La Tyrannie socialiste/Livre 5/Chapitre 1

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Ch. Delagrave (p. 177-180).


LIVRE V

LES GRÈVES ET LA GUERRE SOCIALE




CHAPITRE PREMIER

Coût et conséquences des grèves.


Les grèves en France en 1890 et 1891. — Coût des grèves. — Les grèves en Angleterre en 1892. — Statistique de l’arbitrage. — Pertes résultant des grèves. — Déplacement d’industries. — Les Trades-unions et les grèves. — Méfiance.


D’après les renseignements donnés par l’Office du travail, il y a eu, en France, 313 grèves comprenant 118.000 ouvriers, en 1890, et 267 grèves comprenant 108.000 grévistes, en 1891. Les départements qui ont compté le plus de grèves sont le Nord, 61 en 1890, 68 en 1891 ; la Loire, 29 en 1890 ; les Ardennes, 28 en 1890 ; le Rhône, 28 en 1890 et 20 en 1891, etc. Les grèves n’ont affecté que 52 départements en 1890 et 54 en 1891.

Voici les résultats de ces grèves :

1890 1891
Réussite 82 91
Réussite partielle 64 67
Échec 161 106
Résultat inconnu 6 3


Les 91 grèves qui ont réussi affectaient 22.400 ouvriers ; les 67, qui ont obtenu une réussite partielle affectaient, 54.200 ouvriers ; celles qui ont échoué 32.200 ouvriers.

Les causes principales de ces grèves sont des demandes d’augmentation de salaires, de diminution de la durée du travail, ainsi que des réductions de salaires opérées par les patrons.

Le tiers des grèves qui ont réussi ont duré moins d’une semaine. Quand la grève dépasse quinze jours, elle paraît condamnée à un échec.

Ces chiffres font mal comprendre l’importance des grèves ; les sacrifices qu’elles ont coûtés et aux établissements et aux ouvriers sont inconnus ; la valeur des avantages obtenus est ignorée comme les conséquences pécuniaires et industrielles qui ont pu en résulter.

À Anzin, en 1884, on calcula que la grève avait coûté 1.135.000 fr. aux ouvriers et 600.000 francs à la Compagnie, soit 1.735.000 fr., sans compter les réparations que la suppression des travaux imposa.

En Angleterre, pour l’année 1891, le total des grèves et Lock outs (fermeture d’usines) a été de 893, affectant 295.000 personnes, volontairement ou non, car la grève de certains ouvriers a amené la cessation du travail pour d’autres : elles ont eu une durée moyenne de vingt quatre jours.


Nombre de personnes
intéressées.
Ayant réussi 369 68,247
Succès partiel 181 98,127
Insuccès 212 92,763


La plupart ont eu pour cause des questions de salaires : celles qui ont été provoquées par la question des non-unionistes ont été de 59 en 90 et de 47 en 1891 ; 51% ont subi un échec ; 36% ont obtenu un succès ; le sort des autres est inconnu ; 468 grèves sur 824, comprenant 120.579.000 intéressés sur 263.507, se sont terminées par des transactions ; et seulement 12 affectant 12.100 ouvriers par l’arbitrage. Ces chiffres ne sont pas inutiles à citer pour détruire l’illusion, si propagée en France, qu’il suffit de prononcer le mot arbitrage et de faire une loi sur l’arbitrage pour mettre fin à tous les conflits.

Les pertes évaluées pour les 295.000 ouvriers que les grèves ont forcés de suspendre leur travail pendant quatre semaines sont de 1.500.000 liv. st. ou 37.500.000 francs.

Le coût de la grève de Hull en 1892, qui a duré huit semaines, est évalué 9.000 liv. (soit 225.000 fr.) pour la ville, et 60.004 liv. st., soit 1.500.000 fr. comme perte de salaire.

M. Bevan, calculant les pertes en salaires, évalués à 5 francs et à 5 jours de travail par semaine pour 110 grèves de 1870 à 1879 en Angleterre arrive à un chiffre de 4.468.000 liv. st. soit 112 millions de francs. La grève des constructeurs de la Clyde coûta en 1877 7.500.000 fr. ; celle des mineurs de Durham en 1879, 6 millions de francs.

Le bureau du travail, aux États-Unis, a calculé que les grèves de 1881 à 1887 avaient coûté 260 millions de francs aux ouvriers.

Ce ne sont là que des chiffres ; mais les conséquences à l’égard des femmes, des enfants, de la santé même des travailleurs sont terribles ; de plus la situation des employeurs est atteinte, diminuée ; des fonds de réserve destinés à des améliorations ont disparu ; le pouvoir producteur de l’industrie, qui a subi la grève, est restreint ; quelquefois même une grève suffit pour ruiner une industrie.

Ces exemples ont rendu les Trades Unions prudentes en fait de grèves ; En 1888, sur 104 unions, 39 seulement subventionnèrent des grèves ; et un certain nombre de trade-unions ont spécifié, dans leurs statuts, que le vote pour ces objet ne serait pas acquis d’après la majorité, mais d’après un certain quorum. Au Congrès de Bruxelles, de 1892, un délégué anglais, s’indignait que le syndicat des mécaniciens (le plus fort et le plus riche de tous), eût dépensé, en 1889, 2.636.000 francs pour « maladies, funérailles, pensions de retraite, accidents, etc., contre 45.500 francs pour grèves et frais de combat. »

Cette puissante et riche association a de la méfiance contre les aventures des grèves.