La grande cuisine illustrée/Soupes & potages, Introduction

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SOUPES & POTAGES


INTRODUCTION


Les potages ont eu autant de détracteurs que d’admirateurs. La médecine elle-même les a préconisés et proscrits tour à tour ; la mode les a adoptés et rejetés ; les gastronomes les ont vantés, puis les ont méprisés.

Leur présence est indispensable cependant à l’harmonie d’un grand dîner et ne nuit jamais à la composition d’un petit menu.

Toutes les contrées de l’Europe ont dans leur cuisine nationale de potages types qui, mieux que toutes les autres préparations culinaires indiquent le caractère des différents peuples.

En France, pays d’élégance et de clarté, les potages offrent toujours un mélange logique et homogène. Nul appoint étrange ne vient compliquer leur style, nul condiment bizarre ne vient en alourdir l’effet. Leur beauté, leur succulence, tient tout entière dans leur composition sobre et délicate.

Si d’autre part, nous étudions minutieusement les soupes et potages anglais, nous découvrons les traits spéciaux décélant les mœurs du peuple britannique.

L’Angleterre est un pays de brumes ; aussi ses potages s’alcoolisent de vins aux fumets généreux, s’aromatisent d’assaisonnements violents.

L’Allemagne et l’Autriche préfèrent les potages substantiels, lourds, indigestes. La caractéristique de ces races est, on le sait, une lenteur méthodique, une gravité qui leur permet d’absorber sans inconvénient des potages plantureux où, parfois, la quantité remplace la finesse.

L’Italie, pays de l’éternelle beauté, parfume ses Pisto et ses Minestra d’épices et d’herbes aromatiques.

La Grèce, indolente comme toutes les contrées baignées de lumière, assemble sans méthode du riz et du mouton, ne se doutant pas qu’il est des mélanges plus savants.

La Russie combine des mets bizarres, ses soupes évoquent la cuisine barbare des hordes asiatiques. Ce peuple, gardien des glaciales frontières du Nord, a l’appétit robuste des races septentrionales : ses potages sont presque des ragoûts ; des viandes diverses s’y rencontrent, acidulées parfois de la note imprévue de la crème aigre.

L’Espagne par sa monastique Ajo blanco, dit la sobriété de son menu peuple ; avec sa truculente Ollo podrida elle chante, au contraire, la somptuosité de ses conquérants altiers.

Cette revue rapide du potage à travers les races nous enseigne que seule, la France recherche la logique et la simplicité dans ses combinaisons. Aussi, ses soupes et potages jouissent-ils d’une universelle renommée.

Nous avons cependant, à titre comparatif, ajouté aux potages français décrits dans ce chapitre, quelques recettes étrangères.

Pour les dosages et proportions de toutes ces formules, nous nous sommes inspirés des conseils d’un des meilleurs potagistes de cette époque : M. Léopold Mas.