La moisson nouvelle/30

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Bibliothèque de l’Action française (p. 131-138).


MARINES

LIBERTÉ




Le jour vient de paraître :
Entends le vent frémir
Et vois l’aube fleurir
La fenêtre.

La taille des bouleaux
Se mire dans l’eau claire.
Et la lumière éclaire
Les îlots.


Vois l’alouette grise
S’élancer dans l’azur,
Le marin dans l’air pur
Qui se grise…

Partons ! Le flot joyeux
Fait frissonner la barge.
Ah ! partons pour le large
Tous les deux !…

Au loin la foule passe
En un flot persistant,
Et sa clameur s’étend
Dans l’espace.


Qu’importe la rumeur
De la foule et du monde,
Et leur souffle qui gronde
Et qui meurt !…

Leur flamme n’est que cendre,
Et leur esprit distrait
Et charnel ne saurait
Nous comprendre.

Partons ! L’immensité
Nous appelle. La voile
Se redresse et dévoile
Sa beauté…


Le jour luit. Sur les grèves
Se penche le roseau.
Laissons partir l’oiseau
De nos rêves !…

L’amour seul peut charmer
Notre cœur solitaire ;
Il n’est rien sur la terre
Que s’aimer…

Ni l’aube solennelle,
Ni l’or du renouveau,
Ni le ciel, rien ne vaut
Ta prunelle !


Si tu dois te lasser
De cette vie amère,
Je veux comme une mère
Te bercer…

Dans l’aube qui flamboie
Nous irons, emportant
Nos pleurs qui sont pourtant
Notre joie…

Les brises et les flots
Tendrement vont redire
Nos chants, notre sourire,
Nos sanglots.


Et dans l’air pur qui vibre
Notre cœur frémissant
Montera grandissant,
Fier et libre !…