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La cure d’air par la mutualité scolaire

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La cure d’air par la mutualité scolaire
Revue pédagogique, second semestre 191567 (p. 37-49).

La Cure d’air
par la Mutualité scolaire
[1].


L’Union nationale des mutualités scolaires publiques m’a demandé, pour la troisième fois, de me faire l’avocat de la cause qu’elle plaide depuis sa fondation avec une persévérance inlassable et qui tend à orienter partiellement vers l’hygiène et la prévention de la maladie, l’action bienfaisante des sociétés scolaires de secours mutuels et de retraite.

Je remercie notre cher Président, M. l’Inspecteur général Édouard Petit, ainsi que mes sympathiques collègues du Comité, du nouveau témoignage de confiance et d’amitié qu’ils ont bien voulu me donner, mais j’aurais vivement souhaité qu’une parole plus autorisée que la mienne se fit entendre à cette conférence consultative, car si la collaboration fraternelle de la mutualité scolaire et des œuvres de plein air commence à se dessiner sur plusieurs points de la France, il reste beaucoup à faire encore, nous ne devons pas nous le dissimuler, pour généraliser cette collaboration dont nous attendons les meilleurs résultats.

Toutes les fois qu’on essaye d’aiguiller la mutualité vers une œuvre d’hygiène sociale, on se heurte à des résistances plus ou moins justifiées, Les uns, favorables en principe à l’orientation nouvelle préconisée par les hygiénistes et les philanthropes, hésitent à s’engager dans une voie qui n’a pas été expressément envisagée par les statuts de leur société ni par la loi du 1er avril 1898.

Les autres, qui sont les plus nombreux de beaucoup, n’ont en vue que la situation financière toujours croissante des sociétés de secours mutuels, avec le terme de la retraite : ce sont les thésauriseurs, les champions de la vieille école bien française de l’épargne. Je ne veux pas m’attarder à développer de nouveau les raisons principales qui militent en faveur de l’hygiène préventive par les mutualités scolaires. Ces raisons ont été énumérées et discutées au cours des deux premières conférences consultatives organisées à Paris, au siège de la Ligue de l’Enseignement, ainsi que dans de nombreux congrès où s’est fait entendre et applaudir le grand semeur d’idées généreuses qu’est notre infatigable Président, M. Édouard Petit.

Et tout récemment encore, au Congrès régional des colonies de vacances du Nord-Est qui s’est tenu à Troyes, deux de mes collègues particulièrement autorisés, MM. Lépine et Gérard, dans des communications très documentées et de solide argumentation, ont montré que le service d’hygiène préventive rentre bien dans le cadre de la loi du 1er avril 1898 et que son organisation est vivement désirable et possible.

C’est un grand honneur pour notre pays d’avoir le premier introduit dans l’école des enfants du peuple la pratique de la prévoyance et de la solidarité, mais si le rêve de l’excellent cœur qui fut J.-C. Cavé est en bonne voie de réalisation, il ne faut pas oublier que 20 p. 100 seulement des écoliers et des écolières de France sont enrôlés dans l’armée de la mutualité.

Par essence autant que par devoir, pour assurer sur des bases inébranlables l’avenir de l’institution et dans l’intérêt supérieur de la Patrie, la mutualité scolaire doit s’appliquer sans relâche à grossir ses effectifs et ne plus borner son action au double but que lui ont assigné primitivement ses statuts.

Il est urgent qu’elle ait recours à la médecine préventive, singulièrement préférable, surtout pour les enfants, à la médecine thérapeutique.

« C’est à l’origine des maux, a dit M. Léon Bourgeois, que seulement on peut les guérir, et, mieux encore, c’est en les empêchant de naître qu’on est seulement certain de les supprimer. »

Or il est universellement reconnu que le grand air, le soleil et une alimentation rationnelle sont les meilleurs remèdes à opposer à la maladie qui guette l’être débile.

Il importe dès lors que la mutualité scolaire et les œuvres de plein air conjuguent étroitement leurs efforts, et cela aussi bien à la campagne qu’à la ville, car, contrairement à ce que l’on pense généralement, nombre d’enfants au village ont besoin de changer d’air, surtout à la suite de maladies aiguës, et si la tuberculose y fait moins de ravages que dans nos agglomérations urbaines, elle s’y enracine malheureusement par suite de l’inobservation des règles élémentaires de l’hygiène et d’autres causes telles que le service militaire, le développement industriel et l’exode rural.

Partout, il est urgent de protéger efficacement la santé de l’enfant et de s’unir pour combattre les maux qui minent notre race et compromettent l’avenir de notre pays.

À côté de la capitalisation purement financière des sociétés mutuelles, il y a une autre capitalisation qui augmente le capital humain et paye des arrérages de santé et de bonheur.

« Organiser la défense contre la maladie, n’est-ce pas faire le calcul fort simple qui est la raison d’être de toute mutualité ?

« N’est-ce pas diminuer le nombre des sociétaires malades qui peuvent tomber à notre charge ?

« N’est-ce pas faire ce qu’est tout acte de prévoyance mutuelle, à la fois une bonne action et une bonne affaire[2] ? »

Concluons donc, une fois de plus, que la mutualité scolaire doit, sans plus tarder, porter davantage ses efforts vers la maladie et entrer résolument dans la voie de l’hygiène sociale.

C’est là qu’elle rendra le plus de services effectifs, car il faut la considérer aujourd’hui beaucoup plus au point de vue de sa valeur éducative qu’au point de vue des avantages matériels qu’elle procure.

Le service maladie est, en effet, insuffisamment et imparfaitement assuré, et l’effort fait pour la retraite trop souvent improductif, en raison de l’abandon d’un grand nombre de livrets, une fois la période scolaire accomplie.

Or, il est à craindre qu’en présence de résultats jugés trop maigres ou trop lointains, les générations nouvelles ne se détachent par degrés de la mutualité scolaire, ce qui serait profondément déplorable.

Le meilleur moyen, à mon sens, de vivifier l’œuvre et de la rendre de plus en plus populaire consiste, d’une part, à faire de la cotisation-retraite l’amorce de la retraite ouvrière et paysanne, et, d’autre part, à affecter délibérément l’autre cotisation, non seulement à la maladie, mais aussi à la prévention de la maladie, dès qu’un fonds de réserve suffisant aura été constitué en vue de parer à toute éventualité qu’une sage administration doit toujours prévoir.

Cette extension des dispositions de l’article 1er de la loi mutualiste a été reconnue légale par le Conseil supérieur des sociétés de secours mutuels et par M. Henry Chéron, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, qui écrivait aux Préfets, à la date du 21 juin 1893 :

« Les colonies de vacances, lorsqu’elles constituent un service de prévention contre la maladie, rentrent dans la catégorie des soins et secours que les sociétés de secours mutuels peuvent assurer à leurs membres, mais pour que ce service conserve le caractère mutualiste, il est nécessaire qu’il soit organisé par voie de dispositions statutaires et ne s’adresse qu’aux enfants débiles désignés par le médecin. »

Et le ministre ajoutait :

« Il n’est pas douteux que les sociétés scolaires de secours mutuels, dans bien des cas, se rendent compte que la meilleure utilisation qu’elles peuvent faire de leurs économies sur le service-maladie et d’une partie de leurs fonds disponibles, est d’organiser la prévention.

« Sans doute, il est désirable d’apprendre aux enfants l’épargne, à l’époque où celle-ci est particulièrement productive, mais il ne l’est pas moins de leur constituer, à côté d’un capital argent, un capital santé, et je suis convaincu que les éducateurs qui sont à la tête des mutualités scolaires comprendront toute l’importance de ce nouveau service qui rencontre, partout où il se crée, la reconnaissance des familles qui en bénéficient. »

Les administrateurs des mutuelles scolaires qui, par respect des engagements pris lors de la constitution de ces sociétés ou par crainte de s’écarter de la voie légale, se sont refusés jusqu’à ce jour à provoquer les additions et modifications statutaires indispensables, peuvent donc, sans plus d’hésitation, après avoir obtenu toutefois l’assentiment préalable de l’assemblée générale, créer comme œuvre complémentaire de la mutualité, un service d’hygiène préventive au profit des sociétaires débiles dont l’état de santé, d’après l’avis du ou des médecins désignés par le Conseil d’administration, nécessiterait impérieusement une cure d’air de plusieurs semaines à la campagne, à la montagne ou à la mer.

Une institution qui veut vivre et prospérer doit céder au souffle du temps et évoluer en vue de donner satisfaction, le plus largement possible, aux exigences du présent sans négliger les besoins de l’avenir.

Mais deux difficultés sont à envisager.

À l’aide de quelles ressources fera-t-on face aux frais d’organisation du nouveau service et comment choisira-t-on les bénéficiaires de la cure d’air ?

Tous ceux qui sont au courant du fonctionnement de nos sociétés scolaires de secours mutuels savent que la moitié de la cotisation annuelle, soit 2 fr. 60, affectée statutairement aux secours de maladie, n’est pas entièrement employée, tant s’en faut.

D’après les renseignements puisés au Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, 12 p. 100 seulement des sociétaires sont atteints par la maladie, et comme un certain nombre de familles ne réclament pas les indemnités auxquelles elles auraient droit, il en résulte que la somme inscrite sur les livrets de retraite, par suite du boni réalisé, s’élève parfois à 5 francs, ce qui aboutit presque à la suppression du service de maladie.

Le caractère philanthropique de la mutualité scolaire n’apparaît plus ainsi avec tout le relief désirable, surtout si l’on considère que les subventions de l’État — 1 franc de capitation, plus le quart du versement — s’ajoutent encore aux sommes versées en vue de la retraite.

Aussi, est-il vivement souhaitable que les économies réalisées soient affectées en partie, sinon en totalité, à un service d’hygiène qui tend à la défense active de la santé et donne à la mutualité une portée plus large cet plus élevée, plus fraternelle et plus humaine,

D’autres ressources peuvent également alimenter ce service complémentaire. D’abord, les intérêts des fonds libres. Certaines mutualités ont en réserve des capitaux très importants placés à la Caisse des dépôts et consignations et qui bénéficient de l’intérêt de faveur de 4,50 p. 100.

Au 1er janvier 1912, les fonds disponibles des sociétés scolaires de secours mutuels dépassaient déjà huit millions, et comme ils proviennent non seulement des bonis annuels de maladie, mais aussi et surtout de sommes qui, pour des raisons diverses, ont été abandonnées ou n’ont pu être inscrites sur les livrets individuels de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, l’on ne saurait mieux faire, semble-t-il, que de consacrer tout ou partie du produit des capitaux ainsi accumulés, et mème si le besoin s’en fait sentir exceptionnellement, une certaine quantité des fonds libres, à des œuvres sociales aussi utiles à l’intérêt général que les colonies de vacances ou les écoles de plein air.

Un autre moyen de se procurer des ressources consiste à mettre à la portée de tous les gens de bien les cotisations des membres honoraires dont la loi permet de déterminer l’emploi et qui peuvent, dès lors, servir intégralement à la prévention de la maladie.

L’assemblée générale de la Mutualité scolaire du XXe arrondissement a décidé, l’an dernier, que le chiffre minimum de cette cotisation serait abaissé à 2 francs et, en quelques mois, à la suite d’une simple circulaire distribuée aux parents des élèves et aux amis de l’école laïque, un grand nombre de personnes généreuses se sont fait inscrire comme membres honoraires, lorsqu’elles ont su que les sommes versées par elles seraient utilisées à bref délai pour l’envoi au grand air de mutualistes débiles.

Nous comptons déjà 230 membres qui se sont engagés à verser annuellement de 2 à 10 francs dans notre caisse mutualiste, et la mutualité du XVIIe, qui a pris la même mesure, a déjà réuni plus de 300 adhésions.

Conviendrait-il, pour dissiper tout scrupule, de recourir à une cotisation supplémentaire, de 0 fr. 50 par exemple, qui serait affectée spécialement au service de l’hygiène préventive ?

Je ne le pense pas, car ainsi que l’a fait observer fort justement mon distingué collègue de Reims, M. Lépine, « dans nos mutualités scolaires le taux de la cotisation globale doit nécessairement rester très modeste, si l’institution veut demeurer accessible à la masse des enfants du peuple ».

Faudrait-il, d’autre part, exiger des familles intéressées une contribution à la dépense que doit entraîner l’envoi de leurs enfants au grand air ?

La mutualité scolaire de Clichy qui, depuis deux ans, pratique l’entr’aide sanitaire, évite soigneusement de se substituer aux parents. Elle veut bien les aider à raffermir et à consolider la santé de leurs enfants sociétaires, mais en aucun cas elle ne prend à sa charge tous les frais de voyage et de séjour. Aide-toi et la mutualité t’aidera : telle est la maxime qui lui sert de règle.

La collaboration pécuniaire des familles aux œuvres de colonies de vacances, nées de l’assistance, lorsqu’elle s’exerce libéralement, est vivement à encourager, car il est juste et sain de s’aider soi-même si l’on veut être digne de l’aide d’autrui, mais quand il s’agit d’avantages assurés par une œuvre mutualiste, il me paraît impossible de faire du versement préalable d’une contribution financière, variable avec les personnes, une condition sine qua non de la participation d’un sociétaire débile aux bienfaits d’une cure d’air.

Un tel versement serait contraire à l’esprit et à la lettre de la loi du 1er avril 1898. Mais rien n’empêche évidemment les administrateurs des mutuelles scolaires de provoquer discrètement la générosité volontaire des familles, soit avant le départ, soit plutôt après le retour des enfants, lorsque l’influence salutaire du grand air a pu être constatée.

C’est ce qui a été fait, ici et là, dans les trois arrondissements de Paris qui, depuis deux ans, se sont entendus amicalement pour l’organisation de leurs colonies mutualistes, et j’apprenais il y a quelques jours que plusieurs dons de 25, de 20, de 10 francs avaient été faits spontanément par des parents reconnaissants. Me permettra-t-on de citer encore un moyen d’augmenter le fonds de solidarité qui, dans notre pensée, doit donner un nouvel essor à la mutualité scolaire ?

Il y aura tantôt dix-sept ans que j’ai fondé à Reims l'Œuvre des voyages scolaires, et, dès la première année, nous avons tenu, mes excellents collaborateurs et moi, à inciter les enfants du pays rémois, mutualistes ou non, à prélever sur leurs menus plaisirs un décime par mois scolaire, ou par trimestre, ou même par an, au profit de leurs camarades pauvres et chétifs.

Depuis cette époque, l’œuvre a encaissé annuellement de 5 à 600 francs, ce qui lui a permis de procurer un bienfaisant séjour de trois semaines au bord de la mer à cent trente enfants particulièrement dignes d’intérêt.

En instituant ce décime des colonies de vacances ou mieux ce décime de bonté, nous avons voulu faire une application concrète, vivante de nos leçons de morale sur la solidarité, initier l’enfant dès l’école à la pratique du devoir social et faire appel à sa sensibilité afin de le rendre meilleur par l’amour.

Qu’on ne dise pas que les souscriptions sont interdites, à bon droit d’ailleurs, dans les écoles publiques. En l’espèce, il ne s’agit pas de souscriptions, mais bien d’une manifestation volontaire à laquelle tous peuvent s’associer et qui tend à transformer l’égoïsme naturel chez l’enfant en esprit de solidarité, à faire de lui un être capable de trouver son contentement dans le bien qu’il fait aux autres.

C’est dans le mème ordre d’idées que nous avons cru bon de provoquer également des élèves jugés dignes du certificat d’études primaires, une offrande destinée à procurer santé et bonheur à quelques écoliers ou écolières affaiblis par la maladie ou les privations. Nous engageons les candidats heureux à songer dans la joie de leur succès à tout ce qu’ils doivent à la Patrie et nous cherchons à les associer directement à une bonne action susceptible de toucher particulièrement leurs jeunes cœurs.

Une fois les ressources réunies, il faut savoir au profit de qui elles seront utilisées. Comment choisir les colons mutualistes pour éviter l’injustice et l’arbitraire ?

Les instituteurs et institutrices connaissent en général les parents de leurs élèves et le milieu dans lequel ils vivent. Leur attention est frappée par des enfants au teint pâle, à la constitution grêle, qui manquent souvent en classe et se fatiguent au moindre effort. Ils savent, d’autre part, quels sont les élèves mutualistes qui ont été atteints de rougeole, de fièvre scarlatine, de grippe… et qui, sans exiger de soins spéciaux, paraissent avoir besoin du « coup de fouet » que donne un séjour à l’air pur et au soleil vivifiant, pour se rétablir complètement et se garantir contre une nouvelle maladie, surtout contre l’éclosion de la tuberculose.

Ce sont ces deux catégories d’enfants qu’ils signaleront particulièrement à l’examen attentif des médecins inspecteurs des écoles, lesquels désigneront à leur tour, en les classant par ordre d’urgence, ceux dont la constitution physique nécessite l’envoi à une station de plein air.

[Il appartiendra ensuite au Conseil d’administration de la mutualité de faire procéder, s’il le juge nécessaire, à un deuxième examen par le médecin qu’il aura choisi, car il y a bien des degrés dans la débilité, et il importe d’établir une sélection rigoureuse de nature à éviter autant que faire se peut les réclamations des familles.

On ne saurait malheureusement admettre au bénéfice de la cure d’air tous les sociétaires débiles : ils sont trop nombreux, surtout dans les grandes villes, et il faut compter avec les ressources dont on dispose. L’essentiel est que le dernier mot reste au médecin, que la durée du séjour soit la même pour tous et suffisante pour être réellement efficace.

Toutefois, il paraît juste d’exiger de tous les mutualistes un stage minimum de deux années avant de les envoyer en colonie, car il faut au moins qu’ils aient pu contribuer quelque peu à la formation du fonds spécial dont ils doivent bénéficier.

Que la crainte de violer le principe fondamental connu : à charges égales avantages égaux, ne paralyse pas les bonnes volontés prêtes à l’action.

Le législateur de 1898, en posant ce principe, a voulu avant tout mettre obstacle à la constitution de sociétés qui chercheraient à assurer une situation privilégiée à certains de leurs membres dits fondateurs, mais il n’est nullement entré dans sa pensée d’empêcher l’extension bienfaisante de sociétés qui, loyalement, poursuivent un but d’hygiène ou d’assistance en s’appliquant à rendre en avantages matériels et moraux l’argent épargné.

J’ai indiqué, l’an dernier, les mutualités scolaires qui se sont engagées dans la voie de la prévention de la maladie. Depuis, le département du Nord a voté une subvention de 3000 francs à l’Union des mutuelles scolaires de l’arrondissement de Lille, qui a décidé de créer une cure d’air au sanatorium de Zuydcoote, en faveur de ses sociétaires débiles.

La mutualité des écoles d’Amiens, de son côté, vient de consacrer une somme de 1 000 francs aux frais de voyage et de séjour de quarante de ses adhérents qui passeront trois semaines en pleine campagne, à Dury, dans l’immeuble que la Ville a fait construire pour secs colonies de vacances.

La municipalité du IVe arrondissement de Paris, d’accord avec le conseil d’administration de la caisse des Écoles, a prélevé une somme de 1 000 francs pour le même objet sur les recettes du concert-bal organisé au profit des œuvres de bienfaisance de l’arrondissement.

Dans la Marne, l’un des plus anciens et des plus avertis des mutualistes, M. Jules Blondeau, ancien conseiller général, a fait un don de 1 000 francs à la société scolaire du canton d’Ay, dont il est président, afin d’assurer un séjour de trois semaines à Berck-sur-Mer aux jeunes sociétaires signalés particulièrement par les médecins-inspecteurs des écoles.

Enfin, voici une excellente nouvelle de la dernière heure que notre Président nous apporte : M. Gompel, de Paris, en souvenir de son père, vient de faire don à la Ligue de l’Enseignement, d’une somme de dix mille francs dont les intérêts doivent servir à l’envoi de mutualistes scolaires parisiens au « Nid » de Montigny-sur-Loing.

L’idée féconde préconisée par l’Union nationale des mutualités scolaires publiques et dont M. l’Inspecteur général Édouard Petit s’est fait l’éloquent apôtre, est donc en train de faire son tour de France sous les meilleurs auspices.

Et rien ne saurait la propager davantage que des fêtes comme celle qui nous réunit aujourd’hui, dans ce coquet établissement qui dit beaucoup mieux que je ne pourrais le faire l’intelligente initiative d’un éducateur dont la foi agissante égale le profond dévouement à l’enfance.

M. Durot, secondé généreusement par un homme de cœur, ami sincère du progrès, M. Drouard son compatriote, a réussi à faire édifier en quelques mois, dans un site merveilleux, une école de plein air qui a reçu le nom charmant de Nid des Mutualistes scolaires.

L’œuvre n’est pas encore complètement achevée, mais telle qu’elle se présente, elle mérite d’être hautement louée et, mieux encore, d’être encouragée et soutenue.

Nous ne saurions, en ce qui nous concerne, taire notre admiration reconnaissante pour MM. Durot et Drouard qui nous ont permis de donner corps au projet conçu, l’an dernier, avec une entente parfaite, par les mutualités scolaires des XVIIe, XIXe et XXe arrondissements de Paris.

En 1943, nous avons pu offrir une cure d’air de trois semaines à 110 petits mutualistes débiles qui sont rentrés dans leurs familles avec une ample provision de riants souvenirs et de forces nouvelles.

Cette année, ce nombre sera plus que doublé, et nous avons la ferme assurance que notre exemple sera suivi par d’autres mutuelles de l’école, comme le sera certainement celui qu’ont donné MM. Durot et Drouard, à qui j’ai l’agréable mission d’exprimer publiquement la gratitude des enfants et des familles qui ont déjà bénéficié de leur initiative et de leur sollicitude éclairée.

Tous les parents qui sont venus à Montigny et qui ont vu de leurs yeux comment nos colons étaient logés, nourris et éduqués, nous ont adressé des lettres touchantes de remercîments où je n’ai pas relevé une seule note discordante.

Quant aux enfants, ils déclarent qu’ils n’oublieront jamais les soins assidus dont ils ont été entourés et c’est les larmes aux yeux que la plupart d’entre eux ont quitté le Nid des Mutualistes où il faisait si bon vivre.

Aussi bien, comme vous avez pu le constater, ce nid est admirablement placé au pied d’une colline plantée de grands arbres qui l’abritent contre les vents du nord, dans un coin des plus pittoresques de la grande banlieue parisienne, assez éloigné de la capitale pour que l’air y soit pur et réellement vivifiant, assez proche pour qu’on puisse établir facilement, en cas d’urgence, des relations avec les familles.

La salubrité parfaite du lieu, la proximité de la belle forêt de Fontainebleau, de la rivière et du canal du Loing, des promenades magnifiques, de vastes terrains de jeux dans la prairie et sous bois, un parc tout près du Nid, sur le plateau d’où l’on jouit d’une vue splendide, une salle de classe largement ouverte à l’air et au soleil, des dortoirs modernes ornés de peintures murales et abondamment baignés de lumière, un grand réfectoire rustique : tout contribue à faire du Nid des mutualistes un séjour délicieux pour l’enfance, où nos petits Parisiens chétifs pourront venir, dès les beaux Jours, reprendre des forces tout en continuant leurs études, grâce au programme fort bien conçu élaboré par la direction, qui fait à bon droit une large place aux exercices physiques et aux leçons de choses et utilise surtout pour l’instruction des enfants le grand livre de la nature.

Et pour que rien ne manque à la beauté de l’idée qui a inspiré la création de cet asile aimable et déjà tant aimé, ses fondateurs ont eu la délicate pensée d’associer et de faire graver dans la pierre, en face l’un de l’autre, les noms de Jean Cavé et d’Édouard Petit, « ces deux bons compagnons, ces missionnaires de la mutualité a dit excellemment mon ami M. Mironneau, qui ont parcouru la France du nord au sud, de l’est à l’ouest, portant partout la bonne parole, suscitant les initiatives, galvanisant les énergies par la puissance communicative de leur foi profonde ». MM. Durot et Drouard ont tenu aussi à ce que le buste du Père de la mutualité scolaire fut placé à l’entrée de leur établissement, afin que les enfants aient toujours sous les yeux les traits du bon citoyen dont ils ne doivent prononcer le nom qu’avec amour, respect et reconnaissance.

Mon cher Président, vous écriviez l’an dernier dans le Bulletin de notre Union nationale :

« Je ne donne pas dix ans pour que dans toutes les agglomérations urbaines l’enfance qui étouffe aux taudis, aux écoles surpeuplées, doive air, lumière, vigueur à la mutualité scolaire étendue, élargie, englobant des millions d’écoliers et d’écolières qui pratiqueront l’entr’aide sanitaire. »

Sans partager entièrement votre optimisme, je crois fermement avec mon collègue Lépine « au commun essor de la mutualité scolaire et de l’œuvre des colonies de vacances ».

Et il me semble entendre à l’avance, s’échappant dans quelques années des poitrines de plusieurs milliers de nos pupilles, dans un concert unanime de gratitude, ces paroles qui iront tout droit au cœur de leurs anciens maîtres et maîtresses et de tous les bons ouvriers d’œuvres comme celle que nous inaugurons aujourd’hui :

« Alors que nous étions petits, vous nous avez pris par la main pour nous conduire sur le chemin de la prévoyance et de la solidarité.

« En cours de route, vous avez remarqué que nous étions les plus faibles, et, grâce à votre sollicitude affectueuse, nous avons pu nous fortifier pour le voyage de la vie. Vous nous avez procuré des joies réconfortantes, des souvenirs inoubliables. Vous avez épargné bien des inquiétudes à nos familles, bien des larmes à nos mères.

« Nous n’oublierons jamais l’aide précieuse que vous nous avez généreusement prêtée. Nous chercherons à faire pour les autres ce que vous avez fait pour nous et nous nous appliquerons à nous montrer, en tout et partout, des êtres bons, justes et fraternels. ».

  1. Communication faite à la conférence consultative organisée à Montigny-sur-Loing, en 1914, à l’occasion de la fête d’inauguration du Nid des mutualistes scolaires.
  2. Léon Bourgeois, La Politique de la prévoyance sociale, p. 150.