La Troisième Jeunesse de Madame Prune/34
XXXIV
Madame Prune n’a jamais été mère. Ce n’est pas sans un trouble intime que je viens de l’apprendre.
À cela sans doute, elle doit d’avoir conservé cette Jeunesse dans les sentiments, et, dans tout l’organisme, cette verdeur que j’admirais sans me l’expliquer. Pendant l’une de ces minutes de tête-à-tête et d’épanchement, qu’elle ne redoute plus assez de provoquer entre nous et que le printemps va rendre plus capiteuses, elle s’est décidée à la délicate confidence.
— Mais alors, et la toute mignonne et potelée madame Oyouki ? Une fille adoptive, simplement ?
— Hélas ! non… Une erreur de feu ce pauvre monsieur Sucre… Une enfant conçue en dehors des liens sacrés du mariage…
— Madame Prune, en croirai-je à mes oreilles ?… Monsieur Sucre, ce pur artiste, capable de s’être oublié à ce point !… Quelle atteinte vous venez de porter pour moi à sa mémoire !…
Et dire que j’ai pu vivre tout un été sous le même toit que ce ménage, sans soupçonner un secret si lourd…