La moisson nouvelle/24

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Bibliothèque de l’Action française (p. 105-110).


JEUNE FEMME




Le jour où tout tremblant d’émoi,
Il m’a dit : « Marthe, je vous aime »,
Une aube naquit en moi-même
Et le ciel s’est ouvert pour moi.

Il m’a dit : « Viens, je te convie
A l’humble banquet de mes jours.
Veux-tu me sourire toujours,
Veux-tu me suivre dans la vie ?


Viens, prenons le même chemin,
Dans le bonheur et dans la peine !…
Me dit-il, d’une voix sereine,
Et je mis ma main dans sa main.

Depuis, sur son épaule altière,
Je pose mon front souriant,
Et notre amour si confiant
Nous vaut la terre tout entière.

Depuis ce jour nous nous aimons.
Et notre simple vie est douce
Comme le ruisseau dans la mousse.
Comme l’aurore sur les monts.


Dans la paix de notre demeure
Coulent nos jours mystérieux,
Et dans nos cœurs silencieux
Notre éternel serment demeure.

Je n’ai ni satins, ni rubis,
Ni colliers, ni robes de soie,
Mais j’ai l’âme pleine de joie,
Et je suis belle en mes habits…

Et mon humble beauté se dore
De rayons quand le jour a lui,
Car je sais que je suis pour lui
La plus charmante et qu’il m’adore !


Lorsque parmi le jour vermeil
Il revient de la lande brune,
On le dirait coiffé de lune
Et tout habillé de soleil…

L’oiseau qui va de branche en branche
À même charme dans la voix,
Sa bouche est une fleur des bois,
Et son œil est une pervenche…

Nos vallons et nos champs sont verts.
Notre grange est riche et féconde ;
Que nous fait le rire du monde,
Que nous importe l’univers


Mes jours, faits de travaux sans nombre,
N’ont pas connu le triste ennui ;
Je suis le soleil de sa nuit,
Et la lumière de son ombre.

La douceur dont je sais l’aimer
Est comme le miel de mon âme
Et ma tendresse est une flamme
Qui brûle sans se consumer…

Voilà déjà plus d’une’année
Qu’un même rêve nous unit,
Et nul ombrage ne ternit
La paix de notre destinée…


Pour moi, la nuit comme le jour
Scintille d’un éclat suprême,
Puisque celui que j’aime m’aime,
Puisque son cœur m’aime d’amour !…