La chute de l’empire de Rabah/VII

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Hachette (p. 211-238).

VII

Combat de Koussouri. — Mort de Rabah. — Mort du commandant Lamy. — Chute définitive de l’empire de Rabah. — Marche sur Dikoa. — Poursuite de ses fils. — Retour de la mission saharienne. — Rabah, son œuvre.



Le 22 avril au matin, les troupes se rassemblent en dehors de la ville pour marcher à l’ennemi. On a laissé à Koussouri une garnison d’une centaine d’hommes, composée principalement de malades et de blessés, sous les ordres du lieutenant de Thézillat, non encore guéri de la blessure qu’il a reçue au combat du 9 mars.

Les effectifs à la disposition du commandant Lamy sont les suivants[1] :

Mission du Chari : 3 compagnies ayant un total de 340 fusils avec 500 coups à tirer par fusil ; 2 canons de montagne de 80 millimètres approvisionnés à 250 coups par pièce.

Mission Afrique Centrale : 174 fusils avec près de 300 coups par fusil ; une pièce de 80 millimètres de montagne avec une trentaine de coups à tirer seulement.

Mission Saharienne : 274 fusils avec 130 coups par fusil, plus 50 fournis par nous ; un canon de 42 millimètres à tir rapide avec 200 coups environ.

Les deux missions, Afrique Centrale et Saharienne, mal approvisionnées en munitions, comme on le voit, avaient une cavalerie très bonne. Les troupes du Chari n’en avaient pas, mais en revanche possédaient des munitions d’infanterie en quantité suffisante et une artillerie excellente. La réunion de ces trois groupes entre les mains du commandement militaire lui assurait tous les avantages possibles en personnel et en matériel. On pouvait envisager l’avenir avec confiance.

À six heures du matin, les troupes sont réunies. Le commandant Lamy fait appeler à l’ordre les divers chefs de groupes et leur résume une dernière fois son plan d’attaque.

Son exposé est simple et lumineux. « C’est bien compris, n’est-ce pas, Messieurs ? Je compte sur vous. Et maintenant, en route ! »

La colonne s’ébranle, suivie des Baguirmiens, au nombre de six cents fusils et de deux cents cavaliers environ. Je l’accompagne. Le sentier que nous suivons est étroit et bordé d’arbres et de buissons épineux. On marche tout simplement à la file indienne. Le convoi de munitions, porté à dos de chameaux, a une section d’escorte et vient en arrière. Les canons sont traînés sur leurs affûts.

Les renseignements sur la position de l’ennemi, rapportés depuis trois ou quatre jours par les reconnaissances, étaient si précis, que pas la moindre erreur n’est commise. On prend la formation de combat à un kilomètre environ du tata de Rabah, pendant que les Sahariens et l’artillerie continuent leur route.

Le plan du commandant est le suivant :

La mission Saharienne, commandée par le capitaine, aujourd’hui commandant, Reibell, a reçu l’ordre, d’effectuer un mouvement tournant sur la gauche. La mission Joalland, ou Afrique Centrale, doit commencer l’attaque sur la droite. Enfin la mission du Chari, commandée par Robillot, tenue en réserve à la disposition du commandant, doit appuyer les efforts des troupes de Joalland, dès que le combat sera entamé.

Le tata de Rabah était formé par un vaste carré de huit cents mètres de côté, composé de palanques ; une levée de terre de soixante-dix centimètres de hauteur environ protégeait ses défenseurs contre les feux de notre infanterie. Sur trois cents mètres, le terrain autour du tata est soigneusement nettoyé de tout ce qui peut gêner le tir ; heureusement pour nous, il se trouve au delà de cette zone une broussaille assez épaisse qui met un peu nos soldats à l’abri du feu. Placé sous un arbre, à quatre cents mètres du tata, je puis distinguer les diverses phases de l’action. L’artillerie est en batterie non loin de moi et ouvre son feu. Elle est dirigée par le capitaine Bunoust[2], le lieutenant Martin et le maréchal des logis Papin.

La mission Afrique Centrale a l’honneur de commencer l’attaque. Son feu est dirigé contre des gens qui sont sortis pour aller couper de l’herbe aux chevaux et qui se hâtent de rentrer dans l’enceinte. Évidemment, l’ennemi ne s’attend pas à une attaque aussi soudaine. Il riposte néanmoins très vite et son feu s’étend bientôt sur toute la ligne.

Pendant une demi-heure la mission Afrique Centrale, qui avance lentement, soutient l’effort des Rabistes. Elle commence à perdre beaucoup de monde, car elle a atteint le terrain découvert.

À ce moment, pensant que le mouvement tournant des Sahariens s’est effectué, le commandant Lamy engage les troupes du Chari qui entrent en ligne, et joignent leurs feux à ceux de leurs camarades de la mission Afrique Centrale.

L’artillerie tire avec une méthode parfaite. Pendant près d’une heure, la fusillade est très intense ; celle de l’ennemi diminue peu à peu. Son artillerie ne prend qu’une faible part à l’action. Rabah réserve sans doute ses coups pour le dernier moment.

Il est midi. Le combat dure depuis deux heures. Les tirailleurs du Chari avancent par bonds. On a de la peine à les tenir. Le capitaine Robillot se tourne alors vers le commandant : « Mon commandant, c’est le moment… — Attendez encore un instant », dit Lamy ; mais ses troupes sont si ardentes qu’il renonce à les contenir plus longtemps. « Eh bien, allez donc ! »

La charge sonne, vibrante, entraînante. La 1re compagnie (Galland) s’élance sur la palissade ; son chef est blessé d’un coup de lance, la 2e (de Cointet) vient derrière au pas gymnastique ; son capitaine, beau comme un héros, est en tête, superbe d’allure, son sabre à la main. Pressé par ses hommes qui se ruent à l’assaut, il se retourne vers eux : « Ne me dépassez pas, surtout ! » Et tous, les uns poussant les autres, ils abordent les palissades.

La compagnie de Lamothe, qui vient derrière, a la chance de trouver devant elle une porte ouverte qui lui donne passage. Elle entre dans le tata ; les 1re et 2e compagnies y sont aussi. L’ennemi, bousculé, ne peut tenir et abandonne la place pour s’enfuir. Les tirailleurs de Joalland et ceux du Chari poursuivent les fuyards à la baïonnette. C’est une vraie boucherie aux portes, trop étroites pour laisser passer toute cette foule hurlante, grouillante, qui cherche à fuir le massacre. La journée est à nous, le tata est pris.

Tout semble fini. Le commandant, qui est resté à cheval, ayant à côté de lui le lieutenant de Chambrun et le capitaine Robillot, est dans l’intérieur de l’enceinte. Tout d’un coup, de l’autre côté des palissades, on voit des fusils qui sortent par les intervalles existant entre les pieux ; une décharge terrible retentit. Le commandant Lamy tombe, gravement blessé, le capitaine de Cointet est tué, le lieutenant de Chambrun est blessé d’une balle qui lui casse le bras.

Voici ce qui s’était produit. Rabah, chassé du tata, avait été obligé de fuir. Mais bientôt dans un mouvement d’enthousiasme, il se décidait à revenir vers son retranchement où il voulait mourir. Entouré de quelques fidèles, il ordonna un retour offensif et fit ouvrir le feu de l’extérieur des palissades sur les nôtres qui étaient dans le tata. C’est cette dernière décharge qui nous coûta des pertes aussi cruelles[3].

Pendant ce temps les Baguirmiens, que j’ai toutes les peines du monde à empêcher de tirer, de peur qu’ils ne tuent les nôtres, arrivent au tata. Les gens de Rabah, et Rabah lui- même, s’enfuient, abandonnant deux bannières sur le terrain[4] ; celles-ci sont ramassées immédiatement et on entre dans le fort.

Le capitaine Robillot, auquel le commandant Lamy vient de passer le commandement, a sous la main une section. Voyant les Baguirmiens, qui, portent ces deux bannières, il les prend un instant pour des gens de Rabah et va ordonner le feu. Heureusement pour eux et pour moi qui les accompagne, ils sont reconnus à temps. Pendant quelques secondes même, on croit voir en eux ceux dont le feu d’infanterie nous a coûté des pertes si cruelles. Mais je sais moi, qui ne les ai pas quittés, qu’ils n’ont pas tiré un seul coup de fusil, et bientôt du reste, de tous les côtés à la fois, nous parvient un récit identique quant à l’origine de cette décharge si meurtrière.

Dès mon arrivée dans le tata, j’apprends par le lieutenant Galland, blessé lui-même, les pertes que nous avons subies. Robillot me montre le corps de de Cointet : son visage est calme, presque souriant ; il n’a pas du tout souffert.

De là je vais voir le commandant Lamy qu’on a porté sous la propre tente de Rabah. Il est couché sur un lit (angareb) fait avec des lanières en peau, sur lesquelles se trouve un tapis épais.

Le docteur Allain est occupé à le panser ; une balle lui a traversé le bras et a atteint la poitrine. Il est en pleine connaissance et me tend la main ; très ému, je m’assieds à côté de lui ; il cause encore très facilement. « Et Rabah ? me demande-t-il. En a-t-on des nouvelles ? ». Je lui réponds qu’on le croit en fuite. Le lieutenant de Chambrun, qui se trouve sous la même tente, est assis à côté de nous ; il souffre beaucoup. On ne peut pas encore se prononcer sur la gravité de sa blessure.

De nouvelles décharges se succèdent alors ; je quitte la tente et je vais aux informations. C’est l’artillerie qui ouvre le feu sur les fuyards, car ceux-ci, s’étant rencontrés avec les troupes de la mission Saharienne, ont obliqué à droite et essaient de traverser la rivière.

À ce moment le capitaine Reibell fait son entrée dans le camp. Robillot s’avance vers lui et lui dit : « Mon cher, je vous remets le commandement des troupes que m’a passé, en votre absence, le commandant Lamy ». Reibell était de quelques jours plus ancien que Robillot ; c’était donc à lui que revenait l’honneur de remplacer le commandant.


les trois pièces de quatre reprises à rabah.

Les deux officiers se serrent la main silencieusement et Reibell repart à la poursuite de l’ennemi, pendant que Robillot rassemble les compagnies. L’intérieur du tata est un véritable charnier ; des chameaux, des bœufs, des chevaux éventrés par les obus à mitraille gisent lamentablement ; des morts et des blessés rabistes en grand nombre sont couchés là ; on trouve même quelques femmes et quelques enfants, car les chefs avaient amené leurs femmes avec eux et les balles aveugles sont venues frapper plusieurs d’entre elles. Près des portes surtout, c’est un amas effrayant de corps ; presque tous ceux qui sont là ont été frappés à coups de baïonnette.

De notre côté, les pertes étaient beaucoup moins nombreuses, mais nous avions à déplorer la mort du vaillant capitaine de Cointet, et la blessure du héros qui venait de nous donner la victoire, blessure mortelle, hélas ! à laquelle il ne devait pas survivre longtemps.

Enfin, parmi les blessés, outre le lieutenant de Chambrun et le capitaine Galland déjà mentionnés, le lieutenant Meynier avait reçu une balle à l’articulation du genou ; son état paraissait très grave. Les pertes des trois groupes indigènes se décomposaient comme suit :

Mission du Chari : dix tués ou morts de leurs blessures et vingt-sept blessés, soit 13 pour 100 de l’effectif engagé.

Mission Afrique Centrale : sept tués et quinze blessés, soit 13 pour 100 également hors de combat.

Mission Saharienne : deux tués, onze blessés, soit 6 pour 100 hors de combat.

L’ennemi laissait sur le terrain un millier de morts, tous ses étendards et les trois pièces de canon prises à Bretonnet, qui restaient abandonnées en dehors du tata.


les étandards de rabah.

On rassembla alors les blessés sous un grand arbre où l’excellent docteur Allain, assisté de ses camarades Haller et Ascornet, se mit en devoir de les panser.

Assis sous ce même arbre, nous causions des divers incidents du combat, quand deux tirailleurs, s’avançant vers moi, me dirent : « Rabah est mort».

Depuis tant d’années, on m’annonçait cette mort toujours démentie, que je crus à un faux bruit, et haussant les épaules, je leur répondis : « Eh bien ! s’il est mort, apportez-le moi ».

Les deux tirailleurs s’en vont et dix minutes après reviennent avec une tête fraîchement coupée. « Voilà Rabah. »

De suite j’appelle Samba Sall qui a vu de près le conquérant soudanais, puisqu’il a été son prisonnier après Togbao… Je l’interroge… « Oui, me répondit-il, c’est la tête de Rabah. »

D’autres personnes arrivent ensuite, qui toutes me confirment l’exactitude du fait. Un des petits esclaves de Rabah, qui est couché, percé d’une balle dans le flanc, reconnaît aussi la tête de son maître.

Le tirailleur, qui a apporté ce sanglant trophée, appartient à la mission Afrique centrale. Ancien soldat de Rabah, il a déserté depuis quelque temps et a été engagé par le capitaine Joalland.. Il me raconte que se lançant à la poursuite des fuyards, il avait aperçu un homme paraissant blessé qui cherchait à se dissimuler derrière des buissons. De peur qu’il ne s’échappât, il lui tira un coup de fusil qui l’atteignit en pleine tête.

Il s’approcha alors de sa victime dans laquelle il reconnut Rabah.

J’avoue que mon premier mouvement fut de la pitié. Cet homme, dont la tête sanglante gisait à mes pieds, fut un brave, et la façon dont il s’était défendu aurait dû lui valoir au moins d’avoir la vie sauve… Certainement, s’il était tombé vivant entre mes mains, je l’aurais épargné. Mais la destinée ne l’a pas voulu ainsi. La justice immanente était intervenue, lui faisant à son tour payer ses crimes et le sang des innocentes victimes, qu’il avait immolées depuis tant d’années. Et je songe aussitôt à la fin tragique de ce chef si longtemps victorieux, qui commandait à des milliers d’hommes, qui remplissait toute l’Afrique Centrale du bruit de ses conquêtes et de ses cruautés et qui tombait seul, abandonné de tous, durant la retraite de son armée…

J’allai de suite annoncer moi-même cette nouvelle au pauvre commandant Lamy, sur son lit de douleur. Le vaillant soldat eut un sourire de contentement. Se sentant déjà mourir, il s’en allait certain que le sacrifice de sa vie, qu’il venait de faire si noblement, si héroïquement, n’avait pas été inutile.

Cependant tout se tait. Les quelques détonations qu’on entend encore de temps en temps se font de plus en plus rares. Les troupes se rassemblent peu à peu dans l’intérieur du tata. Le capitaine Reibell revient ; je le prie de faire venir un courrier rapide au lieutenant de Thézillat pour lui annoncer le résultat de la journée, et pour lui demander de faire venir les embarcations en acier et le chaland, afin d’y mettre les blessés. C’est la seule façon de pouvoir les ramener à Koussouri, sans les faire trop souffrir.

Nous attendons les embarcations pendant plus de deux heures. Autour de nous c’est le spectacle de la mort hideuse, sous toutes ses formes. Le sang des cadavres, qui s’est coagulé, prend une teinte brune et déjà une odeur fade et pénétrante s’en dégage. Les oiseaux de proie, les vautours s’abattent sur ce charnier et commencent leur lugubre festin. C’est horrible !

Enfin, le chaland et les baleinières accostent. On conduit le commandant Lamy, le lieutenant de Chambrun, le lieutenant Meynier, le lieutenant Galland, ainsi que les autres blessés, dans le grand chaland. Les morts sont placés dans les baleinières. Le commandant Lamy semble avoir perdu connaissance ; son cœur ne bat plus que faiblement, ses extrémités sont froides. Le docteur Haller accompagne le convoi qui remonte le fleuve.

Une heure après, nous faisons notre rentrée dans Koussouri. L’attitude de la population a complètement changé. Les figures des indigènes, que j’avais remarquées sombres et inquiètes dans la matinée, paraissent rayonnantes. On nous accueille par des salves et des cris de joie.

En hâte nous regagnons nos demeures respectives ; vers huit heures du soir seulement, le convoi de blessés arrive à Koussouri. Le docteur Haller, débarquant le premier, vient nous annoncer la mort du commandant.

Bien que prévue, cette nouvelle nous atterra. Ce valeureux soldat, que j’avais vu le matin même si plein de vie, donnant ses ordres d’une façon si nette, n’était plus qu’un cadavre. Ah ! la victoire qu’il nous avait donnée, coûtait bien cher ! Ses soldats avaient perdu en lui un chef admirable, et le pays, un de ses plus brillants officiers. Pourquoi fallait-il qu’un triomphe aussi complet fût assombri par un pareil deuil !

Nos morts sont rassemblés dans le tata. Dès le lendemain matin, on fait leur toilette funèbre et l’on se dispose à les ensevelir.

Toute la garnison a pris les armes pour accompagner à leur dernière demeure les braves qui sont tombés ; nous allons les enterrer à l’extérieur de la ville dans l’espace libre compris entre les maisons et les remparts. Il plane alors sur nous tous, sur les nôtres comme sur les indigènes, une immense tristesse. La terre qui va recouvrir nos morts de la veille est une terre lointaine, mais Dieu merci ! c’est une terre française qu’ils ont conquise au prix de leur sang.

Après quelques paroles d’adieu prononcées par le capitaine Reibell, par le capitaine Robillot et par moi, les tombes sont refermées et l’on se retire pour se préparer à poursuivre les opérations.

Pendant que se livrait le combat de Koussouri, Fad-el-Allah était en effet resté cantonné dans la ville de Logone. Une partie des fuyards rabistes l’y avaient rejoint et lui avaient apporté la nouvelle de la mort de son père. Il importait de le chasser de la ville.

Aussi, dès le surlendemain, 25 avril, la colonne, sous les ordres du capitaine Reibell, se met en route. Elle a été précédée par une reconnaissance de cinquante hommes de la mission Afrique centrale, sous les ordres du sergent Souley Tarooré. Cette reconnaissance arrive devant Logone et trouve la ville complètement évacuée. Fad-el-Allah n’a pas voulu attendre l’attaque, et s’est enfui vers Dikoa, où se trouve son frère Niébé.


le cimetière de koussouri où sont enterrés le commandant lamy et le capitaine de cointet.

La colonne rentre donc à Koussouri. Il fallait cependant en finir avec nos adversaires. En conséquence, je rédigeai l’ordre suivant :

Le Commissaire du gouvernement au Chari, vu ses pleins pouvoirs,

Considérant que la présence des bandes rabistes à Dikoa est une menace permanente pour la sécurité des pays de protectorat français ;

Considérant que le sultan légitime du Bornou, seule autorité régulière et constituée existant actuellement dans ce pays, ne peut s’opposer aux dévastations des hordes de Fad-el-Allah, et qu’il autorise le passage sur ses territoires d’une colonne franco-baguirmienne ; décide :

La marche sur Dikoa aura lieu demain matin, 27 avril ;

M. le capitaine Reibell, commandant la colonne, devra s’abstenir de toute négociation politique avec les autorités du Bornou, conformément aux clauses du traité franco-allemand ;

Le droit de passage étant seul accordé, dès que les opérations contre Fad-el-Allah seront terminées, l’évacuation du Bornou se fera immédiatement, et les deux missions, Saharienne et Afrique Centrale, prendront leurs dispositions pour leur retour en France.

Signé : Gentil.

Au jour fixé, tout est prêt pour la marche en avant. Des outres en peau de bouc (guerbas) ont été réquisitionnées ou achetées partout où l’on a pu s’en procurer ; car, d’après les renseignements que nous avons, il y a fort peu d’eau sur la route qui s’étend entre Koussouri et Dikoa ; les pièces de canon ont été installées sur des chameaux et un stock de vivres en grains, prélevé sur nos réserves, a constitué un petit approvisionnement pour la colonne, qui se met en marche dès le matin. Aucun incident ne se produit en cours de route ; on ne rencontre même pas un éclaireur ennemi. Malgré la rapidité avec laquelle se meut la colonne (on a fait en une journée plus de 60 kilomètres), on arrive trop tard. Dikoa vient d’être évacué dans la nuit. La ville a l’air d’être abandonnée ; les maisons sont à peu près vides, car dès le départ de Fad-el-Allah, une bande de pillards s’est abattue sur la ville qu’elle a mise à sac.

Seuls, quelques commerçants tripolitains, ayant vu que la fortune abandonnait les fils de Rabah, avaient renoncé à les suivre et s’étaient décidés à attendre les événements dans la ville. Ils avaient naturellement pris une large part au pillage qui avait précédé l’arrivée des troupes françaises. Un peu avant d’atteindre les portes de Dikoa, les nôtres, qui étaient en formation de combat, virent venir à eux sept ou huit individus, gesticulant et courant. C’étaient les serviteurs de de Béhagle, qui avaient pu s’enfuir et qui venaient au devant de nos troupes.

Pauvres gens, ils étaient bien heureux de voir leurs épreuves terminées ! C’est par eux qu’on obtint enfin des renseignements à peu près exacts sur le sort et la fin malheureuse de notre compatriote. Ils savaient qu’on l’avait exécuté en place publique, mais ne pouvaient donner aucun détail précis sur ce qu’on avait fait de sa dépouille mortelle ; car, prisonniers eux-mêmes, ils n’avaient pu être témoins de sa mort qu’ils n’avaient apprise que par des indiscrétions de domestiques ou d’esclaves.


intérieur du palais de rabah à dikoa.

Dikoa était donc évacué ; mais Fad-el-Allah ne devait pas être très loin, car sa marche, alourdie par les bandes nombreuses de femmes et d’esclaves qui suivaient à pied, ne pouvait être très rapide.

Le capitaine Reibell décida la poursuite immédiate, en laissant le capitaine Robillot et les troupes du Chari à Dikoa pour y tenir garnison.

Une colonne volante de 150 hommes en grande partie montés, prise parmi les troupes des missions Saharienne et Afrique Centrale, plus mobiles, devait seule procéder à cette poursuite.

Tout était prêt, quand un incident qui aurait pu avoir les suites les plus graves se produisit. Nos troupes étaient cantonnées dans le palais de Rabah et s’y installaient, lorsque la poudrière qui se trouvait au milieu d’une des cours fit explosion. Un incendie se déclara alors, soudain, effrayant. On eut à peine le temps de préserver les armes et les munitions. Une vingtaine de fusils cependant furent brûlés, et quelques obus éclatèrent. Ce ne fut pas une mince affaire que de sauver tout le matériel d’artillerie dans cette fournaise. Les hommes s’y employèrent, sous la direction de Robillot, avec le plus grand dévouement. Grâce à eux, de terribles accidents purent être évités. Cet événement, dû très probablement à la malveillance, ne coûta heureusement aucune vie humaine, mais les deux officiers d’artillerie, le capitaine Bunoust et le lieutenant Martin, qui tout près de la poudrière s’occupaient de l’installation de leur matériel, furent horriblement brûlés et faillirent perdre la vie. Les blessures du lieutenant Martin se guérirent assez vite ; celles de Bunoust, plus graves, l’immobilisèrent près d’un mois.

On perdit ainsi quelques heures à éteindre l’incendie et à remettre tout en ordre. Après quoi Reibell et Joalland purent enfin partir.

Ils atteignirent le gros des troupes de Fad-el-Allah assez rapidement à Déguemba et lui infligèrent des pertes sérieuses. Les cavaliers de la mission Afrique Centrale devancèrent même les fuyards, et, mettant pied à terre, tirèrent sur eux, jusqu’à épuisement presque complet des munitions. L’affaire, très rondement menée par Reibell, Joalland et le lieutenant Rondeney, ne nous coûta pas grand monde. Malheureusement, le docteur Haller, toujours emporté par sa bravoure, reçut, sur la ligne de feu une balle qui lui cassa la cuisse. Ce fut de notre côté la seule perte. L’ennemi au contraire laissa beaucoup de monde sur le terrain, abandonnant un grand nombre de prisonniers. Complètement démoralisé, il fuyait maintenant, presque sans combattre. Il faut cependant excepter de cette défaillance générale des Rabistes, un des conseillers intimes de Rabah, nommé Fakhi Ahmed El-Kebir. Son fils ayant été mortellement atteint à ses côtés, il le prit dans ses bras en disant : « Tu es bien mon sang, toi », et en tirant un pistolet de sa ceinture, il s’élança sur nos soldats, s’écriant : « J’en veux tuer au moins un ». Il eut le temps de faire feu, mais tomba percé de balles.


hadjia, fille de senoussi.

La blessure du docteur Haller et la nécessité où l’on se trouvait de renvoyer les prisonniers à Dikoa fit que l’on perdit deux jours. La poursuite recommença ensuite et l’ennemi, atteint une seconde fois, laissa encore beaucoup de monde entre nos mains. On était allé jusqu’à Isgué, aux frontières du Mandara.

C’est là que s’arrêta cette poursuite homérique qui fait le plus grand honneur aux troupes qui y ont pris part, et à leurs chefs le capitaine Reibell, le capitaine Joalland et le lieutenant Rondeney. Ils avaient ramassé environ 500 fusils et 7 000 à 8 000 prisonniers, pour la plupart esclaves bornouans ou baguirmiens, qui furent remis en liberté et qui purent regagner leur pays.

Parmi les prisonniers de marque se trouvaient trois des autres Hadjia, fille de Senoussi, mère du fils de Fad-el-Allah nommé Mahmoud. La Pahouine Niarinzé, compagne de Crampel dans son expédition, fut aussi reprise, ainsi que maintes épaves ou débris des expéditions africaines qui nous avaient précédés. C’était en un mot l’anéantissement final de la puissance barbare qui avait terrorisé si longtemps l’Afrique Centrale, qui venait de s’accomplir. Gloire à ceux qui y ont contribué ! Lamy, Robillot, Reibell, Joalland, et tous leurs collaborateurs, peuvent être fiers de leur œuvre. Ils ont porté haut et ferme le drapeau de la France. Pendant que s’accomplissaient tous ces événements, je restais installé à Koussouri où je négociais avec les divers chefs rabistes, qui erraient fugitifs, entre Dikoa et Koussouri.


niarinzé, telle qu’elle était à son voyage en france en 1890.

N’ayant pu rejoindre Fad-el-Allah, ils n’avaient plus qu’une ressource, celle de se rendre. C’est ce qu’ils firent les uns après les autres. Il en venait à moi tous les jours et la certitude qu’ils avaient, non seulement d’avoir la vie sauve, mais de conserver leurs familles et leurs biens, ne contribuait pas peu à nous amener des soumissions. Comme ils rendaient en même temps leurs armes, nous fûmes bientôt en possession de 1 500 fusils environ. C’était bien la débâcle finale et la chute de l’empire de Rabah.

Le 24 mai 1900, date mémorable, tout était fini. Les trois missions étaient de retour à Koussouri où elles ramenaient leurs prisonniers et des troupeaux considérables.

À cette date, la colonne d’opérations contre Rabah est disloquée. Chacun des chefs de mission reprend le commandement de ses troupes. La mission Saharienne, sous les ordres du capitaine Reibell, fait ses préparatifs de départ.

Quarante pirogues ont été réquisitionnées par mes soins. Elles doivent porter le grain nécessaire à la nourriture des troupes et quelques vivres aux Européens. Deux baleinières en acier et les embarcations en bois sont également mises à la disposition du capitaine Reibell, pour lui permettre le transport de ses malades et de ses blessés. Une centaine d’hommes avec le capitaine prendra la route de terre, et sera accompagnée d’un fort convoi de bœufs, destiné à donner aux hommes la ration de viande.

Le capitaine de Lamothe reçoit l’ordre d’aller occuper Bousso, le lieutenant Kieffer d’aller s’installer à Maïnheffa. Des troupeaux de bœufs et de moutons ont déjà été dirigés sur ces points depuis quelque temps, grâce au sultan du Baguirmi. Ces mesures permettront à la mission Saharienne de trouver de la viande sur tout son parcours. En outre, les postes de Fort-Archambault et de Gribingui ont reçu les instructions nécessaires pour pourvoir au ravitaillement des 250 hommes qui rentrent, et pour disposer en leur faveur du quart de leurs approvisionnements. Tout étant ainsi réglé, la mission Saharienne se met en route pour la France sans tarder. Je conserve encore quelque temps à ma disposition la mission Afrique Centrale et le capitaine Joalland, pour ne pas me démunir tout de suite d’une trop grande quantité de monde. Après quoi, je décide de nous établir définitivement sur la rive droite en face de Koussouri. Ce point que j’ai déjà fait occuper, pendant la marche sur Dikoa, commande à la fois le Logone et le Chari. Il est d’une importance capitale au point de vue stratégique. Malheureusement, le terrain n’est pas très élevé au-dessus du niveau du fleuve. Il est à craindre que dans les très grandes crues, il ne soit légèrement inondé. Enfin, nous n’avons pas le choix et l’on commence la construction du nouveau poste qui reçoit le nom de Fort-Lamy. Ce sera le chef-lieu de la région administrative que je vais créer et dont le commandement est confié au capitaine Robillot.

Les postes de Maïnheffa et de Bousso, qui doivent être fondés en même temps, s’appelleront désormais Fort-de-Cointet et Fort-Bretonnet. Avec le poste de Fort-Archambault, déjà terminé, nous aurons ainsi une ligne d’occupation le long du Chari, qui nous permettra de commander efficacement tout le pays.

Il me reste maintenant pour terminer ce chapitre à entrer dans quelques détails sur la vie de Rabah, dont jusqu’ici je n’ai fait que prononcer le nom.

Les origines du conquérant noir sont assez obscures. Les uns le disent de descendance royale, les autres le donnent comme le fils d’un esclave, esclave lui-même, qui aurait été acheté par un traitant soudanais nommé Zobeir. Ce Zobeir et Rabah, il y a une quarantaine d’années, eurent l’occasion d’escorter dans le Bahr-el-Ghazal une Européenne, qu’on désignait sous le nom de señora (très vraisemblablement Mlle Tinné). Son voyage accompli, elle rentra en Égypte et fit cadeau à Zobeir de toutes les armes qu’elle possédait. On était alors au moment de la conquête du Soudan par les Égyptiens. Zobeir, qui s’était avancé très au Sud, avait fait du Bahr-el-Ghazal son centre d’opérations, et s’y était taillé un véritable royaume. Les Égyptiens, ne voulant pas entrer en lutte avec lui, préférèrent négocier et il fut convenu que la province du Bahr-el-Ghazal serait placée sous la suzeraineté de l’Égypte, mais que Zobeir en serait le gouverneur au nom du vice-roi. On lui donna à cette occasion le titre de pacha et on l’invita à venir au Caire faire visite au Khédive. On l’y retint prisonnier. Son fils Soleiman qui le remplaçait, se révolta en apprenant cette nouvelle. Battu dans une première rencontre par les troupes égyptiennes de Gessi-Pacha, Soleiman, sur la promesse qu’on lui fit de lui laisser la vie sauve, se rendit. Rabah, qui se trouvait être un des personnages les plus influents de l’entourage de Soleiman, avait refusé de le suivre, disant qu’il n’avait pas la moindre confiance en Gessi. Bien lui en prit, car Soleiman, malgré la parole donnée, fut exécuté. Pour se mettre à l’abri des poursuites de Gessi, Rabah s’enfonça dans le Sud, avec ceux qui étaient décidés à partager sa fortune. Il disposait alors de quatre cents fusils, grâce auxquels il put se livrer à des razzias fructueuses en pays Banda et Kreich, où il séjourna jusqu’en 1885. C’est alors qu’il reçut avis de la prise de Khartoum et du triomphe du mahdi Mohammed Achmet.

Ce dernier invita Rabah à l’aller trouver à Khartoum et lui envoya deux messagers, nommés Zin el Abbiddin et Djabar. Rabah ne fit aucune difficulté pour les suivre ; mais en arrivant aux frontières du Darfour, il apprit que le Mahdi avait l’intention de le faire assassiner. Il rebroussa chemin aussitôt et vint se cantonner dans son ancien territoire.

Il y vécut de razzias d’esclaves et d’ivoire jusqu’en 1891, date à laquelle la mission Crampel arriva chez Senoussi. Soit à l’instigation de Rabah, soit de sa propre autorité, Senoussi fit massacrer Crampel et remit à Rabah toutes les armes de notre malheureux compatriote, environ trois cents fusils dont une cinquantaine de fusils Kropatschek. Le reste se composait de fusils à piston, modèle 1842, en excellent état.

Rabah ainsi approvisionné commença sa marche vers le Nord. Attaqué par les Ouadaïens, sous le commandement de l’aguid Salamat, il faillit être vaincu. Il se tira cependant de cette mauvaise passe et, se rabattant un peu plus à l’Ouest, il arriva sur les rives du Chari, habitées par des populations païennes qui ne purent lui résister. En l’année 1893, il atteignit la frontière baguirmienne. Il attaqua tout de suite Gaourang, qui fut assiégé pendant cinq mois dans Maïnheffa. Les Baguirmiens, à bout de vivres, firent une sortie désespérée et réussirent en partie à s’enfuir, laissant entre les mains de Rabah de nombreux prisonniers.

L’aventurier ne s’attarda pas longtemps au Baguirmi et, après s’être emparé de Logone par surprise, il envahit le Bornou. Ce dernier pays avait alors comme sultan Hachim. Vieux et peu belliqueux, celui-ci voulut traiter avec Rabah, mais son neveu Kiari, outré de sa lâcheté, le tua, prit le pouvoir à sa place et marcha au-devant de Rabah qu’il rencontra non loin de Kouka.

Les débuts de la journée furent favorables aux Bornouans qui battirent les Rabistes complètement et s’emparèrent de leur camp, qu’ils mirent au pillage. Ce fut leur perte. Outré de sa défaite, Rabah rassembla ses soldats et leur reprocha leur lâcheté en termes violents. Il fit ensuite distribuer à chacun de ses chefs de bannière cent coups de courbache sur les reins, sans même excepter son fils Fad-el-Allah qui avait une grave blessure au bras. Seul, parmi ses chefs, Boubakar, le plus vaillant d’entre eux, fut exempt du châtiment. Après quoi, on se rua de nouveau sur les Bornouans, qui, surpris de ce retour imprévu, furent mis en déroute.

Kiari refusa de s’enfuir et, mettant pied à terre, attendit ses ennemis. Fait prisonnier, il fut amené devant Rabah qui lui demanda où était Kiari. « Il est devant toi et ne sollicite aucune pitié », répondit-il.

Le vainqueur lui donna le choix entre la mort ou la mutilation.

Kiari s’écria qu’il préférait la mort. On lui trancha la tête immédiatement. Après quoi, Rabah marcha sur Kouka qui fut détruit de fond en comble. Dans sa victoire, il n’épargna personne, et l’on m’a dit que plus de trois mille femmes ou enfants furent égorgés ce jour-là. Frappés de terreur, les Bornouans se soumirent et subirent le joug jusqu’au moment où Rabah à son tour paya ses crimes de sa vie.

Examinons maintenant son rôle, pendant les sept années qu’il fut sultan du Bornou.

Malgré l’horreur qu’on éprouve à la pensée de tous les forfaits qu’il a commis, on ne peut se refuser à lui accorder une certaine admiration. Après avoir vaincu le Bornou et le Baguirmi avec une poignée d’hommes, il rêvait la conquête du Ouadaï qui attendait sa venue en tremblant. Sans notre intervention, il aurait mis son projet à exécution au cours de l’année même qui fut celle de sa mort. Et s’il avait réussi, comme tout le faisait prévoir, on peut se demander avec anxiété ce que serait devenue l’œuvre de pénétration européenne, dans des régions qui eussent alors été tout entières acquises à un fanatisme intransigeant.

La mort, fort heureusement, ne lui permit pas d’accomplir ses desseins et vint arrêter son œuvre, qui n’était pas sans grandeur, si l’on en juge par ce qu’il fit au Bornou.

Dès que ce pays fut soumis, le nouveau sultan l’organisa. Il se rendit vite compte de l’impuissance qui résultait, pour le chef du pays du fait du système féodal des Bornouans, lequel, mettant en face du pouvoir la puissance des grands seigneurs, créait ainsi des séries d’États dans l’État ; mais d’un autre côté, nouveau venu, il vit que la tâche d’administration directe devenait impossible dans un pays, dont lui et ses gens ignoraient la langue et les mœurs.

Il laissa donc à la tête des diverses provinces des chefs locaux servant d’intermédiaires entre la population et le pouvoir suprême ; mais en même temps, il mit ces chefs sous la dépendance de ses principaux lieutenants[5], qui reçurent ses instructions et qui, résidant presque continuellement près de lui, ne pouvaient lui inspirer aucune crainte.

C’était en somme une dictature militaire remplaçant le gouvernement féodal. Un système d’impôts était créé, chaque gouvernement devait fournir une certaine quantité de revenus, dont la moitié était pour Rabah, l’autre moitié pour le chef militaire et le gouverneur. Rabah ne semble pas avoir simplement employé ses revenus à la satisfaction de jouissances matérielles. Il avait la conception d’une caisse publique, destinée à subvenir à l’entretien des troupes organisées en bannières (compagnies de 150 à 250 fusils), à la construction de bâtiments sains et confortables, enfin à la constitution de magasins de vivres en prévision des campagnes prochaines. Si l’on ajoute à cela que, outre l’impôt, il augmentait ses ressources du produit des razzias faites au Baguirmi et aux pays païens, on comprendra aisément que, loin de diminuer la richesse du Bornou, Rabah l’a augmentée considérablement aux dépens de ses voisins.

Aussi pouvait-on prévoir que, dans un délai très rapproché et contrairement à nos premières idées, la population bornouane se serait non seulement résignée, mais aurait accepté le joug avec satisfaction.

Cette constatation, que j’eus l’occasion de faire, me démontra que dans le travail d’organisation que j’allais avoir à entreprendre, j’avais tout intérêt à m’inspirer de la méthode de Rabah, en y apportant, bien entendu, tous les tempéraments que l’humanité nous commandait.

  1. Desquels il faut retirer la garnison laissée à Koussouri.
  2. Le capitaine Bunoust, à califourchon sur un arbre, vraie cible vivante offerte aux balles, règle le tir de sa batterie avec un calme et un sang-froid admirables.
  3. Cette tentative suprême de Rabah ne put réussir, grâce au sang-froid de Robillot, qui, aidé du sergent-major Fournier, du fourrier Fontenaut et du maréchal des logis Baugnies, refoule rapidement l’ennemi.
  4. Voir Note 7.
  5. La grande majorité de ces lieutenants était des Djellabas, originaires des bords du Nil. D’origine arabe, ils étaient, pour la plupart, très métissés de sang noir.