La Troisième Jeunesse de Madame Prune/32

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Calmann Lévy (p. 173-174).
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XXXII



15 février.

À la réflexion, cette maison si austère, au bout de la montée du Yochivara, m’intriguant davantage, je m’en suis d’abord ouvert à 233, qui est un observateur subtil :

— Peuh ! m’a-t-il répondu, une boîte comme les autres !… Seulement c’est des bonnes femmes qui fait sa duchesse et sa marquise ; ça ne reçoit pas le pauv’ matelot.

Cette première appréciation ne m’ayant pas suffi, j’ai eu recours aux lumières de M. Marouyama, notre interprète officiel, un jeune Japonais aussi érudit que mondain, et très au courant des choses galantes.

— Monsieur, m’a-t-il dit, c’est en effet une maison habitée par des dames, et où les messieurs sont admis à venir chercher le soir quelques distractions payantes. Mais toutes les pensionnaires sont des jeunes personnes d’excellente famille et principalement de race noble, que des revers momentanés ont contraintes à se faire une position ; aussi leurs salons demeurent-ils très fermés, et nos regrettables préjugés nationaux s’opposent à ce que les étrangers y soient reçus.

De l’aveu même de M. Marouyama, ces jeunes personnes sont plutôt moins jolies que les autres et encore plus dépourvues d’yeux, mais si distinguées ! Lettrées pour la plupart et même poétesses, sachant apporter dans la conversation, dans le flirt, le badinage, et en général dans tout ce qui concerne leur partie, un ton, une allure absolument hors de pair.