La moisson nouvelle/27

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Bibliothèque de l’Action française (p. 119-122).


L’AÏEULE

On voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière.
Victor Hugo




Que cette vie est éphémère !
Où sont nos beaux jours envolés ?
Vos chagrins sont de ceux, grand’mère,
Qui ne sont jamais consolés !…

Le soir s’en vient. L’heure est sonnée
Où votre labeur est fini.
Vous achevez votre journée :
Vous arrivez à l’Infini…


Votre tâche sublime est faite.
La race acclame vos efforts.
Et vous subissez la défaite.
L’unique défaite des forts…

A l’heure où doit s’ouvrir la rose
Hélas ! vous songez à mourir.
Ne sachant plus faire autre chose
Que regretter et que souffrir…

Vous suivez des yeux, dans l’allée,
Les enfants qui, cheveux au vent,
Jouent et tournent, fraîche envolée,
Comme des pétales vivants…


Dans l’or du couchant qui rougeoie
Ils vont avec leurs grands cerceaux ;
Et c’est votre dernière joie
De vous souvenir des berceaux !…

Mais, ô vieille, il faut qu’on vous dise
Que vous ne souffrez pas en vain
Le front que l’âge martyrise
A quelque chose de divin.

Les vieillards — âmes maternelles —
Savent tous se faire adorer ;
Ils ont des grâces éternelles.
Ils sont beaux à faire pleurer !…


Guéris de leurs humaines fièvres,
Le cœur brûlé d’un noble feu,
Le sourire qu’ils ont aux lèvres
Est le sourire du Bon Dieu !