La bourse ou la vie/05

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L. H. Huot (p. 13-15).

De Québec au Lac St. Jean


C’est là, messieurs, une question de vie ou de mort pour la belle et patriotique colonie du Saguenay. Je suis même tenté de dire que c’est une question vitale pour toute la Province et surtout pour la cité de Québec, tant me paraissent désirables les résultats anticipés de cette grande entreprise.

Il est généralement admis que les deux grandes causes de la prospérité si rapide de nos voisins ont été l’agrandissement continuel du territoire, et la construction des chemins de fer.

Eh bien, messieurs les ministres, messieurs les députés, adoptons cette politique, et marchons en avant.

On veut construire un chemin de fer sur la rive Nord du fleuve St. Laurent, c’est bien.

On veut un chemin de fer de colonisation sur la rive Nord de l’Outaouais, c’est bien.

On poursuit activement la construction d’une voie ferrée de Lévis à Kennebec, c’est bien.

On achève le chemin de fer Intercolonial, c’est bien.

On se propose de construire le Pacifique, c’est encore bien.

Mais il reste une autre voie ferrée à établir, et qui est absolument nécessaire, c’est celle de Québec au Lac St. Jean.

On a agrandi le territoire Canadien du côté de l’Ouest en annexant Manitoba et la Colombie, c’est bien !

On vient de l’agrandir du côté de l’Est par l’entrée de l’Isle du Prince Édouard dans la Confédération, c’est encore bien.

Mais il faut maintenant nous agrandir du côté du Nord.

Jetons un regard sur la carte de notre pays.

Au delà des Laurentides, entre les sources de deux grandes rivières, le Saguenay et le St. Maurice, s’étend un immense territoire, dont le sol est des plus fertiles, et qui est arrosé par des rivières et des lacs superbes. Il y a là des milliers et des milliers d’âcres de terre très propres à la culture, et qui n’attendent que la main du défricheur pour produire les plus riches moissons.

C’est l’une des plus belles parties de notre pays, et malheureusement l’une des plus ignorées ; à cause de son isolement. Plusieurs d’entre vous, Messieurs, ont dû visiter ce coin de terre, et sans doute ils n’ont pu retenir un cri d’admiration lorsqu’après une longue marche, au milieu des forêts, ils ont aperçu se déroulant à perte de vue sur son beau lit de sable, cette véritable mer intérieure qu’on appelle le Lac St. Jean.

Or cette immense vallée du Lac St. Jean qui pourrait recevoir des centaines de mille colons et alimenter des villes, ne compte encore qu’une vingtaine de mille âmes, et finira peut-être par se dépeupler si l’on ne se hâte de lui ouvrir de grandes voies de communication pour écouler ses produits.

Il est temps d’y songer, Messieurs : ce vaste et beau territoire, très favorisé par la nature, n’a besoin que d’être favorisé par vous pour devenir le grenier de notre Province. Jetez sur cette chaîne de montagnes qui nous en sépare deux lisses de fer de cinquante lieues de longueur, et vous aurez créé non seulement un grenier capable d’alimenter votre pays, mais en même temps un refuge, un lieu d’asile pour les malheureux expatriés que la misère ou l’amour de la patrie ramèneront au milieu de nous.

Hola ! messieurs, prêtez l’oreille !