Lausanne à travers les âges/Bibliothèques/01

La bibliothèque libre.
Collectif
Librairie Rouge (p. 156-157).


I


Bibliothèque cantonale et universitaire.

C ’EST à la fondation de l’Académie que remontent les origines de la Bibliothèque cantonale. Ses débuts furent très modestes : elle ne possédait alors que des rituaires et quelques ouvrages ecclésiastiques ou scolastiques, provenant de l’Évêché et des maisons religieuses du pays. Au dix-septième siècle, elle s’enrichit de quelques ouvrages classiques, de traités de philosophie, de physique et d’histoire naturelle, d’histoire générale et de jurisprudence. Elle était alors installée dans le bâtiment du Collège, qu’elle vient seulement de quitter, il y a quelques mois, pour occuper, dans le Palais de Rumine, une place d’honneur.

Au dix-huitième siècle, le gouvernement de Berne lui accorda quelques subsides ; elle s’enrichit des dons du bourgmestre Seigneux, du professeur Ruchat, du physicien Loys de Cheseaux, du prince de Waldeck, du prince de Mecklembourg, du comte de Caylus, du comte de Lippe, de l’historien Gibbon. Trois bibliothèques particulières, réunies à la Bibliothèque académique en 1738, 1779 et 1783, accrurent sensiblement son importance ; ce sont celles du professeur espagnol Don Hyacinthe de Quiros, qui enseigna à l’Académie l’histoire ecclésiastique ; celle du professeur de droit Loys de Bochat et celle du pasteur Moret. Un peu plus tard, le 6 juin 1791, c’est la Bibliothèque dite de l’hôpital, qui, à la mort d’Antoine Bugnion surnommé l’Anglais[1], l’un de ses fondateurs, est réunie à la Bibliothèque académique.

La loi de 1806 sur l’instruction publique fit de la Bibliothèque académique la Bibliothèque cantonale, titre auquel fut ajouté, en 1894, celui d’universitaire. Au cours du dix-neuvième siècle, l’institution qui nous occupe s’est singulièrement développée. Elle avait quelques milliers de volumes au début du siècle ; elle en compte aujourd’hui plus de deux cent mille. Cette extension est due, en partie, aux donations du général Frédéric-César de la Harpe (18 000 volumes), du professeur Struve (1300 volumes), du professeur F. Pidou (4000 volumes), du conseiller fédéral Henri Druey, du professeur Arduini, du conseiller fédéral L. Ruchonnet, du professeur Alphonse Rivier[2], de Sylvius Chavannes, inspecteur des collèges communaux, du professeur Nicolas, du Dr Gondoux, etc. etc. La Société vaudoise des sciences naturelles a cédé, en 1890, sa bibliothèque à l’État de Vaud ; la même année, l’ancienne « Société de lecture », connue sous le nom de Bibliothèque bleue, qui venait de se dissoudre, fit remise de ses collections (12 000 volumes), à la Bibliothèque cantonale ; et la même année encore, l’Institut de droit international passait une convention avec l’État de Vaud, à teneur de laquelle la Bibliothèque cantonale a reçu en dépôt ses collections en voie de formation. Nous aurions encore à énumérer bien des dons et des achats plus ou moins importants[3].

Entre autres raretés exposées dans les vitrines du Palais de Rumine, mentionnons une Bible manuscrite, du douzième ou treizième siècle, qui offre un grand intérêt, et dont on ignore l’origine ; un manuscrit du Roman de la Rose, du quatorzième siècle, donné en 1835 par M. Couvreu ; un autre manuscrit du quatorzième siècle intitulé : Le mireour du monde trouvé, en i835. à la Sarraz, par le pasteur Félix Chavannes ; le Plinius (c. Secundus). Naturalis historiae libri. Impress. per Nicolaum Jenson Gallicum. Venetiis 1472, ayant appartenu au célèbre bibliophile Grolier, etc., etc.

Jusqu’en 1845, le bibliothécaire en chef fut toujours un professeur de l’Académie. Ces fonctions ont été remplies par Ch. Monnard, Gilliéron, Rodieux, et Dufournet. Depuis 1845, les directeurs de la Bibliothèque consacrent tout leur temps à ces importantes fonctions ; Jean Rickly, William Reymond, le colonel Lecomte, Ch.-Ph. Dumont, le colonel Constant Borgeaud se sont succédé dans cette charge, actuellement occupée par M. Louis Dupraz, qui a pour adjoint M. H. Bersier.

  1. Dont il a été question, plus haut, page 96, à propos de la fondation Bugnion-Wildegg.
  2. Né à Lausanne en 1835 —f à Bruxelles en 1898, Alphonse Rivier a été professeur à l’Université de Bruxelles, Consul général de Suisse en Belgique, et membre de l’Institut de droit international privé ; il s’est acquis comme jurisconsulte et comme savant une réputation européenne. Bourgeois de Lausanne, il était demeuré tris attaché à sa ville natale où il revenait chaque année.
  3. Pour plus de détails, nous renvoyons nos lecteurs à la notice que M. L. Dupraz, directeur de la Bibliothèque cantonale, vient de publier sous ce titre : Bibliothèque cantonale et universitaire. Lausanne, 1905, Imprimerie Viret-Genton.