La petite canadienne/05
V
L’ENVELOPPE JAUNE
Le matin de ce même jour, une scène d’un tout autre genre se passait à l’hôtel Welland.
Nous suivrons d’abord Tonnerre et Alpaca qui, on s’en souvient, après avoir reçu leurs instructions de William Benjamin, étaient partis pour se mettre en chasse du capitaine Rutten.
Chemin faisant, ils aperçurent sur le trottoir opposé et venant en sens inverse un grand diable roux, serré dans sa jaquette d’officier canadien, allant d’un pas raide, la mine hautaine, et jouant furieusement de son stick de parade.
— Tenez, Maître Tonnerre, dit Alpaca, voilà justement un de vos anciens amis !
— Tiens ! tiens ! s’écria Tonnerre, ce cher colonel… Quelle surprise !
— Très chic, ce matin, le colonel ! gouailla Alpaca.
— Je gage qu’il serait enchanté de nous serrer les quatre mains !
— Et de nous faire fusiller ensuite ! sourit narquoisement Alpaca.
— Savez-vous, cher Maître, quelle idée me frappe ?
— Quoi donc ?
— Qu’il serait peut-être intéressant de savoir ce que fait ce brave colonel en cette jolie ville de New York.
— Idée admirable ! maître Tonnerre.
— N’est-ce pas ? Eh bien ! que diriez-vous si, laissant le capitaine Rutten à ses soins chéris, moi je m’attachais un peu à la ravissante personne du colonel ?
— Je dirais que la même idée vient d’éclore en mon cerveau.
— Alors, c’est dit. Au revoir, cher Maître ! cria Tonnerre en s’élançant dans la direction du colonel.
— Bonne chance, Maître Tonnerre ! répondit Alpaca en poursuivant sa route.
Ce dernier était déjà loin, mais Tonnerre était encore bon marcheur en dépit de son âge ; aussi put-il le rattraper bientôt sans, naturellement, aller le lui dire… comme, par exemple :
— Bonjour, cher Colonel ! C’est moi votre ami, Maître Tonnerre, notaire, et à votre service…
Non, Tonnerre se contenta de le suivre à une distance respectueuse. Au bout de vingt minutes de marche, il vit le colonel pénétrer dans l’Hôtel McAlpin.
— Bon, se dit Tonnerre en s’arrêtant à quelques pas de l’hôtel, ce colonel, si plein de complaisance qu’il a été pour Maître Alpaca et moi, ne loge pas trop mal après tout ! Mais voilà, ajouta-t-il avec un accent perplexe, vais-je aller rejoindre Maître Alpaca, ou attendre ici la sortie du colonel ? D’une chose je suis sûr : c’est que Maître Alpaca peut très bien de débrouiller seul avec ce Rutten. Et moi, en me rivant aux pas du colonel, je pourrais finir par dénicher une poule aux œufs d’or. Et, par le temps qui court, la trouvaille serait des mieux appréciée par moi-même d’abord, par Maître Alpaca ensuite, et aussi par Monsieur William Benjamin. Et cette poule aux œufs d’or pourrait bien s’appeler Miss Jane !… Donc, conclut Tonnerre, je tiens le colonel et ne le lâche pas !
Cette résolution prise, il alluma un cigare et attendit.
À son entrée à l’hôtel le colonel s’était trouvé sur le passage de James Conrad qui s’apprêtait à sortir.
— Quoi de neuf, Philip ? demanda l’ingénieur.
— Êtes-vous pressé ? interrogea le colonel sans répondre à la question de son oncle.
— Non, répondit Conrad.
— Eh bien ! montons chez moi.
— Je te suis, acquiesça l’ingénieur.
Les deux hommes s’engagèrent dans l’ascenseur et montèrent au deuxième étage où le colonel avait son appartement.
— Savez-vous ce que j’ai découvert ? commença le colonel, après que son oncle et lui-même se furent assis.
— Est-ce intéressant ?
— Vous allez en juger. Écoutez bien. Ce matin, après avoir réglé une petite affaire avec un ami au Welland, j’étais en train de boire un apéritif, lorsque je vois un individu s’approcher de moi, enlever poliment son chapeau et me demander :
— Vous êtes le colonel Conrad, de Montréal ?
— Oui, fis-je un peu surpris et en examinant cet homme qui m’était tout à fait inconnu.
— Et vous êtes, continua ce dernier, un parent de M. James Conrad ?
— Je le crois, puisque je suis son neveu.
— Ah ! très bien, répliqua l’homme avec une apparente satisfaction, je suis content de vous voir, car j’aurais une petite mission à vous confier auprès de monsieur votre oncle.
— Je me chargerai volontiers de cette mission, répondis-je très curieux.
— Voici ce que c’est, reprit l’inconnu. J’ai été informé que votre oncle s’intéresse tout particulièrement à certain Chasse-Torpille l’œuvre d’un jeune inventeur canadien, Pierre Lebon, aussi de Montréal.
— Tout cela est exact. Continuez, dis-je de plus en plus surpris.
— J’ai appris par après que les plans de cette machine acquis par votre oncle lui avaient été subséquemment volés.
— C’est la vérité.
Alors l’inconnu se rapprocha de moi et me dit à voix basse et en grand mystère :
— Monsieur, écoutez bien mes paroles : un hasard a fait tomber ces plans entre les mains d’une personne qui, connaissant leur très grande valeur, cherche à en disposer avec un petit bénéfice pour elle-même. Cette personne a déjà entrepris des démarches qui offrent de bonnes possibilités. Mais elle vient d’avoir la nouvelle que M. James Conrad est à New York et à la recherche de ces plans. Elle a donc pensé que M. Conrad serait plus généreux que quiconque… Et voilà la mission, acheva l’homme, que je désire vous confier.
— Diable ! fis-je très étonné et méfiant à la fois, ceci demande beaucoup de réflexion à cause même de la délicatesse que présente votre mission. Il est vrai que, à la rigueur, je pourrais toujours informer mon oncle de la chose. Seulement, ajoutai-je, il n’y a pas que les plans en question auxquels mon oncle s’intéresse, il y a aussi le modèle de la machine.
L’homme eut un sourire équivoque pour répondre :
— J’allais ajouter, cher monsieur, que la même personne est en mesure de traiter avec M. Conrad relativement à ce modèle.
— Oh ! oh ! m’écriai-je, ceci est mieux, si je dois comprendre que, tout comme les plans, le modèle est en la possession de votre « personne ».
— Cette personne, reprit l’homme avec assurance, détient les plans et le modèle.
— Très bien, alors. Pourtant, je trouve encore une objection.
— Laquelle ?
— Il me semble qu’il serait plus satisfaisant pour moi comme pour mon oncle de connaître le nom de la personne dont vous parlez.
— Je dois vous prévenir, dit l’inconnu, que cette personne est tout à fait étrangère à M. Conrad. Néanmoins, pour la satisfaction de M. Conrad et pour la vôtre, je pourrai vous renseigner tous deux à ce sujet.
— J’estime, insistai-je, qu’il vaut mieux, dans l’intérêt de la mission que vous voulez me confier, me dire de suite ce nom.
— Puisque vous l’exigez, voici : la personne en question se nomme M. Karl Fringer.
— Connais–tu ce nom là ? interrompit Conrad dont l’émotion grandissait à mesure que le colonel parlait.
— Pas plus que vous ne le connaissez vous-même, répondit le colonel.
— Qu’as-tu donc conclu avec cet homme ?
— Nous avons causé plus d’une heure et débattu vivement le prix de la transaction.
— Combien demande-t-il ?
— Vingt mille dollars pour les plans et trente mille pour le modèle. Il en demandait d’abord cent mille en tout.
— Naturellement, tu l’as envoyé promener ? fit Conrad avec mépris.
— Au contraire…
— Allons donc, fit l’ingénieur avec surprise.
— Je l’ai encore ramené au rabais, sourit le colonel avec certaine vanité.
— Ah ! ah !
— Au point que j’ai fini par le convaincre que dix mille dollars pour les plans était un chiffre fort raisonnable. Quant au modèle, je lui ai fait entendre que, au cas où vous seriez disposé à traiter de cette affaire, quinze mille dollars seraient la plus haute somme payée.
L’ingénieur se mit à considérer son neveu avec le plus drôlatique étonnement, et il s’écria, non sans papilloter très fort des paupières :
— As-tu perdu la tête, Philip ? As-tu pensé une seule minute que je serais assez stupide de payer deux fois pour ces plans et ce modèle ?
Le colonel fut secoué par un tressaillement de contrariété.
— Me serais-je fourvoyé ? pensa-t-il. Quelle idée peut donc avoir mon oncle ?
Et comme il gardait le silence, très désorienté, Conrad reprit avec véhémence :
— Oui, je me demande si tu as perdu la tête. Voilà un individu qui vient te dire : « C’est moi ou telle autre personne que je connais qui suis actuellement le dépositaire des plans volés à votre oncle ! »… Et toi alors, au lieu de livrer à la justice ces receleurs, tu discutes avec eux toute une transaction financière.
Le colonel se mit à rire doucement.
L’ingénieur demeura interloqué par le rire de son neveu, puis il demanda avec humeur :
— Qu’est-ce qui te fait rire ?
— Ceci, répondit le colonel : que mon homme m’avait tout d’abord prévenu que le particulier, Karl Fringer, a pris toutes ses dispositions et ses précautions pour assurer la mise à point de son entreprise, et que l’argent seul, bien et dûment versé, pourra acquérir les plans et le modèle. Ce qui, dans mon esprit, revient à dire que la police, une arrestation, toute la machine justicière enfin ne pourra vous rendre ce qui vous a été volé.
James Conrad poussa un long soupir et se renversa sur le dossier de son siège. Les dernières paroles du colonel lui ôtaient l’espoir qu’il avait un moment entrevu de ravoir les plans et le modèle sans bourse délier.
Le colonel comprit l’effet de ses paroles, et un éclair de joie illumina ses prunelles jaunes.
Aussi reprit-il avec plus de confiance :
— Mon oncle, vous savez que j’ai peu l’habitude de me mêler de vos affaires pas plus que de celles des autres : mais vous savez aussi que je m’intéresse beaucoup au succès des vôtres. Alors, j’avais pensé qu’en acceptant la proposition de ce Karl Fringer vous mettiez tout bonnement cinquante mille dollars dans vos poches.
Ce chiffre fit tressauter l’ingénieur. Il clignota fortement des yeux, assujettit son lorgnon et dit :
— Explique-toi, Philip.
— Écoutez donc. Lebon vous a volé les plans et le modèle plus vingt-cinq mille dollars. Mais si Lebon n’avait pas été une canaille, vous auriez eu à lui verser une somme additionnelle de soixante-quinze mille dollars, ce qui, si je sais bien compter, aurait fait une somme totale de cent mille dollars. Or, Lebon en commettant ce vol a perdu tous ses droits à l’invention, et n’a à faire valoir contre vous aucune réclamation. Maintenant il arrive, par je ne sais quelles combinaisons du hasard, que des inconnus vous offrent les mêmes plans et le même modèle pour une somme nette de vingt-cinq mille dollars, somme qui, avec celle payée à Lebon, vous rend propriétaire de toute l’affaire pour un montant global et final de cinquante mille dollars. Voyons, est-ce clair, mon oncle ?
Conrad, cette fois, parut ébloui et il s’écria :
— Tu as raison, Philip, l’affaire est splendide. Revois ton homme et l’amène ici.
— Une minute, mon oncle. Cet homme m’a dit que, si vous acceptiez le marché, vous pourriez vous rendre aujourd’hui entre dix et onze heures au Welland.
— Ce Fringer loge donc au Welland ?
— Je le crois et je crois aussi qu’il n’est ni plus ni moins que la personne même qui m’a chargé de cette mission auprès de vous.
— C’est ce que j’avais un peu pensé, répliqua Conrad, méditatif.
Un silence s’établit au bout duquel l’ingénieur demanda :
— Es-tu d’avis que je me rende au Welland ?
— Sans doute, répondit vivement le colonel. Car le plus tôt l’affaire bâclée, le mieux ce sera pour vous. Je crois savoir que ce même Fringer est aussi en relations avec William Benjamin.
— Au fait, l’avais oublié Benjamin. Eh bien ! c’est dit : je vais au Welland. Tu m’accompagnes ?
— Certainement, répondit le colonel avec un sourire de triomphe.
L’instant d’après les deux hommes sortaient rapidement de l’hôtel, montaient en taxi et s’éloignaient à toute allure, au grand désespoir de Maître Tonnerre qui pesta, jura, sacra, et finit, enfin, par se donner cette bonne consolation :
— C’est égal, je connais le logis… Je pourrai toujours rattraper le locataire !
Et Tonnerre s’éloigna pour aller rejoindre son compère.
Il était dix heures et demie, lorsque James Conrad et son neveu furent introduits dans l’appartement de M. Karl Fringer, au Welland Hôtel.
Après l’échange usuel de politesse et que chacun des trois personnages eut pris un siège, l’ingénieur commença :
— Ainsi donc, Monsieur Fringer, vous possédez les plans du Chasse-Torpille Lebon ?
— Oui, monsieur, répondit Fringer en recroquevillant davantage les pointes de sa moustache tournées en queue de cochonnet.
— Et le modèle ? interrogea encore Conrad.
— Le modèle pourra vous être livré d’ici deux ou trois jours.
— Aux prix que vous avez établis avec le colonel ?
— Oui, monsieur.
— C’est-à-dire, spécifia Conrad, dix mille dollars payables contre remise des plans, et quinze mille contre livraison du modèle ?
— C’est cela.
— Eh bien ! je suis prêt à conclure le marché. Mais vous conviendrez que je ne peux rien faire avant de m’être assuré que les plans en question sont bien authentiques.
— C’est très juste, monsieur, répondit Fringer. J’ai ici les plans.
— Tout va bien alors, répliqua Conrad.
Et pendant que Fringer tirait d’une poche intérieure de sa veste une large enveloppe jaune, l’ingénieur exhibait son carnet de chèques et le posait devant lui.
— Voici l’enveloppe qui contient les plans, dit Fringer dont l’œil avide, comme celui du colonel, se posait sur le beau carnet de chèques.
Conrad prit l’enveloppe, ajusta son lorgnon et l’examina avant de l’ouvrir. Ses yeux clignotèrent vivement. Il retourna l’enveloppe en tous sens, puis, regardant Fringer, demanda :
— Êtes-vous sûr qu’en cette enveloppe se trouvent les plans qui nous intéressent.
Car, disons-le, l’ingénieur ne reconnaissait pas l’enveloppe en laquelle il avait mis les plans du Chasse-Torpille, le jour où il les avait achetés de Pierre Lebon.
La question de l’ingénieur parut embarrasser Fringer, qui jeta sur le colonel un regard interrogateur.
Le colonel tressaillit et fit mine de ne pas voir le regard de Fringer. Il demanda :
— Ne reconnaissez-vous pas cette enveloppe, mon oncle ?
— Cette enveloppe n’est ni du format ni du papier de celle dans laquelle j’avais mis les plans.
— Ah !… fit le colonel dont le front s’humecta d’une sueur légère mais froide.
— Ensuite, ajouta Conrad, j’avais noté sur l’enveloppe : « Plans C.-T. » Cette note, je ne la retrouve point sur celle-ci.
Le colonel tressaillit de nouveau et pensa :
— L’imbécile de Fringer… qui a refusé de me laisser voir et constater que cette enveloppe était ou n’était pas celle que j’avais vue !
Mais de suite Fringer émettait :
— Il se peut, monsieur Conrad, que l’enveloppe ait été changée ?
— En effet, cela se peut, répliqua Conrad. Et puis, je remarque qu’elle est scellée, et la mienne ne l’était pas.
— My Lord !… s’écria le colonel qui était sur des épines, rien n’est plus simple que de voir ce que contient cette enveloppe, regardez !
— Oui, regardez, appuya Fringer.
— Il n’y a pas autre chose à faire, dit Conrad en brisant une extrémité de l’enveloppe. Puis il en tira une feuille de papier blanc pliée en trois. Dans l’enveloppe il remarqua qu’il y avait encore une dizaine de ces feuilles de papier. Il déplia celle qu’il tenait dans ses mains et la vit couverte d’une grosse écriture très irrégulière, et cela lui parut une lettre.
Il la parcourut rapidement et curieusement des yeux.
— Diable !… s’écria-t-il au bout d’un moment, qu’est-ce que cela veut dire ?… C’est une lettre… une lettre écrite en langue française !… Voyons ! heureusement que je connais cette langue. Cette fois, il se mit à lire attentivement.
— Pâle, le colonel observait son oncle d’un regard vacillant.
Fringer, curieux et craintif à la fois, cherchait à surprendre sur la physionomie de l’ingénieur les impressions que pourrait faire naître cette lecture.
Quant à Conrad, au fur et à mesure qu’il lisait, son visage exprimait tour à tour la surprise, l’étonnement, la stupeur. Puis un sourire retenu se fit jour entre ses lèvres. Ce sourire s’accentua, s’amplifia, pendant que les paupières battaient terriblement. Puis, enfin, l’ingénieur partit d’un rire, mais d’un rire énorme, formidable, d’un rire qui fit chanceler sur leur siège respectif le colonel et Fringer,
Le colonel voulut parler… Conrad continua de rire de plus belle.
Fringer, à son tour, tenta de demander une explication de ce rire singulier.
Le rire de Conrad devint plus formidable.
Alors le Colonel et Fringer s’entre-regardèrent et ils parurent se poser cette question :
— Est-il fou ?…
Ils finirent par le penser, lorsque Conrad se pâma… Et, pour le colonel qui connaissait son oncle, c’était d’autant plus bizarre, que rarement l’ingénieur riait. Mais là, ce n’était plus du rire… L’ingénieur avait échappé son lorgnon, ses yeux pleuraient de rire, sa bouche se fendait dangereusement, il se tapait les cuisses, il posait ses mains à ses côtés, sautait, tressautait… puis retapait ses cuisses… Il voulut bien mettre un frein à ce rire débordant, mais alors il apercevait les figures stupides d’hébétement du colonel et de Fringer et le rire, le fou rire, le rire débridé, le rire qui tue parfois, le reprenait…
Enfin, par un terrible effort de volonté, il réussit à retrouver en partie son calme et son sérieux, et la voix à demi éteinte, hoquetante, toujours sur le point de repartir avec le mors aux dents, il dit à ses deux interlocuteurs :
— Écoutez cela… je ne veux pas rire seul…
Et il se mit à lire la lettre suivante :
Est-il pire souffrance, pire douleur, pire catastrophe que cette longue et cruelle séparation ? Hélas ! sans cesse ballotté par les vagues gigantesques d’une mer en furie, j’ai beau tourner ma barque vers votre port, toujours je suis repoussé par les vents contraires. Mais qu’importe ! Votre cher souvenir et mon inaltérable amour me donnent le courage viril et la ténacité inébranlable qui finiront bien par vaincre les éléments déchaînés. Comme César, je franchirai le Rubicon ! Mais j’aurai plus de gloire que César, attendu que j’aurai été seul à conduire ma barque avariée. Et dussé-je m’environner d’ailes, comme l’aigle qui traverse la tempête pour remonter à son aire, je balayerai l’espace ! Je refoulerai les vastes ouragans ! Je ferai rentrer les mers dans leur lit ! J’apaiserai les océans écumeux ! De ma route j’écarterai les monts ! Et, chère Adeline, je vous le jure, vous me verrez bientôt tomber à deux genoux devant votre personne. Et, en attendant que ce bienheureux espoir se réalise, je vous prie de me croire toujours, très chère et très adorée Adeline,