La foi des hommes

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Traduction par Paul Wenz, Georges Dupuy.
(p. 19-30).

LA FOI DES HOMMES


— Je vais vous dire ce que nous allons faire : nous allons jouer ça aux dés.

— À votre idée, alors ; moi, ça me va ! répondit l’homme à qui cette proposition venait d’être adressée.

Puis, se tournant vers l’Indien Innuite, tout tanné, tout ravagé, qui raccommodait des raquettes de neige dans un coin de la cabane, il l’interpella d’une voix joyeuse et rude tout à la fois :

— Hé là ! toi, Billebedam, sauve-toi jusqu’à la cahute d’Oleson, comme un brave garçon, et demande-lui de nous prêter ses dés et son cornet. Ne perds pas de temps.

Cette soudaine requête, tombée comme une bombe au milieu de graves discussions relatives aux salaires des hommes travaillant sur le placer, ainsi que sur la question du bois et des provisions, surprit quelque peu le placide Billebedam. Il était encore de bon matin, d’autre part, et Billebedam, pourtant accoutumé depuis quatre hivers aux étranges façons des gens qui avaient, petit à petit, envahi ce territoire vierge, n’avait jamais vu de « white men » du calibre de Pentfield et d’Hutchinson jouer aux dés avant la fin de la journée. Mais sa face resta impassible, comme celle de tout bon Indien du Yukon. Il enfila ses mitaines et sortit dans le grand froid.

Bien que le réveille-matin marquât neuf heures, il faisait encore nuit dehors. La cabane de troncs de sapin était éclairée de deux chandelles enfoncées dans des goulots de bouteille à whisky et posées au milieu d’une petite table aux planches dressées à la hache. Quelques assiettes de fer-blanc, grasses des reliefs du « breakfast », entouraient les rudimentaires candélabres habillés d’innombrables stalactites de suif. La petite chambre, qui composait toute l’habitation, se révélait aussi mal tenue que la table. À un bout, contre la muraille aux interstices bouchés de glaise et de mousse, deux couchettes de toile, l’une au-dessus de l’autre, supportaient tout un désordre de couvertures et de fourrures, attestant du hâtif lever des hôtes.

Lawrence Pentfield et Corry Hutchinson étaient deux millionnaires du Klondike de 1898, bien que n’en ayant pas le moins du monde l’apparence ! Vous les eussiez tout aussi bien pris pour des bûcherons du Montana ou des ouvriers du railroad Union-Pacific. Cependant, par le jour blafard qui commençait à poindre, dans le creux d’une étroite vallée, à leurs pieds, et sur la surface même d’un ruisseau gelé à bloc, on pouvait compter beaucoup de trous noirs, surmontés de treuils. Quarante hommes travaillaient dans le fond de ces puits et remontaient à chaque minute le gravier « payant » et les pépites d’or, à pleins seaux. On payait ces ouvriers quinze dollars par jour en leur assurant abri et nourriture. Des milliers et des milliers de dollars d’or pur étaient ainsi grattés, égratignés, des parois glacées, et tout cela appartenait à Pentfield et à Hutchinson, « rois du Bonanza ».

Pentfield, silencieux depuis un instant, empila soudain l’une sur l’autre les assiettes sales qui rendirent un son de ferraille ; puis il se mit à battre avec ses poings maigres, sur le bois de la table, une sorte de « tattoo » africain, à temps pressés, tout en regardant fixement devant lui. Hutchinson, de son côté, moucha l’une des chandelles du pouce et de l’index, sans trop savoir ce qu’il faisait.

By Jove ! Je voudrais bien que nous puissions nous en aller tous les deux ! s’exclama-t-il tout à coup.

Pentfield posa sur lui un regard sévère.

— Si votre sacrée obstination ne venait pas toujours se mettre en travers des choses, dit-il, il y a longtemps que ce maigre détail serait réglé ! Tout ce que vous avez à faire, entendez-vous, c’est d’atteler les chiens et me flanquer votre camp ! C’est à vous que cela revient de droit. Je surveillerai bien la mine tout seul. Et, l’année prochaine, ce sera à mon tour d’aller un peu voir le monde civilisé.

— Mais pourquoi donc partirais-je, moi ? rétorqua Hutchinson. Personne ne m’attend…

— Pardon : vos parents, dit brusquement Pentfield.

— Comme vous, alors ; avec cette différence que je n’ai pas de fiancée, cher Lawrence.

Pentfield leva les épaules.

— En tout cas, elle peut attendre, dit-il.

— Pauvre chose ! Elle a attendu deux ans, pas moins…

— Bah ! Une autre année ne la vieillira pas au point de la rendre méconnaissable.

— Trois ans. Cela fera trois ans ! Réfléchissez-y, mon vieux. Trois ans dans ce coin de la terre, dans ce damné coin de tristesse, de privations, de misères sans noms !

Hutchinson, ce disant, leva un bras en l’air et articula une sorte de grognement qui fit sourire Pentfield malgré lui.

Corry Hutchinson était de quelques années plus jeune que son partenaire. Il avait tout au plus vingt-six ans. Son visage aux traits réguliers, énergiques, reflétait une visible ardeur de vivre. On sentait que cela avait dû lui être dur de se faire à la farouche et monotone existence des chercheurs d’or de l’arctique. Pentfield, sans doute, devait avoir plus de force d’âme ; il prit une voix menue et railleuse pour exaspérer encore la véhémence d’Hutchinson :

— Mon cher, j’ai rêvé, l’autre nuit, que j’étais à San-Francisco, chez Zinkand. L’orchestre jouait une valse langoureuse ; on entendait le choc cristallin des verres à haut pied ; la salle où je me trouvais était pleine de rires, de belles toilettes, de belles épaules ; j’étais en frac et je commandais au maître d’hôtel, obséquieusement penché vers moi… devinez un peu quel menu ? Des œufs, monsieur, des œufs frits à la poêle, des œufs brouillés, des œufs aux pointes d’asperges, des œufs de toutes les manières, et je les engloutissais au fur et à mesure de leur apparition !

— Tonnerre ! éclata Hutchinson, mais vous n’avez donc pas eu le bon sens d’ordonner, avec cela, un énorme steak, bien à point, avec deux ou trois sortes de salades, et des oignons verts, et des radis, et des raves à peau noire dans lesquelles les dents enfoncent avec un petit crissement ?

— Si, si ! vous pensez bien que j’avais commandé tout cela, mais je me suis réveillé avant qu’on les apporte, répliqua Pentfield.

Sur ces mots, il décrocha un vieux banjo qui pendait près du poêle, sous deux carabines, et se mit à en pincer les cordes avec beaucoup de minutie.

— Oh ! je vous en prie ! supplia Hutchinson, ne jouez pas cette ballade, vous me rendriez fou !

Pentfield jeta le banjo sur l’un des lits et chantonna à mi-voix, les yeux clos :


Entends mon murmure luxurieux… Je suis
Ce vers quoi le Faible, sans l’avouer, aspire ;
Je suis le Souvenir et je suis le Tourment ;
Je suis la Ville !
Je suis tout ce qui se ment, le soir, dans les lumières.

Fleurs, habits noirs, diamants, sourires d’amour…
À suivre.

Hutchinson avait attiré un tabouret et s’était affalé sur la table, la figure cachée dans l’angle de son coude. Il lui sembla qu’on grattait à la porte. Il releva la tête. Un grand nuage blanc de froid entrait du dehors. Dans cette vapeur glacée apparut Billebedam qui posa près de lui cinq dés et un crasseux étui de cuir en disant :

— Um beaucoup froid. Oleson parlé moi. Um dit Yukon gelé hier soir.

— Vous entendez cela, vieux fellow ! s’écria Pentfield en tapant sur l’épaule de son compagnon. Allons-y donc ! Celui qui gagne prend le sentier pour le pays de Dieu dès demain matin. Le Yukon est pris. On peut voyager en traîneau jusqu’à Skagway où l’on ne manquera pas de trouver un des confortables steamers de la Pacific Coast Company.

Il introduisit les dés dans le cornet et les secoua.

— D’abord, qu’est-ce que nous faisons ? Poker d’as pur et simple ?

— Poker d’as pur et simple, approuva Hutchinson.

— Tirons.

Pentfield lança un dé, à la main, et amena sept. Le même essai, par Hutchinson, donna une dame.

— À vous, Corry, dit Pentfield, cependant qu’il bourrait sa pipe avec de grosses lamelles de tabac en plaque, coupées au canif.

Les dés roulèrent sur la table rugueuse.

— Une paire aux rois, un valet, un sept ! annonça Hutchinson. Lawrence, vous ferez sortir beaucoup mieux que ça, j’en suis sûr !

En joueur rompu à ce jeu, d’un élégant mouvement du poignet, Pentfield étala un dix et quatre rois.

— La première manche à vous, partner, et l’honneur de continuer.

Un grand silence se fit. Sur un signe de Pentfield, l’Indien lui présenta une courte tige de fer dont l’extrémité avait rougi dans le poêle ; on entendit deux ou trois puissants smacksmack…, le grésillement du tabac, puis Lawrence rendit précautionneusement le tisonnier au vieil Innuite.

De son même geste de tout à l’heure il lança les dés. La main donna quatre huit et as.

— Très beau, murmura Corry en rassemblant le jeu.

Il secoua longuement l’étui dans tous les sens, la paume de sa main bouchant l’orifice.

— Allez donc ! dit Pentfield, impatienté.

Le joueur versa lentement le contenu du cornet.

— Cinq as ! annonça-t-il, calmement. À moi la seconde. Égalité. La belle, maintenant.

Corry Hutchinson exhala un soupir et sema les dés d’un seul coup. Il y avait valet, trois rois et as, mais cet as se tenait en équilibre sur un angle, retenu dans une anfractuosité de la table.

— Cassé ! s’écrièrent-ils presque ensemble. À refaire !

Le joueur, cette fois, prit son temps, remua doucement les cubes d’ivoire à sept ou huit reprises et les laissa tomber dans un espace restreint.

— Oh ! là ! s’exclama Pentfield ; diable ! cinq rois ! quelle extraordinaire veine : C’est vous qui partez, old chap !

Et il tendit sa main rugueuse à Hutchinson, par-dessus la table. Mais l’autre lui repoussa le bras :

— Pas du tout ! Je vous en prie, jouez à votre tour ! Vous pouvez amener mieux ou faire dead-heat avec moi. Allons !

D’un mouvement nerveux, Pentfield envoya tout le poker sur la table. Un dé tomba à terre. Il recommença.

Ce fut un coup pitoyable : un neuf, trois sept, un huit…

Le perdant eut aussitôt un nerveux accès de rire. Corry le regarda avec effarement. Mais ce fut court. Pentfield revint vers son ami et posa sur ses épaules deux mains brûlées par les intempéries boréales, mais de forme aristocratique.

— Allons, lui dit-il en le regardant dans les yeux, ne protestez pas, Corry ; je devine tout ce que vous pensez, à cette minute. Que vous resteriez bien à ma place et me laisseriez partir, hein ? Oui… ne dites rien. Vous avez vos vieux parents à visiter à Detroit et cela règle la question. De plus, vous pouvez faire pour moi exactement ce que j’aurais voulu faire moi-même si le sort m’avait désigné…

Dans le regard des deux hommes un éclair s’échangea. Hutchinson souriait.

— Exactement, dit Pentfield, c’est cela… Vous la ramènerez avec vous, sans autre cérémonie. Nous nous marierons à Dawson, voilà tout. C’est évidemment moins « select » que San-Francisco, mais…

— Un instant ! interrompit Corry Hutchinson. Je n’y avais pas songé… Sera-t-il très convenable que je l’amène, comme cela, dans ce camp ?… Nous ne sommes pas frère et sœur ; je ne l’ai jamais vue. Et de voyager ensemble… Naturellement, je suis un homme d’honneur ; ensuite, j’ose le croire, votre meilleur ami. Mais, enfin… les gens sont si stupides…

Ici, Pentfield prononça un terrible juron signifiant — au moins — qu’il avait autant souci de l’opinion des gens que de ce qui se passait chez le diable.

— C’est fort joli, Lawrence, et tous mes compliments ! Mais si vous vouliez être un peu plus civil, et me faire la faveur de me laisser parler en paix un moment, vous apprendriez que la chose la plus plausible en même temps que la plus loyale que je puisse faire en une telle occurrence, c’est vous envoyer au Sud cette année. L’année prochaine est seulement à un an de distance, comme on dit, et alors je pourrai prendre l’essor, à mon tour.

— Je ne le veux pas, Corry, mon cher ami. C’est catégorique. Il est inutile que vous insistiez. Je rougirais de honte à chaque fois que je penserais à vous, trimant comme un mercenaire, ici, à ma place !

Soudain il eut un petit sursaut du corps comme un homme que vient de frapper une lumineuse idée. Il extirpa de sa couchette, après en avoir bousculé les couvertures et les peaux de loup, un vieux bloc-notes et quelques enveloppes froissées. Puis il prit une plume et un encrier sur une étagère et, s’asseyant à la table, écrivit une dizaine de lignes rapides.

— Voici qui simplifie tout, fit-il. Remettez cette lettre à son adresse.

Hutchinson prit la feuille ouverte et lut chaque mot avec soin.

— Comment savez-vous que son frère consentira à l’accompagner dans ce dur voyage ? demanda-t-il.

— Oh ! il le fera pour moi, — et pour sa sœur, affirma Pentfield. Vous savez, c’est un tenderfoot, un peu nigaud et timide, et je ne l’aurais pas confiée à lui seul. Mais, avec vous comme chef de route, je sais que tout ira en fort beau style. Donc, pour commencer, vous irez la rencontrer et la préparer à ce petit événement de sa vie. Ensuite, vous partirez d’un pied leste chez votre maman, dans le Michigan ; et, quand vous en reviendrez, la sainte famille sera prête à prendre le paquebot. Vous l’aimerez comme votre sœur, du premier coup, vous verrez, je le sais ! Elle charme tous ceux qui l’approchent.

Ce disant, il tira sa montre, un chronomètre d’or portant ses initiales serties de pierres fines, et, d’une pression du pouce, ouvrit l’une des cuvettes. Une photographie de ton chaud en ornait le fond. Corry Hutchinson la contempla avec admiration, par-dessus l’épaule de Pentfield.

— Elle se nomme Mabel, dit celui-ci, d’une voix lente. Aussitôt que vous débarquerez à Frisco, hélez un cab et dites tout simplement au cabby. « Chez le juge Holmes, Myrdon Avenue. » Vous y serez mené directement… Et, pendant que j’y pense, continua Lawrence Pentfield, ce ne serait pas une idée si bête, qu’en pensez-vous, de m’acheter quelques petites choses…

— Un homme marié doit avoir son outfit, déclara sentencieusement Corry.

— Évidemment ! Il va nous falloir des nappes, des serviettes, des draps, des oreillers, que sais-je encore ! Enfin vous lui demanderez le détail… Aussi un beau service de porcelaine fine à filets d’or… Je vous ouvre un crédit d’un vingtaine de mille dollars. Prenez bien tout ce qu’il faut. Vous fréterez le tout par steamer et nous pourrions avoir cela à Dawson, en juillet prochain, par les steamboats de rivière… À moins que vous ne voyiez intérêt à ce que tout le lot passe par la Behring ?… Ah ! et puis, qu’est-ce que vous diriez d’un piano ?

Hutchinson trouva que c’était indispensable. Ses appréhensions s’étaient évanouies et il s’échauffait, tout à l’honneur de sa mission.

— Tonnerre ! Lawrence, s’exclama-t-il, comme tous deux se levaient, les recommandations faites, je vous amènerai cette petite « mistress Pentfield » avec le confort d’un limited de luxe ! Elle ne souffrira de rien. Dès que nous aurons touché l’Alaska, je serai le chef cuisinier ; je m’occuperai des chiens, des traîneaux ; tout ce que son frère aura à faire sera de lui tenir compagnie et me signaler ce que j’aurai pu omettre. Je ne crois pas, toutefois, que j’oublierai beaucoup de choses, c’est moi qui vous le dis !

Le lendemain, Lawrence Pentfield serrait avec effusion les mains de son ami. Il le vit disparaître dans le matin gris, derrière ses chiens, vêtu de fourrures, tenant les deux courts brancards du traîneau à la façon d’une charrue, sautant, d’un balancement du corps, sur les grosses mottes de neige. Un dernier claquement de fouet sonna dans la distance et la forme d’Hutchinson s’évanouit.

Pentfield retourna seul à sa mine qui lui apparut plus que jamais noire et triste. Il soupira à la contemplation de l’implacable hiver abattu sur toutes choses. Il avait devant lui beaucoup de travail, des hommes à surveiller, de minutieuses recherches à diriger vers la problématique « veine payante », mais son cœur n’était pas à la tâche. Son cœur, envahi par la sombre nuit arctique, ne connut un peu d’aise que lorsque quatre charpentiers eurent posé, sur un petit tertre élevé, en retrait des travaux, les premiers troncs de mélèze destinés aux murailles d’une « maison confortable » qui attendrait la venue de Mabel. Son contremaître et lui avaient tracé les plans de l’habitation ; elle comportait trois pièces spacieuses, un « parlour », la cuisine-salle à manger et la chambre, qui serait tendue de cotonnade et tapissée de fourrures rares. Chaque tronc devait être soigneusement équarri, avec des encoches bien exactes, afin d’éviter toute infiltration d’air. À chacun des hommes employés à la construction, Lawrence allouait un salaire de quinze dollars par jour et rien ne pouvait être achevé avant deux mois, à cause de la neige, des intempéries et de la difficulté de trouver des arbres sains et droits qu’il fallait aller abattre et ébrancher, haut dans la montagne.

Chaque matin, à son réveil, Pentfield rayait d’un trait de crayon le jour qui venait de poindre, calculant mieux ainsi le temps qui le séparait du retour d’Hutchinson.

Corry avait promis d’être là avant les dernières glaces de printemps. C’était loin encore…

La maison fut terminée un dimanche matin. Son plancher neuf, l’écorce pelée des cloisons, l’emplissaient d’une senteur douce et fine. Pentfield pensa que Mabel aimerait cette odeur de pin balsamique. Il assujettit un gros cadenas à la porte. Nul autre que lui n’avait le droit d’entrer là. Il y passait des heures et redescendait à la mine avec des joues rouges et un regard brillant de rêves encore vivaces.

Vers le milieu de décembre, Pentfield reçut une lettre de Corry Hutchinson. Celui-ci venait de visiter Mabel Holmes. Elle était bien digne d’être la femme de Lawrence, écrivait-il. C’était une créature charmante, ses parents fort aimables, etc. Cette lettre rendit Lawrence heureux pour plusieurs semaines. En janvier, deux autres lettres lui arrivèrent ensemble à cause, sans doute, de la pénurie de traîneaux postaux, à Skagway et à Dyea. Puis une quatrième, la semaine suivante. Elles étaient toutes aussi enthousiastes, aussi amicales. Corry revenait juste de Myrdon Avenue ; Corry était juste sur le point de se rendre à Myrdon Avenue ; ou Corry était à Myrdon Avenue. Et il disait ses rencontres à San-Francisco, omettant toutefois de parler du voyage à Detroit, pays de sa famille.

Lawrence Pentfield se prit à penser que son associé demeurait tout de même bien longtemps en compagnie de Mabel Holmes, pour un homme qui allait revoir ses parents dans l’Est ! Il se surprit même à éprouver — à de rares instants — quelque inquiétude… mais, bah ! ne connaissait-il pas à fond Mabel et Corry ? Les lettres de Mabel, de leur côté, ne tarissaient pas d’éloges sur Hutchinson, si aimable, si prévenant. Mais elle émettait quelques craintes pudiques, à son tour, sur les difficultés et tout l’imprévu de ce raid en traîneau, sur la glace, ainsi qu’au sujet de leur rapide mariage à Dawson. Là-dessus, Pentfield répondait en toute bonne humeur, riant de ses alarmes et l’assurant tout au moins d’une absolue sécurité, grâce à Corry, un second lui-même.

Malgré tout, ce long et morne hiver du Klondike, qu’avaient précédé pour lui deux autres hivers semblables, commençait à peser sur son âme. La surveillance du champ de placer, avec ses trous noirs et ses amas de neige, et la poursuite du filon capricieux n’arrivaient plus à chasser sa mélancolie. Vers les premiers jours de février, Lawrence fit quelques voyages à Dawson, cherchant à s’étourdir autour des tables de roulette et de faro. Parce qu’il pouvait perdre, il gagnait, et la « veine de Pentfield » devint bientôt une chose proverbiale dans le clan des joueurs hirsutes et fatalistes. La chance resta avec lui jusqu’au milieu du mois. Combien de temps lui aurait-elle souri de façon aussi constante ? On ne peut là-dessus que conjecturer, car, après un très gros gain, certain soir, il s’abstint à jamais de jouer.

La chose eut pour théâtre l’Opera-House. Pendant une heure d’horloge, il sembla que Pentfield ne pouvait placer son sac d’or sur une carte sans rafler immédiatement tout le tableau. Vers la fin d’un coup, alors que le croupier-propriétaire, Nick Inwood, le servait d’un air détaché, celui-ci dit tout à coup, dans le silence :

— À propos, Pentfield, j’ai vu dans les journaux, arrivés ce matin, que votre partenaire, Hutchinson, ne s’ennuie pas du tout, de l’autre côté.

— Je ne suis guère en peine de Corry, repartit Pentfield. Il a bien raison de s’amuser s’il le peut. D’autant mieux qu’il l’a bien gagné !

— Tous les goûts sont dans la nature, remarqua Inwood ; seulement, entre s’amuser et prendre femme, ajouta-t-il en ricanant, il y a une différence !…

— Quoi ? Corry est marié ? s’exclama Lawrence, un peu étourdi de l’information.

— Parfaitement, dit Inwood. Je viens de voir ça tout à l’heure dans un journal de San-Francisco.

— Ah bah ! prononça Pentfield, avec une indifférence affectée. Et quelle est l’heureuse miss, — ou mistress… ?

Nick Inwood sortit de sa poche un journal bariolé, l’étala sur la table et se mit à en tourner les pages, une à une.

— Attendez… Je n’ai pas une mémoire spécialement remarquable en ce qui concerne les noms propres… mais il me semble que c’est quelque chose comme Mabel… Mabel… Voici : Miss Mabel Holmes, fille du juge Holmes, de la rue chose… etc., etc. Tenez, mon vieux, voyez vous-même.

Lawrence ne prit pas le journal ; il n’eut pas un frémissement dans les muscles du visage, pas un battement de paupière. Une petite douleur immédiate, cependant, lui vint de ce que ce nom, jusqu’alors chéri de lui seul, ait pu être prononcé à haute voix dans un tel bouge. Il regarda calmement les joueurs, puis Inwood, dans l’espérance de découvrir sur leurs faces rudes le signe d’une possible mystification.


Matel pâlit et Dora s’avança vers lui : « Qu’avez-vous, Lawrence ? »
demanda-t-elle, en lui posant la main sur l’épaule.

Mais rien de semblable ne se révéla. Alors, il se tourna vers le tenancier du faro

et prononça, en termes froids et mesurés :

— Inwood, j’ai ici, dans mon sac, cinq cents dollars d’or pur pour parier que ce que vous venez de dire n’est pas imprimé sur ce papier. Inwood le regarda avec surprise.

— Allez-vous-en, enfant ! je ne veux pas de votre argent !

— C’est bien ce que je pensais, dit doucement Pentfield en jetant négligemment sur la table une poignée de jetons.

Une rougeur monta aux joues du croupier, qui, comme en doutant de ses propres sens, déplia à nouveau le journal qui traînait sur une chaise ; puis, interrompant délibérément la partie, il dit à Lawrence, nerveusement :

— Dites donc, homme, je ne puis vous permettre ça, vous savez !

— Me permettre quoi ?

— Vous permettre d’insinuer que j’ai menti, comprenez-vous ?

— Je n’insinue rien, rétorqua Pentfield. Je prétends seulement que vous cherchez à faire montre de beaucoup d’esprit…

— Faites vos jeux, messieurs, annonça calmement Inwood.

Et regardant Pentfield dans les yeux :

— Vous êtes un peu jeune pour me faire tourner en bourrique, je vous en préviens, Pentfield !

— Et je suis assez vieux, cependant, repartit celui-ci, pour jouer les cinq cents dollars que voici contre… vos mauvais yeux, si vous voulez.

Ce disant, il posa sur la table un long sac de peau d’élan, lourd de pépites d’or.

— Je regrette, mais j’empoche votre argent, mon garçon, fit Inwood, triomphalement, en lançant devant Lawrence le San Francisco Chronicle.

Le malheureux, interloqué, les tempes lui battant à grands coups, parcourut avidement toutes les lignes de la page, jetant un regard rapide sur les titres en gros caractères et, soudain, les noms de Mabel Holmes et de Corry Hutchinson, accouplés, lui sautèrent aux yeux, au haut de la dernière colonne.

— J’ai perdu, déclara Pentfield, en souriant. Cet Hutchinson, une fois lâché, ma parole ! est capable des pires choses !

Il se mit alors, dans un coin de la salle, à la clarté d’un lumignon, à relire mot pour mot la prose mondaine : « L’un des rois du Bonanza, associé là-bas avec Mr  Lawrence Pentfield, que la society californienne n’a pas encore oublié, et intéressé avec ce gentleman dans d’autres propriétés minières du lointain Klondike, vient d’épouser miss Mabel Holmes. » Et plus loin : « On dit dans leur entourage que Mr  et Mrs  Hutchinson, à titre de lune de miel, entreprendront le rude voyage du Grand Nord, après une rapide visite aux parents du jeune marié, à Detroit, Michigan ».

— Je vais revenir, boys, gardez ma place ! dit vivement Pentfield, en reprenant son sac, allégé des cinq cents dollars gagnés par Inwood.

Il sortit, longea un instant le trottoir bondé de neige et acheta chez un fruitier-barbier-libraire un journal de Seattle. Celui-ci contenait exactement la même information, bien qu’un peu plus condensée. Corry et Mabel, indubitablement, étaient mari et femme. Lawrence retourna à l’Opera-House, repris son tabouret, et, sans hésitation, demanda le banco.

— Vous voulez voir si votre vieille main a tourné ? questionna Inwood avec un gros rire. Ma foi ! je me disposais à aller m’acheter des mocassins à la « A. C. ». mais je vais tout de même rester pour vous voir ramasser une bonne culotte. Hein ! Ce serait votre tour ?

Mais le tenancier avait mal prévu, car, au bout de deux heures de jeu, il annonça, en coupant entre ses dents la pointe d’un nouveau cigare, que Mr  Lawrence Pentfield avait, pour le présent, entièrement drainé la banque.

Lawrence passa ses jetons, encaissa quarante mille dollars, serra la main d’Inwood et l’informa qu’il ne jouerait plus à sa table de faro ni à aucun autre jeu d’argent durant les jours qui lui restaient à vivre.

Personne ne sut ni ne supposa jamais que Pentfield venait d’être frappé d’un coup particulièrement rude. Il n’y eut aucun changement apparent dans sa façon de vivre. Durant une semaine il vaqua à son travail avec la même exactitude, prenant les mêmes peines, accomplissant les mêmes devoirs, jusqu’au matin du dimanche où un prospecteur, qui s’était reposé un instant dans sa cabine, lui donna un journal de Portland-en-Orégon. Le compte rendu du mariage de Corry et de Mabel s’y étalait en première page. Alors il demanda à l’un de ses voisins de prendre charge de la mine pendant quelque temps, attela ses chiens et partit pour le haut Yukon. À l’embouchure de la White Hiver, qui présentait à angle droit son boulevard de glace, il tourna. Au bout de cinq jours de marche, Lawrence arriva à un camp de chasse d’Indiens Pelly. Là, il y eut grande fête, le soir, en son honneur. Il fut convié à s’asseoir à la droite du chef et partagea le potlach avec la pauvre tribu. Le lendemain, de bonne heure, il poussait sa meute vers l’endroit d’où il était venu. Seulement, cette fois, il ne voyageait pas seul. Une jeune squaw, qu’il ramenait avec lui, prenait soin des chiens et lui aida à planter la tente au premier soir d’étape. Cette Indienne avait eu le flanc déchiré par la patte d’un ours, alors qu’elle était enfant ; elle en gardait une démarche assez heurtée et pénible. Elle se nommait Lashkà. Le shaman de la tribu venait de les unir dans le mariage avec les rites rapides et quelque peu barbares des Innuites du Nord. À présent, passive, inquiète, non du fait d’être désormais la chose de cet homme blanc, mais à la vague perspective de l’inconnu qui s’ouvrait devant elle, Lashkâ s’en allait avec son époux vers les richesses du Bonanza.

Après tout, cette pauvre fille, digne et active, malgré son infirmité, n’était pas, peut-être, un si mauvais lot pour lui, avait pensé Pentfield. Aussitôt qu’ils eurent atteint Dawson, un pasteur les bénit officiellement en se servant du dialecte chinook pour s’adresser à la squaw, humble et troublée. Dawson, traversé vite, resta dans l’esprit de Lashkâ comme une extraordinaire féerie. Puis Pentfield l’installa dans la grande maison neuve emplie d’agréables odeurs d’essences, sur le haut du coteau, devant le champ de placer.

Neuf jours passèrent. Les hommes du district, les notabilités de la capitale du Klondike, restèrent bien un peu stupéfaits d’un tel acte de la part d’un gentleman accompli comme l’était Lawrence Pentfield ; mais, après tout, chacun doit savoir diriger mieux que quiconque ses propres affaires et nul n’osa commenter — au moins devant l’intéressé — cette union assez étrange. Au reste, Pentfield, dès le premier jour, cessa toutes relations avec les quelques mineurs qui étaient entrés dans le pays accompagnés de leurs femmes.

Il ne reçut plus de nouvelles de l’extérieur. On disait, dans le Yukon Nugget que six traîneaux chargés de lettres et de paquets postaux s’étaient perdus dans une tourmente de neige, à Big Salmon. Et Pentfield savait qu’à cette époque, Corry Hutchinson et sa femme voyageaient déjà dans l’intérieur de l’Alaska, en route pour la mine, en route pour ce voyage de noces dont il avait tant rêvé, au long des jours, au long des nuits, pour lui-même…

Avril approchait de sa fin lorsque, par un joli matin de printemps, égayé d’éclats de soleil sur la lande, Lashkâ demanda la permission de descendre le ruisseau avec les chiens jusqu’à la hutte de l’Indien Siwash Peter. La femme de Siwash Peter, venue de la tribu de la rivière Stewart, lui avait mandé que son nouveau-né était gravement malade. Lashkâ passait pour posséder une certaine science des troubles infantiles. Pentfield lui proposa obligeamment de l’accompagner. Il harnacha les chiens et ils prirent ensemble le sentier, sur le lit de Bonanza.

Le printemps, réellement, naissait. Le froid était beaucoup moins intense. On entendait déjà des gazouillis d’eau vive sous les masses de neige qui bloquaient les torrents. Les terribles tenailles de l’hiver se desserraient. En passant près d’une cassure béante où miroitait de l’eau verte, légèrement couverte de vapeur, Pentfield entendit soudain le carillon minuscule d’un team attelé en éventail et qui venait au trot.

Presque aussitôt, deux longues sleighs, tirées chacune par huit chiens suants et harassés, apparurent, à la queue leu leu.

L’allure, la voix et la façon de mener de l’homme qui marchait devant le premier traîneau, tenant le gee-pole[1] d’un poing ferme, apparurent très familières à Pentfield, au premier regard. Cet homme était Corry Hutchinson. Derrière lui se tenaient deux femmes emmitouflées de fourrures. Pentfield arrêta sa meute et attendit. Il était content que Lashkâ fût avec lui, bien que le cœur lui battît à se rompre. En vérité il n’aurait pas souhaité de plus favorables circonstances pour cette rencontre. Qu’est-ce que Corry allait pouvoir lui dire ? Quelles explications ? Quelle attitude garderait-il ? Quant à lui, il était bien décidé à n’expliquer quoi que ce soit sur son compte. C’était à eux d’expliquer, d’abord…

À dix pas, Corry arrêta ses bêtes d’un « Hou-ou ! » sonore et, un bon sourire illuminant sa face, il marcha vers Pentfield, la main tendue.

— Hello ! vieux Lawrence, comment allez-vous ?

Pentfield serra cette main assez mollement et ne sut trouver un seul mot de réponse à l’affectueuse interpellation. À ce moment les deux femmes descendirent du second traîneau. Il remarqua que la plus petite était Dora Holmes, une sœur cadette de Mabel. Il retira poliment sa casquette fourrée dont les deux cache-oreille flottaient, serra les mains de Dora et se tourna vers Mabel. Elle demeurait immobile, accoudée au traîneau, magnifiquement belle et toute rose de l’air du chemin. Il n’osa aller vers elle. Il eut cependant envie de demander : « Comment vous portez-vous, mistress Hutchinson ? » mais il ne prononça pas cela. Ce qu’il put articuler fut seulement : « Comment allez-vous ? »

Toute la consternation, le trouble et le malaise imaginables se peignirent soudain sur les visages des nouveaux arrivants. Mabel pâlit et Dora, désagréablement impressionnée par une telle réception, s’avança vers lui :

— Qu’avez-vous, Lawrence ? demanda-t-elle, en lui posant la main sur l’épaule.

Mais déjà Hutchinson avait empoigné son associé par la manche et l’avait attiré à l’écart.

— Ah çà ! Pentfield, êtes-vous devenu fou ? Que signifient ces manières étranges ?

— Je me demande, à mon tour, répondit Pentfield, quel est votre droit de me questionner ainsi ?

— Comment ! s’exclama l’autre. Et cette squaw sur votre sleigh… Que fait-elle là ? De qui est-elle la squaw ? Comment vais-je expliquer des choses de ce genre ?

— Vous n’avez rien à expliquer, monsieur, dit Pentfield, en haussant la voix. Cette squaw est ma femme. Mistress Pentfield, je vous prie, est le nom qu’elle porte.

Corry Hutchinson ouvrit la bouche comme quelqu’un qui étouffe. Pentfield, redevenu maître de lui, s’était rapproché des deux femmes et, s’adressant à Dora, il demanda avec sa gentillesse coutumière :

— Et comment avez-vous supporté le voyage, dites-moi cela ? Avez-vous pu, au moins, dormir chaudement ?

Et il ajouta, avec déférence, se tournant vers Mabel :

— Et comment mistress Hutchinson a-t-elle trouvé nos régions sauvages ?

— Oh ! mon Dieu, le grand nigaud ! s’écria Dora, en lui entourant le cou de ses deux bras. Est-ce possible ! Vous avez lu l’annonce erronée, vous aussi ! C’est cela. Mabel, tu sais… je pensais bien que c’était cela, ses façons étaient si bizarres ! Allons, embrassez-moi !

— Je… je ne comprends pas bien, balbutia le malheureux, en se dégageant.

— Mais ce fut corrigé le jour suivant, Lawrence ! s’écria Dora. Mon Dieu, nous n’avions pas cru que vous eussiez pu lire cette stupide note ici, à l’autre bout du monde. Sans doute, vous avez eu en mains les journaux du vendredi contenant l’erreur de noms…

— Une minute, je vous en prie !… que voulez-vous dire ? demanda Pentfield, se sentant envahi soudain d’un vertige douloureux.

Dora, à présent, sanglotait :

— N’avez-vous pas deviné, déjà, Lawrence ? C’est moi qui suis mistress Hutchinson et voici Mabel, toujours votre fiancée. Nous vous avions ménagé cette grande surprise. Allez la consoler vite, voyez, elle se trouve prise de faiblesse !…

Pentfield toussa bruyamment et dit d’une voix blanche :

— Je vois, maintenant… Le reporter embrouilla les deux noms… Mais j’ai lu aussi les journaux de Seattle et de Portland qui avaient copié son texte… Hélas ! je n’ai jamais eu de chance qu’aux cartes !

Pendant deux longues minutes il garda le silence, les yeux baissés, sa respiration visiblement précipitée. Dora lançait vers la squaw accroupie sur le traîneau de Pentfield des regards pleins de stupeur. Mabel, silencieusement, pleurait ; de sourds accès de chagrin soulevant sa poitrine.

Alors, Lawrence Pentfield parla, simplement, en regardant Mabel Holmes dans le profond de ses beaux yeux :

— Je suis désolé plus que je ne puis l’exprimer. C’est une chose qui m’emplit de peine.

Il poussa une sorte de grognement, comme pour éclaircir sa gorge et dit encore :

Mistress Pentfield est sur la sleigh, là-bas, assise.

Toutes les fatigues de la route descendirent d’un seul coup dans les membres tremblants de Mabel. Dora la saisit à temps par la taille. Pentfield regardait stupidement le bout de ses mocassins. Puis, soudain, il fit volte-face, et, faisant claquer son long fouet, appela tout haut :

— Ho ! Lashkâ, en route ! le baby de Siwash Peter ne peut attendre tout le jour !

Il empoigna les deux timons du traîneau, le décolla d’un mouvement brusque et, ayant fait quelques pas, il se retourna :

— À propos, Corry, cria-t-il, vous pourrez occuper la vieille cabane. Je ne l’ai pas habitée depuis trois mois. J’en ai bâti une neuve, en haut, sur la colline.

FIN
  1. Timon oblique, fixé en avant et à gauche des patins, et qui permet au meneur de chiens de maintenir l’aplomb du traineau dans les mauvaises passes.