La moisson nouvelle/21

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Bibliothèque de l’Action française (p. 91-94).


PRINTEMPS

(Sur une Composition de Greig)




L’air est pur, l’air est doux, et la forêt sereine
Peuple sa profondeur d’un ramage d’oiseaux.
L’Heure, drapée en sa robe de souveraine,
Au bois mystérieux déroule ses fuseaux…

O vous tous qui passez le long de cette pente,
Voyez comme le jour a doré le cyprès.
Comme l’arbre frémit, comme le ruisseau chante,
Et comme le soleil rit dans les bois épais !…


Chaque feuille nouvelle a souri sur sa tige,
Au fond du vert taillis le merle s’est caché,
Et le léger nuage au ciel pris de vertige,
Tendrement, sur le bord du ruisseau, s’est penché…

La nature, infinie en ses métamorphoses,
A préparé sans bruit, le rêve et les amours,
Et pour mieux célébrer la naissance des roses,
Les vieux arbres ont mis leur manteau de velours…

Oh ! la douceur d’aimer quand la terre est si belle,
Et la douceur de vivre en les bois rajeunis !
Oh ! le plaisir d’entendre en la nuit solennelle,
Le vrai bonheur.chanter au fond de tous les nids !…


La brise tiède vient onduler sur la brousse
Comme une lyre qui jouait entre nos doigts…
Oh ! comme le ruisseau gazouille sous la mousse !
Oh ! comme le ruisseau gazouille au fond des bois !

Seul, tu te promenais dans le soir, ô génie,
Sous le ciel de Norvège aux grands pommiers en fleurs ;
Ton rêve était, beauté, ta pensée : harmonie,
Et ton âme exaltait ses magiques douleurs…

Et pendant que la lune jaune éclairait l’herbe,
Et que tu t’en allais, sous les arbres, errant,
O Grieg, tu composas la musique superbe
Que tous les amoureux écoutent en pleurant…


Sois béni, art divin, ô sublime musique,
Qui mets l’éternité dans les frêles instants,
Qui fais de nos soupirs un immense cantique,
Et qui donnes au monde un éternel printemps !