La moisson nouvelle/06

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Bibliothèque de l’Action française (p. 27-29).


ESPOIR




C’en est fait. L’hiver tient la nature en ses serres.
De la mort elle a pris la raideur et le teint.
La nature agonise et notre cœur se serre
De voir cette beauté paisible qui s’éteint…

C’en est fait. Des sanglots glissent de branche en branche
Comme une voix le vent se lamente parfois…
Les feuilles tombent. Dans cette grise avalanche
On ne retrouve plus les sentiers d’autrefois.


Adieu donc, bois chéris, côteaux baignés d’aurore,
Bosquets retentissants, ravins peuplés d’oiseaux !
Adieu vallons en fleurs, adieu beau lac sonore,
Où, dans l’or du midi, se penchent les bouleaux !

— Mais non, ne pleurons pas, car ces choses divines
Dont nos yeux ont souvent admiré le contour :
Fleuves, ruisseaux, buissons, plaines, forêts, collines,
Peuvent dans notre esprit renaître, tour à tour !

Ah ! qu’importe l’hiver et ses heures moroses !
Et qu’importe novembre après le mois de mai !
Qu’importe un printemps mort si nous eûmes ses roses,
Et qu’importe l’oubli si nous avons aimé !…


Qu’importe un jour éteint s’il nous laisse sa flamme,
Si son reflet lointain est un feu continu ;
L’univers tout entier peut tenir dans une âme :
Dans un lac tout le ciel n’est-il pas contenu ?

Qu’importe que le bois triste et mourant se voile,
Si nous avons l’esprit rayonnant de beauté,
L’esprit clair et léger comme la blanche voile
Et le cœur réjoui comme un matin d’été !…