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La palingénésie philosophique/PARTIE IX. Réflexions sur l’excellence des machines organiques. Nouvelles découvertes sur les reproductions animales

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La palingénésie philosophique : ou Idées sur l'état passé et sur l'état futur des êtres vivans : ouvrage destiné à servir de supplément aux derniers écrits de l'auteur et qui contient principalement le précis de ses recherches sur le christianisme
Geneve : C. Philibert (1p. 320-353).

NEUVIEME PARTIE

Réfléxions

sur

l’excellence des machines

organiques.

Nouvelles découvertes.

sur les

reproductions animales.


De toutes les modifications dont la matière est susceptible ; la plus noble est, sans doute, l’organisation. C’est dans la structure de l’animal, que la souveraine intelligence se peint à nos yeux par les traits les plus frappans, & qu’elle nous révêle, en quelque sorte, ce qu’elle est. Le corps d’un animal est un petit systême particulier, plus ou moins composé, & qui, comme le grand systême de l’univers, résulte de la combinaison & de l’enchaînement d’une multitude de pièces diverses, dont chacune produit son effet propre, & qui conspirent toutes ensemble à produire cet effet général, que nous nommons la vie. Nous ne suffisons point à admirer cet étonnant appareil de ressorts, de leviers, de contrepoids, de tuyaux différemment calibrés, repliés, contournés, qui entrent dans la construction des machines organiques. L’intérieur de l’insecte le plus vil en apparence, absorbe toutes les conceptions de l’anatomiste le plus profond. Il se perd dans ce dédale, dès qu’il entreprend d’en parcourir tous les détours. Qu’on ne croye pas que ceci soit le moins du monde éxaggéré : je prie ceux de mes lecteurs qui possédent l’étonnante chenille de l’habile & patient Lyonet, d’en parcourir les planches avec réfléxion, & de juger. Je renvoye à ce que j’ai dit sur cet ouvrage unique, dans l’article XIV du tableau de mes considérations.

Je viens de comparer le corps de l’animal à une machine : la plus petite fibre, la moindre fibrille, peuvent être envisagées elles-mêmes comme des machines infiniment petites, qui ont leurs fonctions propres. La machine entière, la grande machine résulte ainsi de l’ensemble d’un nombre prodigieux de machinules, dont toutes les actions sont conspirantes ou convergent vers un but commun.

Mais ; combien les machines organiques sont-elles supérieures à celles que l’art sçait inventer, & auxquelles nous les comparons ! Combien la structure de l’insecte le moins élevé dans l’échelle, l’emporte-t-elle encore sur la construction du plus beau chef-d’œuvre en horlogerie !

Un seul trait suffiroit pour faire sentir la grande prééminence des machines animales sur celles de l’art : les unes & les autres s’usent par le mouvement ; elles souffrent des déperditions journalières : mais, telle est l’admirable construction des premières, qu’elles réparent sans cesse les pertes que le mouvement perpétuel de leurs divers ressorts leurs occasionnent. Chaque pièce s’assimile les molécules qu’elle reçoit du déhors, les assujettit, les dispose, les arrange de manière à lui conserver la forme, la structure, les proportions & le jeu qui lui sont propres, & qu’éxige la place qu’elle tient dans le tout organique.

Non seulement chaque pièce d’une machine animale répare les pertes que les mouvemens intestins lui occasionnent ; elle s’étend encore en tout sens par l’incorporation des molécules étrangères que la nutrition lui fournit : cette extension qui s’opère graduellement, est ce que le physicien nomme évolution ou développement.

Le développement suppose dans le tout organique une certaine méchanique secrette & fort sçavante. En s’étendant graduellement en tout sens, chaque pièce demeure essentiellement en grand ce qu’elle étoit auparavant très en petit. Il faut donc que ses parties intégrantes soient façonnées & disposées les unes à l’égard des autres avec un tel art, qu’elles conservent constamment entr’elles les mêmes rapports, les mêmes proportions, le même jeu, en même tems que de nouvelles particules intégrantes sont associées aux anciennes.[1]

La plus fine anatomie ne pénètre point dans ces profondeurs. Les injections, le microscope, & moins encore le scalpel ne sçauroient nous dévoiler les merveilles que recèle le secret de la nutrition & du développement. Nous ne pouvons juger ici de l’inconnu que par ce petit nombre de choses connues, dont nous sommes redevables aux derniers progrès de la physiologie.

Cette science, la plus belle, la plus profonde de toutes les sciences naturelles, produit à nos yeux le surprenant assemblage des organes rélatifs au grand ouvrage de la nutrition, & nous fait entrevoir l’assemblage bien plus surprenant encore des organes qui éxécutent les sécrétions de différens genres. Nous ne revenons point de l’étonnement où nous jette cet amas immense de très-petits tuyaux, blancs, cylindriques, groupés & repliés de mille & mille manières différentes, dont toutes la substance du foye, de la rate, des reins est formée. Nous sommes presque éffrayés, quand nous venons à apprendre que les tubules qui entrent dans la composition d’un seul rein, mis bout à bout, formeroient une longueur de dix mille toises.[2] Quel intéressant, quel superbe spectacle ne nous offriroit point cet assemblage si merveilleux de tant de millions, que dis-je ! De tant de milliars de tubules ou de filtres plus ou moins diversifiés, si nos sens & nos instrumens étoient assés parfaits pour nous dévoiler en entier le méchanisme & le jeu de chacun d’eux, & les rapports qui les enchaînent tous à une fin commune !

Quelles idées cette seule découverte anatomique ne nous donne-t-elle point de l’organisation de l’animal, de l’intelligence qui en a conçu le dessein, & de la puissance qui l’a éxécuté ! Qu’est donc l’animal lui-même, si une de ses parties, qui ne paroît pas néanmoins tenir le premier rang dans son intérieur, est déjà un abîme de merveilles ! J’ai de si grandes idées de l’organisation de l’animal, que je me persuade sans peine, que s’il nous étoit donné de pénétrer dans la structure intime, je ne dis pas d’un de ses organes ; je dis seulement, d’une de ses fibres, nous la trouverions un petit tout organique très composé, & qui nous étonneroit d’autant plus, que nous l’étudierions davantage. Quel ne seroit point sur tout notre étonnement, si nous pouvions observer aussi distinctement les élémens d’une fibre sensible, leur arrangement respectif, l’art avec lequel ils jouent les uns sur les autres, que nous observons les différentes pièces d’une horloge ; leur engraînement & leur jeu ! On peut voir ce que j’ai dit là-dessus dans l’article X de mon analyse abrégée, en rendant raison du physique de l’imagination & de la mémoire.

Que seroit-ce donc encore, si nous pouvions saisir d’une seule vuë le systême entier des fibres sensibles, & contempler, pour ainsi dire, à nud la méchanique profonde & les opérations secrettes de cet organe universel auquel l’ame est immédiatement présente, & par lequel elle est unie au monde corporel ! « Assurément,[3] dit très-bien cet anonyme que j’ai déja cité, s'il nous étoit permis de voir jusqu'au fond dans la Méchanique du Cerveau, & sur tout dans celle de cette Partie qui est l’instrument immédiat du Sentiment & de la Pensée, nous verrions ce que la Création terrestre a de plus ravissant. Nous ne suffisons point à admirer l’appareil & le jeu des Organes destinés à incorporer un morceau de pain à notre propre substance ; qu’est-ce pourtant que ce Spectacle comparé à celui des Organes destinés à produire des Idées, & à incorporer à l’Ame le Monde entier ? Tout ce qu’il y a de grandeur & de beauté dans le Globe du Soleil, le céde sans doute, je ne dis pas au Cerveau de l’homme, je dis au cerveau d’une mouche. »

Un autre trait qui relève beaucoup aux yeux de la raison, l’excellence des machines organiques, c’est qu’elles produisent de leur propre fond des machines semblables à elles, qui perpétuent le modèle & lui procurent l’immortalité. Ce qui a été refusé à l’individu a été accordé ainsi à l’espèce : elle est une sorte d’unité toujours subsistante, toujours renaissante, & qui offre sans altération aux siécles suivans, ce qu’elle avoit offert aux siécles précédens, & ce qu’elle offrira encore aux siécles les plus reculés.

Quelque soit la maniére dont s’opère cette reproduction des êtres vivans ; quelque systême qu’on embrasse pour tâcher de l’expliquer ; elle n’en paroîtra pas moins admirable à ceux qui entre-voyent au moins l’art prodigieux qu’elle suppose dans l’organisation, & dans les divers moyens qui l’éxécutent chés le végétal & chés l’animal, & dans les différentes espèces de l’un & de l’autre. Ainsi, soit que cette reproduction dépende de germes prééxistans ; soit qu’on veuille qu’il se forme journellement dans l’individu procréateur de petits touts semblables à lui ; la conservation de l’espèce dans l’une & l’autre hypothèse n’en sera pas moins un des plus beaux traits de la perfection du méchanisme organique. Et s’il étoit possible, que les seules loix de ce méchanisme pussent suffire à former de nouveaux touts individuels, il ne m’en paroîtroit que plus admirable encore.

Je ferois un traité d’anatomie, si j’entreprenois ici de décrire cette partie du méchanisme organique, qui a pour dernière fin la reproduction des êtres vivans : j’étonnerois mon lecteur en mettant sous ses yeux ce grand appareil d’organes si composés, si multipliés, si variés, si harmoniques entr’eux, qui conspirans tous au vœu principal de la nature, réparent ses pertes, renouvellent ses plus chères productions, & la rajeunissent sans cesse.

Si le développement des corps organisés ou leur simple accroîssement ne peut qu’être l’effet de la plus belle méchanique ; combien cette méchanique doit-elle être plus belle encore, lors qu’elle n’est point bornée à procurer simplement l’extension graduelle des parties en tout sens, & qu’elle s’élève jusqu’à procurer la régénération complette d’un membre, ou d’un organe, & même l’entière réïntégration de l’animal !

Ici, s’offrent de nouveau à mes regards ces fameux zoophytes, qui m’ont tant occupé dans mes deux derniers ouvrages,[4] & sur lesquels encore j’ai jetté un coup d’œil dans celui-ci.[5] Je ne retracerai donc pas ici les divers phénomènes que présentent la régénération & la multiplication du polype à bras, & celles de quelques autres insectes de la même classe ou de classes différentes : mais, je ne puis m’empêcher de dire un mot de reproductions plus étonnantes encore, & que la sagacité d’un excellent observateur[6] vient de nous découvrir.

On sçait que la structure du polype est d’une extrême simplicité, au moins en apparence. Tout son corps est parsemé extérieurement & intérieurement d’une multitude de très petits grains, logés dans l’épaisseur de la peau, & qui semblent faire les fonctions de viscères ; car, les meilleurs microscopes n’y découvrent rien qui ressemble le moins du monde aux viscères qui nous sont connus. Le corps lui-même n’est qu’une manière de petit sac, d’une consistence presque gélatineuse, & garni près de son ouverture, de quelques menus cordons, qui peuvent s’allonger & se contracter au gré du polype, & ce sont ses bras. Il n’a point d’autres membres, & on ne lui trouve aucun organe, de quelque espèce que ce soit.

Je ne décris pas le polype ; je ne fais qu’ébaucher ses principaux traits ; mais, il est si simple, que c’est presque l’avoir décrit. Quand on songe à la nature, & à la simplicité d’une pareille organisation, l’on n’est plus aussi surpris de la régénération du polype, & de toutes ces étranges opérations qu’une main habile a sçu éxécuter sur cet insecte singulier. J’ai sur tout dans l’esprit cette opération par laquelle on le retourne comme le doigt d’un gand, & qui ne l’empêche point de croître, de manger & de multiplier. Si même on le coupe par morceaux, pendant qu’il est dans un état si peu naturel, il ne laisse pas de renaître, à son ordinaire, de bouture, & chaque bouture mange, croît & multiplie. Je le remarquois dans mes corps organisés, article 273 : « Un polype coupé, retourné, recoupé, retourné encore, ne présente qu’une répétition de la même merveille, si à présent c’en est une au sens du vulgaire. Ce n’est jamais qu’une espèce de boyau qu’on retourne & qu’on recoupe : il est vrai que ce boyau a une tête, une bouche, des bras, qu’il est un véritable animal ; mais l’intérieur de cet animal est comme son extérieur, ses viscères sont logés dans l’épaisseur de sa peau, & il répare facilement ce qu’il a perdu. Il est donc après l’opération ce qu’il étoit auparavant. Tout cela suit naturellement de son organisation ; l’adresse de l’observateur fait le reste. Le plus singulier, pour nous, est donc qu’il éxiste un animal fait de cette manière : nous n’avions pas soupçonné le moins du monde son éxistence, & quand il a paru, il n’a trouvé dans notre cerveau aucune idée analogue du régne animal. Nous ne jugeons des choses que par comparaison : nous avions pris nos idées d’animalité chés les grands animaux, & un animal qu’on coupe, qu’on retourne, qu’on recoupe & qui se porte bien, les choquoient directement. Combien de faits, encore ignorés, & qui viendront un jour déranger nos idées sur des sujets, que nous croyons connoître ! Nous en sçavons au moins assés pour que nous ne devions être surpris de rien. La surprise sied peu à un philosophe ; ce qui lui sied est d’observer, de se souvenir de son ignorance, & de s’attendre à tout. »

Je m’étois en effet, attendu à tout : aussi ai-je été peut-être moins surpris que bien d’autres des nouveaux prodiges, que nous devons aux belles expériences de Mr l’abbé Spallanzani, & qu’il s’est empressé obligeamment à me communiquer en détail, depuis trois ans, dans ses intéressantes lettres. Il a voulu me laisser le plaisir de penser, que les invitations que je lui avois faites, de s’attacher particulièrement aux reproductions animales, n’avoient pas peu contribué à ses découvertes. Ce que je sçais mieux ; c’est qu’aucun physicien n’avoit poussé aussi loin que lui, ce nouveau genre d’expériences physiologiques, ne les avoit éxécutées & variées avec plus d’intelligence, & ne les avoit étendues à des espèces aussi élevées dans l’échelle de l’animalité.

Tout le monde connoit le limaçon de jardin, nommé vulgairement escargot : mais ; tout le monde ne sçait pas que l’organisation de ce coquillage est très composée, & qu’elle se rapproche par diverses particularités très remarquables, de celle des animaux que nous jugeons les plus parfaits. Je ne ferai qu’indiquer quelques-unes de ces particularités : mon plan ne me conduit point à traiter des reproductions animales : je ne veux que faire sentir par ces reproductions, l’excellence des machines organiques.

Sans être initié dans les secrets de l’anatomie, on sçait, au moins en gros, qu’un cerveau est un organe extrêmement composé ou plutôt un assemblage de bien des organes différens, formés eux-mêmes de la combinaison & de l’entrelacement d’un nombre prodigieux de fibres, de nerfs, de vaisseaux, etc. La tête du limaçon posséde un véritable cerveau, qui se divise, comme le cerveau des grands animaux, en deux masses hémisphèriques, d’un volume considérable, & qui portent le nom de lobes. De la partie inférieure de ce cerveau sortent deux nerfs principaux ; de la partie supérieure en sortent dix, qui se répandent dans toute la capacité de la tête : quelques-uns se partagent en plusieurs branches. Quatre de ces nerfs animent les quatre cornes du coquillage, & président à tous leurs jeux. On peut s’être amusé à contempler les mouvemens si variés de ces tuyaux mobiles en tout sens, que l’animal fait rentrer dans sa tête & qu’il en fait sortir quand il lui plait. On n’imagine point combien les deux grandes cornes sont une belle chose : on connoit ce point noir & brillant qui est à l’extrêmité de chacune : ce point est un véritable œil. Prenés ceci au pied de la lettre, & n’allés pas vous représenter simplement une cornée d’insecte. L’œil du limaçon a deux des principales tuniques de notre œil ; il en a encore les trois humeurs, l’aqueuse, la cristalline, la vitrée : enfin, il a un nerf optique, & ce nerf est de la plus grande beauté. Je passe sous silence l’appareil des muscles destinés à opérer les divers mouvemens de la tête & des cornes. J’ajoûterai seulement, que le limaçon a une bouche, & que cette bouche est revêtue de lèvres, garnies de dents, & pourvue d’une langue & d’un palais. Toute cette anatomie feroit seule la matière d’un petit volume. Si mon lecteur me demandoit un garant de tant & de si curieuses particularités anatomiques, il me suffiroit, je pense, de nommer l’auteur célébre[7] de la bible de la nature.

Croira-t-on à présent, que ces cornes du limaçon, qui sont de si belles machines d’optique, se régénèrent en entier, lorsqu’on les mutile ou même qu’on les retranche entièrement ? Il n’est pourtant rien de plus vrai que cette régénération : elle est si parfaite, si singuliérement complette, que l’anatomie la plus éxacte ne découvre aucune différence entre les cornes reproduites, & celles qui avoient été mutilées ou retranchées.[8]

C’est déjà, sans doute, une assés grande merveille, que la reproduction ou même la simple réparation de semblables lunettes : mais ; ce qui est tout aussi vrai, sans être le moins du monde vraisemblable, c’est que toute la tête du limaçon, cette tête qui est le siège de toutes les sensations de l’animal, & qui, comme nous venons de le voir, est l’assemblage de tant d’organes divers, & d’organes, la plûpart si composés ; toute cette tête, dis-je, se régénère, & si on la coupe au limaçon, il en refait une nouvelle, qui ne différe point du tout de l’ancienne.

En décrivant dans mes deux derniers ouvrages la régénération du ver-de-terre,[9] & celle de ces vers d’eau douce[10] que j’ai multipliés en les coupant par morceaux ; j’ai fait remarquer, que la partie qui se reproduit, se montre d’abord sous la forme d’un petit bouton, qui s’allonge peu à peu, & dans lequel on découvre tous les rudimens des nouveaux organes. Il n’en va pas de même dans la régénération de la tête du limaçon : cette régénération suit des loix bien différentes. Quand la tête de ce coquillage commence à se régénérer, les diverses parties qui la composent ne se montrent pas toutes ensemble : elles apparoîssent ou se développent les unes après les autres, & ce n’est qu’au bout d’un tems assés long, qu’elles semblent se réünir, pour former ce tout si composé, qui porte le nom de tête.[11]

Cette découverte est si belle, si neuve, & elle a excité tant de doutes[12], que je ne puis résister à la tentation de la raconter un peu plus en détail. Quelquefois, il n’apparoît d’abord sur le col ou le tronc de l’animal, qu’un petit globe, qui renferme les élémens des petites cornes, de la bouche, des lèvres & des dents. D’autrefois on ne voit paroître d’abord qu’une des grandes cornes, garnie de son œil : au-dessous, & dans un endroit écarté, on apperçoit les premiers traits des lévres.

Tantôt on n’observe qu’une espèce de nœud, formé par trois des cornes : tantôt on découvre un petit bouton, qui ne renferme que les lévres : tantôt la tête se montre en entier, à la réserve d’une ou de plusieurs cornes.[13]

En un mot ; il y a ici une foule de variétés, qu’on traiteroit de bizarreries, s’il y avoit dans la nature de vraies bizarreries. Mais ; le philosophe n’ignore pas, que tout s’y fait par des loix constantes, qui se diversifient plus ou moins suivant les sujets, & dont telles ou telles reproductions sont les résultats immédiats.

Malgré toutes ces variétés dans la régénération de la tête du limaçon, cette régénération si surprenante s’achêve en entier, & l’animal commence à manger sous les yeux de l’observateur. Si après cela on pouvoit former le moindre doute sur l’intégrité de la régénération, je le dissiperois en ajoûtant ; que la dissection de la tête reproduite, y démontre toutes les parties similaires & dissimilaires qui composoient l’ancienne.[14]

Le limaçon est bien un colosse, en comparaison du polype : l’anatomie y découvre bien une multitude d’organes dont le polype est privé ; cependant, le limaçon ne nous paroît pas encore assés élevé dans l’échelle de l’animalité : il nous reste toujours je ne sçais quelle disposition à le regarder comme un animal imparfait : nous le plaçons volontiers tout près de l’insecte ; & ce voisinage qui ne lui est point avantageux, diminuë un peu, à nos yeux, la merveille de sa régénération. S’il nous paroissoit plus animal, il nous étonneroit davantage : je l’ai dit ; nous ne jugeons des êtres que par comparaison, & nos comparaisons sont pour l’ordinaire fort peu philosophiques.

Nous serions donc beaucoup plus étonnés d’apprendre, qu’il éxiste une sorte de petit quadrupède, construit à peu près sur le modèle des petits quadrupèdes qui nous sont les plus connus, & qui se régénère presque en entier. Ce petit quadrupède est la salamandre aquatique, déjà célèbre chés les naturalistes anciens & modernes, par un grand prodige, qui n’avoit d’autre fondement que l’amour du merveilleux, & que l’amour du vrai a détruit dans ces derniers tems : on comprend, que je parle du prétendu privilège de vivre au milieu des flammes. La salamandre, j’ai presque honte de le dire, est si peu faite pour vivre dans le feu, qu’il est démontré aujourd’hui par les expériences de Mr Spallanzani, qu’elle est de tous les animaux celui qui résiste le moins à l’excès de la chaleur.[15]

Les insectes n’ont point d’os ; mais, ils ont des écailles qui en tiennent lieu. Ces écailles ne sont pas recouvertes par les chairs, comme les os ; mais, elles recouvrent les chairs.[16] La coquille du limaçon, substance pierreuse ou crustacée, recouvre aussi ses chairs, & ce caractère est un de ceux qui semblent le rapprocher le plus des insectes. Il y a cependant quantité d’insectes, dont le corps est purement charnu ou membraneux. Il en est d’autres qui sont presque gélatineux : à cette classe appartient la nombreuse famille des polypes.

La salamandre a, comme les quadrupèdes, de véritables os, qui sont recouverts, comme chés eux, par les chairs. Elle a de véritables vertèbres, des mâchoires, armées d’un grand nombre de petites dents fort aiguës, & ses jambes ont à peu près les mêmes os qu’on observe dans celles des quadrupèdes proprement dits.[17] Elle a un cerveau, un cœur, des poûmons, un estomac, des intestins, un foye, une vésicule du fiel, &c.[18]

On voit bien, que mon intention n’est point ici de décrire la salamandre en naturaliste. Ce petit ouvrage n’appartient pas proprement à l’histoire naturelle : je ne veux que donner une légère idée de ces nouveaux prodiges, que l’oeconomie animale vient de nous offrir.

J’ajoûterai simplement, que la salamandre paroît se rapprocher par sa forme & par sa structure du lézard & du crapaud. Elle n’est pas purement aquatique ; elle est amphibie ; elle peut vivre assez longtems hors de l’eau.

Si l’on a jetté un coup d’œil sur un squelette ou sur une planche d’ostéologie qui le représente, on aura acquis quelque notion de la forme & de l’engraînement admirables des différentes pièces osseuses qui le composent. L’essentiel de tout cela se retrouve dans la salamandre. Sa queuë, en particulier, est formée d’une suite de petites vertèbres travaillées & assemblées avec le plus grand art. Mais ; ces pièces, quoique multipliées, ne sont pas les seules qui entrent dans la construction de la queuë. Elle présente encore à l’éxamen de l’anatomiste un épiderme, une peau, des glandes, des muscles, des vaisseaux sanguins, une moëlle spinale.[19]

Nommer simplement toutes ces parties, c’est déjà donner une assés grande idée de l’organisation de la queuë de la salamandre : ajoûter, que toutes ces parties déchiquetées, mutilées ou même entièrement retranchées, se réparent, se consolident, & même se régénèrent en entier, c’est avancer un fait, déja fort étrange. Mais ; des parties molles ou purement charnuës peuvent avoir de la facilité à se réparer, à se régénérer : que sera-ce donc, si l’on peut assurer, que de nouvelles vertèbres reparoîssent à la place de celles qui ont été retranchées ? Que sera-ce encore, si ces nouvelles vertèbres, retranchées à leur tour, sont remplacées par d’autres ; celles-ci, par de troisiémes, &c. & si cette reproduction successive de nouvelles vertèbres paroît toujours se faire avec autant de facilité, de régularité, de précision, que celle des parties molles & qui doivent demeurer telles ?[20]

Mais ; combien la régénération des jambes de la salamandre, est-elle plus étonnante que celle de sa queuë ; si toutefois nous pouvons encore être étonnés, après l’avoir tant été ! Je prie qu’on veuille bien ne point oublier, qu’il s’agit ici d’un petit quadrupède, & non simplement d’un ver ou d’un insecte. J’ai grand intérêt à écarter ici de l’esprit de mes lecteurs, toute idée d’insecte. Il y a toujours quelqu’idée d’imperfection enveloppée dans celle-là. Quoique la division des animaux en parfaits & en imparfaits, soit la chose du monde la moins philosophique ; elle ne laisse pas d’être assés naturelle & très commune. Or, dès qu’on parle d’un animal imparfait, l’esprit est déjà tout disposé à lui attribuer ce qui choque le plus les notions communes de l’animalité ; il croira de cet animal, tout ce qu’on voudra lui en faire croire, & le croira sans effort : témoin l’opinion si ancienne & si ridicule, que les insectes naîssent de la pourriture : eut-on jamais fait naître de la pourriture, je ne dis pas un éléphant, un cheval, un bœuf ; je dis seulement un liévre, une belette, une souris ? Pourquoi ? C’est qu’une souris, comme un éléphant, est un animal réputé parfait, & qu’un animal parfait ne doit pas naître de la pourriture.

La salamandre est donc un animal parfait, à la manière dont la souris en est un pour le commun des hommes. La salamandre est aussi bien un quadrupède que le crocodile. Ses jambes sont garnies de doigts articulés & fléxibles ; les antérieures en ont quatre ; les postérieures, cinq. Entendés au reste, par la jambe, la cuisse, la jambe proprement dite, & le pied.

Tout le monde sçait, qu’une jambe est un tout organique, composé d’un nombre très considérable de parties osseuses, grandes, moyennes, petites ; & de parties molles très différentes entr’elles. Une jambe est revêtue extérieurement & intérieurement d’un épiderme, d’une peau, d’un tissu cellulaire. Elle a des glandes, des muscles, des artères, des veines, des nerfs. Ceux qui possédent un peu d’anatomie sçavent de plus, qu’une glande, un muscle, une artère sont formés de la réünion ou de l’entrelacement d’un grand nombre de fibres & de vaisseaux plus ou moins déliés, différemment combinés, arrangés, repliés, calibrés.

Les jambes de la salamandre offrent tout ce grand appareil de parties osseuses & de parties molles. Pour exciter d’avantage l’admiration de mon lecteur, il ne sera pas nécessaire que j’en fasse un dénombrement éxact, & tel que l’anatomie comparée le fourniroit. Il suffira que je dise d’après l’habile observateur qui me sert de guide ; que le nombre des os des quatre jambes est de quatre-vingt-dix-neuf.[21]

Maintenant, ne prendra-t-on point pour une fable ce que je vais dire ? Si l’on coupe les quatre jambes de la salamandre, elle en repoussera quatre nouvelles, qui seront si parfaitement semblables à celles qu’on aura retranchées, qu’on y comptera, comme dans celles-ci, quatre-vingt-dix-neuf os.[22]

On juge bien que c’est pour la nature un grand ouvrage, que la reproduction complette de ces quatre jambes, composées d’un si grand nombre de parties, les unes osseuses, les autres charnuës : aussi ne s’acheve-t-elle qu’au bout d’environ un an dans les salamandres qui ont pris tout leur accroissement. Mais ; dans les plus jeunes, tout s’opère avec une célérité si merveilleuse, que la régénération parfaite des quatre jambes, n’est que l’affaire de peu de jours.[23]

Ce n’est donc rien ou presque rien pour une jeune salamandre, que de perdre ses quatre jambes, & encore sa queue. On peut même les lui recouper plusieurs fois consécutives, sans qu’elle cesse de les reproduire en entier. Notre excellent observateur nous assure, qu’il a vu jusqu’à six de ces reproductions successives, où il a compté six-cent-quatre-vingt-sept os reproduits.[24] Il remarque à cette occasion ; que la force reproductive a une si grande énergie dans cet animal, qu’elle ne paroît point diminuer sensiblement après plusieurs reproductions, puisque la dernière s’opère aussi promptement que les précédentes.[25]

Une autre preuve bien remarquable de cette grande force de reproduction, c’est qu’elle se déploye avec autant d’énergie dans les salamandres qu’on prive de toute nourriture, que dans celles qu’on a soin de nourrir.[26]

Ce n’est plus la peine que je parle de la régénération des parties molles, qui recouvrent les os des jambes. On présume assés qu’elle doit s’opérer plus facilement encore que celle des parties dures ou qui doivent le dévenir. On ne sera donc pas fort surpris d’apprendre ; que si l’on observe avec le microscope la circulation du sang dans les jambes reproduites, on la trouvera précisément la même que dans les jambes qui n’ont souffert aucune opération. On y distinguera nettement les vaisseaux qui portent le sang du cœur aux extrêmités, & ceux qui le rapportent des extrêmités au cœur.[27]

Lors que la reproduction des jambes commence à s’éxécuter, on apperçoit à l’endroit où une jambe doit naître, un petit cone gélatineux, qui est la jambe elle-même en mignature, & dans laquelle on démêle très bien toutes les articulations.[28] Les doigts ne se montrent pas tous à la fois. D’abord les jambes renaîssantes ne paroîssent que comme quatre petits cones pointus. Bientôt on voit sortir de part & d’autre de la pointe de chaque cone, deux autres cones plus petits, qui avec la pointe du premier sont les élémens de trois doigts. Ceux des autres doigts apparoissent ensuite.[29]

Si l’entiére régénération d’un tout organique aussi composé que l’est la jambe d’un petit quadrupède, est une chose très merveilleuse ; ce qui ne l’est pas moins, & qui l’est peut-être davantage, c’est qu’en quelqu’endroit qu’on coupe une jambe, la reproduction donne constamment une partie égale & semblable à celle qu’on a retranchée. Si donc l’on coupe la jambe à la moitié ou au quart de sa longueur, il ne se reproduira qu’une moitié ou qu’un quart de jambe ; c’est-à-dire, qu’il ne renaîtra précisément que ce qui aura été retranché.[30] Écoutons l’auteur lui-même : « Si au lieu, dit-il,[31] de retrancher du corps de la salamandre les jambes toutes entières on n’en coupe qu'une petite portion, le nombre d’Os reproduits égale alors précisément le nombre retranché. Si l’on fait, par exemple, la section dans l'articulation du rayon, on voir renaître une nouvelle articulation avec le nombre précis des Os qui étoient au dessous de l’articulation. »

Nous avons vu, que la salamandre a des mâchoires, & qu’elles sont garnies d’un grand nombre de petites dents fort aiguës. Chaque mâchoire est formée par un os ellyptique, auquel elle doit sa figure, ses proportions & sa consistence. On y observe de plus divers cartilages & divers muscles, des artéres, des veines, des nerfs, &c.[32] Tout cela se répare, se régénére avec la même facilité, la même promptitude, la même précision, que les extrêmités :[33] mais ; nous sommes si familiarisés à présent avec tous ces prodiges, qu’ils n’en sont presque plus pour nous. La salamandre en a, sans doute, bien d’autres à nous offrir, plus étranges encore ; que nous ne soupçonnons point, & que la sagacité de son historien nous dévoîlera peut-être quelque jour.

J’ai crayonné foiblement les belles découvertes de Mr Spallanzani, d’après le précis qu’il nous en a donné lui-même dans son programme. Que de nouvelles lumières n’avons-nous point à attendre du grand ouvrage, dont ce programme n’est qu’une simple annonce ! Combien la somme des vérités physiologiques s’accroîtra-t-elle par les profondes recherches du sçavant & sage disciple de la nature !

Le 21 de juillet 1768.

  1. Voyés Essai Analyt. §. 96, 97, 98 & suiv. Consid. sur les Corps Organ. Art. 170. Cont. de la Nat. Part. VII. Chap. VI, VII. Part. VIII. Chap. XVII.
  2. Voyés Consid. sur les Corps Organ. Art. 356.
  3. Essai de psychologie ; ou Considérations sur les Opérations de l’Ame, sur l’Habitude & sur l’Education, &c. pag. 50. Chap. XX.
  4. Consid. sur les Corps Organ. Tom. I. Chap. IV, V, XI, XII, Tom. II. Chap. I, II, III. Contemp. de la Nat. Part. VIII, Chap. IX, X, XI, & suiv. Part. IX, Chap. I, II.
  5. Voyés ci-dessus l’Aplicatioon aux Zoophytes, Part. V.
  6. Mr. l’Abbé Spallanzani, Professeur de Philosophie à Modène, de la Société Royale d'Angleterre. Prodromo Di un Opera da imprimer si sopra le Riproduzioni Animali. Ce Prodrome, que l’Auteur a publié cette année 1768, vient d’être traduit en François par un Homme de mérite & éclairé, & imprimé à Genève, chés Claude Philibert. Je ne puis trop exhorter mon Lecteur à lire ce très petit Ecrit, tout plein de Prodiges, & qui contient beaucoup plus de Vérités nouvelles, que ces gros in-folio de certains Sçavans, qui ne sçurent jamais interroger la Nature, & ne firent que compiler.
  7. Swammerdam.
  8. Programme de Mr. Spallanzani, page 61.
  9. Consid. sur les Corps Organ. Art 244, 245. Cont. de la Nat. Part. VI, Chap. VIII.
  10. Corps Organ. Art 246, 247. Cont. de la Nat. Part. VIII, Chap. X. Part IX, Chap. II.
  11. Programme de Mr. Spallanzani, page 62.
  12. Il y a lieu de s’étonner, que cette Reproduction de la Tête du Limaçon ait paru en France si douteuse, après tout ce que Mrs. de REAUMUR & TREMBLEY avoient publiés sur la Régénération du Polype, & sur celle de bien d’autres Animaux de la même Classe & de Classes très différentes. Voyés la belle Préface que Mr. de REAUMUR a mise à la tête du VI. Volume de ses Mémoires sur les Insectes, qui a été imprimé en 1742, & les excellens Mémoires de Mr. TREMBLEY sur le Polype à Bras, qui parurent en 1744. J’avois publié moi-même en 1745 dans mon Traité d’insectologie un grand nombre d’expériences & d’Observations nouvelles sur différentes espèces de Vers, que j’avois multipliés en les coupant par morceaux. J’y étois revenu en 1762 dans mes Considérations sur les Corps organisés, Tom. I, Chap. IV, V, XI. Tom. II, Chap. I, II, III. J’étois entré dans de grands détails sur les Reproductions animales, & j’avois essayé d’en donner des Explications qui fussent conformes à la bonne Physique. J’avois montré combien il étoit probable, que cette Faculté de se reproduire s’étendoit à beaucoup d’autres Espèces d’Animaux. Enfin, j’avois remanie tout cela assés en détail dans ma Contemplation de la Nature, publiée en 1764, Part. VIII & IX.
    Comment donc s’est-il trouvé après cela tant d’Incredules dans le Public François sur les Découvertes de Mr. l’Abbé SPALLANZANI ? Ceci prouve trop qu’on ne lit souvent que du pouce des Livres, qui demanderoient à être lus avec attention & médités. Croiroit-on qu’il a paru en 1766 une Brochure intitulée, Lettre de Mr. DEROME de l’Isle à Mr. BERTRAND sur les Polypes d’Eau douce, où l’Auteur prétend démontrer que Mrs. de REAUMUR & TREMBLEY se sont trompés en regardant le Polype comme un véritable Animal. Cet Auteur ose avancer comme une chose, au moins très probable, que le Polype n’est point un Animal; mais, qu’il n’est qu’un Sac ou un Fourreau plein d’une multitude presqu’infinie de petits Animaux. On ne soupçonne pas sans doute, que cet Ecrivain n’a jamais vu de Polypes, bien moins encore qu’il n’a jamais lu Mr. de REAUMUS ni Mr. TREMBLEY. Il ne copie que leur Abbreviateur, Mr. BAZIN. Je n’exagérerai point, si je dis, qu’il y a dans cette Brochure, plus d’erreurs & de méprises que de pages. Cependant elle en a imposé à plus d’un Journaliste, & je ne m’attendois pas que l’estimable Mr. de BOMARE se donnerois la peine d’en faire un Extrait dans le Supplément de son Dictionnaire d’Histoire Naturelle, au Mot Polype. Ce petit Roman physique de méritoit pas une telle place dans un Livre destiné à être le Dépôt des vérités de la Nature. L’accueil si distingué & si bien mérité que le Public a fait à cet Ouvrage, prouve qu’il a su apprécier le zèle éclairé de l’Auteur pour les progrès d’une Science, qu’il travaille avec tant de succès à faire connoître & à enrichir : mais ce que le Public ne sait pas aussi bien que moi, c’est combien la modestie sincère de l’Auteur relève ses Connoissances & ses talens.
  13. Prog. pag. 62 & 63.
  14. Prog. pag. 65 & 66.
  15. Prog. page 71/
  16. Cont. de la Nat. Part. III. Chap. XVII.
  17. Prog. pag. 69.
  18. Ibid. pag. 97.
  19. Prog. pag. 76.
  20. Prog. pag. 75, 76, 77, 78, 79.
  21. Prog. pag. 87.
  22. Ibid. pag. 87.
  23. Ibid. pag. 87, 88.
  24. Prog. pag. 93.
  25. Ibid. pag.
  26. Ibid. pag. 88.
  27. Prog. pag. 84, 85.
  28. Ibid. pag. 82.
  29. Prog. pag. 82, 83.
  30. Ibid. pag. 80.
  31. Ibid. pag. 90.
  32. Prog. pag. 96.
  33. Ibid. pag. 97.