Aller au contenu

La moisson nouvelle/05

La bibliothèque libre.
Bibliothèque de l’Action française (p. 23-25).


AUTOMNE




Les buissons angoissés et pâles ont frémi.
La feuille morte ouvrant soudain son aile grise
Retombe lourdement sur le sol endormi,
Comme l’oiseau craintif qu’un adroit chasseur vise.
Déjà le cher sentier, mélancolique et seul,
A des teintes d’hiver. Déjà la bise traîne
Les restes des beaux jours, et leur fait un linceul
Dans les plis de sa longue traîne…


Les champs fanés n’ont plus leurs blonds et lourds cheveux…
Les arbres dépouillés, innombrables squelettes,
Esquissent dans le ciel des gestes douloureux.
Sur les grèves on voit dormir les goélettes…
Dans Beaupré le vent siffle, intermittent et sec,
Lévis apparaît grise et Beauport parait noire ;
Mais, fardé comme un page, est notre vieux Québec,
Glorieux sur son promontoire !…

Les forêts d’alentour sont d’un ocre parfait :
Leur chevelure rousse a des lueurs châtaines ;
Le vent, qui s’y connaît en chevelure, y fait
Des puits divins et de lumineuses fontaines.
Et quand les doux moments du soir sont revenus,
Quand l’Amour, en secret, tend ses filets sans nombre,
On voit, par le sentier, sous les rameaux chenus,
Un couple s’éloigner, dans l’ombre…


Puis, lentement, et jour par jour, le bois s’éteint.
La mort s’attaque à chaque fibre de son être,
Et la forêt, suivant elle aussi son destin,
Voit dans l’ombre des nuits sa beauté disparaître.
Et, songeant malgré nous aux gloires du printemps,
Tristes, nous écoutons, comme aux bords d’une tombe.
Surgir du sein glacé des forêts, par instants,
Le bruit d’une feuille qui tombe…