La fin du monde par la science/Préface
PRÉFACE.
Nous le disons tout d’abord, le but de ce livre est de prouver à nos lecteurs, que ce qui a été sera ; car, selon nous, le passé n’est que le miroir de l’avenir.
Dans nos prolégomènes, nous avons cherché à faire comprendre au lecteur, l’origine de cette intuition (ce qui a été sera), c’était à l’occasion d’expériences scientifiques faites sous nos yeux, pendant un cours, hélas trop célèbre ! En voyant ces atomes infiniment petits, produits de la science ; ces fluides invisibles, impondérables ; ces gaz intangibles, produire des effets si terribles, si inattendus ; nous nous sommes demandé si l’homme étendant sans cesse sa domination sur les énergies de la nature, n’amènerait pas fatalement, et malgré lui, une de ces catastrophes dernières qui sont le dernier jour d’un monde.
Nous avons ensuite, dans notre introduction, que nous recommandons à nos lecteurs de ne jamais perdre de vue, car sans elle on ne peut comprendre le sens de ce livre, développé l’éternelle loi du drame humain.
Ces préliminaires une fois bien établis, — nous avons divisé notre ouvrage en trois livres : le présent, le passé et l’avenir, reliés entre eux par une seule et même formule : l’orgueil de la science ce vieux péché du monde, qui a été cause de la chute de l’homme dans le passé, sera encore cause de sa chute dans l’avenir. Cette formule seule répond aux trois mots posés par la philosophie : où suis-je ? d’où viens-je ? où vais-je ?
Dans le livre premier, le Présent, nous avons cherché à prouver que la diffusion des lumières serait une source de progrès indéfinis, amenant une catastrophe certaine.
Dans le livre deuxième, le Passé, nous avons établi, en nous appuyant sur toute l’antiquité religieuse, que le péché originel n’a d’autre sens que l’exagération de la science et de la force, amenant fatalement la chute de l’homme, c’est-à-dire une catastrophe universelle ; aussi, combattons-nous dans ce livre toutes les autres théories émises jusqu’à nous sur le péché originel, et surtout celles de Jean Reynaud et Creuzer. Nous prouvons le peu de valeur de leurs théories si impuissantes, selon nous, pour expliquer le grand drame humain, et, d’ailleurs, complètement en contradiction avec les religions de l’antiquité.
Dans le livre troisième, l’Avenir, la fin du monde, nous avons examiné toutes les théories de l’antiquité sur un si grave sujet, et nous avons cherché à montrer que toutes les religions ont annoncé la fin du monde devant arriver fatalement par l’exagération de la science et de la puissance ; or, comme nous avons prouvé dans le livre premier, le Présent, que l’humanité progressait d’une manière indéfinie : dans le livre second, le passé, que la chute de l’homme avait eu lieu autrefois par l’exaltation de la puissance et de la science, nous pouvons conclure dès aujourd’hui, en voyant les progrès rapides de notre époque, que ces progrès inouïs devront un jour aboutir à une catastrophe planétaire, résultant de l’exagération même de la puissance et de la science de l’homme. Donc, ce qui a été sera, car le passé n’est pour nous que le miroir de l’avenir.
Quel spectacle plus imposant et en même temps plus effrayant que de voir en présence, l’homme, la science et la nature ?
Comment n’être pas saisi d’admiration et d’épouvante en pénétrant dans ces enceintes, où, à la volonté de l’homme, les éléments eux-mêmes répondent chaque jour docilement aux démonstrations de la science ? Combien est grande, cette puissance irrésistible qui tient en sa main les énergies du monde et qui les modère, les dirige, les gouverne, suivant sa volonté ! L’homme n’est-il donc pas dieu, au moins pour ce qu’il sait, pour ce qu’il veut et pour ce qu’il peut ? Et si l’orbe des connaissances humaines va grandissant toujours, la conquête du monde ne doit-elle pas un jour devenir le patrimoine de l’humanité ?
Tel était l’objet de graves réflexions que je faisais pendant un cours sur la compression des gaz, quand un bruit horrible que je n’oublierai jamais, brisa ma pensée ; le sang coulait dans l’amphithéâtre et des cris déchirants se faisaient entendre de toutes parts.
L’appareil à compression venait d’éclater et le corps du malheureux préparateur, lancé à travers l’espace, n’était plus qu’un monceau hideux et sanglant.
Une sueur froide me coula sur le visage. J’avais vécu 1 000 ans en une seconde.
Les derniers temps m’étaient apparus : Jupiter venait de foudroyer Prométhée.
La loi de la palingénésie universelle se révélait en moi ; je la formulerai ainsi :
L’orgueil de la science, ce vieux péché du monde, qui a été sa fatalité dans le passé, le sera encore dans l’avenir.
C’est là tout le sens de ce livre.
Car c’est là tout le sens du péché originel.
INTRODUCTION
Plusieurs cycles humains ont apparu, puis disparu successivement sur la planète.
Les cycles humains vont se renouvelant à l’infini dans l’infini des temps ; la planète existe depuis des millions d’années ; notre cycle historique n’est qu’une seconde dans l’histoire du monde.
Adam, Prométhée, Brahma sont les figures du dernier cycle qui nous a précédés.
Ils sont les prototypes d’une civilisation arrivée à une puissance exagérée, à une science infinie.
Ils sont parvenus à connaître et à dominer, par leur génie, les énergies de la nature ; ils ont joui d’une liberté illimitée et ils en ont abusé.
Ils se sont cru des dieux et ils n’étaient que des hommes.
Ils n’ont pas compris que la fatalité, cette cause de toute ruine en ce monde, grandissait parallèlement à leur puissance et que la catastrophe que leur imprudence préparait sans le savoir, serait en raison directe de leur puissance. Ils croyaient étreindre les énergies de la matière, mais celles-ci leur ont échappé et les ont pulvérisés.
Ils étaient des anges ou plutôt des hommes, jouissant d’une puissance infinie, d’une liberté illimitée ; mais il leur a suffi un jour de se méprendre sur les rapports des forces de l’harmonie universelle pour que tout soit tombé dans le chaos, et Adam, Prométhée, tout ce cycle humain, a disparu d’un coup sous les débris d’une civilisation qu’ils voulaient élever trop haut.
La ruine a été en raison de l’édifice écroulé, elle a couvert le monde pendant 5 000 ans.
Le serpent qui figure dans toutes les religions de l’antiquité et qui embrase les mondes après les avoir séduits, est le symbole de ce désir insatiable qu’a l’homme de tout connaître, tout approfondir, tout dominer, c’est le symbole de l’exagération, de l’orgueil, de la science et de la force qui croît en raison directe des connaissances acquises et qui a fait qu’un jour l’homme a tenté l’impossible et est tombé fatalement.
Il en sera un jour de même de notre cycle. L’homme voudra un jour diriger et gouverner les énergies de la nature, mais il arrivera un moment où il n’en sera plus maître, elles lui échapperont quand il croira le mieux les étreindre, et notre humanité disparaîtra comme le cycle humain qui l’a précédée.
L’infinie liberté, conséquence d’une science exagérée, aboutit nécessairement à l’infinie fatalité.
C’est l’explication rationnelle de ce mythe, le péché originel de l’arbre de la science, que l’antiquité avait su découvrir par la seule force de l’intuition, et qu’elle nous a transmis d’âge en âge par la tradition ; c’est aussi par l’intuition, cette révélation éternelle, qu’elle a su nous prédire, par ses prophètes, la grande catastrophe de l’homme dans l’avenir.
Ô voix intérieure ! instinctive, prophétique, n’est-ce pas toi que j’entends encore éclater de nos jours, — quand à chaque grande découverte moderne l’homme s’écrie avec terreur :
Où allons-nous ?
N’est-ce donc pas là le cri instinctif de l’oiseau qui sent venir l’orage.
Le dernier chant du cygne précurseur de la mort.
Qu’est-ce donc que la vie ?
La lutte éternelle de la liberté contre la fatalité et le triomphe définitif des forces brutales de la nature sur la liberté humaine.
Voilà tout son sens.
C’est le mythe de Brahma se dévorant les orteils, le mythe du serpent se dévorant la queue.
Comment la conception du péché originel et de la chute de l’homme est-elle arrivée jusqu’à notre cycle à travers le dernier cataclysme ?
Nous allons essayer de vous le faire comprendre : ou bien l’on peut admettre que le cycle d’Adam ne disparut pas tout entier, que quelques-uns des hommes ayant appartenu à cette civilisation inouïe furent sauvés, comme par miracle, de cette grande catastrophe, et qu’ils racontèrent à quelques peuples sauvages, échappés comme eux à la ruine générale et qui étaient restés complètement étrangers à l’ancienne civilisation, l’histoire du drame humain. Ils leur dirent : que l’humanité avait joui autrefois d’une puissance et d’une liberté presque divines, et que, plus tard, enorgueillie de sa science et de sa force, elle était tombée victime de sa témérité, en déchaînant contre elle les énergies de la nature ; mais comme la vérité ne pouvait être révélée à ces hommes grossiers sous les formes du langage ordinaire, ils employèrent les mythes et les symboles pour mieux la leur faire comprendre et retenir. De là, le mythe du péché originel de l’arbre de la science du fruit défendu, comme explication du grand drame humain, mystère insondable que personne n’avait su expliquer d’une manière rationnelle avant nous.
Ou bien l’on peut admettre que le cycle humain qui apparut sur le globe après le dernier cataclysme, sut découvrir la cause de la chute de l’homme par la seule force de l’intuition cette lumière du génie.
En effet, qu’on le remarque, l’intuition, qui aujourd’hui n’est qu’un mot pour bien des gens, trouvera plus tard sa formule et son mode d’évocation quand le fluide magnétique, cette énergie de la foi et de la volonté, nous sera mieux connu.
Quant à nous que cette conception du péché originel et de la chute de l’homme ait eu lieu, soit par une révélation humaine, soit par la seule force de l’intuition, au seul spectacle d’une nature bouleversée ou à l’aspect des ruines gigantesques de Karnak ou de tout autre cité, peu nous importe.
Nous ne nous sommes attachés dans ce livre qu’à une seule chose, à interpréter, expliquer, formuler le grand fait du péché originel, le mythe de l’arbre de la science et du fruit défendu.
Rien de plus, rien de moins.
Qu’on cherche à expliquer autrement que nous le faisons nous-mêmes, le mythe de l’arbre de la science et de la chute de l’homme.
On parlera vainement pour ne rien dire.
Si le mythe de l’arbre de la science et de la chute de l’homme ne veut pas signifier une civilisation exagérée, une science immense, inouïe, comme son nom l’indique ; aboutissant fatalement à une catastrophe universelle il ne peut avoir aucun sens.
C’est pourquoi je défie tous les philosophes, tous les historiens, tous les savants du monde, de pouvoir expliquer ce mythe d’une manière plus rationnelle que je vais tenter de le faire dans ce livre.