La Tristesse

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Œuvres complètes de LamartineChez l’auteur (p. 177-178).
VI


LA TRISTESSE





 
L’âme triste est pareille
Au doux ciel de la nuit,
Quand l’astre qui sommeille
De la voûte vermeille
A fait tomber le bruit.

Plus pure et plus sonore,
On y voit sur ses pas
Mille étoiles éclore,
Qu’à l’éclatante aurore
On n’y soupçonnait pas ;


Des îles de lumière
Plus brillantes qu’ici,
Et des mondes derrière,
Et des flots de poussière
Qui sont mondes aussi.

On entend dans l’espace
Les chœurs mystérieux
Ou du ciel qui rend grâce,
Ou de l’ange qui passe,
Ou de l’homme pieux ;

Et, pures étincelles
De nos âmes de feu,
Les prières mortelles
Sur leurs brûlantes ailes
Nous soulèvent un peu.

Tristesse qui m’inonde,
Coule donc de mes yeux ;
Coule comme cette onde
Où la terre féconde
Voit un présent des cieux !

Et n’accuse point l’heure
Qui te ramène à Dieu !
Soit qu’il naisse ou qu’il meure,
Il faut que l’homme pleure
Ou l’exil, ou l’adieu.