La Vie nouvelle/Chapitre VIII
CHAPITRE VIII
Après le départ de cette dame, il plut au Seigneur des anges d’appeler à sa gloire une femme jeune et de très gracieuse apparence, laquelle était aimée dans cette ville. Je vis son corps au milieu de femmes qui pleuraient.
Alors, me rappelant l’avoir vue dans la compagnie de ma Dame, je ne pus retenir mes larmes. Et tout en pleurant, je me proposai de dire quelque chose sur sa mort, à l’intention de celle près de qui je l’avais vue. Et c’est à cela que se rapportent les derniers mots de ce que je dis à son sujet, comme le saisiront bien ceux qui le comprendront. Je fis donc les deux sonnets qui suivent :
Pleurez, amans, alors que l’amour pleure[1], C’est parce que la mort méchante a exercé |
- ↑ Piangete amanti, perché piange amore…
- ↑ C’est-à-dire que la mort peut dépouiller une femme de tout ce qui charmait dans sa personne, mais non l’honneur qui la distinguait.
- ↑ L’Amour représente ici Béatrice, qui était elle-même présente à cette scène douloureuse.
- ↑ Morte villana, di pietà nemica…
- ↑ C’est à Béatrice que s’adressent ces deux derniers vers. Vivre en sa compagnie, c’est-à-dire dans le ciel.
- ↑ Commentaire du ch. VIII.