Lausanne à travers les âges/Instruction/01

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Collectif
Librairie Rouge (p. 136-141).


I


Établissements cantonaux.

Université. — L’Université de Lausanne est l’épanouissement de l’antique Académie fondée en 1537 par les Bernois sous le nom de Schola Lausannensis[1]. Parmi ses premiers professeurs, relevons les noms de Conrad Gessner, chargé de l’enseignement du grec, Pierre Viret le réformateur vaudois, Théodore de Bèze. Elle fut longtemps une sorte de séminaire destiné à former des pasteurs pour la nouvelle Église réformée[2] Des cours élémentaires de mathématiques y furent introduits au seizième et au dix-septième siècle. Le droit n’est enseigné qu’à partir du dix-huitième siècle, par Barbeyrac et Loys de Bochat. Dès la création du canton de Vaud (1803), l’Académie se développe. L’enseignement se donnait jadis en latin ; cet usage n’a complètement disparu qu’en 1835. L’Académie est réorganisée en 1837 et perd alors son caractère ecclésiastique. De 1830 à 1846, l’Académie traversa une phase brillante. Il suffit de citer les noms de Charles Monnard, J.-J. Porchat, André Gindroz, François Pidou, Alexandre Vinet, Juste Olivier, du philosophe Charles Secrétan, du poète polonais Mickiéwicz et de l’économiste Mélégari, un futur ministre d’Italie, qui appartenaient à cette période. Sainte-Beuve a donné dans ces auditoires ses célèbres leçons sur Port-Royal. Son souvenir est rappelé par une plaque commémorative fixée, en 1904, à l’occasion du centenaire de sa naissance, Sur le vieux bâtiment de la Cité.

De 1846 à 1869, l’Académie de Lausanne est arrêtée dans son développement. C’est à ce moment, cependant, que se fonde l’ « École spéciale pour l’industrie, les travaux publics et les constructions civiles », créée sous les auspices d’une association particulière.

La loi de 1869 sur l’instruction supérieure, — œuvre de Louis Ruchonnet, — marque un progrès considérable. La faculté des lettres et des sciences fait place à un gymnase et à deux facultés distinctes, celle des lettres et celle des sciences. Le nombre des chaires de professeurs est fixé à vingt et une. Le nombre des étudiants et externes, qui n’était que de 72 en 1847 s’éleva à 238 en 1868. En 1873, fondation de l’École de pharmacie, logée depuis 1891 avec les laboratoires de physique dans un superbe bâtiment à la Cité. En 1888, sont posées les bases de la future Faculté de médecine, dont la constitution définitive permit la transformation de l’Académie en Université. La construction de l’édifice de Rumine, achevé en 1905, — dû à la munificence d’un ancien étudiant de l’Académie de Lausanne, Gabriel de Rumine, — facilita, dans une large mesure, la transformation de l’ancienne Académie en Université.

À teneur de la loi du 10 mai 1890, l’Université compte cinq facultés : théologie, droit, médecine, lettres, sciences, ainsi qu’une École de pharmacie et une École d’ingénieurs. Lors de sa fondation, notre Université possédait soixante-deux professeurs. En 1905, elle en compte 79 tant ordinaires qu’extraordinaires, sans parler de 13 professeurs honoraires, 24 privat-docent et 1 lecteur, soit un corps enseignant de 104 membres, dont 8 pour la Faculté de théologie, 9 pour celle de droit, 20 pour celle des lettres, 21 pour celle des sciences, 29 pour celle de médecine et 19 pour l’Ecole d’ingénieurs. Il y a, en outre, 19 assistants ; 15 cliniques sont attachées à l’Université. Le chiffre des étudiants et auditeurs était de 321 en 1890-1891, il est actuellement (semestre d’hiver 1905-1906) de , 1188 (soit 976 étudiants et 212 auditeurs). Les Vaudois y sont au nombre de 216, les Confédérés de 160, les étrangers de 812[3].

L’Université confère les grades et diplômes suivants : licence et doctorat en théologie, licence et doctorat en droit, doctorat en médecine, licence ès lettres (classiques ou modernes), doctorat ès lettres, licence ès sciences (mathématiques, physiques, naturelles ou pharmaceutiques), doctorat ès sciences, diplômes d’ingénieurs (constructeur, mécanicien, chimiste ou électricien).

Mentionnons l’existence d’un comité de patronage, destiné à faciliter le séjour des étudiants à Lausanne ; l’institution des cours de vacances d’été, qui rend de grands services ; une salle de lecture et une caisse d’assurance qui couvre les frais de maladie. Cette caisse est très appréciée par les étudiants, et possède un fonds de réserve qui s’élevait à la fin de l’année 1903-1904 à environ 6000 fr. — Divers établissements sont en rapports avec l’Université ; ce sont : l’École de dessin, l’École d’escrime, le Manège, le Rowing-club (société de canotage), etc.

En 1890 s’est fondée une Société académique vaudoise, qui a pour but de contribuer à la prospérité de l’Université, de créer des liens entre ses anciens étudiants, de grouper les amis des études supérieures dans le canton, d’attirer les sympathies du public et de provoquer des libéralités ; elle comptait 229 membres en 1904 ; sa fortune est actuellement de 49 173 fr. 36.


Gymnase classique. — Cet établissement décerne le grade de bachelier ès lettres et le certificat de maturité pour les élèves qui se destinent aux études médicales. Il complète l’enseignement du Collège cantonal et des collèges communaux du canton et prépare les élèves aux études supérieures. Il est divisé en deux classes. La durée des études dans chaque classe est d’une année. Le Gymnase compte 11 professeurs. En 1904-1905, le Gymnase était fréquenté par 73 élèves dont 71 réguliers et 2 auditeurs (48 Vaudois ; 17 Confédérés ; 8 étrangers).


Le Collège cantonal, dont les origines remontent au seizième siècle, et où enseigna alors l’humaniste Mathurin Cordier, offre aux jeunes gens, dès l’âge de dix à seize ans, l’instruction classique, élémentaire et intermédiaire. Les branches d’études sont les suivantes : français, latin, grec, allemand, mathématiques, arithmétique et comptabilité, histoire, instruction civique, morale, géographie, sciences naturelles, leçons de choses, histoire sainte, dessin, écriture, chant, gymnastique natation.

École de Pharmacie (1891)

Cet établissement occupe aujourd’hui les anciens bâtiments des écoles de charité à la rue du Valentin. Dix-huit maîtres y enseignent dans six classes. En 1904-1905, le Collège cantonal compte 292 élèves, en augmentation de 21 sur l’année précédente (190 Vaudois, 56 Confédérés, 46 étrangers). Le Collège cantonal possède une bibliothèque, une caisse d’épargne, un orchestre. On parle souvent du surmenage de notre époque. À ce sujet, relevons que la tabelle des heures prévoyait, en 1807, pour la première classe 31 heures, tandis que l’horaire de 1905 en prévoit 34. On le voit, la différence n’est pas considérable.


L’École industrielle cantonale et gymnase scientifique a pour but de préparer d’une manière générale les élèves aux carrières industrielles et scientifiques. Sa fondation date de l’année 1837, époque à laquelle elle portait le nom d’ « École moyenne de Lausanne. » De 1849 à 1869, ce fut un établissement communal. Sa réorganisation date de 1892. L’École industrielle et le Gymnase comprennent 14 classes. L’enseignement du Gymnase scientifique dure deux ans et demi. Ce dernier établissement est essentiellement une préparation aux études techniques supérieures. Le personnel enseignant comprend 28 maîtres et professeurs. En 1904-1905, l’établissement comptait 485 élèves, dont 145 au Gymnase scientifique et 340 à l’École industrielle.


L’Ecole cantonale de commerce reçoit des élèves de quinze ans et au-dessus. Dès 1892 elle vit de sa propre vie ; elle existait dès 1869 comme section de l’École industrielle cantonale. En 1899 elle a été installée dans le bâtiment précédemment occupé par le Collège Galliard. L’École cantonale de commerce prépare les élèves à la carrière commerciale et, provisoirement jusqu’à l’ouverture du technicum cantonal, à la carrière administrative. Elle est divisée en trois sections : 1° École de commerce (3 années d’étude). 2° les cours d’administration (postes, télégraphes, téléphones et douanes : 2 années). 3° École de chemins de fer (2 années d’étude). Nombre des élèves en 1904-1905 : 173 dont 68 étrangers. L’enseignement est donné par 21 professeurs. Un cours de vacances a lieu chaque été.


Le Corps des cadets. — Le Corps des cadets, destiné à initier les élèves à l’instruction militaire, fut fondé en 1818 ; à cette époque, il était formé des trois premières classes du Collège académique. Les cadets devaient être instruits au tir à l’arc et au fusil. En 1837, le Collège académique fut supprimé et remplacé par le Collège cantonal. Deux ans plus tard, le 4 octobre 1839, le corps des cadets fut reconstitué. En 1841, un règlement, dans les détails duquel nous ne pouvons pas entrer, apporta quelques modifications sans importance. Le 30 septembre 1863, le Conseil d’État compléta l’œuvre de 1818 en imposant aux écoles moyennes (actuellement École industrielle, École de commerce et Écoles secondaires) les exercices militaires obligatoires. Les corps de cadets furent toujours armés et instruits en tenant compte des progrès de la balistique et, dans un cadre très restreint, de la tactique. En 1897, le corps cantonal des cadets fut supprimé. Actuellement les anciens élèves des établissements secondaires, organisés en association, ont demandé le rétablissement du corps des cadets. A ce jour, aucune décision n’a encore été prise par les autorités.


Les Écoles normales forment des élèves des deux sexes qui se destinent à l’enseignement primaire dans le canton de Vaud. C’est le 28 mai 1806 que le Grand Conseil vota la création d’un Institut pour les régents ; il devait recevoir 12 élèves ; ce nombre pouvait être porté à 18. Ce n’est qu’en 1833 que cette décision de principe déploya ses effets. En 1904-1905, les Écoles normales comptaient 269 élèves. L’augmentation du traitement des régents a dû exercer son influence sur ce résultat. Cet établissement, installé depuis dans un fort beau bâtiment qui domine la ville, comprend, outre les Écoles normales proprement dites, des cours spéciaux pour les maîtresses d’ouvrages et pour les maîtresses de classes enfantines (École normale frœbélienne) et une école d’application qui, en 1904-1905, comptait 113 élèves. Cette école d’application a été fondée, en 1835, sous le nom d’École modèle. De vastes ateliers de travaux manuels ont été installés. Le personnel enseignant comprend 1 directeur et 19 maîtres et maîtresses. Un Musée scolaire dont les collections sont fort complètes et très intéressantes est attaché à l’établissement.


L’Ecole cantonale d’agriculture a été fondée en 1870 sur l’initiative de Louis Ruchonnet, chef du département de l’Instruction publique et des cultes. Les cours commencèrent, en 1870, sous la direction de M. Borgeaud, ancien élève de l’Institut national agronomique de Versailles. En 1871, les cours comptaient 20 élèves (54 en 1904). Les élèves doivent être âgés de seize ans au minimum. L’École fournit pendant deux semestres d’hiver à des élèves un enseignement pratique sur toutes les branches dont la connaissance est utile à l’agriculture. En attirant à Lausanne, chaque année, une cinquantaine de fils d’agriculteurs, l’établissement a contribué, pour sa part, à l’union si féconde et si utile de l’élément campagnard et de l’élément citadin dans notre canton. Le personnel enseignant est formé de 21 professeurs dont plusieurs appartiennent à l’Université. Outre les cours théoriques, les élèves reçoivent des leçons pratiques de vannerie, de greffage de la vigne et des arbres. Sont annexés à l’École une bibliothèque et un musée agricoles avec une collection spéciale de zootechnie.


La Station centrale d’essais viticoles créée en 1886, au Champ-de-l’Air, côte à côte avec l’École cantonale d’agriculture. La Station viticole de Lausanne étend son action au delà des limites du canton ; ses relations avec nos voisins, de Genève et du Valais notamment, sont fréquentes. Elle comprend deux services distincts : l’un de physiologie destiné à l’étude des maladies de la vigne, de la culture de celle-ci et surtout à la reconstitution du vignoble par le greffage des plants américains, que nous impose la marche envahissante du phylloxéra ; l’autre de chimie, destiné à l’étude des produits employés contre les maladies de la vigne, des engrais, et surtout des vins et de la vinification. De vastes laboratoires sont affectés à ce service. Elle a pour organe la Chronique agricole du canton de Vaud, fondée en 1888, qui publie les travaux des savants qui lui sont attachés.

A l’Institut agricole du Champ-de-l’Air se rattache une Station météorologique, qui publie chaque année ses observations météorologiques faites avec le plus grand soin. Il y a trente-deux ans que ce travail se poursuit d’une manière continue à Lausanne, permettant de fixer avec exactitude le climat de notre ville.


Établissements fédéraux de Mont-Calme. — Pour venir en aide à l’agriculture et à la viticulture, la Confédération, outre les subsides qu’elle accorde aux institutions cantonales, a créé à Berne, à Zurich, et à Lausanne, trois groupes d’établissements fédéraux d’essais et analyses agricoles. Le groupe « Lausanne » destiné à toute la Suisse romande, comprend un Établissement de chimie agricole et un Établissement de contrôle et essais de semences . Installés provisoirement dans un même bâtiment à Mont-Calme, ces laboratoires, malgré les modestes ressources dont ils disposent, ont déjà rendu de grands services à l’agriculture romande. La Station de Mont-Calme sert comme champ d’essai et comme salle de travail. L’extension de cet institut est à l’étude. La question est d’une haute importance pour la viticulture de la Suisse romande et ne tardera pas non plus à recevoir une solution.

  1. Le nom d’Académie n’apparaît officiellement qu’en 1549.
  2. Voir H. Vuilleumier, L’Académie de Lausanne 1537-1890, esquisse historique, 1890. Lausanne, imprimerie Viret-Genton.
  3. Voici les noms de quelques-uns des hommes qui, par leur talent ou leur science, ont marqué leur place à Lausanne dans le haut enseignement et exercé une influence sur la formation de l’esprit vaudois :


        Théologie.
    Pierre Viret.
    Théodore de Bèze.
    Antoine de Chandieu.
    Abram Ruchat.
    Alex.-César Chavannes.
    François Durand.
    Alexandre Leresche.
    David Levade.
    J.-J. Herzog.
    Samuel Chappuis.
    André Piguet.
    Samson Vuilleumier.
    Louis Durand.
    Ernest Combe.
    Paul Chapuis.

        Droit.
    Jean Barbeyrac.
    Ch. Loys de Bochat.
    Béat-Phil. Vicat.
    Christian Dapples.
    Clavel de Brenles.
    Charles-Isaac Secretan.
    François Pidou.
    Édouard Secretan.
    Mélégari.
    François Guisan.
    Henri Carrard.
    Léon Walras.
    A. de Senarclens.
    Henri Brocher.
    Georges Favey.

        Lettres.
    Conrad Gesner.
    J.-P. de Crousaz.
    André Gindroz.
    Charles Monnard.
    Jean-Jacques Porchat.
    Alexandre Vinet.
    Juste Olivier.
    Louis Vulliemin.
    C.-A. Sainte-Beuve.
    Adam Mickiéwicz.
    Charles Secrétan.
    Eugène Rambert.
    Jules Duperrex.
    Georges Renard.
    Henri Warnery.

        Sciences.
    David-Aug. Tissot.
    Mathias Mayor.
    Henri Struve.
    Emmanuel Develey.
    Marc Secretan.
    Jean Gay.
    Jules Marguet.
    Louis Dufour.
    Henri Bischoff.
    Aug. Chavannes.
    J.-B. Schnetzler.
    Paul Piccard.
    Charles Dufour.
    Jules Gaudard (prof. hon.).
    F.-A. Forel (prof. hon.).


    Dans cette énumération ne sont pas compris les professeurs actuellement en fonctions. Nous avons mis en italiques les noms de ceux qui, bien que vivants, n’enseignent plus à l’Université de Lausanne.