La Tyrannie socialiste/Livre 1/Chapitre 5

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Ch. Delagrave (p. 26-27).
Livre I


CHAPITRE V

L’Évolution de la propriété.


Le collectivisme en est la forme primitive. — Communes agraires. — Nul n’est tenu de rester dans l’indivision.


L’idéal socialiste, tel que l’exposent les programmes que nous avons cités, est le collectivisme ; et même quelques-uns de ceux, qui ne vont pas aussi loin, acceptent cependant l’accaparement de la propriété foncière par l’État sous la dénomination de nationalisation du sol.

Les sociétés ont-elles donc évolué de la propriété individuelle à la propriété collective, pour qu’on puisse dire, en invoquant l’exemple du passé, que là est le progrès ? N’est-ce pas le phénomène inverse qui s’est produit ? Chez les peuples chasseurs et nomades une horde erre à travers une étendue de sol plus ou moins grande, et, quand la tribu se fixe, la propriété reste indivise entre ses membres. À Rome, d’après Mommsen, la commune agraire a été le premier régime terrien de l’Italie ; et partout aussi bien dans l’ancienne Chine que dans la Germanie et dans la Grande Bretagne avant la conquête normande, nous trouvons cette communauté agraire qui a survécu jusqu’à nos jours dans le mir russe, chez les Slaves méridionaux, en Croatie, en Serbie, en Bosnie, en Bulgarie, en Dalmatie, en Herzégovine, mais qui disparaît à l’approche de tout chemin de fer. Que les collectivistes de Gotha, d’Erfurt ou de la Bourse du travail aillent donc proposer à un paysan français de mettre son sol en commun, ne s’agirait-il que de l’offrir à la mairie de sa commune, il leur répondra par le principe de droit qu’il connaît mieux que tous les autres : — Nul n’est tenu de rester dans l’indivision.

Et il a bien raison, car cette indivision est l’affirmation de son individualité.