La Vie et l’Œuvre de Maupassant/3.5

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V

Nous avons essayé de rappeler ce qu’il est nécessaire de savoir, pour comprendre l’œuvre de Maupassant, de sa vie errante. Il nous reste à montrer, pour tracer un tableau d’ensemble de son existence à cette époque, ce qu’il donnait de lui-même au monde et à l’amitié, pendant les loisirs que lui laissaient le souci de son art et la passion des voyages.

Maupassant n’aimait point le monde. Cela, il faut le dire et le répéter, parce que, trop souvent, trompé par les singularités de son caractère et les excentricités inconscientes des dernières années de sa vie, on s’est plu à le représenter comme une sorte de vaniteux « entaché de snobisme et grisé par la fréquentation des Altesses[1]. » Il est certain que lorsqu’il fut devenu un homme à la mode, on le rechercha, on l’adula, et les salons les plus difficiles se le disputèrent, avec cette âpreté comique que lui-même a si bien rendue dans un de ses romans[2]. Mais toujours il conserva une indépendance hautaine, un peu méprisante, une politesse froide qui n’a pu tromper personne ; ceux qui ont parlé de morgue, de pose, de snobisme, Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/203 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/204 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/205 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/206 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/207 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/208 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/209 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/210 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/211 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/212 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/213 alla jusqu’à découvrir dans l’étude de Maupassant sur le roman, où son nom n’était même pas prononcé, une allusion malveillante pour lui. Une phrase sur l’écriture artiste[3] avait éveillé son attention, et il écrit dans son Journal :

Dans la préface de son roman, Maupassant, attaquant l’écriture artiste, m’a visé sans me nommer. Déjà, à propos de la souscription de Flaubert, je l’avais trouvé d’une franchise qui laisse à désirer. Aujourd’hui, l’attaque m’arrive en même temps qu’une lettre, où il m’envoie par la poste son admiration et son attachement. Il me met ainsi dans la nécessité de le croire un Normand très normand[4].

Mais que dire de la franchise d’E. de Goncourt qui écrit, sous l’influence évidente d’unressentiment tenace, ce jugement brutal, alors que Maupassant venait d’être interné :

Maupassant est un très remarquable novelliere, un très charmant conteur de nouvelles, mais un styliste, un grand écrivain, non, non[5] !

C’était, quatre ans après, la réponse triomphante de « l’amateur », la revanche de l’écriture artiste.

  1. En regardant passer la vie, p. 101.
  2. Notre Cœur, édition Ollendorff non illustrée, p. 145.
  3. « Il n’est pas besoin du vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois qu’on nous impose aujourd’hui sous le nom d’écriture artiste, pour fixer toutes les nuances de la pensée. » Étude sur le Roman, p. XXXIII.
  4. Journal des Goncourt, t. VII, 10 janvier 1888.
  5. Ibid., t. IX, 9 janvier 1892.