La Troisième Jeunesse de Madame Prune/23

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Calmann Lévy (p. 122-123).
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XXIII



1er février.

Cédant aux larmes de madame Prune, j’étais retourné hier à la police nipponne, pour représenter à messieurs les agents qu’il ne s’agissait point d’une migration, mais d’une simple visite de courtoisie, et qu’au bout d’une heure ou deux nous rendrions toutes ces dames intactes à leurs foyers. On s’était donc excusé de l’offensante méprise, et aujourd’hui nous avons eu la joie de recevoir nos visiteuses, sous un soleil printanier.

Deux sampans, qui semblaient transformés en des barques cythéréennes, toutes de séduction et de grâce, nous les ont amenées au coup de trois heures, pour prendre le thé.

Madame Renoncule cependant, en mère prudente, avait préféré cette fois ne pas amener ses filles ; mais nous avions madame Prune, entourée d’un essaim de jeunes guéchas. Une douce gaîté, du meilleur aloi, n’a cessé de régner pendant toute la visite de ces dames. Elles avaient fait des toilettes extrêmement galantes, et en particulier le chignon de madame Prune, amplifié à souhait par d’habiles posticheurs, restera dans toutes les mémoires. Pour donner plus de piquant à cette réunion, mes camarades s’étaient procuré quelques-unes de ces sucreries japonaises, composées avec tant d’esprit, — allégoriques, pourrait-on dire, — qui représentent tantôt des objets usuels, tantôt les fragments les plus divers de l’organisme humain ; ils les avaient spécialement choisies, bien entendu, pour la principale invitée, et d’ailleurs avec autant de finesse que de tact et de discrétion…