La Vie rurale/53

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Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 188-189).

II

CIEL GRIS

L’oiseau ne chante plus, mais le rameau soupire ;
Un doux gémissement s’exhale des forêts ;
Le ciel n’a plus d’éclat, mais il garde un sourire,
Et la tristesse même a, dit-on, ses attraits !

Un saule qui s’effrange, une meule de paille,
Une porte qui tourne avec un bruit plaintif,
Un moulin désœuvré dont la fenêtre bâille,
Tout cela garde encore un charme fugitif.

Sortons ; égarons-nous à travers les collines :
Pour alléger le cœur, il fait bon de marcher.
Peut-être est-il encor, même dans les épines,
De ces fleurs qu’en passant on aime à détacher.


L’automne, qui s’en va d’heure en heure plus pâle,
Donne à la marguerite un reflet de son ciel,
Elle ouvre à ses vents froids la froide digitale,
Et meurt en effeuillant les roses de Noël.

Fais de ces rares fleurs ta dernière guirlande ;
Va, Muse, cueille-les, ces fleurs sans lendemain ;
N’attends pas que le vent qui souffle sur la lande
Ait semé leurs débris le long de ton chemin !