La moisson nouvelle/31

La bibliothèque libre.
Bibliothèque de l’Action française (p. 139-140).


GASPÉSIE


« Il y a des endroits de la terre si beaux
qu’on a envie de la serrer contre son cœur… »
Gustave Flaubert




Que vous avez pour nous de grâce et de puissance
Ô lieux charmeurs, ô lieux bénis de notre enfance !
J’ai revu les sentiers, les collines, l’étang,
Le mont neigeux, hautain, dans les brumes flottant,
Les ravins inconnus, tout peuplés de fougère,
Les lacs d’argent où boit la chevrette légère,
Les rocs coupés à pic, les sauvages forêts,
Les chemins sans issue, et l’herbe où je courais !…


O lieux de notre enfance, ô charme, ô poésie !
Ô caps majestueux ! O belle Gaspésie !
Terre de paix sublime et de sérénité,
Nid d’aigle que le ciel dans la mer a jeté !
Comme j’ai reconnu tes montagnes hautaines,
Tes flots où sont couchés les anciens capitaines,
Que la mort dans ses bras a jadis retenus !
Ô caps majestueux, je vous ai reconnus !
Ainsi qu’un pauvre enfant qui reconnaît sa mère,
Terre immense, ô pays de force et de lumière,
En te voyant j’ai vu paraître le passé,
Un frisson d’autrefois dans mon âme a passé,
Et je sentais des pleurs monter à ma paupière
Quand dans l’anse de sable où sont des blocs de pierre,
À l’heure où la nuit tombe au versant du coteau
Je voyais palpiter les ailes d’un bateau !…