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La philosophie de Butler/01

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La philosophie de Butler


LA PHILOSOPHIE DE BUTLER

I. LA MORALE


Le nom de Butler est à peu près inconnu parmi nous. Les Allemands eux-mêmes ont l’air de l’ignorer. M. Flint observe que Erdmann ne le mentionne pas dans son Histoire de la philosophie. Ueberweg lui consacre trois lignes inexactes. Dorner, dans son Histoire de la théologie protestante, se contente de le nommer. Ni dans l’Encyclopédie théologique de Herzog, ni dans le Dictionnaire philosophique de Noak, il n’obtient l’honneur d’un article. — Et cependant cet homme a exercé une profonde et durable influence sur la pensée philosophique, tant en Amérique qu’en Angleterre. Son Analogie, ses Sermons sur la nature humaine sont, de l’autre côté du détroit, classiques au même titre que le sont en France le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, de Bossuet, ou le Traité de l’existence de Dieu, de Fénelon. — Les Anglais ont assez de philosophes de premier ordre pour qu’on ne les soupçonne pas de vouloir grandir Butler par vanité nationale ; il faut donc qu’il soit original ou profond par un côté qui nous ait jusqu’à présent échappé. C’est ce qu’il nous a paru intéressant de rechercher. Fort heureusement, il ne s’agit pas ici d’une réhabilitation : Butler n’a jamais cessé d’être estimé chez lui pour ce qu’il vaut, peut-être même pour un peu plus. Seulement, hors de l’Angleterre, on ne lui a pas encore fait sa place dans l’histoire de la philosophie. Cette destinée a été, il faut bien le reconnaître, celle de quelques penseurs plus grands que Butler. Il n’y a pas bien longtemps que Berkeley, Hume, Hamilton ont conquis le rang qu’ils méritent, et je crois qu’une étude approfondie de Hobbes le mettrait dans notre estime plus haut qu’il n’est. Mais la philosophie anglaise a été si longtemps négligée parmi nous ! Il était tellement entendu, sous M. Cousin, que Descartes, Leibniz, Kant, Fichte, Schelling, Hegel représentent à peu près seuls la philosophie moderne ! On faisait sans doute exception pour Bacon, Locke et Reid ; mais leurs tendances expérimentales les rendaient suspects, sauf peut-être en psychologie. Il fallut que la métaphysique devint suspecte à son tour, pour qu’on revînt aux Anglais. Aujourd’hui, comme au xviiie siècle, l’esprit français serait tenté de se mettre à l’école de l’Angleterre plutôt qu’à celle de l’Allemagne ou du cartésianisme. St. Mill, Darwin, Spencer — ce dernier, malgré ses grandes vues métaphysiques — sont parmi nous les maîtres de toute une génération de philosophes et de savants. Qu’on s’en félicite ou qu’on s’en plaigne, le fait est difficilement contestable ; ce nous est un encouragement à espérer que notre étude ne sera pas entièrement dénuée d’intérêt pour des lecteurs français[1].

I

La morale de Butler est contenue principalement dans les quinze Sermons et la Dissertation sur la vertu. Les sermons sont eux-mêmes de véritables dissertations. Cinq seulement ont une valeur philosophique : les trois premiers, le onzième et le douzième. Les trois premiers portent le titre commun : Sur la nature humaine.

Dans sa préface de l’édition des Sermons, Butler distingue deux grandes méthodes en morale. L’une prend pour point de départ la considération des rapports nécessaires qui existent entre les choses et les êtres ; c’est celle de Malebranche, de Cudworth, de Clarke, de Wollaston ; l’autre, expérimentale, s’attache à l’étude de la nature humaine, pour en tirer des inductions sur la conduite la plus conforme à cette nature prise dans son ensemble. « Dans la première, la conclusion s’exprime ainsi : le vice est contraire à la nature et à la raison des choses ; dans la seconde, le vice est une violation et comme une destruction de notre nature. Elles nous conduisent ainsi toute deux au même résultat, savoir l’obligation pratique de la vertu, et ainsi elles se fortifient singulièrement l’une par l’autre. La première semble fournir la preuve formelle la plus directe, et, à certains égards, elle est plus à l’abri de la chicane et de la dispute ; la seconde est plus spécialement propre à contenter un esprit bien fait, et plus facilement applicable aux relations particulières et aux diverses circonstances de la vie[2]. » C’est la seconde que Butler prétend suivre. « Les trois premiers sermons expliquent ce que l’on entend par nature de l’homme, quand on dit que la vertu consiste à la suivre, et le vice à s’en écarter. » Les stoïciens, poursuit-il, avaient dit la même chose, mais ils ne s’étaient pas mis en peine de déterminer ce qu’est cette nature humaine, et leur formule devient une formule vague, qui semble justifier toute conduite conforme à l’une quelconque des parties de cette nature. — Critique assurément injuste, car Butler avoue lui-même que, pour les stoïciens, la véritable nature de l’homme c’est la nature raisonnable. Les stoïciens ne faisaient d’ailleurs en cela que répéter Platon et Aristote.

Quoi qu’il en soit, Butler croit faire œuvre nouvelle en précisant l’idée « du système, de l’économie ou de la constitution d’une nature ou d’une chose particulière ». C’est, dit-il, une unité ou un tout formé de parties différentes. Mais cette idée reste incomplète tant qu’elle n’enferme pas les relations et les rapports de chacune des parties entre elles. De plus, comme toute œuvre, naturelle ou artificielle, suppose un but, extérieur à elle, en vue duquel elle a été faite, l’idée d’un système implique celle d’une appropriation à cette fin ou à plusieurs.

On ne connaît pas une montre parce qu’on en a sous les yeux toutes les parties. Il ne suffit pas même que ces parties soient juxtaposées et unies entre elles d’une façon quelconque : il faut qu’on en ait découvert les rapports et qu’on ait déterminé comment chacune concourt au but commun, qui est de marquer l’heure. Alors seulement on a l’idée d’une montre. De même pour la constitution intérieure de l’homme. « Les appétits, les passions, les affections et le principe de réflexion, considérés simplement comme parties distinctes de notre nature morale, ne donnent en aucune manière l’idée du système de cette nature. Elle suppose en effet la connaissance des relations qui existent entre chacun de ces éléments, et, de toutes ces relations, la plus importante, c’est l’autorité de la réflexion ou conscience. » Elle suppose de plus la connaissance du but en vue duquel est manifestement faite cette constitution morale de l’homme : ce but, disons-le tout de suite, c’est la vertu.

Diversité des éléments intégrants de la constitution humaine ; suprématie de la conscience ; l’obligation de la vertu, comme conséquence nécessaire d’une nature ainsi constituée à ces trois points se ramène ce qu’il y a d’essentiel dans la morale de Butler.

II

Déterminer et classer les principes différents dont l’ensemble et la hiérarchie forment ce système qui est l’homme moral, tel devrait être, semble-t-il, le premier soin de Butler. Une psychologie aussi exacte que possible ne s’imposait-elle pas à lui comme la préface indispensable de son éthique ? Cette psychologie, il ne l’a pas faite. Il parle vaguement d’appétits, de passions, d’affections et de désirs ; il nom me quelques-uns de ces principes : l’amour de la louange, le désir d’estime, l’avarice, la compassion, la vengeance, la bienveillance, l’amour de soi : quant à une énumération complète, méthodique, on la chercherait vainement. Convient-il de lui en faire un reproche ? Nous ne le pensons pas. Il suffit au moraliste de constater qu’il y a dans la nature humaine des tendances différentes et qu’elles n’ont pas la même valeur. Quand Platon enferme sous la dénomination générale d’ἐπιθυμητικόν tous les désirs sensuels, il n’en présente ni une nomenclature détaillée ni une classification. Qui songe à l’en blâmer ?

Parmi les éléments distingués par Butler, deux lui paraissent également essentiels, également irréductibles : l’amour de soi et l’amour du prochain.

L’amour de soi est distinct des autres affections. Celles-ci aspirent à leur objet pour cet objet même : la faim, par exemple, va à la nourriture sans se soucier du plaisir qu’elle procure. L’amour de soi peut rechercher accidentellement les mêmes choses que les autres affections ; mais il ne les poursuit alors que comme moyens, non comme fins. Son objet propre, c’est nous-même ; il n’est pas extérieur, comme celui des autres tendances. Il s’ensuit que l’amour de soi n’est pas le bonheur et qu’en s’aimant à l’excès on est sûr de ne pas être heureux. Le bonheur en effet suppose la jouissance des objets appropriés par la nature à nos différentes affections. Si l’amour-propre se développe au point de supprimer toute autre tendance, nous nous trouvons par là même frustrés de toutes les satisfactions que ces tendances nous auraient pu procurer. L’amour de soi doit donc rester subordonné à cette fin générale que notre constitution lui assigne : rechercher les objets des autres affections. L’intérêt suprême de l’égoïsme, c’est une certaine mesure de désintéressement. L’amour de soi enseigne à l’homme à ne pas trop s’aimer[3].

De tous les principes désintéressés, l’amour du prochain, ou la bienveillance, est le plus important. On n’en saurait contester l’existence ; l’état social ne s’explique et ne se maintient que par lui. Il semble que tous les prétextes soient bons à l’homme pour manifester et exercer la sympathie naturelle qui l’unit à ses semblables. Cultiver le même sol, respirer le même air, faire partie de la même province ou du même district, parler le même idiome, autant de raisons pour qu’un lien de bienveillance s’établisse ou se noue plus étroitement. « Se considérer comme indépendant des autres, ne tenir d’eux aucun compte dans sa conduite, est aussi absurde que de supposer la main, par exemple, sans aucun rapport avec le reste du corps[4]. »

On objectera contre l’existence d’un amour inné du prochain qu’il y a un penchant naturel à la malveillance. Autrement, comment les hommes pourraient-ils jamais se nuire les uns aux autres ? — Butler répond que l’homme se nuit bien souvent à lui-même, jusqu’à ruiner sa santé, jusqu’à causer sa propre mort. En conclut-on que l’amour de soi n’est pas un sentiment naturel ? Le vrai, c’est qu’il y a en nous des passions qui, déréglées, vont accidentellement au mal d’autrui, comme elles vont à l’encontre de l’intérêt individuel ; mais, de même que la haine de soi n’existe pas, à titre de disposition essentielle et primitive, de même la malveillance. « Il n’y a pas d’amour de l’injustice, de l’oppression, de la trahison, de l’ingratitude, mais les désirs violents de tel ou tel bien extérieur, qu’on chercherait à acquérir par des moyens innocents, si ces moyens semblaient aussi faciles ou aussi efficaces. L’émulation, qui est un désir d’égaler ou de surpasser les autres, est par elle-même exempte de haine, sauf quand elle est excessive. L’envie a le même objet que l’émulation ; seulement elle s’en distingue parce qu’elle tend à rabaisser autrui au-dessous de nous. La fin de l’envie n’est donc pas de faire du mal ; mais ce mal est pour elle un moyen d’atteindre sa fin. »

On objecte encore que certains hommes sont dénués de toute affection bienveillante. — Certains aussi manquent d’une affection naturelle pour eux-mêmes. On ne doit rien conclure de telles exceptions. En fait, les hommes pèchent non moins souvent contre l’amour de soi que contre la bienveillance. « Ils contredisent aussi souvent la partie d’eux-mêmes qui tend à leur propre bonheur que celle qui tend au bien public. Ceux qui atteignent tout le bonheur dont ils sont capables ne sont pas plus nombreux que ceux qui font aux autres tout le bien qu’ils pourraient. » Qui ignore, par exemple, que les richesses, les honneurs, les plaisirs des sens, recherchés avec excès, deviennent pour l’individu la source de mille maux ? Et combien, le sachant, agissent en conséquence ?

Reconnus distincts, également naturels et primitifs, les deux principes, l’amour de soi et l’amour d’autrui, sont-ils réellement opposés l’un à l’autre ?

On a vu que, loin d’exclure les autres affections, l’amour de soi les suppose, et que le bonheur n’est possible que si l’égoïsme n’est pas assez puissant pour les détruire. L’amour du prochain n’est pas plus incompatible avec l’amour-propre que l’une quelconque des tendances qui nous portent vers des choses inanimées. L’ambition, par exemple, va aux honneurs : c’est un but extérieur. La bienveillance va au bien d’autrui ; c’est aussi un but extérieur. L’amour de soi recherche ces mêmes objets, non directement et pour eux-mêmes, comme le font des inclinations particulières, mais indirectement et en tant que moyens de satisfaire ces inclinations, dont la satisfaction collective constitue le bonheur, objet propre et immédiat de l’amour de soi.

À l’égard de celui-ci, la bienveillance est donc tout au moins sur le même rang que les autres principes de notre nature. Ajoutons que sa situation est beaucoup plus favorable.

Comparons-la, pour préciser, à l’ambition. Supposons deux hommes dominés chacun par l’une de ces deux tendances. En cas de succès, ils ont également atteint leur but ; mais, en cas d’insuccès, celui qui a poursuivi le bonheur d’autrui trouve une sorte de bonheur dans sa conscience, « car cette poursuite, étant considérée comme vertueuse, est, dans une certaine mesure, sa propre récompense[5] ».

La bienveillance implique la bonne humeur, c’est-à-dire la meilleure disposition pour jouir de tous les plaisirs de la vie. Une fausse analogie tirée de la notion de propriété a pu seule accréditer l’opinion que l’amour de soi est en opposition avec l’amour d’autrui. Il semble que prendre sa part dans la bienveillance du prochain, c’est diminuer en lui celle de l’amour-propre, de même qu’on ne peut partager son argent sans l’appauvrir d’autant. Loin de là : la somme du bonheur individuel, effet de la satisfaction des autres tendances, la bienveillance l’augmente de cette joie sereine et durable qui la suit.

On trouvera peut-être que ces vues de Butler ne sont ni bien neuves ni bien profondes. Il nous semble cependant que, en face de l’utilitarisme qui devait triompher en Angleterre après lui, la position qu’il prend ne manque pas d’originalité. Il maintient l’indépendance essentielle des deux principes, égoïsme et altruisme. Or les plus laborieux efforts d’analyse n’ont pas encore réussi à dériver celui-ci de celui-là. D’autre part, nul parmi les utilitaires n’a mieux montré que lui tout ce que l’homme ajoute à son propre bonheur en travaillant à celui de ses semblables. Peut-être même, entraîné par l’influence de Shaftesbury, a-t-il ici dépassé la mesure. J’admets avec lui que l’égoïsme pur, absolu, sans mélange, exclurait la possibilité du bonheur même qu’il poursuivrait uniquement ; mais est-il vrai que la bienveillance contribue pour une aussi grande part à la satisfaction de l’amour de soi ? N’est-ce pas au contraire élargir son cœur à la souffrance que de ressentir trop vivement celles des misérables, et la joie qu’on éprouve à les soulager n’est-elle pas rendue bien amère par la pensée de tout ce qu’il resterait à guérir ? L’optimisme superficiel du xviiie siècle, en Angleterre surtout, se complaît dans ce lieu commun paradoxal que le meilleur calcul de l’intérêt privé c’est de se vouer au bonheur public ; une sensibilité déclamatoire se flatte d’augmenter la somme de ses plaisirs par les jouissances raffinées de la sympathie. La charité n’est plus qu’un ragoût délicat de l’égoïsme. Butler ne dit pas tout à fait cela, et je l’en félicite. Mais une bienveillance qui n’aurait d’autre but que sa propre satisfaction n’irait pas loin et se lasserait vite ; l’amour sacré du prochain a ses mécomptes, ses déchirements, ses désespoirs, comme les amours profanes, et, pas plus qu’eux, il ne garantit la paix et le bonheur à ses fidèles. Voilà ce que Butler eût dû nous faire entendre, et sa doctrine, plus élevée déjà que celle de Shaftesbury et surtout de Bentham, en aurait pris, croyons-nous, un surcroît de grandeur.

III

Le vrai titre de Butler, c’est sa théorie de la conscience. Faut-il même donner le nom de théorie à une série d’affirmations ? D’abord Butler est un peu flottant sur le nom qu’il convient de donner à ce principe. Ainsi il l’appelle indifféremment conscience, raison morale, sens moral, raison divine. Mais, plus généralement, c’est pour lui le pouvoir de réflexion, la faculté d’approuver ou de désapprouver (approving or disapproving faculty), expression qu’il déclare emprunter à Épictète (δοκιμαστική, ἀποδοκιμαστική).

Qu’est-ce donc que cette faculté ?

Outre les instincts et tendances qui constituent notre nature, celle-ci enferme encore « une capacité de réfléchir sur les actions et caractères, d’en faire un objet pour notre pensée ; et en agissant ainsi, naturellement et inévitablement, nous approuvons certaines actions, à ce point de vue spécial qu’elles sont vertueuses et méritoires, et nous en désapprouvons d’autres, comme vicieuses et dignes de châtiment[6]. »

Mais par actions, ce qu’il faut entendre ici, ce sont « les principes actifs et pratiques qui, fixés par l’habitude, constituent le caractère. » Les conséquences, utiles ou nuisibles, n’y sont comprises qu’en tant qu’elles ont été prévues dans l’intention de l’agent ; mais le jugement en lui-même est indépendant de ces conséquences.

La conscience a un double rôle ; non seulement elle juge les actions avant comme après leur accomplissement et les déclare bonnes ou mauvaises ; mais encore « elle se qualifie elle-même comme guide de conduite et de vie, par où elle se distingue et se pose en face de toutes les autres facultés ou principes naturels d’action, de la même manière que la raison spéculative juge directement et naturellement de la vérité ou de l’erreur spéculatives, en même temps qu’elle sait, par une conscience réfléchie, que le droit d’en juger lui appartient. »

Nous trompons-nous ? Il nous semble démêler dans cet obscur passage ce qui sera bientôt la raison pratique de Kant. Ce n’est encore ici qu’une comparaison ; la conscience est simplement analogue, dans la sphère de la conduite (c’est-à-dire de l’intention et des dispositions morales), à la raison dans l’ordre théorétique ; mais l’analogie est tout au moins intéressante et vaut d’être signalée.

Butler pourrait à la rigueur se dispenser de prouver l’existence de la conscience. Elle est un fait primordial de la nature humaine, et ce fait, il suffit de le montrer. Il n’est pas inutile cependant de rappeler que toutes les langues renferment les mots bien et mal, vice et vertu ; que les systèmes de la plupart des moralistes seraient inexplicables si les notions sur lesquelles ils se fondent étaient purement chimériques ; que, partout, les hommes ont distingué entre une injustice et un dommage causé involontairement ; que, partout, quelques différentes définitions qu’on ait donné de la vertu, on a été d’accord sur les conditions essentielles de la bonne conduite et de l’ordre social la justice, la véracité, l’amour du bien public. Cet appel au consentement universel, dont une critique exigeante pourrait contester la valeur, on devait l’attendre d’un auteur qui entend se fonder uniquement sur les faits.

C’est encore un fait indéniable que la conscience a une supériorité de nature sur les autres éléments dont l’ensemble constitue le système moral de l’homme. Cette supériorité n’est pas une puissance (power) ; elle est une autorité. La conscience n’a pas seulement à l’égard des autres principes une influence qui se manifeste accidentellement et à son tour : ceux-ci peuvent être les plus forts quelquefois, souvent, toujours : la conscience n’en reste pas moins la souveraine légitime, qu’aucune déchéance ne peut atteindre, dont aucune rébellion, si prolongée qu’on en suppose le triomphe, ne saurait prescrire les droits. « Qu’elle ait la force comme elle a le droit, qu’elle ait le pouvoir comme elle a visiblement l’autorité, elle gouvernerait absolument le monde[7]. »

Un animal, attiré par un appât, tombe dans un piège et est tué. Il a complètement suivi sa nature. Le même acte est en disproportion avec la nature de l’homme (un natural). Pourquoi ? Est-ce parce que dans ce cas l’homme a agi contrairement à l’amour raisonnable de soi-même (cool self-love) considéré simplement comme partie de sa nature ? Non ; car s’il avait résisté à une passion ou à un appétit, il aurait agi contrairement à une autre partie de sa nature. Est-ce parce que l’amour raisonnable de soi-même est plus fort que l’appétit ? Non, puisqu’il s’est ici trouvé plus faible. C’est donc que l’amour raisonnable de soi-même est, par essence et spécifiquement, supérieur à l’appétit et à la passion aveugles ; et cette supériorité, la conscience la constate et la révèle immédiatement. Elle est ce principe de réflexion qui contrôle les affections et les actes de l’homme ; elle est la règle de la conduite, s’il est vrai qu’il soit légitime de conclure de la constitution d’un être à sa fin, et que cette constitution soit altérée ou détruite aussitôt qu’a cessé de s’exercer cette souveraineté de la conscience.

Par ce principe seul, l’homme est une loi pour lui-même. Expression remarquable, que Butler emprunte à saint Paul, et qui annonce la volonté autonome de Kant. Suivre tantôt une impulsion, tantôt une autre, obéir aujourd’hui à la conscience, demain à l’appétit brutal, comme l’âme démocratique de Platon, sous prétexte que tous les éléments de la nature humaine ont droit de prédominer tour à tour, c’est contredire la notion même de cette nature, c’est nier qu’on soit une loi pour soi-même, c’est proclamer l’anarchie gouvernement légitime du dedans. Faculté intuitive, comme la raison, la conscience est sans doute infaillible[8] ; néanmoins la complaisance coupable que nous avons pour nous-même nous aveugle souvent sur la valeur morale de notre caractère et de nos actes. Mais, observe Butler, cette illusion ne se produit que dans la sphère des vices moindres ou des devoirs particuliers et mal définis[9]. Quant aux actes manifestement immoraux, c’est seulement à l’égard des circonstances où ils se produisent que nous pouvons songer à nous trouver des excuses. S’ensuit-il que la conscience ne nous parle pas avec une clarté et une autorité suffisantes ? Non ; car nous sentons toujours qu’un examen plus sincère dissiperait nos sophismes et nous montrerait à nos propres yeux tels que nous sommes. C’est la situation d’un homme embarrassé dans ses affaires et qui essaye de s’étourdir en refusant d’y regarder.

Mais, enfin, sur quel fondement repose l’obligation d’obéir à la conscience ? C’est, répond Butler en moraliste théologien, que Dieu même nous l’a donnée comme loi de notre nature et guide souverain de notre conduite.

Cette théorie est certes bien loin d’avoir la rigueur et la précision qu’on serait en droit d’exiger. On cherche vainement une définition de la conscience ; elle nous est donnée comme un principe de réflexion, une faculté d’approuver ou de désapprouver. Tout cela est d’un vague désespérant. On peut réfléchir sur les principes d’action auxquels on obéit sans porter nécessairement un jugement moral. Bien plus, ce jugement n’est possible que si certains principes sont, par eux-mêmes, supérieurs aux autres, et ils ne peuvent l’être qu’en vertu d’une perfection relative, c’est-à-dire d’une conformité plus ou moins grande à un idéal de conduite. Mais Butler n’a même pas déterminé l’idée d’une volonté autonome ; car le chapitre de l’Analogie où il essaye de réfuter la doctrine de la nécessité n’a rien à voir avec le problème moral. Ce problème comporte toute une théorie du bien, ou de l’objet de la liberté, que Butler a complètement négligée. Il s’est tenu au point de vue psychologique et subjectif de l’éthique. Comment s’étonner qu’il n’ait pas abouti à une solution satisfaisante ? On dira que la notion de la nature humaine et d’une hiérarchie entre les tendances ou les principes qui la constituent représente quelque chose d’objectif. Qu’est-ce, en effet, que le bien, sinon réaliser cette nature, maintenir ou établir en soi-même cette hiérarchie ? — Soit ; mais à la condition que cette nature ne soit pas celle qui nous est donnée par l’expérience. L’expérience nous révèle ce qui est, ce que nous sommes ; en morale, il s’agit de déterminer et de réaliser ce qui doit être. La nature humaine, telle qu’elle est, ne saurait être un idéal, une fin en soi. La hiérarchie actuelle des principes, tendances ou mobiles de cette nature, ne peut être la hiérarchie absolue, définitive, immuable dont l’existence serait la perfection de l’homme moral. En un mot, pour que l’homme soit tenu de suivre sa nature, il faut que cette nature soit conçue par lui comme un idéal, un doit être. Ce n’est pas celle que la psychologie peut décrire, mais cette nature humaine supérieure dont parle Spinoza et dont la raison seule fournit les traits.

Cette nécessité d’un idéal moral n’a pourtant pas été entièrement méconnue par Butler, qui distingue si justement, quand il parle de la conscience, entre l’autorité et le pouvoir. Qu’est-ce à dire, sinon que la conscience, sans être toujours, en fait, la, souveraine, ne cesse jamais de l’être en droit ? C’est donc un homme idéal, un monde idéal, que le monde et l’homme où la conscience tiendrait toutes les forces soumises à son empire. Mais un tel rôle n’est pas celui d’un modeste principe de réflexion, d’une simple faculté d’approuver ou de désapprouver ; il est celui de la raison elle-même, en tant qu’elle conçoit le parfait réalisable par la liberté.

On a reproché à Butler d’avoir donné à l’obligation morale un fondement tout empirique. Mais d’abord il fait de la conscience l’écho en nous de la volonté divine, et pour lui la volonté de Dieu n’est que l’expression de sa raison[10]. Ensuite, si nous avons la notion d’une obligation, il faut bien que cette notion soit un fait. L’obligation est nécessaire ; la connaissance que nous en avons est rationnelle ; mais cet acte de la raison qui saisit le caractère obligatoire d’une loi ou d’un motif est, après tout, un fait, comme tous les autres, de notre nature. En ce sens, la morale de Kant lui-même se fonde sur un fait. Butler a dit que la conscience a l’autorité, même quand elle n’a pas le pouvoir. Cela suffit pour qu’on ne soit pas en droit de l’accuser d’empirisme. Ce qui reste vrai, c’est que, pour lui, la conscience juge plutôt qu’elle ne commande. Il n’a pas approfondi l’idée d’une loi obligatoire : ce sera l’œuvre de Kant.

IV

Dans un article intéressant du Mind[11], M. Davidson observe que Butler a fait toute une dissertation de la vertu, sans définir ce qu’il entend par vertu. Butler se contente d’affirmer que dans tous les temps les hommes ont été d’accord pour considérer comme vertus la justice, la véracité, l’amour sincère du bien public. Cette définition par énumération des parties est bien insuffisante ; on peut même se demander avec M. Davidson si la notion de vertu n’emporte pas celle d’un effort, d’un triomphe douloureux sur l’égoïsme, et si un homme qui serait strictement juste et s’abstiendrait de mentir ou de tromper mériterait d’être appelé vertueux. Cette réserve n’a pourtant pas échappé à Butler ; il reconnaît que le mérite, inséparable de la vertu, varie pour les mêmes actes avec le degré d’intelligence, d’éducation de l’agent, avec la violence plus ou moins grande des tentations qu’il a dû vaincre. Toujours est-il qu’on lui demanderait en vain une définition précise de la vertu ; elle se ramène pour lui à l’idée assez vague d’une conformité parfaite du caractère et de la conduite avec la constitution morale de l’homme.

Ce qui est plus intéressant, c’est la manière dont Butler résout la question des rapports entre la vertu et le bonheur. Butler ne serait pas de son temps et de son pays si les préoccupations utilitaires ne tenaient une grande place dans sa doctrine. Aussi prend-il bien soin d’établir que l’homme n’est pas plus libre moralement de se rendre malheureux que de nuire à ses semblables. Nous condamnons l’imprudence chez nous comme chez les autres, mais cette désapprobation est un jugement moral, indépendant du degré de malaise ou de malheur qui peut résulter de la conduite. Sans doute, nous désapprouvons notre imprudence et celle d’autrui, moins vivement que certains autres vices ; mais cela ne tient pas à ce qu’elle est moins nuisible ; c’est que d’abord, à l’égard de nous-même, nous portons habituellement en nous le sentiment de notre propre intérêt, qui rend moins nécessaire une condamnation rigoureuse du tort que nous nous sommes causé, tandis que le sentiment de l’intérêt d’autrui est moins permanent et moins vif ; c’est ensuite, à l’égard de nos semblables, que l’imprudence, étant ordinairement suivie d’un prompt châtiment, n’exige pas la même réprobation que l’injustice, la fraude ou la cruauté. Ajoutez que les malheureux sont toujours objet de compassion, le fussent-ils devenus par leur faute. Néanmoins nous les blâmons, tout en les plaignant ; quant aux victimes d’accidents jugés inévitables, nous n’avons pour elles que pitié.

Ainsi c’est vertu que de rechercher le bonheur, non que le bonheur, résultat d’une telle recherche, donne un caractère moral à la conduite, mais parce qu’il est conforme à la nature de l’homme que l’amour raisonnable de soi-même ait l’empire sur les tendances inférieures et les impulsions irréfléchies.

Si l’égoïsme bien entendu est vertu, à plus forte raison la bienveillance, qui est, pourrait-on dire, l’amour et la poursuite du bonheur d’autrui. Il dit même quelque part avec Hutcheson qu’elle est toute la vertu, ou du moins qu’elle résume toutes nos obligations envers nos semblables[12], mais, dans la Dissertation, il se corrige. Si la bienveillance était toute la vertu, dit-il, le jugement moral sur notre propre caractère ou celui du prochain porterait uniquement sur le degré de bienveillance que nous constaterions en nous-même ou · supposerions chez autrui. Nous n’aurions aucun égard à la personne même qui en serait l’objet. Et, pourtant, toutes choses égales d’ailleurs, nous jugeons qu’il vaut mieux favoriser un ami ou un bienfaiteur qu’un étranger, abstraction faite de cette considération que la culture des sentiments de reconnaissance ou d’amitié est d’intérêt général. Que l’on dépouille quelqu’un de ce qui lui appartient pour le donner à un autre : le plaisir du nouveau possesseur peut surpasser la peine qu’éprouve le premier, et la spoliation a produit un excédent de bonheur ; dira-t-on qu’elle est un acte de vertu ?

Il est permis de dire que l’auteur de la nature s’est proposé pour but unique et suprême le bonheur universel, et que la bienveillance constitue à elle seule tout son caractère moral. Pour l’homme, il n’en va pas ainsi. Ni la bienveillance n’est toute sa vertu, ni le bonheur du plus grand nombre la fin qu’il doit poursuivre. Le bonheur du monde regarde celui qui en est le maître ; nous ne devons pas chercher à y contribuer autrement qu’en suivant les voies qu’il nous a tracées. S’il nous a constitués tels que nous sommes, c’est qu’il a prévu que cette constitution produirait plus de bonheur que s’il nous avait formés avec une disposition exclusive à la bienveillance générale. Prétendre substituer dans notre conduite ce principe à la conscience, c’est risquer de marcher à l’aventure. Comment être assuré que, dans telle circonstance particulière, notre préoccupation de l’intérêt de tous n’aura pas pour résultat un excédent de malheur ? Qui donc peut se flatter de démêler toutes les conséquences, utiles ou funestes, d’une action ? Qu’on y prenne garde ; on croit de bonne foi n’agir qu’en vue du bien public, et l’on obéit inconsciemment à l’ambition ou à l’esprit de parti. Malgré tout, c’est un des devoirs de l’homme (non le seul) de se proposer un tel but, quelque difficile qu’il soit de s’en faire une idée claire et distincte ; mais pourquoi ? parce qu’il y a quelque apparence que notre tentative réussisse et, aussi parce que, ne réussit-elle pas, elle aura tout au moins développé en nous « le plus excellent de tous les principes vertueux, le principe actif de bienveillance ».

Ces considérations sont remarquables. Si elles sont encore insuffisantes pour constituer une théorie de la vertu, si elles nous laissent au seuil de la morale kantienne, du moins renferment-elles les éléments d’une réfutation décisive de tous les systèmes utilitaires jusqu’à celui d’Herbert Spencer. Rappelons-nous que Butler est un prédicateur et un théologien, qu’il a plutôt en vue d’édifier des fidèles que de spéculer profondément sur les principes de la métaphysique des mœurs, et nous comprendrons qu’on ait pu le proclamer le premier, avec Hume, des moralistes anglais de son siècle.

V

Nous avons vu que Butler emprunte à Épictète l’une des dénominations par lesquelles il désigne la conscience ; c’est peut-être à l’exemple d’Aristote qu’il fait du principe des causes finales en morale une si large et parfois si judicieuse application.

Notre nature morale est l’œuvre de Dieu ; chacune de ses parties a donc son utilité, et nulle n’est mauvaise en soi. Une harmonie merveilleuse existe entre la constitution de l’homme et sa situation extérieure. Les affections naturelles nous portent à une certaine conduite qui est la plus conforme au maintien et au développement de la vie soit individuelle soit sociale. Considérer la fin vers laquelle elles tendent spontanément, c’est le meilleur moyen d’apprendre nos devoirs.

La compassion est un des principes qui révèlent le mieux cette sorte de finalité. Pourquoi, dit-on, ce ressentiment des peines d’autrui qui vient aggraver les nôtres ? N’avons-nous pas assez de notre part ? Et la réflexion n’aurait-elle pas suffi pour nous décider à soulager les maux de nos semblables ? Non, répond Butler ; la réflexion n’eût pas eu la promptitude et l’efficacité de l’instinct. Pourquoi, dit-on encore, est-on plus sensible au malheur des autres qu’à leur bonheur ? — C’est qu’ici-bas l’homme est plus capable de misère prolongée que de félicité durable, et que chacun a plus de puissance pour nuire à ses semblables que pour leur faire du bien. La compassion était donc plus nécessaire, et devait être plus vive que la sympathie pour les joies du prochain. — Utile à autrui, la compassion ne l’est pas moins à nous-même. Non qu’elle se ramène, comme le veut Hobbes, à la crainte égoïste d’un danger analogue à celui dont nous sommes témoins, car alors les plus peureux seraient les plus compatissants : elle est une affection aussi naturelle, aussi spontanée que l’amour de soi. Du moins nous enseigne-t-elle, dans une certaine mesure, à supporter la souffrance ; elle est une maîtresse d’adversité, sans nous infliger la peine ; elle nous prépare à la résignation pour le jour où nous serons atteints nous-même ; elle rabaisse enfin nos prétentions au bonheur dont elle nous montre à nu la fragilité.

Mais la compassion peut avoir ses excès. À côté d’elle, Dieu a déposé dans la nature de l’homme un instinct qui nous porte à rendre le mal pour le mal (resentment). Cette passion, mauvaise en apparence, ne l’est en réalité que lorsque nous supposons ou exagérons l’injure dont nous nous croyons victime. Sa cause finale, c’est de provoquer la défense personnelle, de prévenir ou de punir l’injustice. Elle contrebalance la faiblesse des conseils que donne la compassion ; elle intimide l’agresseur qui redoute l’indignation des autres, et surtout de sa victime future, alors même que la vertu est impuissante à le retenir. Elle détermine l’offensé, plus sûrement que la froide raison, à exiger le châtiment de l’offense.

Nous avons insisté sur ces deux tendances opposées pour montrer l’usage que fait Butler du principe des causes finales. Il lui doit nombre d’observations ingénieuses, délicates, sinon tout à fait nouvelles. On dirait qu’il s’est inspiré des chapitres où Cicéron expose, dans le IVe livre des Tusculanes, la théorie des passions selon les péripatéticiens. La nature humaine est pour lui un système admirablement pondéré d’appétits, d’affections, de principes actifs, disposés : par la Providence en vue du plus grand bonheur tant de l’individu que de la société. Et pourtant, nous l’avons vu, Butler n’est ni un endémoniste, ni même un optimiste. La vie de l’homme lui apparaît sous un jour plutôt sombre, éclairé faiblement d’un reflet d’immortalité. On l’a comparé à Pascal ; c’est lui faire trop d’honneur. Il n’en a ni les vues de génie, ni la logique enflammée, ni les dramatiques angoisses, ni les effusions éperdues dans le sein de son Dieu ; mais il a une tristesse sereine et résignée qui est aussi l’un des côtés de Pascal, et qui, entre l’optimisme superficiel d’un Shaftesbury et l’utilitarisme un peu vulgaire d’un Paley ou d’un Bentham, présente quelque grandeur. Il a proclamé, seul de son siècle en son pays, l’incomparable dignité de la conscience et son droit souverain à l’empire du monde moral ; souvent, il fait penser à Kant. C’est là, un, titre qui n’est pas sans gloire.


  1. Nous avons sous les yeux l’édition de l’Analogie et des Sermons en un seul volume (Londres, Bell and sons, 1882). — Nous avons usé de quelques pages remarquables consacrées à Butler par M. Leslie Stephen dans son Histoire de la pensée anglaise au xviiie siècle (2 vol.), et de l’intéressant ouvrage de M. Lucas Collins sur Butler (voir l’excellente analyse qu’en a donnée M. Penjon dans la Revue, t.  XVI, p. 428).
  2. P. 372.
  3. Serm. XL.
  4. Serm. I.
  5. Serm. XI.
  6. Of the nat. of virtue, p. 334.
  7. Serm. II.
  8. « Ce qu’on appelle chercher quel est le devoir dans une circonstance particulière n’est souvent qu’une tentative pour l’esquiver. » (Serm. VIII, sur le caractère de Balaam).
  9. Serm. X et Serm. VII.
  10. « La conduite de Dieu doit être déterminée par une certaine convenance ou disconvenance morale antérieure à toute volonté. » (Analogie, part. II.)
  11. Octobre 1884.
  12. Serm. XII.