La Vérité sur l’Algérie/06/01

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CHAPITRE PREMIER

La statistique nous dit qu’il y a 170.964 Français d’origine nés en Algérie.


Les médecins qui ont étudié cette question de l’ « implantation » de la race française dans l’Afrique du Nord, feu le docteur Bertillon notamment, dans sa préface à la Démographie algérienne du docteur Ricoux, ne croient pas que cette implantation se fasse ni soit possible. Mais les médecins ne font pas autorité quand ce qu’ils disent, en accord avec les lois de la nature, va contre les désirs des politiques et les lois que font ces politiques ; alors ce qui fait autorité c’est l’opinion de l’économiste, celle du professeur qui, pour étudier les documents de démographie, n’ont plus en guide la notion des lois naturelles, mais seulement celle des lois politiques.

Et la croyance commune est produite par l’opinion des économistes comme M. Leroy-Beaulieu, qui affirme l’« implantation » de la race française en Algérie avec les plus magnifiques promesses pour l’avenir, et qui veut bien nous apprendre par-dessus le marché que la nature humaine est beaucoup plus élastique qu’on ne se le figure.

Alphonse Allais, qui trouva dans les œuvres de M. Leroy-Beaulieu matière à fortes méditations, pourrait seul, avec toute la gravité nécessaire en aussi important propos, commenter ainsi qu’il siérait cette « nature élastique… »

Sans vouloir expliquer par de semblables considérations de haute science le fait que lui montrent les statistiques officielles et les calculs de ces statistiques, M. Wahl nous dit simplement :

« Les Français, après avoir traversé des périodes critiques, sont aujourd’hui acclimatés aussi complètement que les populations originaires de l’Europe méditerranéenne. Ils ont régulièrement de forts excédents de naissances ; leur fécondité est plus grande, leur accroissement beaucoup plus rapide que dans la métropole. »

Ainsi le « cri de l’opinion publique », au début de la conquête, ce « cri », lequel, d’après Galibert, « demandait que la France jetât en Algérie des racines fortes et puissantes », la Providence (ou la « nature élastique » de M. Leroy-Beaulieu) n’y aurait pas été insensible.

Et si nous en croyons M. Paul Doumer (discours du 22 février 1904 à la Chambre des députés), nous aurions en Algérie 400.000 citoyens français jouissant de la souveraineté.

Je ne sais pas exactement ce qu’il faut entendre par ces mots « racines fortes et puissantes » en matière de démographie.

Peut-être s’agit-il des premiers morts de la race qu’on veut fixer en pays nouveau. Alors, voici. J’ai trouvé, en étudiant les travaux d’un homme qui n’est pas un ennemi de la colonisation, dans le livre de Jules Ferry sur le Tonkin, un chiffre à retenir et qui nous servira lorsque nous établirons le bilan de l’œuvre française en Algérie. Retenez-le donc :


« À prendre l’Algérie, il faut compter que 160.000 soldats et autant de colons y ont péri, soit 300.000 morts. » (Jules Ferry, Le Tonkin et la mère-patrie, page 400.)


300.000 Français vigoureux, solides, des hommes jeunes, des hommes mûrs qui étaient forts pour la guerre, qui étaient forts pour le défrichement, qui avaient du sang, du nerf, des générateurs… 300.000… et nous avons de bonnes unies qui s’étonnent des diminutions de la natalité française…

Mais il y a compensation… la France d’Algérie, cette France féconde qui a déjà les 400.000 citoyens de M. Doumer… et qui va se multiplier comme la postérité d’Abraham.

Je vous prie de négliger tous les savants tableaux, tous les ingénieux calculs, toutes les conclusions doctorales des manieurs de chiffres et de lire dans le volume Statistique générale de l’Algérie, année 1900, publié en 1902, à la page 34-35, le tableau récapitulatif de la population de l’Algérie, dénombrement de 1901.

Vous voyez : population totale : 4.723.000. Décomptez :

Les étrangers, c’est : 245.853 ;

Les juifs, c’est : 57.132 ;

Nos sujets : 4.072,089 ;

Les étrangers naturalisés : 71.793.

Et pour les Français d’origine, c’est :

121.500 nés en France ;

170.964 nés en Algérie.

Ainsi, d’après le plus récent dénombrement, d’après les chiffres officiels, il y a comme Français d’origine en Algérie 292.464 personnes.

Le chiffre qui représente l’implantation de la race française en Algérie après trois quarts de siècle de conquête est évidemment celui des Français d’origine nés en Algérie, c’est : 170.964.

C’est celui-là qui doit rester en votre esprit, c’est celui-là qui devra être rappelé par votre mémoire quand on vous parlera de la race française implantée en Algérie.

Quant aux 121.500 Français d’Algérie nés en France qui figurent dans le tableau de la population de l’Algérie, notez qu’en ce chiffre est comptée l’armée, c’est-à-dire plus de 50, 000 hommes.

La « population à part » en 1901, sans l’armée, ne compte que 16.331 personnes. En 1896, armée comprise, elle comptait 69.843 personnes.

Si aux soldats vous ajoutez les fonctionnaires venus de la métropole et destinés à y retourner avec leur famille, vous verrez considérablement diminuer l’appoint apporté par le Français né en France au Français né en Algérie, pour le peuplement français de l’Algérie.

Mais je ne veux pas me laisser entraîner aux discussions…

Aux questions précises conviennent les réponses précises.

— À quoi mesure-t-on la prise de possession d’un sol par une race ?

— Au nombre de personnes de cette race nées sur ce sol.

— Combien de Français d’origine, dans la population actuelle de l’Algérie, sont-ils nés en Algérie ?

— 170.964.

Négligeons pour l’instant la question de savoir si le fait d’avoir, 75 ans après la conquête, 170.964 Français nés en Algérie constitue « l’implantation de la race » et cherchons si ces 170.964 Français sont encore des Français comme ceux de France ; voyons ce qu’ils sont,