La Vérité sur l’Algérie/03/01

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CHAPITRE PREMIER

Sur le rôle de quelques apparences dans la production des idées de prospérité.


Quand j’ai lu, entendu les pensées d’une élite sur l’Algérie, sur la nature et sur l’œuvre des hommes, d’une élite qui vous dit : « Môssieu, moi je ne juge et n’apprécie que de visu, » alors j’ai noté que la vue de quelques végétaux, la contemplation de quelques cailloux plâtrés en maisons produit, réflexe, l’idée de fertilité, de richesse.

On protestera que les champs de blé, que les kilomètres de bâtisses vus en France, ne « disent rien » à personne et que nul, sinon quelques vieux paysans, quelques vieux maçons n’y prend extase.

En effet.

Donc, pourquoi, chez tant de gens, à la vue d’une botte de foin d’Algérie la pâmoison et l’évanouissement devant quatre pâtés maçonnés sur la rive africaine ?

Serait-ce que, sortis de notre aire coutumière, en nos cerveaux reparussent pour l’admiration les idées naïves des commencements ?

Presque tous nous avons, peu ou prou, le sang des hommes qui adoraient le caillou. Pierres levées, tassées, remuées, c’était figures divines, temples, puissance et richesse. Il nous en reste le culte fétichiste, l’ancestral respect du moellon. Pour mesurer la civilisation les cubages de maçonnerie. Ça se voit en Amérique…

Or, en Algérie, le gros électeur gagnant dans toutes les parties du bâtiment, on a mis beaucoup de pierre et de plâtre à l’air. La prime constatation qui s’impose au nouveau débarque c’est que le bâtiment dans ce pays marche bien. Vous savez que, lorsque le bâtiment va, tout va. Donc les gens simplistes, ou qui le sont redevenus au mal de mer, voient que l’Algérie est riche… Et ça y est !

Si à côté de la bâtisse montent quelques arbres, s’étalent quelques buissons, pointent quelques herbes, du vert près du blanc (rappelons que les adorateurs de la pierre cueillaient le gui), la prospérité s’explique par la fertilité naturelle du sol qui… du sol que… Pour peu qu’alors brique et salade apparaissent dans un rayon de soleil… notre homme n’en démordra plus, il sait de visu… Les impressions des journalistes « de suite » qui accompagnaient M. Loubet, et en instruisirent le peuple, ce fut quelque chose de semblable…