La Vocation/Deuxième partie/II

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Paul Ollendorff (p. 75-77).
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II


Hans venait d’être souffrant. À cause de sa vie trop sédentaire sans doute. Il avait maigri, changé un peu, d’autant plus que, durant les jours de maladie, il avait laissé pousser ses cheveux, redevenus tumultueux, avec des volutes blondes, des remous de lumière.

Le médecin avait ordonné le grand air, de la marche, des distractions. Il se décida à sortir un peu plus. Sa mère l’emmena en de longues promenades, triste de le voir toujours aussi pensif, l’esprit ailleurs, songeant à la grande chose qu’elle savait bien… Tout au plus abdiquait-il quand elle allait avec lui vers le béguinage, traversait le pont harnaché de verdure par-dessus les eaux du Lac d’amour, pénétrait dans l’enclos placide où de légers bruits donnaient la mesure du silence : une plainte de feuilles, une cloche lointaine, un moineau qui pépie, cri incisif faisant songer au grincement d’un couteau sur une pierre.

Ponctué par ces minimes bruits, le silence se développait plus vaste ; telle la mer autour des barques. Quiétude du mystique asile où Hans marchait comme dans un tableau, comme on se promène en pensée dans le paysage d’un Primitif. Rien du monde ne s’entendait plus. Et pourtant des créatures vivaient derrière ces fenêtres, sauvées des passions, des affaires, des luttes de la vanité et du luxe. Parfois une béguine passait, si calme, si peu humaine, circulant comme un cygne blanc et noir, se dirigeant vers la chapelle où des cantiques se dépliaient.

Hans l’enviait, était ramené à son idée fixe.

— Il fait heureux ici ! disait-il à sa mère.

— Cela nous semble, Hans, parce que nous ne faisons qu’y passer. Ce sont les choses qui sont heureuses ici. Mais ces femmes, cloîtrées dans les petits couvents, sais-tu ce qu’elles pensent ?

— Elles ont le bonheur, répliquait Hans avec chaleur.

On sentait qu’il songeait à lui-même, plaidant pour sa cause.

— Oui ! un bonheur froid, comme celui des morts.

La mère et le fils se taisaient. Il y avait Dieu entre eux, à ce moment-là.