suffisante un certain principe. C’est ainsi qu’en Cosmologie (Scientia naturalis) on donne une raison suffisante pour prouver que le mouvement du ciel est uniforme. En la seconde manière, on n’apporte pas une raison qui prouve d’une manière suffisante le principe ; mais, le principe étant posé d’avance, on montre que ses conséquences s’accordent avec les faits ; ainsi, en Astronomie, on pose l’hypothèse des épicycles et des excentriques, parce que, cette hypothèse faite, les apparences sensibles des mouvements célestes peuvent être sauvegardées ; mais ce n’est pas une raison suffisamment probante, car elles pourraient peut-être être sauvegardées par une autre hypothèse. »

Cette opinion touchant le rôle et la nature des hypothèses astronomiques s’accorde fort aisément avec bon nombre de passages de Copernic et de son commentateur Rheticus. Copernic, notamment, dans son Commentariolus de hypothesibus motuum cœlestium a se constitutis, présente simplement l’immobilité du soleil et la mobilité de la terre comme des postulats qu’il demande qu’on lui concède : Si nobis aliquæ petitiones… concedentur. Il est juste d’ajouter qu’en certains passages de ses De revolutionibus cœlestibus libri sex, il professe, au sujet de la réalité de ses hypothèses, une opinion moins réservée que la doctrine héritée de la Scolastique et exposée dans le Commentariolus.

Cette dernière doctrine est formellement énoncée dans la célèbre préface qu’Osiander écrivit pour le livre : De revolutionibus cœlestibus libri sex ; ainsi s’exprime Osiander : Neque enim necesse est eas hypotheses esse veras, imo, ne verisimiles quidem ; sed sufficit hoc unum, si calculum observationibus congruentem exhibeant. Et il termine sa préface par ces mots : Neque quisquam, quod ad hypotheses attinet, quicquam certi ab astronomia expectet, cum nihil tale praestare queat.

Une telle doctrine au sujet des hypothèses astronomiques indignait Képler[10] : « Jamais, dit-il dans son plus ancien écrit[11], je n’ai pu donner mon assentiment à l’avis de ces gens qui vous citent l’exemple de quelque démonstration accidentelle où, de prémisses fausses, un syllogisme rigoureux tire quelque conclusion vraie, et qui, forts de cet exemple, s’efforcent de prouver que les hypothèses admises par Copernic peuvent être fausses et que, cependant, des φαινομενα véritables peuvent en découler comme de leurs principes propres… Je n’hésite pas à déclarer que tout ce que Copernic a amassé a posteriori, et prouvé par l’observation, tout cela pourrait, sans nulle entrave, être démontré a priori, au moyen d’axiomes géométriques, au point de ravir le témoignage d’Aristote, s’il vivait. »

Cette confiance enthousiaste, et quelque peu naïve, dans la puissance sans limite de la méthode physique déborde chez les grands inventeurs qui inaugurent le xviie siècle. Galilée distingue bien entre le point de vue de l’Astronomie, dont les hypothèses n’ont d’autre sanction que l’accord avec l’expérience, et le point de vue de la Philosophie naturelle, qui saisit les réalités ; il prétend, lorsqu’il soutient le mouvement de la terre, discourir seulement en astronome et ne point donner ses suppositions pour vérités ; mais ces distinctions ne sont chez lui que faux-fuyants pour éviter les censures de l’Eglise ; ses juges ne les ont pas considérées comme opinions sincères ; pour les regarder comme telles, il leur eût fallu bien peu de clairvoyance. S’ils eussent pensé que Galilée parlait sincèrement en astronome, et non en philosophe de la nature, en physicien, selon leur langage ; s’ils eussent regardé ses théories comme un système propre à représenter les mouvements célestes et non comme une doctrine affirmative sur la nature réelle des phénomènes astronomiques, ils n’eussent point censuré ses idées. Nous en avons l’assurance par une lettre[12] que, dès le 12 avril 1615, le principal adversaire de Galilée, le cardinal Bellarmin, écrivait à Foscarini : « Votre Paternité et le seigneur Galilée agiront prudemment en se contentant de parler ex suppositione, et non pas absolument, comme l’a toujours fait, je crois, Copernic ; en effet, dire qu’en supposant la terre mobile et le soleil immobile, on rend compte de toutes les apparences beaucoup mieux qu’on ne pourrait le faire avec les excentriques et les épicycles, c’est très bien dire ; cela ne présente aucun danger et cela suffit au mathématicien. » Dans ce passage, Bellarmin maintenait la distinction, familière aux scolastiques, entre la méthode physique et la méthode métaphysique, distinction qui, pour Galilée, n’était plus qu’un subterfuge.

Celui qui a le plus contribué à rompre la barrière entre la méthode physique et la méthode métaphysique, à confondre leurs domaines que la Philosophie péripatéticienne avait nettement distingués, c’est assurément Descartes.

La méthode de Descartes révoque en doute les principes de toutes nos connaissances et les laisse suspendus à ce doute méthodique, jusqu’au moment où elle parvient à en démontrer la légitimité par une longue chaîne de déductions issues du célèbre : Cogito, ergo sum. Rien de plus contraire qu’une semblable méthode à la conception péripatéticienne selon laquelle une science, telle que la Physique, repose sur des principes évidents par eux-mêmes, dont la Métaphysique peut creuser la nature, mais dont elle ne peut accroître la certitude.

La première proposition de Physique que Descartes établit[13], en suivant sa méthode, saisit et exprime l’essence même de la matière : « La nature du corps consiste en cela seul qu’il est une substance qui a de l’extension en longueur, largeur et profondeur. » L’essence de la matière étant ainsi connue, on pourra, par les procédés de la Géométrie, en déduire l’explication de tous les phénomènes naturels. « Je ne reçois point de principes en Physique », dit Descartes, résumant la méthode par laquelle il prétend traiter cette science, « qui ne soient aussi reçus en Mathématiques, afin de pouvoir prouver par démonstration tout ce que j’en déduirai, et ces principes suffisent, d’autant que tous les phénomènes de la nature peuvent être expliqués par leur moyen ».

Telle est l’audacieuse formule de la Cosmologie cartésienne ; l’homme connaît l’essence même de la matière, qui est l’étendue ; il peut donc, logiquement, en déduire toutes les propriétés de la matière ; la distinction entre la Physique, qui étudie les phénomènes et leurs lois, et la Métaphysique, qui cherche à connaître l’essence de la matière en tant que cause des phénomènes et raison d’être des lois, est dénuée de fondement ; l’esprit ne part pas de la connaissance du phénomène pour s’élever ensuite à la connaissance de la matière ; ce qu’il connaît d’abord, c’est la nature même de la matière, et l’explication des phénomènes en découle.

Cet orgueilleux principe, Descartes en pousse les conséquences jusqu’au bout ; il ne se contente pas d’affirmer que l’explication de tous les phénomènes naturels peut être tirée tout entière de cette seule proposition : « L’essence de la matière est l’étendue » ; cette explication, il tente de la donner en détail ; il cherche à construire le monde, en partant de cette définition, avec de la figure et du mouvement ; et lorsque son œuvre est terminée, il s’arrête pour la contempler et il déclare que rien n’y manque : « Qu’il n’y a aucun phénomène en la nature qui ne soit compris dans ce qui a été expliqué en ce traité », tel est le titre d’un des derniers paragraphes[14] des Principes de la Philosophie.

Descartes, toutefois, semble avoir été un instant effrayé par la hardiesse de sa doctrine cosmologique et avoir cherché à la rapprocher de la doctrine péripatéticienne ; c’est ce qui résulte de l’un des articles[15] du livre des Principes ; citons en entier cet article, qui touche de près à l’objet qui nous occupe :

« On répliquera peut-être encore à ceci que, bien que j’aie imaginé des causes qui pourraient produire des effets semblables à ceux que nous voyons, nous ne devons pas pour cela conclure que ceux que nous voyons soient produits par elles ; parce que, comme un horloger industrieux peut faire deux montres qui marquent les heures en même façon, et entre lesquelles il n’y ait aucune différence en ce qui paraît à l’extérieur, qui n’aient toutefois rien de semblable en la composition de leurs roues, ainsi il est certain que Dieu a une infinité de divers moyens par chacun desquels il peut avoir fait que toutes les choses de ce monde paraissent telles que maintenant elles paraissent, sans qu’il soit possible à l’esprit humain de connaître lequel de tous ces moyens il a voulu employer à les faire ; ce que je ne fais aucune difficulté d’accorder. Et je croirai avoir assez fait si les causes que j’ai expliquées sont telles que tous les effets qu’elles peuvent produire se trouvent semblables à ceux que nous voyons dans le monde, sans m’informer si c’est par elles ou par d’autres qu’ils sont produits. Même je crois qu’il est aussi utile pour la vie de connaître les causes ainsi imaginées que si on avait la connaissance des vraies ; car la médecine, les mécaniques, et généralement tous les arts à quoi la connaissance de la Physique peut servir, n’ont pour fin que d’appliquer tellement quelques corps sensibles les uns aux autres que, par la suite des causes naturelles, quelques effets sensibles soient produits ; ce que l’on pourrait faire tout aussi bien en considérant la suite de quelques causes ainsi imaginées, quoique fausses, que si elles étaient les vraies, puisque cette suite est supposée semblable en ce qui regarde les effets sensibles. Et afin qu’on ne puisse pas s’imaginer qu’Aristote ait jamais prétendu rien faire de plus que cela, il dit lui-même, au commencement du septième chapitre du premier livre de ses Météores que « pour ce qui est des choses qui ne sont pas manifestes aux sens, il pense les démontrer suffisamment et autant qu’on peut désirer avec raison, s’il fait seulement voir qu’elles peuvent être telles qu’il les explique ».

Mais cette sorte de concession aux idées de l’École est manifestement en désaccord avec la méthode même de Descartes ; elle est seulement une de ces précautions contre la censure du Saint-Office que prenait le grand philosophe, fort ému, comme l’on sait, par la condamnation de Galilée ; du reste, il semble que Descartes lui-même ait craint que l’on prît trop au sérieux sa prudente circonspection, car il fait suivre l’article que nous venons de citer de deux autres, ainsi intitulés : « Que néanmoins on a une certitude morale que toutes les choses de ce monde sont telles qu’il a été ici démontré qu’elles peuvent être. » — « Et même qu’on en a une certitude plus que morale. »

Les mots : certitude morale ne suffisaient pas, en effet, à exprimer la foi sans limite que Descartes professait en sa méthode ; non seulement il croyait avoir donné une explication satisfaisante de tous les phénomènes naturels, mais il pensait en avoir fourni la seule explication possible et pouvoir le démontrer mathématiquement : « Pour la Physique, écrivait-il[16] à Mersenne, le 11 mars 1640, je croirais n’y rien savoir, si je ne sçavais que dire comment les choses peuvent estre, sans démonstrer qu’elles ne peuvent estre autrement ; car l’ayant réduite aux lois des Mathématiques, c’est chose possible, et je croy le pouvoir en tout ce peu que je croy sçavoir, bien que je ne l’aye pas fait en mes Essais, à cause que je n’ai pas voulu y donner mes principes, et je ne voy encore rien qui me convie à les donner à l’avenir. »

Cette superbe confiance dans la puissance illimitée de la méthode métaphysique était bien propre à faire naître un dédaigneux sourire aux lèvres de Pascal ; lors même qu’on admettrait que la matière n’est que l’étendue en longueur, largeur et profondeur, quelle folie d’en vouloir tirer l’explication détaillée du monde !

« Il faut dire en gros[17] : cela se fait par figure et mouvement, car cela est vrai. Mais de dire quels, et composer la machine cela est ridicule ; car cela est inutile, et incertain, et pénible. »

L’illustre émule de Pascal, Christian Huygens, n’a pas la même sévérité pour la méthode qui prétend de principes cosmologiques tirer l’explication des phénomènes naturels. Assurément, les explications de Descartes sont insoutenables en plus d’un point ; mais c’est que sa Cosmologie, qui réduit la matière à l’étendue, n’est pas la saine Philosophie de la nature ; celle-ci est la Physique des atomistes ; on peut espérer en déduire, bien qu’avec de grandes difficultés, l’explication des phénomènes naturels.

« M. Des Cartes[18] a mieux reconnu que ceux qui l’ont précédé, qu’on ne comprendrait jamais rien d’avantage dans la Physique, que ce qu’on pourrait rapporter à des principes qui n’excèdent pas la portée de notre esprit, tels que sont ceux qui dépendent des corps, considérez sans qualitez, et de leurs mouvements. Mais comme la plus grande difficulté consiste à faire voir comment tant de choses diverses sont effectuées par ces seuls principes, c’est à cela qu’il n’a pas réussi dans plusieurs sujets particuliers qu’il s’est proposé à examiner, desquels est entre autres, à mon avis, celui de la Pesanteur. On en jugera par les remarques que je fais en quelques endroits sur ce qu’il en a escrit ; auxquelles j’en aurais pu joindre d’autres. Et cependant j’avoue que ses essais, et ses vues, quoyque fausses, ont servi à m’ouvrir le chemin à ce que j’ay trouvé sur le mesme sujet. »

« Je ne le donne pas comme estant exempt de tout doute, ni à quoy on ne puisse faire des objections. Il est trop difficile d’aller jusque-là dans des recherches de cette nature. Je crois pourtant que si l’hypothèse principale, sur laquelle je me fonde, n’est pas la véritable, il y a peu d’espérance qu’on la puisse rencontrer, en demeurant dans les limites de la vraye et saine Philosophie. »

Entre le moment où Huygens communiquait à l’Académie des Sciences de Paris son Discours de la Cause de la Pesanteur, et le moment où il le fit imprimer, parut l’immortel ouvrage de Newton : Philosophiæ naturalis principia mathematica ; cet ouvrage, qui transformait la Mécanique céleste, inaugurait, au sujet de la nature des théories physiques, des opinions tout opposées à celles de Descartes et de Huygens.

Ce que pense Newton de la construction des théories physiques, il l’exprime avec netteté en plusieurs passages de ses œuvres.

L’étude attentive des phénomènes et de leurs lois permet au physicien de découvrir, par la méthode inductive qui lui est propre, quelques principes très généraux d’où toutes les lois expérimentales se puissent déduire ; ainsi les lois de tous les phénomènes célestes se trouvent condensées dans le principe de la gravité universelle.

Une telle représentation condensée n’est pas une explication ; l’attraction mutuelle que la Mécanique céleste imagine entre deux parties quelconques de la matière permet de soumettre au calcul tous les mouvements célestes, mais la cause même de cette attraction n’est pas pour cela mise à nu. Faut-il y voir une qualité première et irréductible de la matière ? Faut-il, ce que Newton jugea probable à certaines époques de sa vie, la regarder comme le résultat d’impulsions produites par un certain éther ? Questions difficiles, dont la solution ne pourra être obtenue que plus tard. Cette recherche, en tous cas, est œuvre de philosophe et non de physicien ; quel qu’en soit le résultat, la théorie représentative construite par le physicien gardera sa pleine valeur.

Telle est la doctrine que formule en peu de mots le Scholium generale par lequel se termine le livre des Principes de Philosophie naturelle :

« Jusqu’ici, j’ai exposé les phénomènes que présentent les cieux et nos mers à l’aide de la force de gravité, mais à cette gravité, je n’ai pas encore assigné de cause. Assurément, cette force naît de quelque cause qui pénètre jusqu’au centre du Soleil ou des planètes sans que sa vertu en soit diminuée ; qui agit non pas en raison de la superficie des particules solides sur lesquelles elle exerce son action, comme le font habituellement les causes mécaniques, mais en raison de leur volume ; dont l’action s’étend de toute part à des distances immenses, en décroissant toujours en raison inverse du carré de la distance. La gravité vers le Soleil est composée des gravités qui pèsent vers chacune des petites parties du Soleil, et en s’éloignant du Soleil, elle décroît exactement en raison doublée des distances jusqu’à l’orbite de Saturne, comme le montre la fixité des aphélies des planètes, et jusqu’aux aphélies extrêmes des comètes, si toutefois ces aphélies sont fixes. Mais jusqu’ici, je n’ai pu tirer des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je ne feins point d’hypothèses. Car tout ce qui ne se tire point des phénomènes doit être nommé hypothèse ; et les hypothèses, qu’elles soient métaphysiques ou physiques, qu’elles invoquent des causes occultes ou qu’elles soient mécaniques, n’ont pas place en Philosophie expérimentale. Dans cette Philosophie, les propositions sont tirées des phénomènes et généralisées par induction. C’est ainsi qu’on a connu l’impénétrabilité, la mobilité, la force vive des corps et les lois des mouvements et de la gravité. Et c’est assez que cette gravité existe réellement et agisse selon les lois que nous avons exposées, et qu’elle suffise à tous les mouvements des corps célestes et de notre mer. »

Plus tard, en la célèbre XXXIe question qui termine la seconde édition de son Optique, Newton énonce, avec une grande précision, son opinion au sujet des théories physiques ; il leur assigne pour objet la condensation économique des lois expérimentales : « Expliquer chaque propriété des choses en les douant d’une qualité spécifique occulte par laquelle seraient engendrés et produits les effets qui se manifestent à nous, c’est ne rien expliquer du tout. Mais tirer des phénomènes deux ou trois principes généraux de mouvement, expliquer ensuite toutes les propriétés et les actions des corps au moyen de ces principes clairs, c’est vraiment, en Philosophie, un grand progrès, lors même que les causes de ces principes ne seraient pas découvertes ; c’est pourquoi je n’hésite pas à proposer les principes du mouvement, tout en laissant de côté la recherche des causes. »

Ceux qui partageaient la superbe confiance des cartésiens ou des atomistes ne pouvaient souffrir que l’on imposât des limites aussi humbles aux prétentions de la Physique théorique ; se borner à donner des phénomènes une représentation géométrique c’était, à leur avis, ne point avancer dans la connaissance de la nature ; ceux qui se contentaient d’un progrès aussi vain ne méritaient guère que des sarcasmes :

« Avant que de faire usage des principes qu’on vient d’établir, dit un cartésien[19], je crois qu’il ne sera pas hors de propos d’entrer dans l’examen de ceux que M. Newton fait servir de fondement à son système. Ce nouveau philosophe, déjà illustré par les rares connaissances qu’il avait puisées dans la Géométrie, souffrait impatiemment qu’une nation étrangère à la sienne put se prévaloir de la possession où elle était d’enseigner les autres et de leur servir de modèle ; excité par une noble émulation et guidé par la supériorité de son génie, il ne songea plus qu’à affranchir sa patrie de la nécessité où elle croyait être d’emprunter de nous l’art d’éclairer les démarches de la nature, et de la suivre dans ses opérations. Ce ne fut point encore assez pour lui. Ennemi de toute contrainte, et sentant que la Physique le gênerait sans cesse, il la bannit de sa Philosophie ; et de peur d’être forcé de réclamer quelquefois son secours, il eut soin d’ériger en lois primordiales les causes intimes de chaque phénomène particulier ; par là, toute difficulté fut aplanie ; son travail ne roula plus que sur des sujets traitables qu’il sût assujettir à ses calculs ; un phénomène analysé géométriquement devint pour lui un phénomène expliqué ; ainsi cet illustre rival de M. Descartes eut bientôt la satisfaction singulière de se trouver grand philosophe par cela seul qu’il était grand géomètre. »

« …Je reviens donc[20] à ce que j’ai d’abord avancé, et je conclus qu’en suivant la méthode de ce grand géomètre, rien n’est plus facile que de développer le mécanisme de la nature. Voulez-vous rendre raison d’un phénomène compliqué ? Exposez-le géométriquement, vous aurez tout fait ; ce qui pourra rester d’embarrassant pour le physicien dépendra, à coup sûr, ou d’une loi primordiale, ou de quelque détermination particulière. »

Les disciples de Newton ne s’en tinrent d’ailleurs pas tous à la prudente réserve de leur maître ; plusieurs ne purent demeurer dans les étroites frontières que leur assignait sa méthode de Physique ; franchissant ces limites, ils affirmèrent, en métaphysiciens, que les attractions mutuelles étaient des qualités réelles et premières de la matière et qu’un phénomène réduit à ces attractions était vraiment un phénomène expliqué. Tel fut l’avis émis par Roger Cotes dans la préface célèbre qu’il écrivit en tête de la seconde édition des Principia de Newton ; telle fut aussi la doctrine développée par Boscovich, qu’inspirait souvent la métaphysique leibnitzienne.

Toutefois, plusieurs des continuateurs de Newton, et non des moins illustres, s’en tinrent à la méthode qu’avait si bien définie leur illustre devancier.

Laplace professe la plus entière confiance en la puissance du principe de l’attraction ; cette confiance, cependant, n’est pas aveugle ; en quelques endroits de l’Exposition du système du monde, Laplace indique que cette attraction universelle qui, sous forme de gravité ou d’attraction moléculaire, coordonne tous les phénomènes naturels, n’en est peut-être pas l’ultime explication ; qu’elle-même peut dépendre d’une cause plus élevée ; cette cause, il est vrai, Laplace semble la rejeter dans un domaine inconnaissable ; en tous cas, il reconnaît, avec Newton, que la recherche de cette cause, si elle est possible, constitue un problème distinct de celui que résolvent les théories astronomiques et physiques. « Ce principe, dit-il[21], est-il une loi primordiale de la nature ? N’est-il qu’un effet général d’une cause inconnue ? Ici, l’ignorance où nous sommes des propriétés intimes de la matière nous arrête, et nous ôte tout espoir de répondre d’une manière satisfaisante à ces questions. » — « Le principe de la pesanteur universelle, dit-il encore[22], est-il une loi primordiale de la nature, ou n’est-il qu’un effet général d’une cause inconnue ? Ne peut-on pas ramener à ce principe les affinités ? Newton, plus circonspect que plusieurs de ses disciples, ne s’est point prononcé sur ces questions auxquelles l’ignorance où nous sommes des propriétés de la matière ne permet pas de répondre d’une manière satisfaisante. »

Philosophe plus profond que Laplace, Ampère voit avec une parfaite clarté l’avantage qu’il y a à rendre une théorie physique indépendante de toute explication métaphysique ; par là, en effet, on la soustrait aux querelles qui divisent les diverses écoles cosmologiques ; on la rend acceptable en même temps à des esprits qui professent des opinions philosophiques incompatibles ; et cependant, bien loin d’entraver les recherches de ceux qui prétendraient donner une explication des phénomènes, on facilite leur tâche ; on condense en un petit nombre de propositions très générales les lois innombrables dont ils doivent rendre compte, en sorte qu’il leur suffise d’expliquer ces quelques propositions pour que cet immense ensemble de lois ne renferme plus rien de mystérieux.

« Le principal avantage[23] des formules qui sont ainsi conclues immédiatement de quelques faits généraux donnés par un nombre suffisant d’observations pour que la certitude n’en puisse être contestée, est de rester indépendantes, tant des hypothèses dont leurs auteurs ont pu s’aider dans la recherche de ces formules, que de celles qui peuvent leur être substituées dans la suite. L’expression de l’attraction universelle, déduite des lois de Kepler, ne dépend point des hypothèses que quelques auteurs ont essayé de faire sur une cause mécanique qu’ils voulaient lui assigner. La théorie de la chaleur repose réellement sur des faits généraux donnés immédiatement par l’observation ; et l’équation déduite de ces faits, se trouvant confirmée par l’accord des résultats qu’on en tire et de ceux que donne l’expérience, doit être également reçue comme exprimant les vraies lois de la propagation de la chaleur, et par ceux qui l’attribuent à un rayonnement de molécules calorifiques, et par ceux qui recourent, pour expliquer le même phénomène, aux vibrations d’un fluide répandu dans l’espace ; seulement il faut que les premiers montrent comment l’équation dont il s’agit résulte de leur manière de voir et que les seconds la déduisent des formules générales des mouvements vibratoires ; non pour rien ajouter à la certitude de cette équation, mais pour que leurs hypothèses respectives puissent subsister. Le physicien qui n’a point pris de parti à cet égard admet cette équation comme la représentation exacte des faits, sans s’inquiéter de la manière dont elle peut résulter de l’une ou de l’autre des explications dont nous parlons. »

Fourier, d’ailleurs, partage au sujet de la théorie de la chaleur le sentiment d’Ampère ; voici, en effet, comment il s’exprime dans le Discours préliminaire qui inaugure son immortel ouvrage [24] :

« Les causes primordiales ne nous sont point connues, mais elles sont assujetties à des lois simples et constantes que l’on peut découvrir par l’observation, et dont l’étude est l’objet de la Philosophie naturelle. »

« La chaleur pénètre, comme la gravité, toutes les substances de l’univers ; ses rayons occupent toutes les parties de l’espace. Le but de notre ouvrage est d’exposer les lois mathématiques que suit cet élément. Cette théorie formera désormais une des branches les plus importantes de la Physique générale. »

« …Les principes de cette théorie sont déduits, comme ceux de la Mécanique, d’un très petit nombre de faits primordiaux, dont les géomètres ne considèrent point la cause, mais qu’ils admettent comme résultant des observations communes et confirmées par toutes les expériences. »

Pas plus qu’Ampère ni que Fourier, Fresnel n’assigne comme but à la théorie l’explication métaphysique des apparences sensibles ; il voit en elle un puissant moyen d’invention, parce qu’elle est une représentation résumée et classée des connaissances expérimentales : « Il n’est pas inutile[25] de réunir les faits sous un même point de vue, en les rattachant à un petit nombre de principes généraux. C’est le moyen de saisir plus aisément les lois, et je pense que les efforts de ce genre peuvent contribuer, autant que les observations mêmes, à l’avancement de la science. »

Le rapide développement de la Thermodynamique, au milieu du xixe siècle, remit en faveur les suppositions que Descartes avait formulées le premier touchant la nature de la chaleur ; les opinions cartésiennes et atomistiques reçurent un regain de vitalité, et l’espoir de construire des théories physiques explicatives se ranima dans la pensée de plus d’un physicien.

Quelques-uns, cependant, des créateurs de la nouvelle doctrine, et non des moindres, ne se laissèrent point griser par cet espoir ; parmi eux, et au premier rang, il convient de citer Robert Mayer. « Quelle est la nature intime de la chaleur, écrivait Robert Mayer à Griesinger[26], quelle de l’électricité, etc., je n’en sais rien, pas plus que je connais la nature intime d’une matière quelconque, ni de quelque chose que ce soit. »

Les premières contributions de Macquorn Rankine aux progrès de la théorie mécanique de la chaleur avaient été des essais d’explication ; mais bientôt ses idées évoluèrent et, dans un petit écrit[27] trop peu connu, il traça avec une admirable netteté les caractères qui distinguent la théorie représentative — nommée par lui théorie abstraite — de la théorie explicative — désignée sous le nom de théorie hypothétique.

Citons quelques passages de cet ouvrage :

« Il faut faire une distinction essentielle entre les deux périodes dont se compose la méthode par laquelle avance notre connaissance des lois physiques. La première consiste à observer les relations qui existent entre les phénomènes tels qu’ils se présentent au cours ordinaire de la nature, ou bien tels qu’ils se produisent artificiellement dans nos expériences, et à exprimer les relations ainsi observées en propositions que l’on nomme lois formelles. La seconde période consiste à réduire sous forme de science les lois formelles d’une classe entière de phénomènes ; c’est-à-dire à découvrir le système de principes le plus simple d’où toutes les lois formelles de cette classe de phénomènes puissent se déduire à titre de conséquences. »

« Un tel système de principes, accompagnés des conséquences qui s’en déduisent méthodiquement, constitue la théorie physique d’une classe de phénomènes. »

« Deux méthodes propres à construire une théorie physique peuvent être distinguées ; elles sont caractérisées essentiellement par le procédé qui sert à définir les classes de phénomènes. On peut les nommer respectivement méthode abstraite et méthode hypothétique. »

« Selon la méthode abstraite, une classe d’objets ou de phénomènes est définie par description ; en d’autres termes, on fait concevoir qu’un certain assemblage de propriétés est commun à tous les objets ou à tous les phénomènes qui composent cette classe, en les considérant tels que les sens nous les font percevoir et sans rien introduire d’hypothétique ; on leur assigne alors un nom ou un symbole. »

« Selon la méthode hypothétique, la définition d’une classe d’objets ou de phénomènes se tire d’une conception conjecturale touchant leur nature ; on imagine qu’ils sont constitués, d’une manière qui ne tombe pas sous les sens, par une modification d’une certaine autre classe d’objets ou de phénomènes dont les lois soient déjà connues. Si les conséquences d’une telle définition hypothétique se trouvent d’accord avec les résultats de l’observation et de l’expérience, cette définition peut servir à tirer les lois d’une classe d’objets ou de phénomènes des lois relatives à une autre classe. » C’est ainsi qu’on tirera, par exemple, les lois de la lumière ou de la chaleur des lois de la Mécanique.

Rankine pense que les théories hypothétiques seront graduellement remplacées par les théories abstraites ; il croit cependant « qu’une théorie hypothétique est nécessaire, comme première étape, pour mettre de la simplicité et de l’ordre dans l’expression des phénomènes, avant qu’il soit possible de faire aucun progrès dans la construction d’une théorie abstraite ». Nous avons vu, au paragraphe précédent, que cette affirmation n’était guère confirmée par l’histoire des théories physiques ; nous aurons occasion de la discuter à nouveau au Chapitre iv, § 9.

Vers le milieu du xixe siècle, les théories hypothétiques, celles qui se donnaient pour des explications plus ou moins probables des phénomènes, se sont extraordinairement multipliées ; le bruit de leurs luttes et le fracas de leurs chutes ont lassé les physiciens et les ont peu à peu ramenés aux saines doctrines que Newton avait exprimées avec tant de force ; renouant la tradition interrompue, M. Ernst Mach[28] a défini la physique théorique comme une représentation abstraite et condensée des phénomènes naturels ; G. Kirchhoff[29] a donné comme objet à la Mécanique « de décrire le plus complètement et le plus simplement possible les mouvements qui se produisent dans la nature ».

Si donc quelques très grands physiciens ont pu s’enorgueillir de la puissante méthode qu’ils employaient, au point d’en exagérer la portée, s’ils ont pu croire que leurs théories découvriraient la nature métaphysique des choses, beaucoup des inventeurs qui ravissent notre admiration ont été plus modestes et plus clairvoyants ; ils ont reconnu que la théorie physique n’était pas une explication ; ils ont vu en elle une représentation simplifiée et ordonnée qui groupait les lois suivant une classification de plus en plus parfaite, de plus en plus naturelle.



  1. Correspondance de Descartes, édition Paul Tannery et Ch. Adam, n° lvii, 22 août 1634, t. I, p. 307.
  2. Erasmus Bartholinus : Experimenta crystalli Islandici disdiaclastici, quibus mira et insolita refractio detegitur. Havniæ, 1657.
  3. Huygens : Traité de la lumière, où sont expliquées les causes de ce qui luy arrive dans la réflexion et dans la réfraction, et particulièrement dans l’étrange réfraction du cristal d’Islande. Édition W. Burckhardt, p. 71.
  4. Laplace : Exposition du système du monde, I. IV, c. xviii : De l’attraction moléculaire.
  5. Laplace : Exposition du système du monde, loc. cit.
  6. Voir l’Introduction aux œuvres d’Augustin Fresnel, par E. Verdet, art. 11 et 12. (Œuvres complètes d’Augustin Fresnel, t. I, p. lxx et p. lxxvi.)
  7. E. Verdet: loc. cit., p. 84.
  8. E. Mach : La Mécanique ; exposé historique et critique de son développement. Paris, 1904, p. 360.
  9. Nous empruntons plusieurs des renseignements qui suivent à un très important article de M. P. Mansion : Note sur le caractère géométrique de l’ancienne astronomie (Abhandlungen zur Geschichte der Mathematik, ix, Leipzig, B. G. Teurner). Voir aussi P. Mansion : Sur les principes fondamentaux de la géométrie, de la mécanique et de l’astronomie. Paris, Gauthier-Villars, 1903.
  10. En 1597, Nicolas Raimarus Ursus publia à Prague un écrit intitulé : De hypothesibus astronomicis, où il soutenait, en les exagérant, les opinions d’Osiander ; trois ans plus tard, donc en 1600 ou 1601, Képler répond par l’écrit suivant : Joannis Kepleri apologia Tychonis contra Nicolaum Raymarum Ursum ; cet écrit, demeuré en manuscrit et fort incomplet, fut publié seulement en 1858 par Frisch. (Joannis Kepleri astronomi Opera omnia, t. I, p. 215, Francfort-sur-le-Mein et Erlangen.) Cet ouvrage contient de vives réfutations des idées d’Osiander.
  11. Prodromus dissertationum cosmographicarum, continens mysterium cosmographicum… a M. Joanne Keplero Wintembergio, Tubingae, Georgius Gruppenbachius, MDXCVI ; — Joannis Kepleri astronomi Opera omnia, t. I, p. 112-153.
  12. Grisar : Galilei-Studien, Beilage IX, Ratisbonne, 1882.
  13. Descartes : Principia Philosophiæ, pars IIIa, 4.
  14. Descartes : Principia Philosophiæ, pars IVa, 199.
  15. Descartes : Ibid., pars IVa, 204.
  16. Descartes : Œuvres, édition P. Tannery et Ch. Adam, Correspondance, t. iii, p. 39.
  17. Pascal : Pensées, édition Havet, art. 24. Cette pensée est précédée de ces mots : « Écrire contre ceux qui approfondissent trop les sciences : Descartes. »
  18. Christian Huygens : Discours de la cause de la Pesanteur, Leyde, 1690.
  19. De Gamaches : Principes généraux de la Nature appliqués au mécanisme astronomique et comparés aux principes de la Philosophie de M. Newton. Paris, 1740, p. 67.
  20. De Gamaches : Loc. cit., p. 81.
  21. Laplace : Exposition du système du monde. I. IV, c. xvii.
  22. Idem : Ibid., I. V, c. v.
  23. André-Marie Ampère : Théorie mathématique des phénomènes electrodynamiques, uniquement déduite de l’expérience. Édition Hermann, p. 3.
  24. Fourier : Théorie analytique de la chaleur. Édition Darboux, p. xv et p. xxi.
  25. A. Fresnel : Œuvres complètes, t. I, p. 480.
  26. Robert Mayer : Kleinere Schriften und Briefe, p. 181, Stuttgart, 1893.
  27. J. Macquorn Rankine : Outlines of the Science of Energetics, lu à la Philosophical Society de Glasgow le 2 mai 1855 et publié dans les Proceedings de cette Société, vol. iii, n° 4, — Cf. : Rankine, Miscellaneous scientific Papers, p. 209.
  28. E. Mach : Die Gestalten der Flüssigkeit. Prag, 1872 ; — Die ökonomische Natur der physikalischen Forschung. Vienne, 1882 ; — Die Mechanik in ihrer Entwickelung, historisch-kritisch dargestellt. Leipzig, 1883. Ce dernier ouvrage a été traduit en français par M. Bertrand sous le titre : La Mécanique ; exposé historique et critique de son développement, Paris, 1904.
  29. G. Kirchhoff : Vorlesungen über mathematische Physik ; Mechanik. Leipzig, 1874, p. 1.