Laure d’Estell (1864)/25

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Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 101-115).
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XXV


D’après ce que tu m’écris, je n’ose pas te rendre compte de la fête d’hier. Elle va te confirmer dans ton erreur, et tu ne douteras plus que sir James ne soit aussi insensé que Frédéric ; n’importe, j’ai promis de ne te rien cacher, tu interpréteras mes récits à ton gré, ils n’en seront pas moins fidèles.

Hier à midi, Emma entra toute parée dans ma chambre et me remit un bouquet de la part de son ami (c’est le nom qu’elle donne à sir James). — M. le curé est dans la chapelle, ajouta-t-elle, tout le monde est arrivé, on n’attend plus que toi, descends bien vite ; ah ! mon Dieu ! comme tu es belle ! Cette bonne petite me voyant tous les jours à peu près mise de même, a été frappée de la simple parure que je portais ; j’avoue pourtant que je l’avais un peu plus soignée qu’à l’ordinaire, et je te dois la confession de ce petit mouvement de coquetterie. Au moment où je suivais Emma pour me rendre à sa pressante invitation, on m’annonça sir James qui venait pour me donner la main ; je remarquai sur sa physionomie un air serein que je n’y avais point encore vu, et ma surprise s’accrut lorsqu’après m’avoir regardée fixement, il me fit le compliment le plus aimable ; je me plaignis de cet excès de politesse, en lui disant que j’étais en droit d’espérer qu’il ne me traitât pas comme toutes les femmes avec lesquelles il faut toujours entamer la conversation par une flatterie.

— Pourquoi sortir de votre caractère, lui dis-je, votre franchise vaut mieux que notre galanterie française !

— Vous me faites injure, répondit-il, en prenant un mouvement d’admiration dont je n’ai pas été maître, pour un froid compliment d’usage ; je ne vous parle qu’avec mon cœur, Laure, et s’il pouvait concevoir une pensée offensante pour vous, j’aurais la force de vous le dire, mais laissez-lui le plaisir de rendre justice à vos vertus et à vos charmes.

À ces mots, nous nous trouvâmes à la porte de la chapelle ; elle était remplie d’une société nombreuse, parmi laquelle j’aperçus ma belle-mère et tous les habitants de son château ; je les saluai respectueusement, et fus m’asseoir auprès de Lucie ; sir James m’ayant conduite jusqu’à ma place, se trouva près de moi pendant le temps que dura la messe. Il l’écouta tout aussi bien qu’un catholique, et lorsqu’elle fut finie, nous nous rendîmes près de l’autel, je pris dans mes bras l’enfant de Lucie, et nous fîmes le serment de remplacer ses parents, si jamais il venait à les perdre. Le prêtre nous ayant demandé, quel nom lui donnez-vous ? Sir James lui dit le sien, et moi je prononçai celui de Henri. À ce nom sir James pâlit et fut obligé de s’appuyer sur l’autel pour se soutenir ; le bon curé lui fit signe de s’asseoir, mais il répondit que le sang lui ayant porté au cœur, il avait souffert une douleur violente.

— Elle est, ajouta-t-il, entièrement dissipée ; en effet, il parut reprendre un air tranquille ; mais je vis bien qu’il s’efforçait de cacher son malaise. Après la cérémonie, on se rendit dans le salon. Nous aperçûmes, en passant dans les salles à manger, de grandes tables disposées pour les paysans de Savinie ; on avait rassemblé tout ce qui devait le mieux amuser ces bonnes gens ; la cour était remplie de jeux de toute espèce ; on y voyait des prix destinés à récompenser l’adresse et l’agilité ; enfin tout annonçait la joie. Un peu avant l’heure du dîner, Frédéric arriva accompagné de deux officiers de ses amis qu’il présenta à madame de Savinie, en qualité de danseurs. Elle leur fit un accueil gracieux, et j’entendis l’un d’eux dire à Frédéric :

— Sais-tu bien qu’il y a de très-jolies femmes ici, et ce qui me charme, c’est que nos dames de D… paraissent fort laides auprès de toutes celles qui sont du château.

— Mais dit l’autre, montres-nous donc cette Laure ? ce chef-d’œuvre de la nature !

— Ne parlez pas si haut, leur répondit Frédéric, elle est très-près de vous, et votre ton pourrait fort bien l’offenser.

Alors ils s’éloignèrent et vinrent se placer en face de moi. Leurs gestes et leurs regards m’apprirent que j’étais le sujet de leur conversation. Frédéric les quitta bientôt pour s’informer de mes nouvelles : j’étais occupée à lui répondre, quand un domestique entra pour annoncer que l’on était servi, Frédéric m’offrit la main pour me conduire à table, et j’y fus placée entre lui et sir James qui en faisait les honneurs avec Lucie, tandis que madame de Gercourt soutenait la conversation par des mots plus heureux les uns que les autres. Sir James, occupé de tout le monde, ne m’adressa la parole que pour m’offrir les choses que je pouvais désirer, mais il remarqua avec quelle émotion Frédéric me parlait de tout ce qu’il avait fait depuis trois mois pour me prouver sa soumission à mes ordres ; il n’entendit qu’une partie de cet entretien, et je souffris en pensant qu’il allait lui faire naître une seconde fois l’idée que j’avais donné quelque droit à Frédéric de me parler avec tant de franchise du sentiment que je lui inspirais. Cette obligation où l’on se trouve dans les grands cercles, d’écouter de force tous les discours qu’il plaît à votre voisin de vous adresser, m’a toujours déplu ; il faut pourtant les supporter, quelque impertinents qu’ils puissent être, à moins de faire une scène dont les conséquences sont plus désagréables encore : si j’avais imposé silence à Frédéric, il eût pris de l’humeur, et son dépit l’aurait porté à quelque extravagance. Cette réflexion m’a donné le courage d’attendre patiemment la fin du repas pour m’éloigner de lui. Dans cette idée, lorsqu’on se leva de table, je me tournai du côté de sir James, imaginant qu’il allait m’offrir sa main pour rentrer dans le salon ; mais je fus bien étonnée quand je le vis prendre celle de madame de Varannes, et me lancer un regard presque dédaigneux. Tu connais ma fierté, et tu ne doutes pas du ressentiment que j’éprouvai. Frédéric s’en aperçut :

— Sir James est aujourd’hui plus original que jamais, dit-il.

J’avais dessein d’ajouter à cette remarque quelques mots piquants ; le croirais-tu, ma chère, je n’ai pu les trouver ; ma fierté blessée accusait James et mon cœur le justifiait, en pensant que tout autre, à sa place, m’aurait jugée comme lui ; cependant mon ressentiment était toujours le même, mais il tomba bientôt sur Frédéric ; je le conjurai de ne pas me suivre, je lui dis avec dureté que je mourrais plutôt que de me laisser soupçonner d’écouter complaisamment les protestations d’un amour qui m’outrageait, et qu’il m’avait promis d’abjurer ; enfin, je le traitai sans pitié ; il s’éloigna de moi les larmes aux yeux ; je le vis disparaître pour cacher sa douleur et le sentiment de mon injustice envers lui ; le souvenir de celle dont j’étais victime, me plongèrent dans une tristesse que les tableaux les plus riants ne parvinrent point à distraire. Dans cette disposition, j’allai m’asseoir auprès d’une femme que je ne connaissais pas, espérant que je serais dispensée d’entrer en conversation avec elle, car je n’étais pas en état d’en soutenir aucune. À peine fus-je placée que le bon curé vint à moi :

— Je suis fâché de vous déranger, me dit-il, mais il faut absolument que vous me suiviez où je vais vous conduire.

— Partout où vous voudrez, lui répondis-je, en vous suivant je ne saurais m’égarer.

Je me levai en achevant ces mots, il prit mon bras et me conduisit dans un des pavillons du château ; là il ouvrit une porte et me fît entrer dans un charmant cabinet orné d’une bibliothèque qui me parut aussi belle que bien choisie. De là nous passâmes dans une chambre à coucher meublée très-simplement, ensuite dans un autre cabinet rempli de plusieurs instruments de physique.

— Ce n’est pas tout, dit M. Bomard, ouvrez cette petite porte, et voyez comme sir James a su réunir tout ce qui peut charmer mes vieux jours, en me donnant les moyens de secourir mes bons paysans.

J’ouvris en effet et je me trouvai dans une petite galerie où je vis une pharmacie complète.

— On n’y a rien oublié, répondis-je, et voilà tout ce qui doit servir aux occupations d’un homme à la fois philosophe par nature, physicien par goût, et médecin par humanité. J’envie à sir James le bonheur de vous avoir offert aussi délicatement les objets que vous désiriez, et plus encore le plaisir dont il jouira, en vous voyant habiter ce logement ; mais j’espère que vous n’abandonnerez pas Varannes, et que vous saurez vous partager entre des amis qui vous aiment également.

— N’en doutez pas, reprit-il, le hameau de Savinie dépend de la paroisse de Varannes, mais étant peu considérable, il a moins besoin de mes soins, et le devoir autant que l’amitié m’obligera à ne négliger ni l’un ni l’autre. Ne trouvez-vous pas miraculeux, ajouta-t-il, d’avoir rassemblé tous ces objets en si peu de temps !

— Non, c’est une de ces jouissances que donnent la richesse à ceux qui savent en faire un bon usage.

— Cela est vrai, répondit-il ; mais ce qu’elle ne donne pas, c’est la délicatesse avec laquelle sir James m’a forcé d’accepter ses dons !

— Vous n’avez point le droit de me refuser, m’a-t-il dit, c’est au nom de mon beau-frère que je procure aux habitants de Savinie le bonheur de vous voir plus souvent et de recevoir vos secours.

— Et voilà l’homme, pensais-je intérieurement, qui vient de prendre de moi une idée désavantageuse, qui m’ôte peut-être à jamais son estime !

Cette réflexion oppressa mon cœur, et je sentis que les éloges les plus pompeux ne dédommageraient pas de ce que me faisait éprouver le souvenir de ce regard méprisant, tant il est vrai que l’opinion d’une personne vertueuse a plus de prix pour une âme sensible, que l’approbation des gens les plus aimables. Ces derniers flattent l’amour-propre, et l’autre rassure le cœur en le rendant satisfait de lui-même. En sortant de l’appartement du curé, je montai dans le mien, j’aperçus en y entrant une corbeille de fleurs sur ma table, elle était remplie de tous les cadeaux qu’on offre ordinairement aux marraines ; mais ce qui fixa mon attention, ce fut un papier dans lequel se trouva une chaîne en or, émaillée de noir, faite pour servir de collier ; j’hésitai de la prendre, dans l’intention de ne pas l’accepter ; mais ayant lu sur le papier : « Ne refusez pas ce gage d’amitié, si vous craignez d’affliger Lucie et son frère. » Je m’en parai sur-le-champ, et je redescendis au salon. Le bal venait de commencer, il ne représentait pas une de ces assemblées brillantes dont l’éclat éblouit et le bruit fatigue, c’était une véritable fête champêtre ; la seule convenance séparait les dames des villageoises, et la sotte vanité n’entrait pour rien dans une distinction rarement observée. Je fus témoin d’une scène qui te prouvera cette égalité et la coquetterie dont une paysanne peut être susceptible.

Jeannette, la fille du concierge du château, est très-jolie ; comme elle danse avec une grâce naturelle qui l’a fait remarquer, elle fut invitée pour une contredanse par un des amis de Frédéric, que je venais de refuser, n’étant pas disposée à jouir d’un plaisir auquel j’ai renoncé depuis longtemps. Jeannette flattée de l’invitation du galant officier, quitta brusquement le bras d’un jeune homme, auquel elle avait paru accorder jusqu’à cet instant quelques préférences, et ce pauvre délaissé sortit brusquement en témoignant toute son indignation d’un procédé aussi peu délicat. Je le plaignis dans le fond de mon âme, et désirant savoir de quelle manière la petite écouterait les doux propos que ne manquerait pas de lui adresser l’officier, je l’observai attentivement ; j’avais déjà fait plusieurs remarques sur son compte, lorsque sir James passa près de moi, la chaîne qu’il vit à mon cou le frappa, il n’alla pas plus loin et vint s’asseoir sur le siége le plus près du mien ; il garda quelque temps le silence et rien ne m’aurait engagé à le rompre s’il ne m’avait adressé la parole le premier, en disant :

— Comment se peut-il qu’on vous laisse ainsi seule, madame ; il faut que vous l’ayez ordonné !

— Non, monsieur, mais le jeu me déplaît, je ne fais une partie qu’autant que je suis nécessaire ; je ne danse plus, et il est fort simple de me voir seule quand tout le monde est occupé.

Je lui dis alors ce qui fixait mon attention, je lui parlai de Jeannette en grossissant les torts de sa coquetterie pour avoir occasion de la désapprouver davantage. Sir James défendit Jeannette ; il assura qu’elle était pleine d’innocence, et fit d’elle un éloge qui dura plus d’un quart d’heure ; il finit par dire que si cet officier était assez indigne pour insulter à tant de candeur, par des propos libertins, il le chasserait de chez sa sœur, malgré toutes les suites que pourrait avoir une pareil esclandre. J’étais encore toute stupéfaite de la chaleur avec laquelle il en parlait, lorsque la contredanse finit. Alors il se leva, fut à Jeannette, lui dit que sa mère la demandait, et la conduisit près d’elle, sans s’inquiéter de ce que dirait son danseur en la voyant ainsi disparaître. J’avoue que ce beau zèle me sembla au-dessus de celui qu’on doit avoir pour défendre la vertu des séductions du vice ; et ne voulant pas dire à sir James ce que j’en pensais, je rejoignis ma belle-mère et madame de Gercourt, qui étaient dans le salon de jeu. Cette dernière me parla de toutes les personnes qui s’y trouvaient, et m’en fit des portraits aussi plaisants que peu flattés.

— Voyez, me disait-elle, cette jeune provinciale, toute couverte des plumes, des perles et des fleurs que depuis trois ans elle reçoit de Paris ; remarquez les mines gracieuses qu’elle fait à ce grand jeune homme, dont la coiffure énorme ressemble à celle de M. Desmasures, et voyez de quel air dédaigneux elle parle à celui qui est à côté d’elle ; pour le petit homme habillé de noir auquel elle ne répond que si brusquement, vous devinez sans peine qu’il est son mari ; quand à celui qu’elle dédaigne, c’est bien certainement un favori disgracié qui, malgré l’inconstance de l’objet de ses feux, a la faiblesse de l’adorer encore. L’amant heureux en prend pitié et permet qu’il végète auprès de son ingrate, il sait que des cendres ne se rallument jamais, et il compte encore plus sur le mérite d’un homme tel que lui pour captiver la femme la plus légère. Ah ! j’oubliais de vous montrer la Sapho du pays ; jetez les yeux sur celle dont la mise est la plus singulière, vous apercevrez sur sa robe une légère tache d’encre qui vous prouvera qu’elle passe sa vie à écrire. Elle n’a cessé de parler vers depuis le dîner, et à chacune de ses citations, le connaisseur, qui ne la quitte pas, trouvait quelques comparaisons à faire entre les ouvrages qu’elle citait et les petits chefs-d’œuvre dont il prétend qu’elle est l’auteur. Je ne connais dans toute cette assemblée qu’une personne plus ridicule qu’elle, c’est ce petit homme si laid et si fat, qui tout couvert de diamants jaunes, veut encore briller par les saillies les plus plaisantes. Je n’ai parlé qu’un moment avec lui, mais je sais déjà tous les mariages qu’il a faits, tous les ménages raccommodés ; et si je n’ai pas voulu deviner toutes les femmes qui ont comblé ses vœux, c’est vraiment mauvaise volonté de ma part. Quand on fit passer le portrait de cette jeune mariée que vous trouvâtes moins jolie que l’original, il me dit à l’oreille : J’en connais un plus ressemblant, mais il est destiné à ne voir jamais le jour, et mille propos de cette espèce qui vous auraient amusée autant que moi, ajouta-t-elle, je ne le quitte plus.

Lucie vint interrompre madame de Gercourt, et lui proposa quelque chose ; elle me pria de la remplacer. Je me chargeai avec empressement du soin de faire les honneurs de sa maison, et je l’engageai à ne pas échauffer son lait en veillant plus longtemps. Si les nourrices savaient le mal qu’elles font à leurs enfants en sacrifiant leur repos à des plaisirs frivoles, je suis bien sûre qu’elles s’en priveraient ; mais il y a toujours auprès d’elles de ces gens qui, ne consultant que l’intérêt qu’ils ont à jouir de leur société, les persuadent que c’est se rendre esclaves que de céder ainsi au devoir prescrit par la nature, et que toutes les mères trouveraient du charme à remplir, si on ne les effrayait pas autant sur les privations qu’il exige.

Madame de Gercourt m’aida à former les parties, elle fut aimable pour tout le monde, et principalement pour les personnes dont elle se moquait le plus, ce qui lui attira toute leur confiance. Sir James la remercia des soins qu’elle prenait, et ne parut pas s’apercevoir que je les partageais ; dans ce moment elle remarqua mon collier, et m’en fit compliment.

— Cette chaîne est du meilleur goût, dit-elle, et je devine la main qui l’a donnée.

À ces mots, je me troublai et je ne sais quelle crainte me porta à lui répondre vivement :

— Oh ! oui, elle m’est bien chère ! je la tiens de Lucie…

— Et de son frère, interrompit-elle, je ne m’étais pas trompée.

Elle lui adressa plusieurs compliments sur cette galanterie, et nous laissa bientôt après pour rejoindre Caroline, qu’elle aperçut à côté de l’abbé de Cérignan. Je me disposais à la suivre, quand sir James me retint, et me dit :

— Promettez-moi, Laure, de ne jamais sacrifier ce gage d’amitié, pas même à celui à qui vous donnerez le droit de l’exiger de vous ; je vous demande cette grâce comme un bienfait.

— Je voudrais qu’il m’en coûtât de vous l’accorder, répondis-je, pour qu’elle eût plus de prix à vos yeux.

— C’en est assez, vous promettez, je n’en dois pas espérer davantage.

En achevant ces mots il me quitta, je le vis peu de temps après parler à Frédéric, mais aucun des deux ne m’aborda plus de la soirée ; je restai près de madame de Varannes tant que dura le bal, Caroline ne voulut point danser, je m’étonnai de sa résolution, elle me répondit avec une sécheresse très-marquée, qui me prouva qu’elle était toujours dans les mêmes dispositions à mon égard. L’abbé fut pendant toute cette journée d’une tristesse sombre. Enfin on se sépara, et je passai le reste de la nuit dans les réflexions les plus tristes. J’éprouve encore un mécontentement, une irrésolution, qui me tourmentent ; Lucie me conjure de rester auprès d’elle jusqu’à la fin du mois prochain, bien des raisons me portent à l’accepter, et je ne sais quoi m’en détourne. Oh ! que ne puis-je aller près de toi, ma Juliette, tu comprendrais ce que je souffre, tu parviendrais à calmer la douleur que me cause toujours des souvenirs cruels. Ici je n’ose me plaindre, je respecte le bonheur de Lucie et je n’ai pas besoin d’accroître la tristesse de son frère par des plaintes inutiles que peut-être il ne croirait pas sincères. Voilà ce qui m’afflige.

Adieu, réponds-moi promptement, je n’ai jamais tant désiré les lettres.