La civilité des petites filles/01
Au cours de cet ouvrage, mes chères enfants, vous trouverez les préceptes de savoir-vivre pour toutes les circonstances de la vie. Dans ce chapitre, nous allons simplement résumer les règles de la politesse envers le père et la mère.
Combien de gens sont d’une politesse exquise avec les étrangers et se montrent maussades, désagréables, grossiers même, dans l’intérieur de leur famille. Suivant une expression connue, ces gens sont chez eux de véritables fagots d’épines…
Un aimable écrivain a dit avec beaucoup de délicatesse : « Il faut porter son velours en dedans, c’est-à-dire montrer son amabilité de préférence à ceux avec qui on vit chez soi. » Qu’on me permette de citer ici un souvenir.
Un jour, il m’a été donné de voir, chez des amis, un jeune garçon appelé René. Je fus émerveillé de sa politesse, de sa bonne tenue à table et dans la réunion qui suivit le dîner. Il répondit gentiment aux questions qu’on lui adressait, parla avec beaucoup d’à propos et de justesse. Je le vis même rendre de petits services à la maîtresse de maison et se faire aimable pour tous.
Un mois plus tard, j’allai chez les parents de René, j’eus peine à reconnaître l’enfant bien élevé qui m’avait tant plu naguère. Il parlait à sa mère d’un ton bourru, parfois malhonnête, refusait de se déranger, repoussait durement son petit frère et sa sœur sous prétexte qu’ils l’ennuyaient…
René, comme vous voyez, ne mettait pas son velours en dedans. Il était chez lui, il ne se gênait pas… De grâce, enfants, sachez vous gêner pour vos parents et vos amis, ne faites pas partie de ces espèces de hérissons qui piquent les doigts de ceux qui en approchent. Rappelez-vous que la vie est faite surtout de petites choses ; c’est dans les petites choses qu’il faut se montrer bon, sous peine de ne jamais le paraître. Les petits sacrifices, les prévenances de tous genres, voilà ce qui rend charmante la vie de famille, et ce qui en fait le modèle de la vie sociale.
Mais continuons notre entretien.
C’est un devoir pour les enfants, et ce doit être pour eux un plaisir de souhaiter, chaque jour, le bonjour et le bonsoir à leurs parents et de demander de leurs nouvelles. L’enfant qui ne sait plus trouver de caresses pour sa mère, qui hésite à l’embrasser avant de se coucher, a quelque chose à se reprocher ; il n’a plus la conscience en paix…
Un fils ne se permet jamais d’embrasser sa mère la tête découverte. Il doit, dans ce cas, tenir sa casquette ou son chapeau à la main.
Lorsqu’un père et une mère entrent dans une pièce où se trouvent leurs enfants, assis ou occupés à quoi que ce soit, les enfants doivent se lever et l’aire les honneurs à leurs parents, comme ils le feraient pour des étrangers qui s’approcheraient d’eux.
Si un enfant, ayant
même un certain âge, désire s’absenter, il est convenable qu’il prévienne au moins sa mère. En agissant ainsi, il reconnaît l’autorité de ses parents et fait acte de déférence.
Il est souverainement déplacé qu’un enfant contredise ses parents ou discute leurs ordres. Soit qu’ils défendent, soit qu’ils ordonnent, l’enfant doit obéir sans réplique et se conformer avec empressement à leur volonté. La bonne grâce double le prix de l’obéissance. On l’a dit avec raison : l’obéissance est l’amour filial en action, et l’amour se prouve par l’effort et le sacrifice. A l’enfant désobéissant qui prétend aimer ses parents, on peut dire : Tu te trompes, mets ta conduite en rapport avec tes paroles et l’on le croira. L’enfant qui ne sait pas obéir à son père et à sa mère, ne les sait pas aimer, c’est un ingrat.
Tout ce que nos parents nous demandent ou nous commandent est pour notre bien et non pour le leur. Et notre bien, ils le comprennent cent fois mieux que nous-mêmes. Ils connaissent la vie et nous ne la connaissons pas ; ils prévoient l’avenir auquel l’enfant ne songe pas ; ils voient clair pour nous, à la fois avec la raison et avec leur cœur, Ce sont des guides sûrs et des amis incomparables.
Un enfant, quel que soit son âge, est toujours un enfant pour son père ; jusqu’à la fin de sa vie, il doit l’aimer, l’honorer, le respecter.
Dans une pièce de notre grand poète Victor Hugo, un aïeul dit à son fils, grand-père lui-même et presque octogénaire : « Jeune homme, taisez-vous I » et quand ses enfants osent élever la voix, il leur jette ces mots :
« Qui donc o’se parler lorsque j’ai dit : silence !… »
Il ne faut pas traiter son père et sa mère en camarades, être trop familiers avec eux et abuser de leur bonté.
Un assez grand nombre de parents désirent être tutoyés par leurs enfants, nous n’avons pas à les blâmer ; pourtant, qu’il nous soit permis de dire que si le tutoiement est une marque d’affection, il est aussi la formule de la familiarité. C’est pourquoi, suivant nous, il est préférable qu’un enfant, qui n’est plus un bébé, dise vous à son père et à sa mère, comme il le dit aux personnes qu’il veut honorer.
En effet, les parents ne doivent pas seulement cire aimés de leurs enfants, il faut encore qu’ils soient craints et obéis. Ici, pas d’égalité possible, les rapports entre parents et enfants ne sont et ne peuvent pas être les mêmes que ceux qui existent entre les frères et les sœurs, les amis et les camarades. A différence de rapports, différence de procédés.
Terminons ce chapitre par cette réflexion : Il n’est personne, mes petites amies, qui autant que vos parents ait droit à votre amour ; il n’est personne aussi qui ait autant de droit à votre politesse, à vos prévenances, à vos égards.
1. La politesse est la façon de vivre, de parler, d’agir conforme aux usages reçus dans le monde.
2. Il faut être poli envers tous : envers les supérieurs et les inférieurs, les étrangers, les amis, et plus encore envers les parents.
3. Un enfant poli salue son père et sa mère le matin et le soir, il les embrasse et s’inquiète de leur santé. Il se lève de sa chaise quand ils entrent dans la pièce où il se trouve.
Il les prévient lorsqu’il s’absente. Il obéit sans réplique et sans mauvaise humeur. Il ne discute ni ne contredit leurs ordres.
Il se montre en toute circonstance affable, complaisant et empressé à leur plaire.
C’est surtout dans la famille qu’il faut porter son velours en dedans.
Rédaction. Montrez tous les avantages de la politesse en famille et prouvez que cette qualité contribue à l’union et au bonheur de tous.