La Théorie physique/SECONDE PARTIE/Chapitre V

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Chevalier & Rivière (p. 269-293).


CHAPITRE V

LA LOI PHYSIQUE


§ I. — Les lois de Physique sont des relations symboliques.


De même que les lois de sens commun sont fondées sur l’observation des faits par les moyens naturels à l’homme, les lois de la Physique sont fondées sur les résultats des expériences de Physique. Il va sans dire que les différences profondes qui séparent la constatation non scientifique d’un fait du résultat d’une expérience de Physique sépareront également les lois de sens commun des lois de la Physique ; aussi, presque tout ce que nous avons dit des expériences de Physique pourra-t-il s’étendre aux lois qu’énonce cette science.

Prenons une loi de sens commun, une des plus simples comme une des plus certaines : Tout homme est mortel. Cette loi, assurément, relie entre eux des termes abstraits, l’idée abstraite d’homme en général, et non l’idée concrète de tel ou tel homme en particulier ; l’idée abstraite de la mort et non l’idée concrète de telle ou telle forme de la mort ; c’est, en effet, à cette seule condition de relier des termes abstraits qu’elle peut être générale. Mais ces abstractions ne sont nullement des symboles théoriques ; elles extraient simplement ce qu’il y a d’universel dans chacun des cas particuliers auxquels la loi s’applique ; aussi, dans chacun des cas particuliers où nous appliquons la loi, trouverons-nous des objets concrets où seront réalisées ces idées abstraites ; chaque fois que nous aurons à constater que tout homme est mortel, nous nous trouverons en présence d’un certain homme particulier incarnant l’idée générale d’homme, d’une certaine mort particulière impliquant l’idée générale de mort.

Prenons encore une autre loi, citée comme exemple par M. G. Milhaud[1], lorsqu’il a exposé ces idées, émises par nous peu auparavant ; c’est une loi dont l’objet appartient au domaine de la Physique ; mais elle garde la forme qu’avaient les lois de la Physique lorsque cette branche de connaissances n’était encore qu’une dépendance du sens commun et n’avait point acquis la dignité de science rationnelle.

Voici cette loi : Avant d’entendre le tonnerre, on voit briller l’éclair. Les idées de tonnerre et d’éclair que relie cet énoncé sont bien des idées abstraites et générales ; mais ces abstractions sont tirées si instinctivement, si naturellement, des données particulières, qu’en chaque coup de foudre nous percevons un éblouissement et un roulement où nous reconnaissons immédiatement la forme concrète de nos idées d’éclair et de tonnerre.

Il n’en est plus de même pour les lois de la Physique. Prenons une de ces lois, la loi de Mariotte, et examinons-en l’énoncé, sans nous soucier, pour le moment, de l’exactitude de cette loi. À une même température, les volumes occupés par une même masse de gaz sont en raison inverse des pressions qu’elle supporte : tel est l’énoncé de la loi de Mariotte. Les termes qu’elle fait intervenir, les idées de masse, de température, de pression, sont encore des idées abstraites ; mais ces idées ne sont pas seulement abstraites, elles sont, de plus, symboliques, et les symboles qu’elles constituent ne prennent un sens que grâce aux théories physiques. Plaçons-nous en face d’un cas réel, concret, auquel nous vouions appliquer la loi de Mariotte ; nous n’aurons pas affaire à une certaine température concrète réalisant l’idée générale de température, mais à du gaz plus ou moins chaud ; nous n’aurons pas devant nous une certaine pression particulière réalisant l’idée générale de pression, mais une certaine pompe sur laquelle on a pesé d’une certaine manière. Sans doute, à ce gaz plus ou moins chaud correspond une certaine température, à cet effort exercé sur la pompe correspond une certaine pression ; mais cette correspondance est celle d’une chose signifiée au signe qui la remplace, d’une réalité au symbole qui la représente. Cette correspondance n’est nullement immédiate ; elle s’établit au moyen des instruments, par l’intermédiaire souvent très long et très compliqué des mesures ; pour attribuer une température déterminée à ce gaz plus ou moins chaud, il faut recourir au thermomètre ; pour évaluer sous forme de pression l’effort exercé par la pompe, il faut se servir du manomètre, et l’usage du thermomètre, l’usage du manomètre, impliquent, nous l’avons vu au Chapitre précédent, l’usage des théories physiques.

Les termes abstraits sur lesquels porte une loi de sens commun n’étant autre chose que ce qu’il y a de général dans les objets concrets soumis à nos sens, le passage du concret à l’abstrait se fait par une opération si nécessaire et si spontanée qu’elle demeure inconsciente ; placé en présence d’un certain homme, d’un certain cas de mort, je les rattache immédiatement à l’idée générale d’homme, à l’idée générale de mort. Cette opération instinctive, irréfléchie, fournit des idées générales non analysées, des abstractions prises, pour ainsi dire, en bloc. Sans doute, ces idées générales et abstraites, le penseur peut les analyser, il peut se demander ce qu’est l’homme, ce qu’est la mort, chercher à pénétrer le sens profond et complet de ces mots ; ce travail l’amènera à mieux saisir la raison d’être de la loi ; mais ce travail n’est pas nécessaire pour comprendre la loi ; il suffit, pour la comprendre, de prendre dans leur sens obvie les termes qu’elle relie ; aussi cette loi est-elle claire pour tous, philosophes ou non.

Les termes symboliques que relie une loi de Physique ne sont plus de ces abstractions qui jaillissent spontanément de la réalité concrète ; ce sont des abstractions produites par un travail lent, compliqué, conscient, par le travail séculaire qui a élaboré les théories physiques ; impossible de comprendre la loi, impossible de l’appliquer si l’on n’a pas fait ce travail, si l’on ne connaît pas les théories physiques.

Selon que l’on adopte une théorie ou une autre, les mots mêmes qui figurent dans l’énoncé d’une loi de Physique changent de sens, en sorte que la loi peut être acceptée par un physicien qui admet telle théorie et rejetée par un autre physicien qui admet telle autre théorie.

Prenez un paysan qui n’a jamais analysé la notion d’homme ni la notion de mort, et un métaphysicien qui a passé sa vie à les analyser ; prenez deux philosophes qui les ont analysées et qui en ont adopté des définitions différentes, inconciliables ; pour tous, la loi : tout homme est mortel, sera aussi claire et aussi vraie. De même, la loi : avant d’entendre le tonnerre, on voit briller l’éclair, a, pour le physicien qui connaît à fond les lois de la décharge disruptive, la même clarté et la même certitude que pour l’homme de la plèbe romaine qui voyait dans le coup de foudre un effet de la colère de Jupiter Capitolin.

Considérons, au contraire, cette loi de Physique : Tous les gaz se compriment et se dilatent de la même manière, et demandons à divers physiciens si cette loi est ou non transgressée par la vapeur d’iode. Un premier physicien professe des théories selon lesquelles la vapeur d’iode est un gaz unique ; il tire alors de la loi précédente cette conséquence : la densité de la vapeur d’iode par rapport à l’air est une constante ; or, l’expérience montre que la densité de la vapeur d’iode par rapport à l’air dépend de la température et de la pression ; notre physicien conclut donc que la vapeur d’iode ne se soumet pas à la loi énoncée. Selon un second physicien, la vapeur d’iode est non pas un gaz unique, mais un mélange de deux gaz, polymères l’un de l’autre et susceptibles de se transformer l’un en l’autre ; dès lors, la loi précitée n’exige plus que la densité de la vapeur d’iode par rapport à l’air soit constante ; elle réclame que cette densité varie avec la température et la pression suivant une certaine formule que J. Willard-Gibbs a établie ; cette formule représente, en effet, les résultats des déterminations expérimentales ; notre second physicien en conclut que la vapeur d’iode ne fait point exception à la règle selon laquelle tous les gaz se compriment et se dilatent de la même manière. Ainsi nos deux physiciens diffèrent entièrement d’avis au sujet d’une loi que tous deux énoncent sous la même forme ; l’un trouve que cette loi est mise en défaut par un certain fait, l’autre qu’elle est confirmée par ce même fait ; c’est que les théories différentes dont ils se réclament ne fixent pas de la même façon le sens qui convient à ces mots : un gaz unique ; en sorte qu’en prononçant tous deux la même phrase, ils entendent deux propositions différentes ; pour comparer cet énoncé à la réalité, ils font des calculs différents, en sorte que l’un peut trouver cette loi vérifiée par des faits qui, pour l’autre, la contredisent ; preuve bien manifeste de cette vérité : Une loi de Physique est une relation symbolique dont l’application à la réalité concrète exige que l’on connaisse et que l’on accepte tout un ensemble de théories.



§ II. — Qu’une loi de Physique n’est, à proprement parler, ni vraie, ni fausse, mais approchée.

Une loi de sens commun est un simple jugement général ; ce jugement est vrai ou faux. Prenons, par exemple, cette loi que révèle l’observation vulgaire : à Paris, le soleil se lève chaque jour à l’orient, monte dans le ciel, puis s’abaisse et se couche à l’occident ; voilà une loi vraie, sans condition, sans restriction. Prenons, au contraire, cet énoncé : La lune est toujours pleine ; voilà une loi fausse. Si la vérité d’une loi de sens commun est mise en question, on pourra répondre à cette question par oui ou par non.

Il n’en est pas de même des lois que la science physique, parvenue à son plein développement, énonce sous forme de propositions mathématiques ; une telle loi est toujours symbolique ; or, un symbole n’est, à proprement parler, ni vrai, ni faux ; il est plus ou moins bien choisi pour signifier la réalité qu’il représente, il la figure d’une manière plus ou moins précise, plus ou moins détaillée ; mais, appliqués à un symbole, les mots vérité, erreur, n’ont plus de sens ; aussi, à celui qui demande si telle loi de Physique est vraie ou fausse, le logicien qui a souci du sens strict des mots sera obligé de répondre : Je ne comprends pas votre question. Commentons cette réponse, qui peut sembler paradoxale, mais dont l’intelligence est nécessaire à celui qui prétend savoir ce qu’est la Physique.

À un fait donné, la méthode expérimentale, telle que la Physique la pratique, fait correspondre non pas un seul jugement symbolique, mais une infinité de jugements symboliques différents ; le degré d’indétermination du symbole est le degré d’approximation de l’expérience en question. Prenons une suite de faits analogues ; pour le physicien, trouver la loi de ces faits, ce sera trouver une formule qui contienne la représentation symbolique de chacun de ces faits ; l’indétermination du symbole qui correspond à chaque fait entraîne, dès lors, l’indétermination de la formule qui doit réunir tous ces symboles ; à un même ensemble de faits, on peut faire correspondre une infinité de formules différentes, une infmité de lois physiques distinctes ; chacune de ces lois, pour être acceptée, doit faire correspondre à chaque fait non pas le symbole de ce fait, mais l’un quelconque des symboles, en nombre infini, qui peuvent représenter ce fait ; voilà ce qu’on entend dire lorsqu’on déclare que les lois de la Physique ne sont qu’approchées.

Imaginons, par exemple, que nous ne puissions nous contenter des renseignements fournis par cette loi de sens commun : à Paris, le soleil se lève chaque jour à l’orient, monte dans le ciel, puis descend et se couche à l’occident ; nous nous adressons aux sciences physiques pour avoir une loi précise du mouvement du soleil vu de Paris, une loi indiquant à l’observateur parisien quelle situation le soleil occupe à chaque instant dans le ciel. Les sciences physiques, pour résoudre le problème, vont faire usage non pas de réalités sensibles, du soleil tel que nous le voyons briller dans le ciel, mais des symboles par lesquels les théories représentent ces réalités ; le soleil réel, malgré les irrégularités de sa surface, malgré les immenses protubérances qu’elle porte, elles le remplaceront par une sphère géométriquement parfaite, et c’est la position du centre de cette sphère idéale qu’elles vont tâcher de déterminer ; ou plutôt, elles chercheront à déterminer la position qu’occuperait ce point si la réfraction astronomique ne déviait pas les rayons du soleil, si l’aberration annuelle ne modifiait pas la position apparente des astres ; c’est donc bien un symbole qu’elles substituent à la seule réalité sensible offerte à nos constatations, au disque brillant que notre lunette peut viser ; pour faire correspondre le symbole à la réalité, il faut effectuer des mesures compliquées, il faut faire coïncider les bords du soleil avec les fils d’un réticule muni d’un micromètre, il faut faire de multiples lectures sur des cercles divisés, à ces lectures il faut faire subir diverses corrections ; il faut aussi développer des calculs longs et complexes dont la légitimité résulte des théories admises, de la théorie de l’aberration, de la théorie de la réfraction atmosphérique.

Ce point, symboliquement nommé centre du soleil, ce n’est pas encore ce que nos formules vont saisir ; ce qu’elles saisiront, ce sont les coordonnées de ce point, par exemple sa longitude et sa latitude, coordonnées dont le sens ne peut être compris que si l’on connaît les lois de la cosmographie, dont les valeurs ne désignent, dans le ciel, un point que le doigt puisse montrer ou que la lunette puisse viser, qu’en vertu de tout un ensemble de déterminations préalables : détermination du méridien du lieu, de ses coordonnées géographiques, etc.

Or, à une position déterminée du disque solaire, ne peut-on faire correspondre qu’une seule valeur pour la longitude et une seule valeur pour la latitude du centre du soleil, les corrections d’aberration et de réfraction étant supposées faites ? Non pas. Le pouvoir optique de l’instrument qui nous sert à viser le soleil est limité ; les diverses opérations que comporte notre expérience, les diverses lectures qu’elle exige, sont d’une sensibilité limitée. Que le disque solaire soit dans telle position ou dans telle autre, si l’écart est assez petit, nous ne pourrons pas nous on apercevoir. Mettons que nous ne puissions connaître les coordonnées d’un point déterminé de la sphère céleste avec une précision supérieure à 1’. Il nous suffira, pour déterminer la position du soleil à un instant donné, de connaître la longitude et la latitude du centre du soleil à 1’ près. Dès lors, pour représenter la marche du soleil, bien que l’astre n’occupe à chaque instant qu’une seule position, nous pourrons donner à chaque instant non pas une seule valeur de la longitude et une seule valeur de la latitude, mais une infinité de valeurs de la longitude et une infinité de valeurs de la latitude ; seulement, pour un même instant, deux valeurs acceptables de la longitude ou deux valeurs acceptables de la latitude ne pourront différer de plus de 1’.

Cherchons maintenant la loi du mouvement du soleil, c’est-à-dire deux formules qui nous permettent de calculer, à chaque instant de la durée, la valeur de la longitude du centre du soleil et la valeur de la latitude du même point. N’est-il pas évident que nous pourrons adopter, pour représenter la marche de la longitude en fonction du temps, non pas une formule unique, mais une infinité de formules différentes, pourvu qu’à un même instant toutes ces formules nous conduisent à des valeurs de la longitude différant entre elles de moins de 1’ ? N’est-il pas évident qu’il en sera de même pour la latitude ? Nous pourrons donc représenter également bien nos observations sur la marche du soleil par une infinité de lois différentes ; ces diverses lois s’exprimeront par des équations que l’algèbre regarde comme incompatibles, par des équations telles que si l’une d’elles est vérifiée, aucune autre ne l’est ; elles traceront sur la sphère céleste des courbes distinctes, et il serait absurde de dire qu’un même point décrit en même temps deux de ces courbes ; cependant, pour le physicien, toutes ces lois sont également acceptables, car, toutes, elles déterminent la position du soleil avec une approximation supérieure à celle que comporte l’observation ; le physicien n’a le droit de dire d’aucune de ces lois qu’elle est vraie à l’exclusion des autres.

Sans doute, entre ces lois, le physicien a le droit de choisir et, en général, il choisira ; mais les motifs qui guideront son choix ne seront pas de même nature, ne s’imposeront pas avec la même nécessité impérieuse que ceux qui obligent à préférer la vérité à l’erreur.

Il choisira une certaine formule parce qu’elle est plus simple que les autres ; la faiblesse de notre esprit nous contraint d’attacher une grande importance aux considérations de cet ordre. Il fut un temps où les physiciens supposaient l’intelligence du Créateur atteinte de la même débilité ; où la simplicité des lois de la nature s’imposait comme un dogme incontestable, au nom duquel on rejetait toute loi qu’exprimait une équation algébrique trop compliquée ; où la simplicité, au contraire, semblait conférer à une loi une certitude et une portée transcendantes à la méthode expérimentale qui l’avait fournie. C’est alors que Laplace, parlant de la loi de la double réfraction découverte par Huygens, disait[2] : « Jusqu’ici cette loi n’était qu’un résultat de l’observation, approchant de la vérité dans les limites des erreurs auxquelles les expériences les plus précises sont encore assujetties. Maintenant, la simplicité de la loi d’action dont elle dépend doit la faire considérer comme une loi rigoureuse.» Ce temps n’est plus. Nous ne sommes plus dupes de l’attrait que gardent pour nous les formules simples ; nous ne prenons plus cet attrait pour la manifestation d’une certitude plus grande.

Le physicien préférera surtout une loi à une autre lorsque la première découlera des théories qu’il admet ; il demandera, par exemple, à la théorie de l’attraction universelle quelles formules il doit préférer parmi toutes celles qui pourraient représenter le mouvement du soleil ; mais les théories physiques ne sont qu’un moyen de classer et de relier entre elles les lois approchées auxquelles les expériences sont soumises ; les théories ne peuvent donc modifier la nature de ces lois expérimentales, elles ne peuvent leur conférer la vérité absolue.

Ainsi, toute loi physique est une loi approchée ; par conséquent, pour le strict logicien, elle ne peut être ni vraie, ni fausse ; toute autre loi qui représente les mêmes expériences avec la même approximation peut prétendre, aussi justement que la première, au titre de loi véritable ou, pour parler plus rigoureusement, de loi acceptable.


§ III. — Que toute loi de Physique est provisoire et relative parce qu’elle est approchée.

Ce qui caractérise une loi, c’est qu’elle est fixe et absolue. Une proposition n’est une loi que parce que, vraie aujourd’hui, elle le sera encore demain ; vraie pour celui-ci, elle l’est encore pour celui-là. Dire d’une loi qu’elle est provisoire, qu’elle peut être acceptée par l’un et rejetée par l’autre, ne serait-ce pas énoncer une contradiction ? Oui, assurément, si l’on entend par lois celles que nous révèle le sens commun, celles dont on peut dire, au sens propre du mot, qu’elles sont vraies ; une telle loi ne peut être vraie aujourd’hui et fausse demain ; elle ne peut être vraie pour vous et fausse pour moi. Non, si l’on entend par lois les lois que la Physique énonce sous forme mathématique. Une telle loi est toujours provisoire ; non pas qu’il faille entendre par là qu’une loi de Physique est vraie pendant un certain temps et fausse ensuite, car elle n’est à aucun moment ni vraie ni fausse ; elle est provisoire parce qu’elle représente les faits auxquels elle s’applique avec une approximation que les physiciens jugent actuellement suffisante, mais qui cessera un jour de les satisfaire. Une telle loi est toujours relative, non pas qu’elle soit vraie pour un physicien et fausse pour un autre ; mais parce que l’approximation qu’elle comporte suffit à l’usage qu’en veut faire le premier physicien et point à l’usage qu’en veut faire le second.

Le degré d’approximation d’une expérience n’est pas, nous l’avons fait remarquer, quelque chose de fixe ; il croît au fur et à mesure que les instruments deviennent plus parfaits, que les causes d’erreur sont plus strictement évitées, ou que des corrections plus précises permettent de les mieux évaluer. Au fur et à mesure que les méthodes expérimentales progressent, l’indétermination du symbole abstrait que l’expérience de Physique fait correspondre au fait concret va en diminuant ; beaucoup de jugements symboliques qui eussent été regardés, à une époque, comme représentant bien un fait concret déterminé, ne seront plus acceptés, à une autre époque, comme signifiant ce fait avec une suffisante précision. Par exemple, les astronomes de tel siècle accepteront, pour représenter la position du centre du soleil à un instant donné, toutes les valeurs de la longitude qui ne différeront pas l’une de l’autre de plus de 1’, toutes les valeurs de la latitude qui se resserreront dans un semblable intervalle. Les astronomes du siècle suivant auront des télescopes dont le pouvoir optique sera plus grand, des cercles divisés plus parfaits, des procédés d’observation plus minutieux et plus précis ; ils exigeront alors que les diverses déterminations de la longitude du centre du soleil à un instant donné, que les diverses déterminations de la latitude du même point au même instant, s’accordent à 10" près ; une infinité de déterminations, dont se seraient contentés leurs devanciers, seront rejetées par eux.

Au fur et à mesure que devient plus étroite l’indétermination des résultats d’expérience, l’indétermination des formules qui servent à condenser ces résultats va se resserrant. Un siècle acceptait, comme loi du mouvement du soleil, tout groupe de formules qui donnait, à chaque instant, les coordonnées du centre de cet astre à une minute près ; le siècle suivant imposera à toute loi du mouvement du soleil la condition de lui faire connaître à 10" près les coordonnées du centre du soleil ; une infinité de lois, reçues par le premier siècle, se trouveront ainsi rejetées par le second.

Ce caractère provisoire des lois de la Physique se manifeste à chaque instant lorsqu’on suit l’histoire de cette science. Pour Dulong et Arago et pour leurs contemporains, la loi de Mariotte était une forme acceptable de la loi de compressibilité des gaz, parce qu’elle représentait les faits d’expérience avec des écarts qui demeuraient inférieurs aux erreurs possibles des procédés d’observation dont ils disposaient ; lorsque Regnault eut perfectionné les appareils et les méthodes expérimentales, la loi de Mariotte dut être rejetée ; les écarts qui séparaient ses indications des résultats de l’observation étaient beaucoup plus grands que les incertitudes dont demeuraient affectés les nouveaux appareils.

Or, de deux physiciens contemporains, le premier peut se trouver dans les conditions où se trouvait Regnault, tandis que le second se trouve encore dans les conditions où se trouvaient Dulvug et Arago ; le premier possède des appareils très précis, il se propose de faire des observations très exactes ; le second ne possède que des instruments grossiers et, d’ailleurs, les recherches qu’il poursuit ne réclament pas une grande approximation ; la loi de Mariotte sera acceptée par celui-ci et rejetée par celui-là.

Il y a plus ; on peut voir une même loi de Physique simultanément adoptée et rejetée par le même physicien au cours du même travail ; si une loi de Physique pouvait être dite vraie ou fausse, ce serait là un étrange paralogisme ; une même proposition y serait affirmée et niée en même temps, ce qui constitue la contradiction formelle.

Regnault, par exemple, poursuit, au sujet de la compressibilité des gaz, des recherches qui ont pour objet de substituer à la loi de Mariotte une formule plus approchée. Au cours de ses expériences, il a besoin de connaître la pression atmosphérique au niveau où affleure le mercure de son manomètre ; cette pression, il la demande à la formule de Laplace ; et l’établissement de la formule de Laplace repose sur l’emploi de la loi de Mariotte. Il n’y a là aucun paralogisme, aucune contradiction. Regnault sait que l’erreur introduite par cet emploi particulier de la loi de Mariotte est de beaucoup inférieure aux incertitudes de la méthode expérimentale dont il fait usage.

Toute loi physique, étant une loi approchée, est à la merci d’un progrès qui, en augmentant la précision des expériences, rendra insuffisant le degré d’approximation que comporte cette loi ; elle est essentiellement provisoire. L’appréciation de sa valeur varie d’un physicien à l’autre, au gré des moyens d’observation dont ils disposent et de l’exactitude que réclament leurs recherches ; elle est essentiellement relative.


§ IV. — Que toute loi de Physique est provisoire parce qu’elle est symbolique.

Ce n’est pas seulement parce qu’elle est approchée qu’une loi de Physique est provisoire ; c’est aussi parce qu’elle est symbolique ; il se rencontre toujours des cas où les symboles sur lesquels elle porte ne sont plus capables de représenter la réalité d’une manière satisfaisante.

Pour étudier un certain gaz, l’oxygène, par exemple, le physicien en a créé une représentation schématique, saisissable au raisonnement mathématique et au calcul algébrique ; il a figuré ce gaz comme un des fluides parfaits qu’étudie la Mécanique, ayant une certaine densité, porté à une certaine température, soumis à une certaine pression ; entre ces trois éléments, densité, température, pression, il a établi une certaine relation, qu’exprime une certaine équation ; c’est la loi de compressibilité et de dilatation de l’oxygène. Cette loi est-elle définitive ?

Que ce physicien place de l’oxygène entre les deux plateaux d’un condensateur électrique fortement chargé ; qu’il détermine la densité, la température et la pression du gaz ; les valeurs de ces trois éléments ne vérifieront plus la loi de compressibilité et de dilatation de l’oxygène. Le physicien s’étonne-t-il de trouver sa loi en défaut ? Va-t-il mettre en doute la fixité des lois de la nature ? Point. Il se dit simplement que la relation défectueuse était une relation symbolique, qu’elle portait non pas sur le gaz réel et concret qu’il manipule, mais sur un certain être de raison, sur un certain gaz schématique que caractérisent sa densité, sa température et sa pression ; que, sans doute, ce schéma était trop simple, trop incomplet, pour représenter les propriétés du gaz réel placé dans les conditions où il se trouve actuellement. Il cherche alors à compléter ce schéma, à le rendre plus apte à représenter la réalité ; il ne se contente plus de représenter l’oxygène symbolique au moyen de sa densité, de sa température, de la pression qu’il supporte ; il lui attribue un pouvoir diélectrique ; il introduit dans la construction du nouveau schéma l’intensité du champ électrique où le gaz est placé ; il soumet ce symbole plus complet à de nouvelles études et il obtient la loi de compressibilité de l’oxygène doué de polarisation diélectrique ; c’est une loi plus compliquée que celle qu’il avait obtenue tout d’abord ; elle renferme celle-ci comme cas particulier ; mais, plus compréhensive, elle sera vérifiée dans des cas où la loi primitive tomberait en défaut.

Cette nouvelle loi, cependant, est-elle définitive ?

Prenez le gaz auquel elle s’applique ; placez-le entre les pôles d’un électro-aimant ; voilà la nouvelle loi démentie à son tour par l’expérience. Ne croyez pas que ce nouveau démenti étonne le physicien ; il sait qu’il a affaire à une relation symbolique et que le symbole qu’il a créé, dans certains cas image fidèle de la réalité, ne saurait lui ressembler en toutes circonstances. Il reprend donc, sans se décourager, le schéma par lequel il figure le gaz sur lequel il expérimente ; pour permettre à ce dessin de représenter les faits, il le charge de nouveaux traits ; ce n’est plus assez que le gaz ait une certaine densité, une certaine température, un certain pouvoir diélectrique, qu’il supporte une certaine pression, qu’il soit placé dans un champ électrique d’intensité donnée ; il lui attribue, en outre, un certain coefficient d’aimantation ; il tient compte du champ magnétique où le gaz se trouve et, reliant tous ces éléments par un ensemble de formules, il obtient la loi de compressibilité et de dilatation du gaz polarisé et aimanté ; loi plus compliquée, mais plus compréhensive que celles qu’il avait d’abord obtenues ; loi qui sera vérifiée dans une infinité de cas où celles-ci recevraient un démenti, et, cependant, loi provisoire. Un jour, le physicien le prévoit, des conditions seront réalisées où cette loi, à son tour, se trouvera en défaut ; ce jour-là, il faudra reprendre la représentation symbolique du gaz étudié, y ajouter de nouveaux éléments, énoncer une loi plus compréhensive. Le symbole mathématique forgé par la théorie s’applique à la réalité comme l’armure au corps d’un chevalier bardé de fer ; plus l’armure est compliquée, plus le métal rigide semble prendre de souplesse ; la multitude des pièces qui s’imbriquent comme des écailles assure un contact plus parfait entre l’acier et les membres qu’il protège ; mais, si nombreux que soient les fragments qui la composent, jamais l’armure n’épousera exactement le modelé du corps humain.

J’entends ce que l’on va m’objecter. On me dira que la loi de compressibilité et de dilatation formulée tout d’abord n’a nullement été renversée par les expériences ultérieures ; qu’elle demeure la loi selon laquelle l’oxygène se comprime et se dilate lorsqu’il est soustrait à toute action électrique ou magnétique ; les recherches du physicien nous ont enseigné seulement qu’à cette loi, dont la valeur était maintenue, il convenait de joindre la loi de compressibilité du gaz électrisé et la loi de compressibilité du gaz aimanté.

Ceux-là mêmes qui prennent les choses de ce biais doivent reconnaître que la loi primitive nous pourrait conduire à de graves méprises si nous l’énoncions sans précaution ; que le domaine où elle règne doit être délimité par cette double restriction : le gaz étudié est soustrait à toute action électrique et à toute action magnétique ; or, la nécessité de cette restriction n’apparaissait point tout d’abord ; elle a été imposée par les expériences que nous avons relatées. Ces restrictions sont-elles les seules qui doivent être apportées à son énoncé ? Les expériences qui seront faites dans l’avenir n’en indiqueront-elles point d’autres, aussi essentielles que les premières ? Quel physicien oserait se prononcer à cet égard et affirmer que l’énoncé actuel est non point provisoire, mais définitif ?

Les lois de la Physique sont donc provisoires en ce que les symboles sur lesquels elles portent sont trop simples pour représenter complètement la réalité ; toujours il se trouve des circonstances où le symbole cesse de figurer les choses concrètes, où la loi cesse d’annoncer exactement les phénomènes ; l’énoncé de la loi doit donc être accompagné de restrictions qui permettent d’éliminer ces circonstances ; ces restrictions, ce sont les progrès de la Physique qui les font connaître ; jamais il n’est permis d’affirmer que l’on en possède l’énumération complète, que la liste dressée ne subira aucune addition ni aucune retouche.

Ce travail de continuelles retouches, par lequel les lois de la Physique évitent de mieux en mieux les démentis de l’expérience, joue un rôle tellement essentiel dans le développement de la Science, qu’on nous permettra d’insister quelque peu à son endroit et d’en étudier la marche sur un second exemple.

De toutes les lois de la Physique, la mieux vérifiée par ses innombrables conséquences est assurément la loi de l’attraction universelle ; les observations les plus précises sur les mouvements des astres n’ont pu, jusqu’ici, la mettre en défaut. Est-ce, cependant, une loi définitive ? Non pas, mais une loi provisoire, qui doit se modifier et se compléter sans cesse pour se mettre d’accord avec l’expérience.

Voici de l’eau dans un vase ; la loi de l’attraction universelle nous fait connaître la force qui agit sur chacune des particules de cette eau ; cette force, c’est le poids de la particule ; la Mécanique nous indique quelle figure l’eau doit affecter : Quelles que soient la nature et la forme du vase, l’eau doit être terminée par un plan horizontal. Regardez de près la surface qui termine cette eau ; horizontale loin des bords du vase, elle cesse de l’être au voisinage des parois de verre ; elle se relève le long de ces parois ; dans un tube étroit, elle monte très haut et devient tout à fait concave ; voilà la loi de l’attraction universelle en défaut. Pour éviter que les phénomènes capillaires ne démentent la loi de la gravitation, il faudra la modifier ; il faudra regarder la formule de la raison inverse du carré de la distance non plus comme une formule exacte, mais comme une formule approchée ; il faudra admettre que cette formule fait connaître avec une précision suffisante l’attraction de deux particules matérielles éloignées, mais qu’elle devient fort incorrecte lorsqu’il s’agit d’exprimer l’action mutuelle de deux éléments très peu distants ; il faudra introduire dans les équations un terme complémentaire qui, en les compliquant, les rendra aptes à représenter une classe plus étendue de phénomènes et leur permettra d’embrasser, dans une même loi, les mouvements des astres et les effets capillaires.

Cette loi sera plus compréhensive que celle de Newton ; elle ne sera pas, pour cela, sauve de toute contradiction ; en deux points différents d’une masse liquide, que l’on plonge, comme l’a fait Draper, des fils métalliques issus des deux pôles d’une pile : voilà les lois de la capillarité en désaccord avec l’observation. Pour faire disparaître ce désaccord, il faudra reprendre la formule des actions capillaires, la modifier et la compléter en tenant compte des charges électriques que portent les particules du fluide et des forces qui s’exercent entre ces particules électrisées. Ainsi se continuera indéfiniment cette lutte entre la réalité et les lois de la Physique ; à toute loi que formulera la Physique, la réalité opposera, tôt ou tard, le brutal démenti d’un fait ; mais, infatigable, la Physique retouchera, modifiera, compliquera la loi démentie, pour la remplacer par une loi plus compréhensive, où l’exception soulevée par l’expérience aura, à son tour, trouvé sa règle.

C’est par cette lutte incessante, c’est par ce travail qui, continuellement, complète les lois afin d’y faire rentrer les exceptions, que la Physique progresse ; c’est parce qu’un morceau d’ambre frotté de laine mettait en défaut les lois de la Pesanteur que la Physique a créé les lois de l’Électrostatique ; c’est parce qu’un aimant soulevait le fer en dépit de ces mêmes lois de la Pesanteur qu’elle a formulé les lois du Magnétisme ; c’est parce qu’Œrstedt avait trouvé une exception aux lois de l’Électrostatique et du Magnétisme qu’Ampère a inventé les lois de l’Électrodynamique et de l’Électromagnétisme. La Physique ne progresse pas comme la Géométrie, qui ajoute de nouvelles propositions définitives et indiscutables aux propositions définitives et indiscutables qu’elle possédait déjà ; elle progresse parce que, sans cesse, l’expérience fait éclater de nouveaux désaccords entre les lois et les faits et que, sans cesse, les physiciens retouchent et modifient les lois pour qu’elles représentent plus exactement les faits.


§ V. — Les lois de Physique sont plus détaillées que les lois de sens commun.

Les lois que l’expérience commune non scientifique nous permet de formuler sont des jugements généraux dont le sens est immédiat. Placé en présence d’un de ces jugements, on peut se demander : est-il vrai ? Souvent la réponse est aisée ; en tous cas, elle se formule par oui ou par non. La loi reconnue vraie l’est pour tous les temps et pour tous les hommes ; elle est fixe et absolue.

Les lois scientifiques, fondées sur les expériences de Physique, sont des relations symboliques dont le sens demeurerait inintelligible à qui ignorerait les théories physiques. Étant symboliques, elles ne sont jamais ni vraies, ni fausses ; comme les expériences sur lesquelles elles reposent, elles sont approchées. L’approximation d’une loi, suffisante aujourd’hui, deviendra insuffisante dans l’avenir, par le progrès des méthodes expérimentales ; suffisante pour les besoins d’un physicien, elle ne satisfait pas au désir d’un autre ; en sorte qu’une loi de Physique est toujours provisoire et relative ; elle est provisoire aussi, en ce qu’elle relie non des réalités, mais des symboles, et qu’il est toujours des cas où le symbole ne correspond plus à la réalité ; les lois de la Physique ne peuvent donc être maintenues que par un travail continuel de retouches et de modifications.

Le problème de la valeur des lois de la Physique se pose donc d’une tout autre manière, d’une manière infiniment plus compliquée et délicate que le problème de la certitude des lois de sens commun. On pourrait être tenté d’en tirer cette conclusion étrange que la connaissance des lois de la Physique constitue un degré de science inférieur à la simple connaissance des lois de sens commun. À ceux qui chercheraient à déduire des considérations précédentes cette conclusion paradoxale, contentons-nous de répondre en répétant des lois de la Physique ce que nous avons dit des expériences scientifiques : Une loi de Physique possède une certitude beaucoup moins immédiate et beaucoup plus difficile à apprécier qu’une loi de sens commun ; mais elle surpasse cette dernière par la précision minutieuse et détaillée de ses prédictions.

Que l’on compare cette loi de sens commun : à Paris, le soleil se lève tous les jours à l’orient, monte dans le ciel, puis redescend et se couche à l’occident, aux formules qui font connaître, à chaque instant et à une seconde près, les coordonnées du centre du soleil, et l’on sera convaincu de l’exactitude de cette proposition.

Cette minutie dans le détail, les lois de la Physique ne la peuvent acquérir qu’en sacrifiant quelque chose de la certitude fixe et absolue des lois de sens commun. Entre la précision et la certitude il y a une sorte de compensation ; l’une ne peut croître qu’au détriment de l’autre. Le mineur qui me présente une pierre peut m’affirmer, sans hésitation ni atténuation, que cette pierre renferme de l’or ; mais le chimiste qui me montre un lingot brillant en me disant : c’est de l’or pur, doit ajouter ce correctif : ou presque pur ; il ne peut affirmer que le lingot ne garde pas des traces infimes d’une matière étrangère.

L’homme peut jurer de dire la vérité ; mais il n’est pas en son pouvoir de dire toute la vérité, de ne dire rien que la vérité. « La vérité[3] est une pointe si subtile que nos instruments sont trop émoussés pour y toucher exactement. S’ils y arrivent, ils en écachent la pointe, et appuient tout autour, plus sur le faux que sur le vrai. »

  1. G. Milhaud : La Science rationnelle Revue de Métaphysique et de Morale, 4e année, 1896, p. 280). — Reproduit dans le Rationnel, Paris, 1898, p. 44.
  2. Laplace : Exposition du système du monde l. IV, c. xviii ; « De l’attraction moléculaire. »
  3. Pascal : Pensées, édition Havet, art. iii, n° 3.