La moisson nouvelle/04

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Bibliothèque de l’Action française (p. 19-21).


BOIS ADORÉS




Bois adorés, purs échos, vertes plaines,
Chastes berceaux où courent les haleines
Des vents si purs que soufflent les matins,
Bouleaux rieurs, saules, chênes hautains,
Je viens à vous avec mon âme ardente,
Mon âme en feu qui soupire et qui chante,
Je viens à vous, vous tous qui m’attirez,
Bois adorés !


Rois du pays, magnifiques érables,
Qui possédez des rameaux adorables
Pleins de musique et de gazouillements,
Mer de frissons, divins scintillements,
Joyeux ruisseaux courant sous les fougères,
Chansons d’un jour et gloires passagères,
Lointains charmeurs, ombrages ajourés,
Bois adorés !

Je vous admire aux tristes jours d’automne,
Aulnes tremblants, grands cèdres que festonne
Le houblon rose aux grands bras enlaçants,
Et la fougère aux rameaux frémissants,
Longs peupliers, rhodoras, linaigrettes,
Larges bouquets, délicates aigrettes
Que le ciel met au front des monts dorés,
Bois adorés !


Forêts du Nord et monts de Gaspésie,
Bois ou bosquets vous êtes poésie ;
L’amour vous cherche, et l’idéal humain
Dans vos clartés découvre son chemin ;
Et quand la nuit chante dans vos ramures
Les couples, dont les mots sont des murmures,
Prennent, rêveurs, vos sentiers ignorés.
Bois adorés !

Tout ment hélas ! tout s’effondre, tout passe,
Au fond du cœur le beau rêve trépasse,
Et les chemins sont pleins d’ombre et de peurs ;
Vous seuls, ô bois, vous n’êtes pas trompeurs !
Vous conservez toujours même visage,
Même sourire et même paysage,
Même douceur pour nos yeux éplorés,
Bois adorés !