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La Vie véritable du citoyen Jean Rossignol/20

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CHAPITRE XX

Une belle sortie. — Quelques traits. — Dans le château que je fouillais. — De quoi rafraîchir la troupe. — Chalbos fait vider les sacs. — Biron me donne une leçon. — « Il n’y était pas » .

J’arrive à l’affaire du Bureau.

Ordre fut donné de battre la générale à quatre heures et rendez-vous donné à chaque bataillon.

Nous y étions tous. Les grenadiers de la Convention marchaient en tête de notre colonne avec la 35e division. Toute la nuit jusqu’au lendemain, nous marchâmes. Le représentant Goupilleau de Montaigu y était, le général Chalbos commandait, le général Salomon marchait à la tête de la cavalerie. Les avant-postes ennemis furent surpris ; ils ne nous attendaient pas si matin ; cependant j’appris que vers les huit heures du soir l’ennemi s’était retiré, ne laissant en position que deux mille hommes. Ils ripostèrent ; mais devant notre déploiement d’infanterie, ils nous abandonnèrent la place : tous furent tués. Beaucoup s’étaient réfugiés dans l’église sous de la paille : on y trouvait des fusils, des piques, sur quoi ils étaient couchés. On ne fit pas plus de vingt prisonniers. — Je vis une femme qui avait un pistolet à la main, qu’elle tira sur un républicain : elle fut tuée. On trouva dans ses poches des paquets de cartouches. J’ai vu un jeune brigand en faction à la porte d’un château que le général Chalbos envoya fouiller par la compagnie des grenadiers et plusieurs soldats de notre gendarmerie ; ce jeune gars, âgé tout au plus de 17 ans, nous cria dessus : « Qui vive ? » — Sur la réponse « Républicain », il tira son coup de fusil… et rechargeait son arme, comme on le saisit. On l’amena au général, qui ne voulut pas qu’il fût tué.

Dans le château que je fouillais, tous les appartements furent visités : les draps des lits étaient encore chauds. Il y en avait sept, tous lits de maître. Trois femmes étaient levées et en négligé : le représentant du peuple observa qu’il fallait respecter les propriétés et les personnes.

Je m’en revins avec ma troupe et j’allai chercher de quoi la rafraîchir.

Les Brigands étaient bien approvisionnés : on trouva des chambres pleines de pain, des celliers garnis de vins de toutes qualités, des porcs en grande quantité. Je fis charger deux voitures de cochons que l’on saigna, et l’on emmena une voiture de pain.

En route, pour retourner à Niort, après une heure de marche, le général Chalbos fit vider tous les sacs, que la troupe avait garnis de butin, et dit que le premier qui serait trouvé avec du butin serait fusillé sur-le-champ. La route était couverte de toutes sortes d’effets. Il y eut un hussard qui tua un brigand et qui lui prit 150 en or qu’il portait dans une ceinture. Nous rentrâmes à Niort dans nos cantonnements.

La troupe était si fatiguée qu’elle ne pouvait plus marcher. On voyait des soldats couchés sur la route ; il y avait impossibilité de marcher en ordre. Biron vint au-devant de la colonne, à deux lieues de Niort. Il cria après tous les chefs de bataillon et après le général Salomon, à qui il dit mille injures. Pour moi, il me fit descendre de cheval : « Est-ce ainsi, monsieur, que l’on conduit une troupe ? » — Le ton fait la musique, général… je n’y peux rien ; je ne peux pas leur donner des jambes. — J’aurai soin de vous, me dit-il ; et il a tenu parole. Après bien des injures, il ajouta : « Rassemblez votre troupe à ce village et n’en partez qu’en bon ordre. » Je fis faire halte à ma gendarmerie, et après qu’il fut passé je continuai ma route.

À Niort, sur les sept heures du soir, la troupe était sous les armes et tout le monde criait : Vive la Nation ! Vive le général Biron ! — Il n’y était pas… cria-t-on dans certain peloton. Biron fut si en colère qu’il courut au bataillon d’où la protestation était partie, et dit que le premier qui crierait serait fusillé sur l’heure. On ne dit plus rien.

Les grenadiers conduisirent les prisonniers en prison et les soldats rentrèrent dans leurs cantonnements.