Leçons de géologie (Delamétherie)/Tome II/Section sixième

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LEÇONS
DE GÉOLOGIE
SECTION SIXIÈME.


DE LA COMPOSITION ET CRISTALLISATION DES SUBSTANCES DONT SONT COMPOSÉS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Toutes les terres, tous les alkalis, toutes les substances inflammables, charbonneuses, sulfureuses… toutes les substances métalliques, tous les acides…, qui forment les terrains primitifs, ont été, avant la formation du globe, produits, ou directement, par la combinaison des premières parties de matière, ou par celle des fluides éthérés, des fluides gazeux…

Cette production a été opérée d’une manière irrégulière, en divers endroits, à différentes époques, ainsi que nous venons de l’exposer.

Il faut maintenant rechercher l’origine et la composition des mêmes substances qui sont entrées dans la formation des terrains secondaires[1].

On peut supposer, et les faits qui accompagnent les cristallisations prouvent, que, lors de la formation successive des terrains primitifs, toutes les substances, dont ils sont composés, n’ont pas cristallisé ; car on trouve, dans ces terrains primitifs, d’assez grandes quantités d’argile, sous forme terreuse. Ces argiles contiennent de la silice, de l’alumine, du fer oxidé ; quelquefois, de la chaux, de la magnésie…

Une portion des substances, dont sont composés les terrains primitifs, aura pu, lors de la formation de la croûte du globe, demeurer dissoute, ou suspendue dans les eaux accumulées à cette époque. Mais une autre portion plus considérable se sera déposée au fond de l’Océan, et reposera sur les parties cristallisées primitivement.

Toutes les parties détachées des masses des montagnes, par les causes que nous venons d’assigner, se mélangèrent avec ces substances, qui n’étaient pas entrées dans la cristallisation générale.


À ces matières se joignirent postérieurement les débris des êtres organisés des continens, charriés, par les eaux courantes, jusques dans les grands bassins.

Les dépouilles des animaux marins, comme coraux, madrepores, coquilles…, celles des plantes marines, se mêlèrent aussi à ces substances.

Enfin, ce grand nombre de substances accumulées, soit celles qui provenaient des terrains primitifs, soit celles qui provenaient des dépouilles des êtres organisés, fut décomposé. Leurs molécules furent réduites à leur état élémentaire, à leur état naissant.

On peut supposer également qu’après les cristallisations primitives, il est demeuré dans les eaux-mères des portions des acides et des alkalis, qui n’étaient pas entrées dans ces cristallisations. Elles se sont donc combinées avec les substances dont nous venons de parler.

Mais toutes les substances, qui ont été nécessaires pour la formation des terrains, secondaires, ne viennent pas uniquement des eaux-mères des cristallisations primitives, ou des détritus des terrains primitifs. Il faut donc supposer qu’il s’en est formé postérieurement, et qu’il s’en forme encore tous les jours.

Et, en effet, il ne paraît pas qu’on puisse douter que le soufre ne se forme journellement, dans les pyrites qui se trouvent dans les argiles, dans les bois fossiles, dans les houillières, dans les tourbes… Le soufre paraît également se former chaque jour chez les êtres organisés. On le trouve dans l’œuf, dans le sang.

Ce soufre, de nouvelle formation, se combinera avec l’oxigène, et donnera de l’acide sulfureux et de l’acide sulfurique, pour former les gypses, les sulfates métalliques…

On doit appliquer au phosphore ce que nous venons de dire du soufre. Il se forme également chez les animaux et les végétaux. Se combinant ensuite avec l’oxigène, il forme l’acide phosphorique et les phosphates.

L’acide carbonique, si abondant dans les cristallisations secondaires, peut venir en partie de la décomposition de certaines substances des terrains primitifs, et des eaux-mères des cristallisations primitives.

Une autre portion aurait pu demeurer suspendue dans l’air atmosphérique.

Mais on ne saurait douter qu’il ne se soit formé postérieurement une grande quantité de charbon. Nous voyons effectivement que cet acide se produit journellement chez les végétaux et les animaux, par la respiration et par l’action de leurs forces, vitales. Leurs dépouilles, en se décomposant, soit par les diverses espèces de fermentation, soit par la combustion, fournissent constamment une grande quantité de cet acide.

Ceci suppose que le charbon est produit, chez les êtres organisés, comme le soufre, le phosphore.

L’acide muriatique des terrains secondaires a pu venir en partie des primitifs, où il est néanmoins peu abondant. Mais on le voit se former journellement dans les nitrières et chez les êtres organisés. Le sel marin, si abondant dans les sables brûlans des contrées équinoxiales, dans les terres… paraît également un produit nouveau, qui, charrié dans les mers et dans les lacs, rend leur eau salée.

L’acide nitrique n’a pas été trouvé dans les cristallisations primitives. Celui qui existe dans les terrains secondaires, comme les craies…, est donc d’une formation nouvelle. Sa décomposition trop facile l’empêche sans doute d’entrer dans les grandes cristallisations minérales, car il s’en forme journellement une assez grande quantité, dans les nitrières, qu’on voit ensuite disparaître.

L’acide boracique n’a pas encore été trouvé dans les cristallisations primitives. Il appartient vraisemblablement aux seules cristallisations secondaires. On le voit se former journellement dans les lagonis…

L’acide fluorique, assez abondant dans les terrains primitifs, se trouve dans quelques produits des cristallisations secondaires, comme dans les fluors des environs de Paris. Une portion a pu provenir des cristallisations primitives ; mais il s’en forme aussi chaque jour, comme les nouvelles analyses l’ont fait voir, dans les dents, les os des animaux, leurs urines…

Quant aux acides métalliques, il ne s’en trouve point dans les terrains secondaires ; mais ils pourraient s’y former par l’oxidation des métaux, tels que l’acide molybdique, dans le plomb jaune de Carinthie…

Les deux alkalis fixes, le natron et la potasse, se trouvent dans les terrains primitifs. Il aura donc pu en demeurer des portions dans les eaux-mères primitives ; une autre portion aura été dégagée de la décomposition de ces terrains. Mais on ne saurait douter qu’il ne s’en forme journellement, et dans les nitrières, et chez les êtres organisés. Ces derniers pourront donc passer dans les cristallisations minérales secondaires. Les substances métalliques ont été formées avec les cristallisations primitives. Il aura pu, par conséquent, en demeurer une portion dans les eaux-mères ; une autre portion aura été charriée, des terrains primitifs, par les eaux. Mais tous les faits paraissent indiquer qu’il s’en forme journellement chez les êtres organisés. Ils contiennent d’assez grandes quantités de fer, de manganèse, peut-être des portions d’or… qu’on ne saurait attribuer qu’à des formations nouvelles.

Toutes les terres se trouvent dans les terrains primitifs. Une portion a pu demeurer dans les eaux-mères : d’autres portions ont été détachées par la décomposition des montagnes primitives, et charriées dans les grands bassins.

Mais ces terres demeurées non dissoutes dans les eaux-mères des cristallisations primitives, et celles provenues de la dégradation de ces terrains, n’ont pas seules concouru à la formation des terrains secondaires. Les dépouilles des êtres organisés, les animaux et les végétaux, en ont aussi fourni une grande quantité… car il paraît certain que leurs forces vitales produisent la plus grande partie des terres, la silice, particulièrement chez toutes les graminées…, la magnésie, particulièrement chez les animaux marins, les mammaux ; l’alumine et la terre calcaire, qui est si abondante chez tous les animaux…

Toutes ces terres s’y produisent comme le fer, la manganèse, le soufre, le phosphore…

Après la mort de ces différens êtres organisés, les uns sont emportés tout entiers ou en parties dans les eaux, et il se conservent dans les nouvelles couches, tels sont les bois fossiles plusieurs plantes, quelques animaux, des coquilles, des ossemens…

Mais la plus grande partie se décompose, et leurs principes sont désunis ; leurs molécules sont réduites à leur état naissant ; une partie demeure sur le sol qu’ils habitaient ; une autre est emportée par les eaux ; et une troisième, celle qui est volatilisée s’élève dans l’atmosphère, mais cette dernière partie est presque toute reprise par les eaux des pluies.

On conçoit assez facilement que la silice, l’alumine, et la magnésie, ainsi que les substances métalliques, qui se trouvent dans les terrains secondaires, ont pu être fournies par les causes que nous venons de détailler : une partie provient de celles de ces substances, qui n’ont pas été employées dans les cristallisations primitives : une autre provient des débris de ces terrains primitifs entraînés dans les eaux des mers, et des dépouilles des êtres organisés.

Mais la difficulté est plus grande relativement à la chaux, ou à la terre calcaire. Elle est peu abondante dans les terrains primitifs, tandis qu’elle fait la presque totalité des terrains secondaires,

La formation de cette grande quantité de chaux des terrains secondaires, doit être attribuée assez vraisemblablement aux êtres organisés, surtout aux mollusques avec coquilles, aux polypes des madrepores, des coraux… Les os des animaux osseux en fournissent également. Les végétaux en contiennent une plus ou moins grande quantité.

Tous ces différens principes, quelle qu’ait été leur origine, qui composent les terrains secondaires, ont été tenus en dissolution dans les eaux. Ils se sont combinés et ont cristallisé, soit d’une manière régulière, soit d’une manière confuse.

Il faut supposer qu’ils ont été réduits à l’état élémentaire, aà l’état naissant.

Quelques unes de ces substances n’ont point été dissoutes ; elles ont été seulement à l’état terreux, comme les argiles. Les eaux les ont tenues en suspension, et les ont déposées.

De tous ces faits nous devons conclure que la formation et la cristallisation des substances, dont sont composés les terrains secondaires, sont dues aux mêmes causes que celles des terrains primitifs. Les molécules de ces substances ont été réduites à leur état élémentaire, ou à l’état naissant. Elles se sont unies combinées, et ont cristallisé, soit d’une manière régulière, soit d’une manière confuse, en obéissant aux lois des affinités.

L’origine de ces substances des terrains secondaires peut donc être attribuée à trois causes :

a. Ou elles ont été produites comme celles des terrains primitifs, par la combinaison des parties premières de la matière ou plutôt par celle des fluides éthérés et gazeux.

b. Ou elles ont été produites chez les êtres organisés par l’action de leurs forces vitales, ou ailleurs, comme dans les nitrures, par l’action d’autres forces, soit par la combinaison des parties premières de la matière, soit plutôt par la combinaison du gaz, des fluides éthérés, de l’eau…

c. Ou elles ont été apportées des terrains primitifs, soit qu’elles soient les produits des détritus de ces terrains primitifs ; ou le résidu des eaux-mères des cristallisations primitives.

I. Celles de ces substances qui ont été produites par une continuation des combinaisons des parties premières de la matière qui avaient produit les substances des terrains primitifs, ont cristallisé par une suite de la même action qui avait fait cristalliser substances elles-mêmes dès terrains primitifs.

II. Celles de ces substances des terrains secondaires, qui ont été produites chez les êtres organisés, dans les nitrières, ou ailleurs, par les combinaisons, soit des parties premières de la matière, soit par celles des fluides éthérés et gazeux, avaient acquis d’abord de la consistance en se combinant entr’elles, comme on le voit dans les coquilles, dans les coraux, les madrepores, dans les os, dans les bois… Elles ne peuvent s’unir dans cet état, ni former de nouveaux composés.

Mais après la mort des animaux, des végétaux, ces coquilles, ces madrepores, ces os, ces bois… se décomposent : leurs molécules sont réduites à leur état élémentaire, à leur état naissant, et elles deviennent pour lors susceptibles de former de nouvelles combinaisons, de nouveaux composés.

Un amas, par exemple, de coquilles seulement brisées, comme à Grignon, comme dans les falhunières de la Touraine… ne forme qu’une masse pulvérulente.

Mais si on suppose une partie de ces coquilles décomposëe et que leurs molécules soient réduites à leur état naissant : Si on suppose encore que des eaux chargées d’acide carbonique, coulent sur cette masse, elles charrieront ces molécules à l’état naissant, lesquelles s’uniront, se combineront, avec de l’acide, et envelopperont dans leur masse les portions de coquilles brisées : c’est ainsi que sont formées toutes les pierres coquillères, dont les coquilles sont empâtées par des calcaires.

Les grès cristallisés de Fontainebleau sont formés de la même manière. C’est de la chaux unie à l’acide carbonique, qui cristallise au milieu des grains de sable qu’elle enveloppe.

Le gypse, ou chaux sulfatée, enveloppe également des ossemens, quelquefois des coquilles…

III. Quant aux substances des terrains secondaires, qui ont été apportées des terrains primitifs, il faut également supposer qu’elles ont été décomposées pour pouvoir se combiner de nouveau, et que leurs molécules ont été réduites à l’état naissant, comme celles dont nous venons de parler.

Ces vérités deviendront plus sensibles dans l’exposition de la formation des différens terrains secondaires, que nous allons faire.


DE LA COMPOSITION DES PIERRES CALCAIRES COMPACTES DES TERRAINS SECONDAIRES.


Ces pierres composent la plus grande partie des terrains secondaires ; mais elles s’y présentent sous une multitude de formes différentes, comme nous l’avons exposé ailleurs[2]: elles forment,

a. Les calcaires cristallisés ;

b. Les albâtres ;

c. Les marbres ;

d. Les calcaires compactes ;

e. Les calcaires non-compactes ;

f. Les calcaires coquiliers ;

g. Les tufs calcaires.

Tous ces différens calcaires sont composés de chaux dissoute par l’acide carbonique. Ils sont rarement purs; mais ils sont mélangés le plus souvent avec d’autres substances, telles que la silice, l’alumine, la magnésie, le fer oxidé, des substances bitumineuses…

Le mode, dont ils ont cristallisé, les fait encore beaucoup varier.

Si la dissolution a été parfaite, et que la cristallisation se soit opérée tranquillement, elle aura donné les différens calcaires cristallisés.

Si la cristallisation ne s’est pas opérée avec tranquillité, ou aura les calcaires compactes, tels que les albâtres, les marbres…

Enfin une cristallisation plus troublée, donnera les calcaires plus ou moins poreux, les tufs calcaires…

On doit distinguer plusieurs époques dans la formation de ces calcaires secondaires.

1°. La première est celle des calcaires, qui touchent les terrains primitifs. Plusieurs contiennent des portions de serpentine, tels sont les marbres de Campan, dans lesquels on distingue quelques dépouilles d’êtres organisés.

2°. Les calcaires de la seconde époque sont également voisins des terrains primitifs ; mais ils ne contiennent que de la chaux carbonatée, mélangée quelquefois d’alumine, de silice, de fer il et de manganèse oxidés…

On y trouve quelques débris d’êtres organisés, tels que des cornes d’ammon, des gryphites, des bélemnites, des entroques…

3°. Des calcaires de la troisième époque sont encore postérieurs à ceux-ci. Ils sont en général moins compactes que les deux premiers.

Ils contiennent une très-grande quantité de coquilles, de madrepores…

Leur dureté, leur pesanteur… varient suivant le mode de cristallisation.

4°. Enfin ceux de la quatrième époque paraissent n’être composés que d’une réunion de coquilles plus ou moins entières, plus ou moins brisées, tels sont les falhuns de la Touraine, les masses calcaires du côté de Grignon, dont quelques-unes ont une dureté analogue à celle de la pierre, parce qu’elles sont liées par un ciment calcaire ; des calcaires de Mont-Rouge, auprès de Paris, qui paraissent presque uniquement composés de coquilles appelées millionites… des calcaires auprès de Mayence paraissent presque uniquement composés de petits bulimes.

5°. Les tufs calcaires., ont peu de dureté.

Les calcaires secondaires forment des masses immenses, qu’on rencontre quelque fois aux points les plus élevés de ces terrains, comme aux Andes, aux Alpes…

Aux Pyrénées il y a des calcaires coquilliers sur le pic du Midi, à 1500 toises de hauteur.

Mais on doit observer que les pierres calcaires qui composent une contrée, varient continuellement : c’est ce qu’on observe constamment dans les environs de Paris. Les architectes connaissent bien les différences de ces différentes pierres…

Les pierres calcaires des plaines de Mont-Rouge sont très-dures : les ouvriers leur donnent le nom de cailloux… Elles font feu sous les instrumens des ouvriers qui les travaillent. Aussi contiennent-elles une certaine quantité de silice.

Les pierres calcaires de-Saint-Leu, à quatre lieues de Paris, sont tendres, et se laissent pénétrer facilement par l’eau : cette eau se gèle en hiver, et la pierre se décompose.

Tous ces calcaires dont nous venons de parler, paraissent avoir cristallisé dans les eaux des mers, puisqu’ils contiennent de grandes quantités de fossiles marins, coquilles marines, madrepores.

D’autres calcaires ont été formés dans les eaux douces, dans des lacs d’eaux douces.

De troisièmes ont été formés d’une autre manière, comme les Stalactites, les albâtres…


DE LA FORMATION DES COUCHES DE CRAIE.


La craie est une autre formation calcaire, qui mérite toute. Il l’attention du géologue.

La craie se distingue particulièrement par son état terreux ; sa cristallisation a été précipitée, et ressemble à une cristallisation grenue[3] ; car quand on l’observe avec la loupe, on y distingue quelquefois des élémens de cristallisation. Elle est d’ailleurs à peu près saturée d’acide carbonique ; mais elle est le plus souvent mélangée avec de la silice, de l’alumine, de la magnésie, du fer oxidé…

Cette cristallisation de la craie a été troublée : elle ressemble. à celle qu’obtiennent quelquefois du nitre les salpétriers. Lorsqu’ils veulent obtenir une cristallisation grenue de ce sel, ils agitent beaucoup la dissolution, au moment où elle est près de la cristallisation. Le sel, pour lors, ne forme pas des masses, ou des cristaux volumineux, mais il cristallise en grains.

« Lorsque la totalité de la liqueur de la chaudière (prête à cristalliser), disent les auteurs de l’Art de fabriquer la Poudre à canon, page 91, y a été versée, on l’agite avec des rabots à l’aide desquels on lui imprime un léger mouvement, ayant pour objet de faciliter le dégagement du calorique. À mesure que la précipitation de ce salpêtre cristallisé a lieu, on le ramène avec des rateaux le long des bords du cristallisoir, en l’y amoncelant, de manière qu’il puisse s’égouter très-promptement. En retirant ainsi successivement le salpêtre à mesure qu’il se précipite en aiguilles extrêmement tenues, on a soin de ne pas ralentir un seul instant l’agitation de la liqueur, afin d’éviter qu’il ne s’y forme de plus gros cristaux… »

Cette manipulation prouve qu’il suffit d’agiter la liqueur pour éviter qu’il se forme de gros cristaux.

On suit un procédé analogue, dans les salines, pour avoir en petits cristaux le sel de glauber, ou sulfate de soude, qu’on en retire. On agite beaucoup la liqueur au moment où elle cristallise.

Les mêmes phénomènes s’observent dans les marais salans Le sel y cristallisé en grains d’autant plus petits que la liqueur y est plus agitée…

Ces faits me paraissent indiquer les causes qui ont fait cristalliser la craie. Le liquide qui la contenait était dans une assez grande agitation pour empêcher la formation de cristaux d’un certain volume. Sa cristallisation a donc été en très-petits cristaux, qui avaient une apparence terreuse.

J’appelle cette cristallisation en grains, ou GRENUE. Elle n’a pas permis à cette combinaison de chaux et d’acide carbonique de former des masses comme les pierres calcaires, les marbres.


Cependant l’agitation du liquide n’a pas été assez considérable pour briser toutes les coquilles : plusieurs y sont contenues ; et il en est un grand nombre qui y ont été conservées plus ou moins entières, plus ou moins brisées.

La craie forme des couches considérables dans les terrains secondaires. Elle présente différentes variétés.

La craie des environs de Paris contient un assez grand nombre de coquilles fossiles. On y distingue particulièrement des oursins, des bélemnites, des pinnes marines… On en doit conclure qu’elle a été formée dans le sein des mers.

Elle est composée de

Chaux carbonatée 79
Silice 9
Magnésie carbonatée 11

Ces bancs de craie des environs de Paris paraissent commencer au fond de la Champagne, sur les frontières des terrains primitifs des Vosges : ils s’étendent jusqu’à l’Océan. On les retrouve de l’autre côté de la Manche, en Angleterre.

La craie ne se rencontre pas dans tous les terrains secondaires. On la trouve rarement dans les terrains des États-Unis, en Amérique, dit Maclure (Journal de Physique, tome 72, page 137).

Les substances calcaires, sous quelques formes qu’elles se trouvent, ou à l’état compacte, comme les albâtres et les marbres… ou à l’état plus ou moins spongieux, comme les tufs calcaires… ou à l’état presque terreux, comme les craies, ou à l’état entièrement terreux, comme l’agaric minéral, la farice fossile… sont composées, en général, des principes suivans :

Chaux 7
Acide carbonique 43 3
Eau de cristallisation x

Il est rare que ces substances soient parfaitement pures : elles sont, le plus souvent mélangées,

De silice,
De l’alumine,
De la magnésie, comme la dolomie,
Du fer oxidé
Des parties bitumineuses, comme les marbres noirs, les pierres puantes…

Ces parties hétérogènes produisent un grand nombre de variétés parmi les calcaires ; mais ce sont le plus souvent de simples mélanges qui les souillent, comme dit Bergman, sans en changer la nature. Car la craie, quoique contenant de la silice, et quelquefois de la magnésie… est toujours de la craie, plus ou moins pure.

Les vrais principes constituans du calcaire sont donc l’acide carbonique et la chaux. Le géologue doit rechercher d’où a pu venir la quantité prodigieuse de ces deux substances, pour produire tout le calcaire des terrains secondaires.

L’acide carbonique est composé de carbone et d’oxygène. Une partie de cet acide provient,

1°. Des terrains primitifs.

2°. Une autre partie était demeurée dissoute dans les eaux-mères.

3°. Une troisième partie avait été suspendue dans l’air atmosphérique.

4°. Enfin une quatrième partie provient des êtres organisés, et de leur décomposition.

Ces diverses portions d’acide carbonique furent dissoutes par les eaux, dans lesquelles s’opérait la cristallisation du calcaire secondaire.

Quant à la chaux, elle fut également fournie par diverses causes.

1°. Par les eaux-mères qui en contenaient une certaine portion.

2°. Par les terrains primitifs. Nous avons vu qu’il y a un certain nombre de pierres calcaires.

La chaux se trouve dans un grand nombre de substances des terrains primitifs.

Les eaux auront charrié des portions de chaux venant de ces diverses substances, ainsi que du calcaire primitif.

Néanmoins il ne paraît pas que ces causes eussent été suffisantes pour fournir toute cette chaux.

3°. Il faut donc chercher ailleurs l’origine de cette quantité immense de chaux. Or, on peut en concevoir l’origine si on fait attention que c’est elle qui domine chez les êtres organisés, surtout chez les animaux marins, et particulièrement dans les coquilles des testacées, où ces coquilles paraissent avoir été dans une quantité étonnante, comme on en peut juger par des bancs de pierres coquillières, de falhun, de craie… qui sont presque uniquement composés des débris des coquilles. Il y en a même un certain nombre d’entières.

Les madrepores, les coraux, ont également beaucoup fourni aux couches des terrains secondaires. Donati rapporte que tout le fond de la mer Adriatique est rempli de coraux et de madrepores… Les côtes de Nice et de Provence en contiennent aussi une très-grande quantité…

La plus grande partie des îles de la mer du Sud est environnée de rescifs de coraux, et de madrepores ; et ces îles elles mêmes en sont presque toutes formées.

On retrouve ces coraux dans la Baltique…

Or, nous avons vu que la plus grande partie des calcaires secondaires est remplie de coquilles de madrepores… Quelques uns en sont même uniquement composés.

Toutes ces causes auront donc pu fournir la quantité immense de terres calcaires dont sont composés les terrains secondaires ; elles auront fourni également de la magnésie, de l’alumine, de la silice, et des parties métalliques.

Ces produits nouveaux se réunissent, 1°. aux substances contenues dans les eaux-mères des cristallisations primitives, 2°. aux détritus de ces mêmes terrains primitifs. Les calcaires secondaires furent donc formés de ces diverses substances.

Toutes ces substances, soit celles provenues des terrains primitifs, soit celles venues des êtres organisés… se décomposeront. Les molécules du calcaire seront réduites à leur état élémentaire, à leur état naissant ; les eaux les charrieront, et rencontrant de l’acide carbonique, elles formeront un nouveau calcaire.


DE LA FORMATION DES SILEX, DES CALCÉDOINES, DES MÉNILITES… QUI SE TROUVENT DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Au milieu des couches de craie se trouvent des silex, ordinairement en masses isolées, arrondies et très-irrégulières. Ils forment néanmoins des espèces de strates ou couches. Dans les craies des environs de Paris, les silex forment des espèces de strates éloignés les uns des autres environ de six pieds.

On voit néanmoins dans les craies de Meudon, une couche de silex qui est presque continue. Elle est fort mince, car son épaisseur n’est environ que d’un pouce : c’est pourquoi les ouvriers l’appellent plaquette.

On avait cru que le silex ne se trouvait que dans les craies, mais on le trouve également ailleurs. Auprès d’Issi, aux environs de Paris, on en voit une couche épaisse d’environ un pouce, dans des couches de pierre calcaire.

Les plâtres des environs de Paris contiennent aussi des silex. Ceux-ci sont ordinairement creux, et leurs cavités sont remplies de plâtre.

Les pierres meulières, ou molarites, sont de la nature siliceuse. On en trouve dans les environs de Paris en plusieurs endroits :

a. Au milieu des sables dont sont couvertes toutes les sommités de ces cantons, on voit même dans différens endroits, comme à Daumont, le sable passer à l’état de silex. C’est, je crois, cette variété, que Wallerius a désigné sous le nom de silex arenarius. J’ai vu également ailleurs, à Bodemont, proche là Clayette[4] le sable passer à l’état siliceux.

b. La pierre meulière se trouve encore très-souvent au milieu d’une argile ocracée, comme auprès d’Essone.

Enfin, nous avons vu des bois, des coquilles… changés en matière siliceuse, en halbopale, holzopale…

Tous les pissites, ou pechsteits des terrains secondaires, comme la ménilite, les pissites de Montfort-Lamaury… sont de la nature siliceuse.

On trouve en Franche-Comté, du côté de Poligny, des silex qui contiennent du soufre.

Il y a auprès de Paris, à Saint-Ouen, des silex extrêmement légers, qui nagent sur l’eau.

Les calcédoines secondaires sont des silex dont la pâte est un peu plus fine. Il y en a un assez grand nombre aux environs de Paris. On en trouve au milieu du calcaire, à Champigny, une variété qui est très-belle.

On trouve aussi, dans des terrains secondaires, comme à Montfort-Lamaury, à peu de distance de Versailles, des pissites.

La nature du silex et sa formation ont toujours présenté de grandes difficultés aux géologues. On ne peut parvenir à la solution de ces problèmes difficiles qu’en rapprochant et comparant tous les faits que nous venons d’exposer.

Quelques minéralogistes ont supposé que les silex étaient les produits d’animaux pétrifiés, silicifiés, comme les bois ou les holzopales, et les coquilles silicifiés. Ils pensent que des animaux marins pulpeux, les mollusques sans coquilles, tels que l’ortie de mer, les holothuries… qui se trouvaient dans les couches de craie, ont été pénétrés par un suc siliceux, et convertis en silex. Les eaux, suivant eux, s’insinuent à travers les craies, dissolvent une portion de silice, et viennent se rendre dans ces amas supposés d’animaux, réunis en couches ou elles forment ces couches siliceuses.

Cette opinion ne me paraît pas pouvoir se soutenir par plusieurs raisons.

a. Les pierres meulières sont de la nature siliceuse, et elles forment des masses très-considérables dans des terres argileuses…

b. Nous avons vu les sables passer à l’état siliceux.

c. Les bois, les coquilles, passent également à l’état siliceux.

d. Les calcédoines secondaires se trouvent ailleurs que dans les craies.

e. Nous avons vu des silex former des couches dans la pierre calcaire…

Il est donc plus probable que les silex en général sont formés d’une portion de silice non combinée. Toutes les terres, les argiles, les marnes, les craies, les polier-schiffer, les laves… contiennent des portions plus ou moins considérables de cette silice non combinée. Les eaux, qui traversent ces terres, dissolvent et charrient cette silice, qu’il faut supposer à l’état naissant. Lorsque la dissolution et la cristallisation sont parfaites, on a un vrai quartz cristallisé ; comme à Neuilly proche Paris, comme dans plusieurs geodes siliceuses sur l’asphalte d’Auvergne. Si la dissolution et la cristallisation sont moins parfaites, on a des silex, des calcédoines…, et les dépôts s’en font dans les différens gîtes dont nous venons de parler.

Enfin, la formation de ces silex, de ces calcédoines… dans ces terrains secondaires, doit être attribuée aux mêmes causes, que celles de ces substances dans les terrains primitifs, dans les terrains volcaniques.

Je pense donc que, dans ces masses de craie, où sont ces grandes quantités de silex, la silice se trouve à son état élémentaire, à son état naissant. Ses molécules sont charriées par les eaux ; elles se rapprochent, se combinent, et forment ces silex.

La même chose a eu lieu dans les couches de pierres calcaires d’Issy.

Les silex, des couches de gypses de Montmartre, ont été produits de la même manière.

Enfin, les molarites, si abondans dans des couches argilo-ferrugineuses ;

Les belles calcédoines de Champigny, dans des terrains secondaires, près Paris ;

Les ménilites de Mesnil-montant, les pissites de Monfort-Lamaury… ont tous la même origine.

La formation de ces silex, de ces ménilites, de ces calcédoines secondaires… est analogue à celle des agates, des calcédoines, des pissites… dont nous avons parlé ci-devant. La terre alumineuse, les oxides de fer… qui sont mélangés avec la silice, empêchent celle-ci de cristalliser régulièrement.


DE LA COMPOSITION DES COUCHES DE GYPSES DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les gypses secondaires forment une autre partie des terrains dont nous parlons. Ils sont en moins grandes masses que les couches calcaires. Néanmoins, ils ne laissent pas que de former des monticules et des chaînes considérables.

Les plâtres des environs de Paris, occupent un espace de trente lieues de longueur environ, et sept lieues de largeur.

Ces gypses secondaires sont plus ou moins purs. On en trouve, en Bourgogne, et ailleurs, de très-purs, qui ne contiennent que de la chaux et de l’acide sulfurique.

Les plâtres des environs de Paris, contiennent une assez grande quantité de chaux carbonatée. Cette chaux carbonatée, calcinée avec le gypse, est réduite en chaux vive. Elle forme alors une espèce de mortier, C’est pourquoi ce plâtre est meilleur que ceux qui sont purs.

Les couches de gypses secondaires ont été ordinairement formées dans les eaux des mers. J’ai trouvé, dans les gypses des environs de Paris, des poissons marins, un spare, un ésoce… (Journal de Physique) qui ont été reconnus pour des poissons marins.

De savans géologues pensent, au contraire, que la plus grande partie des gypses secondaires a été déposée dans des lacs d’eau douce. C’était l’opinion de Lamanon. Il n’est pas douteux que quelques-unes des carrières de gypse secondaire n’aient été formées dans des eaux douces, comme dans les lagonis de Toscane, ainsi que je l’ai dit, Théorie de la Terre, tom. 5, pag. 137. Mais celles de Montmartre y ont-elles été formées ? C’est ce que nous examinerons ailleurs, et nous prouverons qu’elles ont été formées dans les eaux des mers.

On trouve, au milieu des couches de plâtre de Montmartre, de Mesnil-Montant…, des silex, des ménilites…


DE LA COMPOSITION DES COUCHES D’APPATIT DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Proust a trouvé, dans les montagnes, secondaires de l’Estramadure, des couches immenses d’appatit, ou de phosphate calcaire, dans lequel sont quelques portions d’acide fluorique, d’acide marin, et d’acide carbonique[5]. Sans doute on rencontrera de pareilles substances dans, d’autres parties du globe ; il faut donc en rechercher l’origine.

Elle est la même que celle des autres couches des différentes substances, dont nous venons de faire l’exposition. Des eaux, soit des mers, soit des lacs, tenaient en solution ces matières diverses. Elles se sont unies, combinées et ont formé ce phosphate calcaire.

Il est composé de chaux, de silice et d’acide phosphorique, joints à quelques autres acides, le fluorique, le muriatique… L’origine de la chaux de ces pierres est la même que celle de la chaux des autres pierres de cette nature.

Quant à l’acide phosphorique, on peut supposer qu’il provient des animaux, chez lesquels il est si abondant. Ces phosphates calcaires peuvent donc être regardés comme un produit de la décomposition de certains animaux.

Cet acide phosphorique pourrait néanmoins avoir été apporté des terrains primitifs. Mais il paraît plutôt provenir ici des animaux.

L’acide phosphorique s’est combiné avec de la chaux. Le phosphate calcaire, qui en a été formé, a été tenu en solution par les eaux pendant quelque tems. Enfin, par une des causes dont nous avons parlé, le dissolvant a cessé d’agir, et ce phosphate a cristallisé d’une manière confuse.

Cette cristallisation a formé des couches analogues à celles des calcaires, des gypses…

L’acide fluorique et l’acide marin ont également été formés par les animaux, ou sont de formation nouvelle.

Mais pour que cette combinaison de chaux et d’acide phosphorique et autres acides ait eu lieu, il faut supposer que la chaux, ou terre calcaire, ait été réduite à son état élémentaire, que ses molécules étaient comme à leur état naissant. Charriées alors par les eaux, elles ont pu se combiner avec l’acide phosphorique et les autres acides.


DE LA COMPOSITION DU FLUOR DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


On a trouvé à Neuilly, proche Paris, par conséquent dans des terrains secondaires, du fluate calcaire cristallisé avec du calcaire[6].

La formation de ces fluors est due aux mêmes causes que celle du calcaire, du gypse…

Cet acide fluorique pourrait avoir été apporté des terrains primitifs ; mais il paraît plutôt provenir des animaux, ou être de formation nouvelle, comme dans les dents…


DE LA COMPOSITION DES SCHISTES DANS DES TERRAINS SECONDAIRES.


On trouve, dans les terrains secondaires, d’immenses couches de schistes, qui diffèrent entièrement des schistes primitifs[7]. Ces schistes secondaires se distinguent particulièrement des autres, par la grande quantité de débris d’êtres organisés qu’ils renferment. Les schistes qui recouvrent les couches bitumineuses, sont le plus souvent remplies d’impressions de plantes, de poissons…

Les ardoises d’Angers contiennent des impressions d’une espèce de crustacés dont on ne connaît pas l’analogie.

Des schistes secondaires se trouvent aux environs de Paris. Ils contiennent une grande quantité de silice qui les rend propres à polir ; c’est pourquoi Klaproth leur a donné le nom de schiste à polir, polier-schiffer. Ces schistes forment des bancs, qui alternent avec les couches des gypses : ils sont parallèles, et se divisent en feuillets très-minces.

Ces schistes forment des couches régulières, plus ou moins étendues, alternant régulièrement avec d’autres couches de diverses substances minérales.

Elles ont donc été déposées en obéissant aux lois des affinités ; Les matières des schistes ne sont cependant point solubles dans les eaux. Elles n’ont pu y être tenues qu’en état de suspension.


DE LA COMPOSITION DES COUCHES ARGILEUSES DES TERRAINS SECONDAIRES.


De grandes masses des terrains secondaires sont formées de couches argileuses, qui diffèrent entièrement des argiles primitives. Je les appelle secondaires, parce qu’elles contiennent ordinairement beaucoup de débris d’êtres organisés, tels que des poissons, des plantes… dans lesquelles on distingue des fougères, des bambous, des roseaux, des scirpus… quelquefois des coquilles.

Les terrains des environs de Paris contiennent deux couches d’argiles secondaires très-remarquables.

La première est située au-dessous des sables qui couvrent tous les sommets de ces cantons, et au-dessus des couches de marne et de kleb-schieffer. Cette couche d’argile contient,

1°. Des cristaux de sélénite ;

2°. Des rognons de strontiane sulfatée ;

3°. Une couche mince de petites coquilles du genre des tellines…

La couleur de cette argile est d’un gris verdâtre.

Il s’y trouve quelquefois de la chlorite.

La seconde couche d’argile des terrains des environs de Paris est au-dessus des craies, et des couches de plâtres et des pierres calcaires. Elle contient,

1°. Des bois bitumineux ;

2°. Des sables quartzeux ;

3°. Des cristaux de sélénite, ou de gypse.

La couleur de cette argile est d’un gris foncé.

D’autres couches d’une argile différente se trouvent au-dessus de Paris, en remontant la rivière. Elles commencent à la porte de Paris, du côté de Ville-Juif, et s’étendent par Choisy, Essone… Sa couleur est d’un rouge ocracé. Elle contient une grande quantité de pierres meulières, molarite.

Il y a encore, dans Paris même, dans le quartier des Tuileries, une autre couche d’argile assez solide pour servir de fondement aux plus grands bâtimens, tels que le château des Tuileries… Cette argile est d’une couleur jaunâtre.

Tous les terrains secondaires contiennent des quantités plus ou moins considérables de différentes argiles.

Ces argiles sont employées dans les arts, pour faire les tuiles, les briques, les poteries…

L’origine de ces argiles des terrains secondaires doit être attribuée à plusieurs causes.

1°. Une partie peut provenir des eaux-mères de la cristallisation des terrains primitifs.

2°. Une autre portion peut provenir des argiles qui se trouvent dans les terrains primitifs, et qui aura été charriée par les eaux.

3°. Mais la portion la plus abondante provient de la décomposition des pierres des terrains primitifs. Nous avons vu que toutes ces pierres contiennent une assez grande quantité d’alumine. La décomposition des feldspaths, et de ceux des granits où le feldspath abonde, tels que ceux de Saint-Yrie, proche Limoges, donne une grande quantité d’alumine, qui fait la base des kaolins et des pétuntzés.

4°. La décomposition des serpentines, et de toutes les smectites, donne les terres à foulon, dans lesquelles se trouve une assez grande quantité d’alumine. Mais elles contiennent en même tems une portion de magnésie ; ce qui fait la différence des terres à foulon, des argiles proprement dites.

5°. Une cinquième cause peut encore fournir beaucoup d’alumine dans les terrains secondaires. C’est la décomposition des substances animales et végétales, qui contiennent des quantités plus ou moins considérables d’alumine.


DE LA COMPOSITION DES TERRES MAGNÉSIENNES DES TERRAINS SECONDAIRES.


Quelques terres argileuses des terrains secondaires, contiennent des portions de terre magnésienne : ainsi, aux environs de Paris, il y a, dans les argiles, de la terre verte, qui paraît être A, une espèce de stéatite ou de chlorite.

Risso en a également trouvé, dans les terrains secondaires des environs de Nice.

Ces terres magnésiennes paraissent souvent avoir été apportées des terrains primitifs, dans les secondaires.

Il se peut néanmoins que la décomposition des substances animales et végétales en ait fourni ; car plusieurs contiennent des quantités plus ou moins considérables de magnésie.

Enfin, une portion de cette magnésie peut être de formation. nouvelle, comme dans les nitrières.


DE LA FORMATION DES COUCHES GRÈZEUSES, DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


On observe, dans les terrains secondaires, un grand nombre de couches grèzeuses. Ces grès sont anguleux, et de différentes couleurs. Leur nature paraît quartzeuse.

Les environs de Paris présentent un grand nombre de ces couches grèzeuses. On en trouve sur les hauteurs de Mesnil-Montant, des couches très-régulières, qu’on distingue par leurs différentes couleurs.

Ces grès des sommets des environs de Paris, contiennent un grand nombre de coquilles fossiles et marines, telles que cerites, pétoncles, calyptrées, solens, turritelles, corbules…

On trouve également des couches grèzeuses, dans plusieurs autres contrées, qui sont analogues aux grès des environs de Paris.

Ces couches grèzeuses sont régulières. Elles s’étendent à d’assez grandes distances, observant le même parallélisme…

Elles alternent avec d’autres couches, sans se mélanger. On en doit conclure qu’elles ont dû être formées, comme toutes les autres couches calcaires, gypseuses, schisteuses… en obéissant aux lois des affinités, en étant seulement tenues en suspension.

Les coquilles marines, qu’on y trouve, indiquent que ces grès ont été déposés dans le sein des mers. Ces grès ont donc été formés dans les eaux des mers, comme les autres substances, craies, schistes… Mais ils ont cristallisé en masses grenues, et non point en grandes masses. On fait cristalliser ainsi le nitre en masses grenues, en agitant beaucoup la dissolution[8].

Les grès, ou sables des terrains d’alluvion, ne contiennent pas de coquilles marines. Ils n’ont donc été que détachés des montagnes primitives, et charriés par les eaux.


DE LA COMPOSITION DES HOUILLES, OU SUBSTANCES BITUMINEUSES.


Des amas prodigieux de bois fossiles et de tourbes, des couches immenses de houilles et de substances bitumineuses, sont accumulés dans les terrains secondaires : ils présentent des phénomènes qui peuvent jeter un grand jour sur la structure de cette partie du globe terrestre, et qui méritent toute l’attention des géologues[9].

Les couches bitumineuses sont superposées les unes au-dessus des autres, en un nombre assez considérable. On en connaît déjà plus de soixante dans les houillières de Saint-Gilles, près de Liège ; et vraisemblablement, ce ne sont pas les dernières.

Des couches de diverses substances minérales séparent les couches bitumineuses. Les unes et les autres font des strates constamment parallèles entre elles. Celles qui enveloppent immédiatement les couches bitumineuses, sont le plus souvent composées d’un schiste argileux ou d’un grès schisteux. Elles contiennent encore quelquefois des parties magnésiennes, des parties calcaires… des oxides de fer…

En général, ces diverses couches, principalement les schisteuses, les argileuses, les grèzeuses… sont remplies d’impressions de différentes plantes ; on y trouve quelquefois des impressions de poissons, qui sont ordinairement exotiques, et même quelquefois des coquilles.

Les strates ou couches de houilles sont le plus souvent très-étendus, et occupent des contrées entières. Celles de Liège s’étendent par Huy, Namur, Tournay. Celles de Saint-Étienne s’étendent, d’un côté, à Rive-de-Giez… et, de l’autre, elles paraissent se propager, par Saint-Symphorien de Lay, la Chapelle, proche la Clayette… jusqu’au Creuzot…

Quelques-unes de ces couches sont très-épaisses. Il en est dont l’épaisseur a jusqu’à trente, quarante pieds, et même davantage, comme au Creuzot.

Quelques-un es des couches intermédiaires ont jusqu’à quatre cents pieds d’épaisseur, comme la cinquante-septième couche intermédiaire de la montagne Saint-Gilles, proche Liège.

Mais d’autres couches bitumineuses n’ont que de très-petites épaisseurs, seulement de quelques pouces comme la couche cinquième de la montagne Saint-Gilles. Elle est de sept à huit pouces, divisée en trois couches. J’ai des morceaux où la couche bitumineuse n’a que quelques lignes d’épaisseur.

Quelques houillières sont dans des bassins formés entre des montagnes élevées, comme celles de Santa-Fé-Bogota, à 2200 à toises au-dessus de la mer (citées par Leblond, Journal de Physique, tome.

D’autres houillières sont peu au-dessus du niveau des mers. Il en est même qui sont au dessous de ce niveau, à d’assez grandes profondeurs, comme celle de White-Haven, dans laquelle est descendu Franklin. Tome 2 de ses œuvres, traduction française, page 199 « En suivant la veine de charbon, dit-il, et descendant peu à peu, je parvins jusqu’au dessous de l’Océan, ou le niveau de la surface était à plus de 800 brasses (1000 pieds), au-dessus de ma tête, et les mineurs m’assurèrent que les ouvrages s’avançaient jusqu’à quelques milles au-delà en descendant toujours par degrés au-dessous de la mer. Les couches, qui servent de au toit au charbon sont d’ardoises chargées d’impressions des plantes… »

La situation de ces couches bitumineuses est le plus souvent horizontale. D’autre fois elles sont plus ou moins inclinées : Enfin quelques-unes approchent de la verticale, c’est ce qu’on observe souvent dans la même mine, comme dans celles de Saint-Gilles…

Mais il est souvent arrivé que les couches inférieures ont fléchi : cette inflexion a donné une inclinaison plus ou moins considérable à toutes les couches supérieures. On reconnaît facilement cet accident par la manière dont se présentent ces couches. Sont-elles brisées brusquement, et appuyées contre des substances d’une nature différente ? On peut supposer un affaissement inférieur, ou un renversement des couches. C’est ce qu’on observe bien distinctement au Creuzot. Une partie des couches est appuyée immédiatement contre une montagne granitique, sous un angle de 50 à 70 degrés.

Cette inflexion des couches y produit des fentes, qui ont postérieurement été remplies par des substances étrangères. On appelle ces fentes ainsi remplies, failles, sprungs, sauts

Nous allons donner, d’après Genetté, un exposé des intéressantes couches bitumineuses de la montagne Saint-Gilles, près Liége. On y observe tous les phénomènes dont nous venons de parler. Il y a trois failles considérables : il faut voir la planche qu’il en a fait graver, et que j’ai insérée dans ma Théorie de la Terre.


DE LA FORMATION DES COUCHES DE LA MONTAGNE DE SAINT-GILLES PRÈS LIÉGE.


Nous retrouvons dans la montagne de Saint-Gilles, auprès de Liége, tous les phénomènes dont nous venons de parler. Elle renferme une des plus riches mines de charbon de terre, composée d’un grand nombre de strates, ou couches, qui alternent avec des couches d’autres substances : j’ai cru devoir faire graver, dans ma Théorie de la Terre, tome 5, la planche qu’en a donnée Genetté, avec les détails qui l’accompagnent[10].

1. Couche.
Du gazon à la première couche de charbon, 21 pieds[11].
Épaisseur de la veine ou couche du charbon, 15 pouces.
2. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Seconde veine, 1 pied sept pouces, divisée en deux lits par une couche de houage (c’est-à-dire une terre meuble) d’un doigt d’épaisseur.
3. Couche intermédiaire, 84 pieds.
Troisième veine divisée en deux, 4 pieds 3 pouces.
4. Couche intermédiaire, 49 pieds.
Quatrième veine, 1 pied 7 pouces.
5. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Cinquième veine, 1 pied 3 pouces. Mais elle est divisée par des matières étrangères, réduites à 7 ou 8 pouces.
Elle est divisée en 3 couches.
6. Couche intermédiaire, 56 pieds.  : :Sixième veine, 7 pouces.
7. Couche intermédiaire, 56 pieds.
Septième couche, 2 pieds 3 pouces.
8. Couche intermédiaire, 21 pieds.
Huitième veine, 2 pieds 2 pouces.
Elle est divisée en trois couches
9. Couche intermédiaire, 28 pieds.
Neuvième veine, 1 pied 3 pouces.
Elle est divisée en trois couches.
10. Couche intermédiaire, 35 pieds.
Dixième veine, 1 pied.
11. Couche intermédiaire, 28 pieds.
Onzième veine, 3 pieds 3 pouces.
12. Couche intermédiaire, -92 pieds.
Douzième veine, 1 pied 2 pouces.
13. Couche intermédiaire, 21 pieds.
Treizième veine, 1 pied 7 pouces.
14. Couche intermédiaire 98 pieds.
Quatorzième veine, 4 pieds.
Elle est divisée en demi couches.
15. Couche intermédiaire.
Quinzième veine, 3 pieds, 3 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
16. Couche intermédiaire, 36 pieds.
Seizième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en trois couches.
17. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Dix-septième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
18. Couche intermédiaire, 91 pieds.
Dix-huitième veine 1 pied 3 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
19. Couche intermédiaire, 87 pieds.
Dix-neuvième veine, 5 pieds 6 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
20. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Vingtième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
21. Couche intermédiaire, 98 pieds.
Vingt-unième veine, 2 pieds 3 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
22 ; Couche intermédiaire, 49 pieds.
Vingt-deuxième veine, 4 pieds.
Elle est divisée, en deux couches.
23. Couche intermédiaire, 28 pieds.
Vingt-troisième veine, 1 pied 7 pouces.
Elle est divisée en trois couches.
24. Couche intermédiaire, 42. pieds.
Vingt-quatrième veine, un pied 2 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
25. Couche intermédiaire, 35 pieds.
Vingt-cinquième veine, x pied 2 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
26. Couche intermédiaire, 84 pieds.
Vingt-sixième veine, 3 pieds 3 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
27. Couche intermédiaire, 45 pieds.
Vingt-septième veine, 2 pieds 3 pouces.
28. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Vingt-huitième veine, 2 pieds 3 pouces.
29. Couche intermédiaire, 98 pieds.
Vingt-neuvième veine, 3 pieds 7 pouces.
Elle est divisée en trois couches.
30. Couche intermédiaire, 24 pieds.
Trentième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
31. Couche intermédiaire, 49 pieds.
Trente-unième veine, 2 pieds 3 pouces.
Elle est divisée en trois couches.
32. Couche intermédiaire, 94 pieds.
Trente-deuxième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
33. Couche intermédiaire, 70 pieds.
Trente-troisième veine, 4 pieds 7 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
34. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Trente-quatrième veine, 1 pied 3 pouces.
Elle est divisée en trois couches.
35. Couche intermédiaire, 70 pieds.
Trente-cinquième veine, 3 pieds 7 pouces.
36. Couche intermédiaire, 9I pieds.
Trente-sixième veine, 3 pieds.
37. Couche intermédiaire, 35 pieds.
Trente-septième veine, 21 pieds 7 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
Couche intermédiaire, 28 pieds.
38. Trente-huitième veine, 1 pied.
Elle est divisée en deux couches.
39. Couche intermédiaire, 14 pieds.
Trente-neuvième veine, 1 pied 5 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
40. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Quarantième veine, 7 pouces.
41. Couche intermédiaire, 56 pieds.
Quarante-unième veine, 2 pieds 3 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
42. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Quarante-deuxième veine, 4 pieds 3 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
43. Couche intermédiaire, 67 pieds.
Quarante troisième veine, 1 pied 7 pouces.
Couche intermédiaire, 67 pieds.
Quarante-quatrième veine, 5 pieds.
45. Couche intermédiaire, 42 pieds.
Quarante-cinquième veine, 2 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
46. Couche intermédiaire, 21 pieds.
Quarante-sixième veine, 4 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
47. Couche intermédiaire, 105 pieds.
Quarante-septième veine, 2 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
48. Couche intermédiaire, 70 pieds.
Quarante-huitième veine, 7 pouces.
49. Couche intermédiaire ; 7 pieds.
Quarante-neuvième veine, 1 pied 3 pouces.
50. Couche intermédiaire, 70 pieds.
Cinquantième veine, 4 pouces et demi.
51. Couche intermédiaire, 7 pieds.
Cinquante-unième veine, 1 pied 3 pouces.
52. Couche intermédiaire, 35 pieds.
Cinquante-deuxième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
53. Couche intermédiaire, 84 pieds.
Cinquante-troisième veine, 3 pieds.
Elle est divisée en deux couches.
54. Couché intermédiaire, 70 pieds.
Cinquante-quatrième veine, 3 pieds 3 pouces.
55. Couche intermédiaire, 56 pieds.
Cinquante-cinquième veine, 3 pieds 3 pouces.
56. Couche intermédiaire, 84 pieds.
Cinquante-sixième veine, 1 pied 7 pouces.
57. Couche intermédiaire, 420 pieds.
Cinquante-septième veine, 2 pieds 7 pouces.
Elle est divisée en deux couches.
S8. Couche intermédiaire, 105 pieds.
Cinquante huitième veine, 1 pied.
59. Couche intermédiaire, 126 pieds.
Cinquante-neuvième veine, 3 pied S pouces.
Elle est divisée en deux couches.
60. Couche intermédiaire, 154 pieds.
Soixantième veine, 1 pied 2 pouces.
61. Couche intermédiaire, 126 pieds.
Soixante-unième veine, 3 pieds 8 pouces.
Elle est divisée en deux couches.

Toutes ces couches intermédiaires ou strates, qui existent entre les veines de charbon, sont des pierres calcaires ou argileuses…

On retrouve souvent les mêmes pierres dans l’épaisseur de la veine. Quelquefois cette veine est séparée en deux ou trois couches par les honages, ou argile noirâtre, geantrax, ou espèce d’ampelite.

Il est très-vraisemblable, ajoute Génetté, qu’on n’est pas encore parvenu à la dernière veine de charbon, et, qu’en creusant encore davantage, on en trouverait d’autres.

Trois failles coupent ces couches.

La composition de cette riche mine de houille confirme tout ce que nous venons de dire sur la formation des bitumes.


DES TERRAINS OU SONT SITUÉES LES HOUILLIÈRES.


Les houillières se trouvent le plus souvent dans des. schistes situés sur le flanc des terrains primitifs. Elles s’étendent quelquefois le long de ces chaînes. Les houillères de Saint-Étienne, par exemple, s’étendent le long de la chaîne granitique, qui, des Cévennes, se prolonge par Tarare, Beaujeu, la Clayette, Autun, Saulieu, jusqu’à Avalou… On trouve des couches de charbon à Saint-Symphorien-de-Lay, à la Chapelle, proche la Clayette, au Creuzot, proche Autun, à la Machine, proche d’Ecize…[12].

Les mêmes phénomènes s’observent dans plusieurs contrées. Cependant quelques mines de houilles très-riches sont dans des terrains secondaires assez éloignés des chaînes des terrains primitifs… Telles sont les mines de charbon de Valenciennes, de Mons…

Mais elles sont ordinairement situées dans des couches schisteuses argileuses, dans des grès schisteux… Ces couches schisteuses ont été postérieurement recouvertes de couches calcaires, comme l’observe d’Aubuisson, en parlant des houillières. d’Anzin (Journal des Mines, tome 18, pages 119 et 127).

Les mêmes phénomènes que présentent les houillières de Anzin ont lieu dans plusieurs autres houillières.

On doit donc supposer que ces houillières, qui se trouvent aujourd’hui dans des terrains. secondaires, éloignés des primitifs, ont été déposées primitivement dans des couches schisteuses, proche des terrains primitifs : elles ont été ensuite recouvertes par des terrains calcaires…

Mais pour jeter plus de jour sur la formation des substances minérales bitumineuses, nous allons examiner les divers combustibles fossiles, qui sont connus, et qui ont pu concourir à leurs formations.


DES BOIS FOSSILES.


On rencontre, en un grand nombre d’endroits, des bois fossiles plus ou moins bien conservés. Leur couleur est le plus souvent noire. Il sont enfouis à différentes profondeurs.

Quelques-uns sont assez bien conservés et assez intacts pour être employés à des ouvrages de charpente et de menuiserie.

Quelques autres passent à l’état de jayet.

Un des endroits les plus renommés pour ces bois fossiles est la Prusse ducale. On rencontre, en creusant jusqu’à cent pieds, sur les bords de la mer, des amas de gros arbres qui sont recouverts d’attérissemens. On ne connaît pas la profondeur de ces dépôts. C’est dans ces dépôts que se trouve le succin.

On y a établi, dit Crell, Journal de Physique, tom. 39, p. 365, suivant toutes les règles de l’art, des puits, des galeries dont on retire le succin en assez grande quantité. Je suis descendu dans un de ces puits qui se trouvent à la distance de deux cents pieds de la mer. Sa profondeur était de quatre-vingt-dix-huit pieds et demi. Nous découvrîmes que l’ambre jaune était enclavé entre deux salbandes de charbon ligneux…

J’ai dans ma collection des bois fossiles du mont Meismer, et autres endroits, qui passent également à l’état de charbon, ou de jayet.

À Castel-Nuovo, dans l’état de Parme, il y a une grande quantité de bois fossiles, auprès du lieu où on a découvert une source abondante de pétrole. Ce bois est à l’état bitumineux, dit Mojon : on en a retiré des troncs de différentes grosseurs, jusqu’à six décimètres, dix-huit pouces. Quelques-uns sont comprimés, et présentent, dans leur section transversale, une forme elliptique. Elle est l’effet de la compression qu’ils ont éprouvée. Il brûle comme le charbon de bois. Ses cendres contiennent de l’alkali. Il y a quelquefois du fer sulfuré, ou pyrite, mélangé avec ces bois.

Dans toute la Lombardie on trouve des bois fossiles. Il y en a des quantités considérables sur les bords de l’Arno. Plusieurs paraissent être des chênes qui sont assez, bien conservés pour être employés dans les arts.

La montagne de Steinberg, dans la Hesse, contient une grande quantité de bois fossiles recouverts de sablons, ainsi que le Robelberg et le Veisner, autres montagnes de ces cantons.

Le Belberg, montagne auprès de Zuric, est rempli de bois fossiles.

On trouve aussi beaucoup de bois fossiles en différens endroits de l’Angleterre…

Il est peu de contrées où il n’y en ait des quantités plus ou moins considérables.

Tous ces bois fossiles sont ordinairement noirs, quelquefois bruns.

L’origine de ces bois fossiles paraît due à plusieurs causes, dont les principales sont,

I. Les rivières, surtout les grands fleuves, déracinent les arbres qui sont sur leurs rivages, principalement lorsque leurs eaux sont enflées. Ils les charrient à des distances plus ou moins considérables. Quelquefois ils les déposent sur leurs propres rivages, ou dans les îles qu’ils forment par leurs attérissemens. C’est pourquoi on a observé des bois fossiles dans la plupart des vallées où coulent les grands fleuves. Le bassin de la Seine en contient de grandes quantités… Les grands fleuves de l’Amérique, tels que l’orénoque, l’Amazone… en charrient des quantités prodigieuses aux époques de leurs débordemens.

Mais le plus souvent ces bois sont transportés jusques dans les lacs et dans les mers où aboutissent ces fleuves, Tous les grands fleuves qui traversent les contrées peu cultivées par la main de l’homme, et couvertes de bois, charrient des quantités immenses d’arbres qu’ils ont déracinés dans le tems de leurs, crues, tels sont les grands fleuves de l’Amérique, l’Amazone, l’Orénoque, la Plata, le Mississipi, le Saint-Laurent…

Mais c’est particulièrement dans les mers du nord, que l’on voit aujourd’hui ces bois flotter sur leurs eaux. Les voyageurs, étonnés de la quantité immense de ces bois, ne cessent pas d’en parler.

Eddege, qui a demeuré long-tems au Groenland, a vu des amas énormes de ces bois.

Ellis en parle également « Nos vaisseaux, dit-il, eurent, sur les côtes de la baie d’Hudson, à traverser une quantité prodigieuse de bois flottans, C’étaient de grosses pièces qu’on aurait prises pour des bois de charpente, et qui se présentaient de toutes parts ».

Crantz fait également mention de ce bois dont les mers du nord sont couvertes, et qui sont ensuite jetés sur les côtes, « On voit, dit-il, au Groenland, des grands arbres déracinés, qui, roulant des années entières sur les flots et les glacés, ont perdu leurs branches et leurs écorces, et se trouvent rongés par le tems et les vers. Ce sont ordinairement des saules, des aulnes, du bouleau, qui viennent des mers du sud, ou des trembles que la mer charrie de plus loin, Mais la plus grande partie consiste en pins et sapins ».

On retrouve ces bois flottans sur les côtes du Spitzberg, et, jusqu’à celles du Kamschatka.

Phipps a également aperçu une grande quantité de bois flottant sur les mers du nord.

Ces arbres ont été déracinés par les torrens, par les grands fleuves, et même par les marées. Les avalanches en auront encore souvent entraîné. Car, dans ces montagnes du nord, les avalanches doivent, comme dans les Alpes, renverser des forêts entières. Ces arbres, arrivés à la mer, obéissent aux différens courans, et sont jetés, tantôt sur une côte, tantôt sur une autre. Ce sont les vents du nord et ceux du nord-ouest, dominans sur ces mers, qui les charrient de cette manière.

Les lieux, d’où viennent ces bois, ont été l’origine de grandes contestations parmi les voyageurs.

Les uns ont prétendu qu’ils venaient du Canada. On leur a répondu que, dans le Canada, il y avait beaucoup de chènes, et qu’on n’en trouvait aucun parmi ces bois flottés.

D’autres le font arriver d’Islande, d’Écosse, du Groenland, du Spitzberg, de Sibérie…

Mais pourquoi n’en viendrait-il pas de tous ces lieux en même tems. Les mêmes causes doivent agir dans tous ces pays.

Les grands sapins, les pins, les mélèzes, peuvent être apportés par les grands fleuves de Sibérie, où ces arbres sont très-communs.

Les fleuves du Spitzberg, de la Nouvelle-Zemble, du Greenland, du nord de l’Amérique, doivent également charrier des bouleaux, des saules… qui y sont très-abondans.

Ces bois sont plus communs dans les mers du nord, parceque les contrées d’où ils viennent sont couvertes de forêts, et peu cultivées par la main de l’homme.

Tous ces bois, ainsi amoncelés, sont ensuite recouverts par les sables, les galets et les attérissemens que charrient les fleuves et les mers, comme dans la Prusse ducale.

II. Les bois fossiles ont encore pu avoir une autre origine. Il arrive quelquefois que des terrains entiers s’affaissent : s’ils sont couverts de forêts, elles s’affaisseront également, et seront ensuite recouvertes par les terrains superposés. Telle paraît être l’origine des arbres fossiles qu’on trouve dans l’île de Man, en Angleterre.

« Dans l’île de Man, dit Ray, on trouve, dans un marais, qui a six milles de long et trois milles de large, appelé Carragh, des arbres souterrains qui sont des sapins, et quoiqu’ils soient à dix-huit ou vingt pieds de profondeur, ils sont cependant fermes sur leurs racines »…

III. Enfin, des inondations auront pu enfouir plusieurs arbres. La mer soulevée, par une cause quelconque, (comme on l’a vu en Hollande) se porte avec violence sur des terrains couverts de forêts. Aidée de l’action des vents, elle les brise et les renverse.

« On a trouvé une grande quantité d’arbres souterrains à Youle, province d’Yorck. Il y en à qui sont si gros qu’on s’en sert pour bâtir… Tous ces arbres paraissent rompus, et les troncs sont séparés des racines, comme des arbres que la violence d’un ouragan ou d’une inondation aurait cassés et emportés. Ce bois ressemble beaucoup au sapin ». (Transactions philosophiques, n. 228).

Le courant de la mer, qui aura brisé ces arbres, les portera sur les côtes opposées, comme nous avons vu que le font les fleuves. Il les y déposera, et les couvrira ensuite d’attérissemens.

La plupart de ces bois fossiles, conservent leur caractère de bois. Ils sont souvent assez peu altérés pour être employés dans les arts.

On trouve ; parmi ces bois, des racines, des tiges, des feuilles, des fruits… assez bien conservés.

Ces arbres sont souvent exotiques.

Autenrieth a observé, sur les bords du Necker, une forêt entière fossile, de gros troncs de palmiers couchés, dont quelques-uns avaient jusqu’à deux pieds de diamètre.

B. de Sussieu a trouvé, dans les charbons de Saint-Chaumont, des plantes fossiles qui croissent aujourd’hui dans les Indes.

Il faut supposer, comme je l’ai dit dans ce journal, tom. 76 ; qu’à l’époque où ces fossiles ont été déposés, ces contrées jouissaient d’une température chaude.

D’autres fois, ces arbres fossiles sont analogues à ceux des contrées où on les trouve.

Correa a observé des quantités considérables de bois fossiles, à Sutton, sur les côtes d’Angleterre. Il y a reconnu des bouleaux, des salix æquifolia… végétaux de ces contrées.

La Fruglaie a observé, sur les côtes de Bretagne, du côté de Morlaix, une forêt fossile qui s’étendait l’espace de sept lieues. Les arbres y étaient renversés en tous sens. Il y a reconnu des ifs, des chênes, des bouleaux, des mousses, des racines de fougères, des joncs, des asperges… enfin, la moitié d’un cocco… (Journal des Mines).

La nature de ces végétaux prouve qu’ils étaient analogues à ceux qui vivent aujourd’hui dans ces contrées. Ces forêts ont donc été renversées par de violens courans des eaux des mers.

Le coco, qui était mélangé avec les végétaux de nos contrées, prouve que le courant qui a renversé ces forêts, venait des contrées équinoxiales.

Quelquefois ces arbres fossiles, tels que ceux qu’on trouve à Castel-Nuovo, dans le pays de Gênes, ont été comprimés et applatis, au point de présenter, dans leur section transversale, une forme elliptique, suivant l’observation de Mojon.

On trouve souvent, au milieu de ces amas, de bois fossiles, des pyrites qui paraissent s’y être formées, Comme dans les schistes, les argiles…


DES TOURBES.


J’ai distingué deux espèces de tourbes[13], l’une que nous avons appelée marécageuse, et qui se forme dans les eaux par la décomposition des plantes aquatiques principalement, et l’autre que nous avons appelée tourbe sèche, parce qu’elle paraît se former dans des terrains secs par la décomposition des bois fossiles, qui sont réduits à l’état terreux.

Les tourbes sèches, ne paraissent être que le produit des bois. fossiles assez décomposés pour être réduits à l’état terreux, telles sont les tourbes de Brulh, auprès d’Andernach. Elles occupent un espace de plusieurs lieues en longueur et en largeur. On les a exploités jusqu’à la profondeur de plusieurs pieds.

Elles paraissent produites par des plantes exotiques ; car on y a découvert des restes de palmiers, des fruits de l’Aréca…

Leur couleur n’est pas noire, mais brunâtre.

On doit trouver de pareilles tourbes dans plusieurs autres endroits ; Klaproth en a décrit une mine qui se trouve dans le comté de Mansfeld, où elle est appelée terre ligneuse bitumineuse. Il lui donne le nom de braunliohle[14]. « Par son aspect et ses propriétés, dit-il, on voit clairement que cette tourbe dû former la partie fibreuse d’une immense masse de bois entraînée par les eaux, qui, ensuite, a été altérée par la pourriture, mais qui n’est pas encore entièrement décomposée. »

Il a retiré, de 200 grains de cette substance,
     Gaz hydrogène carboné 118 pouces.
Gaz acide carbonique 17
Eau acidule (qu’il croit un produit de la distillation, un acide pyro-legnique ) 24 grains.
Huile brune figée 60
Résidu charbonneux 77.5
Ce résidu, examiné avec soin, lui a donné :
Chaux sulfatée 5
Chaux carbonatée 4
Chaux pure… un atome.
Résidu sabloneux 23
Alumine 1
Fer oxidé 2
Charbon 40

Les tourbes marécageuses sont beaucoup plus abondantes encore que celles-ci. Elles se trouvent ordinairement dans les terrains marécageux. Génetté dit qu’il y en a beaucoup dans les vallées du Blogsberg, une haute montagne de la Basse-Saxe, et dans celles du Brohen, la plus haute montagne du Hartz[15] : elle paraît ensuite s’étendre sur les collines voisines, parce qu’elle y est entraînée par les eaux.

Cette tourbe est également très-abondante dans les lieux bas et marécageux, comme sur les bords des lacs de Morat, de Bienne… en Suisse, en Frise, à Breme, à Groningue, en Picardie… Elle est souvent soulevée par les eaux, et forme des îles flottantes. Quelquefois ces îles sont entraînées jusques dans la mer…

Lorsque les tourbières ont acquis une certaine consistance, on en cultive la surface : on y construit même des habitations ; mais dans la crainte que la tourbière ne soit soulevée par les eaux dans le tems des crues, et ne forme une île flottante qui pourrait être portée plus ou moins loin par le vent, on est obligé de la fixer à la partie du continent qui est ferme : ce qu’on fait avec des cables attachés à des pieux enfoncés, d’un côté dans la tourbière, et de l’autre dans le continent.

Les plantes aquatiques, qui contribuent le plus à la formation de cette tourbe, sont là prasle, equisetum, le scirpus, la masse d’eau, typha, les conforves… Ces plantes végètent avec beaucoup de force, et augmentent chaque année la masse de la tourbe d’une quantité considérable, comme on le voit dans les tourbières que l’art fait en Hollande.

Il se forme des pyrites dans les tourbières, comme dans les bois fossiles. Ces pyrites, en se décomposant par les causes connues, peuvent s’enflammer, comme on le voit dans celles du Soissonnais.

Les tourbes ordinaires, en brûlant, ne donnent point l’odeur bitumineuse.

Proust a donné l’analyse d’une tourbe marécageuse de d’Ax[16]

Cent parties lui ont donné :

1°. De l’eau ;
2°. Du vinaigre, mêlé d’ammoniac ;
3°. Une huile figée ;
4°. De la silice ;
5°. De la magnésie ;
6°. De la chaux Sulfatée.

Il a fait bouillir de l’acide nitrique sur cette tourbe, et il en a retiré,

1°. De l’acide oxalique ;
2°. Du jaune amer.

Il n’y a point d’alkali, comme dans les bois fossiles.


DE L’AMPELITE.


L’ampelite est une espèce de tourbe sèche, qui approche déjà du charbon, ou xilanthrax ; car elle brûle avec l’odeur bitumineuse.

Celle du Soissonnais contient une grande quantité de soufre et de fer (Leçons de Minéralogie, tome 2, page 576).


DU JAYET.


Les bois fossiles passent quelquefois à l’état de jayet. Nous avons rapporté l’observation de Crell, qui dit avoir vu le succin (qu’on ramasse dans les bois fossiles de la Prusse ducale) être enclavé entre deux salbandes de charbon ligneux[17] ; c’est que le bois fossile a déjà été en partie assez altéré, pour ne plus avoir l’apparence de bois ligneux ou fibreux. Il ressemble plutôt à une espèce de résine, Néanmoins il brûle toujours comme le bois ; mais l’odeur qui s’en exhale est bitumineuse.

On ne saurait douter que le jayet n’ait été du bois, puisqu’on voit encore le tissu ligneux dans plusieurs morceaux de jayet. Ce bois a éprouvé une compression plus ou moins considérable.

Le jayet se trouve presque dans toutes les contrées. Il est en assez grande quantité dans le département de l’Aude, du côté de Tarn, en France. Il n’y est pas en couches continues comme les charbons, on l’y trouve en morceaux isolés.

L’Espagne en fournit également… et il est peu de contrées où on n’en trouve.

Mojon a donné la description des bois fossiles passant à l’état du jayet, trouvés à Castel-Nuovo et à Amiano, sur les confins du territoire de Gênes. On en a retiré des troncs d’arbres de différentes grosseurs ou épaisseurs jusqu’à six décimètres (ou dix-neuf pouces). Il y en a quelques-uns qui ont éprouvé une compression si grande, qu’ils présentent, dans leur section transversale, une forme elliptique. On croit reconnaître que quelques-uns de ces arbres ont été des sapins.

Ces arbres sont d’un noir plus ou moins éclatant. Ils reçoivent un beau polis, brûlent avec une flamme vive et brillante, et une odeur bitumineuse. La chaleur qui s’en dégage est plus considérable que celle que donne le charbon végétal.

On trouve des pyrites mélangés avec ces bois fossiles.

Les bois fossiles qu’on trouve au milieu des argiles de Vaugirard donnent également, en brûlant, une odeur bitumineuse.

L’analyse du jayet a donné à Proust[18],

De l’huile ;
De l’ammoniac ;
Du gaz acide carbonique ;
De l’oxide gazeux à flamme bleue.

Charbon 0,40 trois fois plus volumineux que le jayet. La liqueur qui reste après sa séparation est d’un jaune foncé très-amère : elle donne de l’acide oxalique cristallisé et de l’acide benzoïque.

Quelle est la cause qui, dans les bois fossiles convertis en jayet, en a fait disparaître le tissu ligneux, et leur donne une cassure résineuse ?

Quelle est la cause qui donne au jayet qu’on brûle une odeur bitumineuse.

Hall, en chauffant des substances animales ou végétales, comme la sciure de bois, et les comprimant pour empêcher la dissipation du gaz, a obtenu des substances analogues au jayet. Ne pourrait-on pas conclure de ces expériences et de ces faits, que,

1°. Il y a réaction des acides végétaux sur les huiles de ces bois, ce qui finit passer ces huiles à un état approchant de celui des bitumes ; car on sait que ces huiles mêlées avec les acides concentrés, tels que le sulfurique, s’épaississent, et prennent un aspect résineux.

2°. Ces arbres fossiles passant à l’état de jayet, ont éprouvé une grande compression, comme le prouve leur applatissement.

3°. Les gaz demeurent donc comprimés dans ces bois, et concourent, comme dans l’expérience de Hall, à faire passer ces bois à un état presque bitumineux.

4°. L’acide sulfurique, si abondant avec ces substances, soit qu’il se dégage des pyrites, soit qu’il provienne de toute autre cause, peut aussi contribuer aux mêmes effets.


DU LITHANTRAX, CHARBON MINÉRAL, OU DES HOUILLES, ET DES SUBSTANCES BITUMINEUSES.


Le lithantrax, charbon de pierre, charbon minéral, ou houilles, ou substances bitumineuses, se présentent sous un aspect tout différent que les tourbes, les bois fossiles et le jayet. On n’y distingue aucun tissu végétal : cependant on y aperçoit quelquefois des végétaux, des portions d’arbres…

Leur cassure est résineuse.

Sa pesanteur est 1350.

Ces substances brûlent avec vivacité, et donnent une grande chaleur, plus considérable que celle qui se dégage du charbon de bois.

Cette combustion est, ainsi que celle du jayet, accompagnée d’odeur bitumineuse.

Ces substances analysées donnent des principes analogues à ceux des substances des êtres organisés.

Proust a analysé diffèrens charbons de terre[19]. Cent parties lui ont donné :

Carbone 64 à 77
Huile 8 à 12
Ammoniac, fer et terres 5 à 13
Gaz hydrogène carboné 8 à 19
acide carbonique
Acide sulfureux
Eau


Les cendres contiennent :
Silice, une assez grande quantité.
Alumine.
Chaux sulfatée.
Magnésie.
Mais il n’a obtenu,
Ni chaux carbonatée,
ni phosphate,
Ni sels neutres,
Ni potasse.

On voit que le lithantrax ne contient plus

a. D’acide végétal, comme la tourbe, le jayet…

b. De potasse, comme le bois.

c. L’huile qu’on en retire est liquide, et non point figée comme dans la tourbe.

d. Enfin, on obtient de l’acide sulfureux.

Ces analyses de Proust sont à peu près analogues à celles les autres chimistes ont faites des mêmes substances.

Car Hatchette rapporte (Journal de Physique, tom. 64, pag. 407) des expériences qui lui ont donné des produits analogues.

1°. Il mit dans sa creuset de métal 105 grains de charbon de bois de chêne, et le fit brûler. Les cendres donnèrent de-l’alkali (de la potasse) avec quelques traces de sulfate de potasse.

2°. Il prit du charbon de chêne qu’il avait formé par le procédé humide ; c’est-à-dire qu’il versa sur de la sciure de bois de chêne de l’acide sulfurique affaibli, et il tint le tout sur un bain de sable, depuis le commencement de juin jusqu’à la fin de septembre ; il lava ce charbon, et le fit brûler comme celui de la première expérience : il brûla avec flamme comme le charbon de Kilkenny, et d’autres qui ne contiennent point de bitumes.

Ce charbon se consuma lentement, comme le charbon de terre ci-dessus, laissant quelques cendres d’un rouge pâle, qui pesaient deux grains. Ces cendres n’offrirent pas le moindre vestige d’alkali.


DE L’ANTHRACITE.


L’anthracite paraît avoir les mêmes caractères extérieurs que le lithantrax, ou charbon de pierre ; mais il en diffère par plusieurs qualités essentielles[20].

a. Il brûle difficilement.

b. À l’analyse, il ne donne point d’huile, mais seulement de l’air inflammable.

c. Brûlé, il ne répand point l’odeur bitumeuse.

d. Il se trouve dans les terrains primitifs.


L’anthracite paraît être ordinairement du carbone pur. Il diffère entièrement du lithantrax.


DE L’ASPHALTE.


L’asphalte, pissaphalte, poix minérale, bitume de Judée… sont des bitumes plus ou moins mous.

Il coule quelquefois, comme au puits de Pege, ou Poix, en Auvergne, entre Clermont et Montferrand.

Exposé à l’air, il absorbe de l’air pur, et acquère une consistance plus ou moins solide.

Son tissu est uniforme, et a l’aspect résineux.

Sa cassure est lisse.

Sa pesanteur est 11,044.

Il brûle avec une flamme vive, et donne une grande chaleur.

En brûlant, il répand une odeur bitumineuse.

L’asphalte se trouve en beaucoup d’endroits.

a. Sur les bords de la mer Morte.

b. À Dennemore, en Irlande.

c. À Orlona, en Albanie.

d. Au Puits de Pege, proche Clermont, en Auvergne.

c. Dans le Valtravers, au-dessus de Neufchâtel, en Suisse.

Cet asphalte se volatilise continuellement du sein de la terre : En Auvergne on le voit sortir journellement des terrains volcaniques et des fentes des rochers, comme au pont du château…

Klaproth a retiré de 100 grains d’asphalte d’Orlona, en Albanie (traduction française de ses œuvres, tome 2, page 451),

Gaz hydrogène carboné 36 pouces.
Huile bitumineuse 32 grains.
Eau légèrement ammoniacale 6
Carbone 30
Silice 7.50
Chaux 0.75
Fer oxidé 1.25
Manganèse oxidé 0.50


DES HUILES MINÉRALES.


Les huiles minérales ont beaucoup de ressemblance avec les huiles végétales ou animales : mais leur légèreté est plus considérable. Elles brûlent avec vivacité : leur odeur est fortement bitumineuses.

Ces huiles se trouvent dans un grand nombre d’endroits.

La presque île d’Apcheron, sur le rivage nord-ouest de la mer Caspienne, dans un lieu nommé bakou, en fournit près de 100,000 livres par an.

On en trouve aussi dans la presque-île de Bael, dans les mêmes contrées.

Ces huiles s’y répandent dans les eaux de ces mers. Il y a dans la baie de Naples, proche le rivage, une source. d’huile minérale qui sort du sein des eaux, à peu de distance des bases du Vésuve, dit Breislac dans son voyage en Campanie.

A Gabian, en Languedoc, on trouve des fontaines sur l’eau desquelles nage de l’huile minérale.

Des sources d’huiles minérales sont très-abondantes dans le Modénois.

On trouve des asphaltes sur les côtes de Sicile, à de petites distances des bases de l’Etna, dit Denon, dans son voyage en Sicile, page 5. « Une des particularités du golfe de Messine, dit-il, c’est qu’à la rive la plus proche, les cailloux s’enduisent d’un bitume, qui les attache de la même manière que le sucre lie les amandes au caramel, à qui cette substance ressemble assez, d’abord molle, elle se durcit à l’air. J’ai trouvé la même pétrification sur d’autres côtes de Sicile. »

On observe. sur les côtes d’Amapalla, au Mexique, à quelques distances du volcan de ce nom, les mêmes phénomènes, « À peu distances du village, dit Dampierre page 145, dans la même baie, et tout au plus à cinq pas des bornes de la haute mer, on voit sortir d’un petit trou une matière bitumineuse et bouillante, que les Espagnols appellent algatrane. Elle est de la liquidité du goudron. À force de bouillir, elle prend la consistance de la poix. Aussi sert-elle aux mêmes usages, et les Indiens la recueillent soigneusement dans des cruches. Elle est plus bouillante dans la plus grande hauteur de l’eau, et c’est alors que les Indiens s’empressent de l’amasser. »,

À Amiano, village de l’état de Parme, aux confins de la Ligurie, il se manifesta, en 1802, une source très-abondante de pétrole. Mojon en a donné une description en juillet 1802. (Annales de Chimie, an 2).

« Castel-Nuovo, dit-il, est un pays de la Lunigiana aux confins de la Ligurie. C’est dans les plaines de ce pays, à une demi-lieue de l’embouchure de la Magra, que le réservoir de la substance en question a été découvert. Il est situé dans un terrain formé de couches argileuses et calcaires, plus ou moins épaisses, et incliné en divers sens dans toute leur étendue. La matière du fossile, ainsi que la constitution du sol, montrent à l’évidence que ces couches n’ont été formées que par de grandes alluvions, qui ont entraîné et enseveli des forêts entières. On ne peut cependant déterminer l’étendue de ce dépôt, parce que les puits projetés à différentes distances, à cet effet, n’ont pas encore été exécutés. On n’en a fait jusqu’à présent qu’un seul de douze mètres environ de profondeur, et dont le fond se trouve inondé par une source d’eau qui jaillit d’une excavation qu’on a tentée latéralement. »

« Ce bois bitumineux conserve encore sa forme primitive ; on en a retiré des troncs qui ont jusqu’à six décimètres, parmi lesquels il y en a quelques-uns de comprimés qui présentent dans leur section transversale des formes elliptiques. »

« Brulé, ses cendres contiennent de l’alkali. »

« C’est auprès de cet endroit, à Amiano, que se trouve une source très-riche et permanente de pétrole ou naphte. Cette source est très-abondante, et malgré qu’on y ait puisé continuellement depuis sa découverte, elle se tient toujours au même niveau. »

Le pétrole à toutes les qualités de ces espèces, d’huiles ; il sert à l’illumination de la ville de Gênes…

La volatilisation de ces asphaltes, et de ces huiles minérales, suppose nécessairement deux choses.

a. Il doit y avoir sous ces terrains des amas considérables de matières animales ou végétales, qui puissent fournir ces substances huileuses asphaltiques.

On trouve beaucoup de bois fossiles à Amiano, où sont situées ces abondantes sources-d’huiles minérales.

b. Des degrés de chaleur assez considérables doivent subsister dans ces cantons pour pouvoir volatiliser ces substances.

Cette chaleur paraît devoir provenir des pyrites en décomposition, qui se trouvent toujours au milieu de ces bois fossiles…

Ces pyrites se décomposent, et souvent s’enflamment, par les causes dont nous avons parlé…

Dans ces inflammations, il y a une quantité considérable d’acide sulfurique produit. Cet acide réagit sur ces matières combustibles, et principalement sur les huiles : il les minéralise, et les convertit en asphalte, en pétrole, en naphte…

Cette conversion des huiles végétales, ou animales, par l’action de l’acide sulfurique, est prouvée par l’expérience, comme nous allons le dire.


DE LA MINÉRALISATION DES SUBSTANCES BITUMINEUSES.


Toutes les substances bitumineuses, le jayet, l’ampelite, le lithanthrax, ou charbon minéral, l’asphalte, et le pétrole, sont certainement des produits de végétaux, des tourbes, des bois fossiles et des animaux enfouis à différentes profondeurs dans le sein de la terre, ainsi que nous venons de le prouver. Les principes qu’en retire l’analyse chimique, les huiles, les acides végétaux, la potasse, l’ammoniac, le carbone, ne laissent aucun doute à cet égard. On trouve même encore avec ces substances, des portions d’arbres entiers, des poissons, des coquilles…

Mais ces bois fossiles, ces animaux, ont subi de grandes altérations pour passer à l’état bitumineux. Il faut tâcher de connaître les causes de ces changemens. Les chimistes ont multiplié les expériences pour en découvrir les causes.

J’ai mélangé de l’acide sulfurique avec de l’huile d’olives.

Elle est devenu noire. épaisse, et a acquis quelques caractères de l’asphalte.

Hatchette a trituré avec l’acide sulfurique différentes résines ; p différens beaumes, de la cire, de l’huile d’olives[21]… Toutes ces substances ont été converties en matière charboneuse, ainsi qu’on le savait ; mais il a observé quelques faits nouveaux.

100 Parties de la résine de mastic, traitées de cette manière avec l’acide sulfurique, lui ont fourni 66 parties de charbon.

100 Parties de la même substance, distillées, à feu nud dans des vaisseaux fermés ne lui ont donné que 4 parties et demie de charbon.

100 Parties d’ambre, traitées de même par l’acide sulfurique, lui ont donné 56 parties de charbon.

La même quantité d’ambre distillée ne lui a donné que 3 1/2 parties de charbon.

100 parties d’huile d’olives, traitées par l’acide sulfurique, lui ont donné 55 parties de charbon. L’huile distillée lui en a donné beaucoup moins.

Ces expériences prouvent donc que les substances huileuses, résineuses… traitées avec les acides, donnent des quantités de charbon beaucoup plus considérables. que lorsqu’on les distille à feu nud, dans des vaisseaux fermés.

Or, les bitumes ou charbons de terre distillés à feu nud, dans des vaisseaux fermés, donnent également des quantités très-considérables de carbone. Nous avons vu que cent parties de charbon de terre ont donné, à Proust, de 64 à 77 de carbone.

Le jayet distillé a donné un volume de carbone quarante fois plus considérable que celui du jayet.

On ne trouve, dans les cendres du charbon de terre, aucune trace de potasse.

Les cendres du bois brûlé en contiennent, au contraire. Ce n’est pas seulement, ajoute Hatchette, dans les proportions de carbone qu’il existe une si grande différence, entre le charbon obtenu des substances résineuses, par le procédé humide (c’est-à-dire, par l’acide sulfurique), et celui obtenu par le feu nud. Cette différence se trouve aussi communément dans, la qualité.

Le charbon obtenu de plusieurs résines, par le procédé humide (l’acide sulfurique), était brillant, dur, irridescent… Celui obtenu des mêmes substances, par le feu, n’avait pas les mêmes propriétés. Le premier brûlait lentement, comme la plupart des charbons minéraux ; tandis que l’autre, au contraire, se consumait en un instant, comme le charbon de bois.

Hatchette chercha ensuite si les autres acides minéraux produiraient les mêmes effets que l’acide sulfurique. Il traita de la sciure de bois de chêne avec l’acide sulfurique et avec l’acide muriatique. Il eut, dans l’une et l’autre expérience, une matière charboneuse abondante. Mais celle qu’il obtint par l’acide muriatique, conserva quelques propriétés des charbons végétaux ordinaires : au lieu que celle qu’il obtint par l’acide sulfurique ressemblait plus aux charbons minéraux. Elle brûlait comme eux, et ne laissait également aucunes traces d’alkali, de potasse.

La couleur noire des matières bitumineuses, paraît due a comme celle des bois fossiles, à cette réaction des acides.

Mais les tourbes n’ont pas toujours la couleur noire. Ce qui prouve que la même réaction n’y a pas eu lieu.

Hall a fait d’autres expériences pour découvrir les causes qui ont pu convertir les substances végétales et animales en bitumes. Il a mis, dans des canons de fer, fermés avec soin, des substances animales et végétales, et y a appliqué un degré de chaleur de 20 à 30 degrés, du pyromètre de Weedgwood. Il a obtenu une substance huileuse, qui, refroidie, a pris de la consistance, et avait beaucoup de rapports avec le charbon minéral. « Dans cette expérience, dit-il[22], les gaz n’ont pu se dégager de ces substances. Ils y sont donc demeurés combinés, comme dans la craie traitée par le même procédé, et ces substances végétales ont acquis une partie des propriétés du charbon minéral ».

Hall ayant exposé à la chaleur, dans des canons de fer bien fermés, de la craie, obtint une pierre calcaire très-dure. L’acide carbonique, dégagé de la craie, a été comprimé. Il s’est combiné de nouveau avec la chaux, et a composé une espèce de spath calcaire.

Quant à l’odeur bitumineuse, Hall l’a obtenue de substances végétales et animales, qu’il avait fait chauffer, en les soumettant, à une forte compression[23].

« Je convertis, dit-il, pag. 186, par le compression, la sciure de bois et la corne en une sorte de houille, qui brûlait avec une flamme brillante.

« Le mélange des deux matières produisit une substance qui avait exactement l’odeur de la suie, du goudron, de la houille.

« Je suis donc porté à croire que le règne animal a contribué, comme le végétal, à la formation des couches bitumineuses »…

La réunion de tous ces faits, que nous venons de rapporter, ne permet pas de douter que les substances bitumineuses ne soient le produit de matières végétales et animales, altérées par l’action des acides, principalement le sulfurique, aidée par la COMPRESSION.

L’acide phosphorique, ni l’acide muriatique, ne paraissent pas y contribuer, ou du moins y contribuent peu, puisque, dans les résidus de l’analyse de ces charbons, on ne trouve ni muriates, ni phosphates.

Mais les acides végétaux et animaux, contenus dans les bois fossiles, dans les tourbes et dans les substances animales fossiles, ont pu également contribuer à la minéralisation de ces substances, et à leur conversion en bitumes.

Car nous avons vu que les ampelites, qui, en brûlant, donnent l’odeur bitumineuse, les tourbes et les bois fossiles, étant distillés, donnent une grande quantité d’acide végétal, de l’ammoniac, et une huile figée.

Le jayet donne, a l’analyse, les mêmes produits. Néanmoins, il a déjà perdu le tissu ligneux, et a pris la contexture résineuse du charbon, et il donne, en brûlant, l’odeur bitumineuse.

Toutes ces qualités de l’ampelite, du jayet, différent de celles des bois fossiles peu altérés. Elle paraissent dues à l’action de l’acide végétal, sur la portion huileuse de ces substances, aidée de la compression. Cette altération de l’huile est prouvée, parce que celle qu’on retire de ces substances est figée. Et ces bois fossiles, ces ampelites, ces jayets ne paraissent pas avoir éprouvé aucune autre espèce d’altération.

D’ailleurs, cet acide a disparu dans le charbon minéral, ainsi que la potasse. L’huile qu’on en retire est liquide, et n’est pas figée.

On ne peut donc douter que la compression n’ait coopéré avec cette action des acides sur l’huile, comme dans l’expérience de Hall. Cette action et cette compression ont donné au jayet et à l’ampelite, cette odeur bitumineuse, et l’aspect bitumineux de la houille ; au lieu que les bois fossiles, ou plongés dans l’eau, deviennent noirs ; mais, au feu, n’acquièrent point l’odeur bitumineuse, parce qu’ils n’ont pas été comprimés.

La tourbe sèche, composée d’arbres enfouis, sans compression, n’a point l’odeur bitumineuse.

Mais, dans le lithantrax, il y a eu une plus grande altération des matières végétales et animales. Elle paraît due à une portion d’acide sulfurique, qui a joint son action à celle des acides végétaux.

Mais la compression contribue beaucoup à la conversion de ces substances fossiles en substances bitumineuses. C’est ce que prouvent les expériences de Hall.

1°. Cette compression est prouvée par la grande quantité des couches supérieures à ces bitumes.

2°. On aperçoit souvent que les troncs d’arbres enfouis dans les couches bitumineuses, sont applatis, et leur section transversale forme une ellipse.

3°. Cet applatissement a été d’autant plus considérable, qu’il y a dû avoir un commencement de décomposition. Mais les gaz n’ont pu se dégager. La compression les a retenus. La conversion des substances végétales et animales fossiles en bitumes, paraît donc due :

1°. À la réaction des acides végétaux ou animaux ; sur les huiles de ces substances.

2°. À l’action des acides minéraux, surtout du sulfurique, sur ces mêmes huiles.

3°. À la compression qu’ont éprouvée ces substances, et qui n’a pas permis le dégagement des gaz qui y étaient contenus.


DE LA FORMATION ET DES DÉPÔTS DES COUCHES BITUMINEUSES.


Les substances végétales et animales fossiles, converties en substances bitumineuses, par les causes que nous venons d’assigner, ont ensuite été déposées pour former les couches de houille, ou charbon minéral.

Nous avons déjà dit que les couches bitumineuses ne peuvent avoir été formées directement par les bois fossiles ou les tourbes ; car les bois fossiles sont déposés en amas confus, au lieu que les couches bitumineuses sont régulières, comme les couches calcaires, les couches gypseuses, et sont souvent très-minces.

Il faut donc nécessairement supposer que pour la formation de ces couches, les substances bitumineuses ont été dans un état de molesse, ou même de fluidité, comme toutes les autres substances minérales qui sont déposées en couches régulières, et suivent les lois des affinités.

Or, nous ne pouvons concevoir cet état de molesse ou de fluidité, qu’autant que ces substances bitumineuses étaient à l’état d’asphaltes, ou d’huiles minérales.

Supposons effectivement que ces grandes quantités d’asphaltes et d’huiles minérales, que nous avons vu s’élever du sein de la terre en plusieurs endroits, sortent du fond d’un lac ou d’un bras de mer, comme la fontaine de Naphte qui se trouve dans baye de Naples, les sources de Bakou sur les bords de la mer Caspienne… ; elles nageront quelque tems sur la surface de l’eau. Elles absorberont de l’oxigène, s’épaissiront de plus en plus, et enfin se précipiteront au fond du lac. Elles s’y déposeront en couches plus ou moins épaisses ; des parties terreuses, des oxides de fer s’y mélangeront, et il se formera une couche bitumineuse.

Des parties terreuses de différentes natures, soit schisteuses soit calcaires, soit grèzeuses, viendront se déposer sur celles-ci, et former de nouvelles couches, qui recouvriront les couches bitumineuses.

Une seconde couche bitumineuse se déposera sur celle-ci, comme la première.

Une seconde couche terreuse couvrira celle-ci…

Et ainsi se déposeront alternativement, suivant les lois des affinités, ces couches de bitume et de différentes terres. On connaît déjà dans la montagne de Saint-Gilles, proche Liège soixante-une couches bitumineuses, alternant avec diverses couches terreuses.

Ces formations sont analogues aux formations des autres couches minérales calcaires, gypseuses, schisteuses.

Les couches des terrains des environs de Paris, par exemple, se sont également opérées suivant les lois des affinités.

a. Les couches supérieures grèzeuses.

b. Des couches schisteuses.

c. Des couches gypseuses.

d. Des couches calcaires ou calcareo-schisteuses ;

e. De nouvelles couches gypseuses…

Les lois des affinités ont toujours présidé à la formation de ces couches : ce sont des faits constans, dont les causes néanmoins présentent encore quelques difficultés.

Ces couches schisteuses, grèzeuses, etc., qui alternent avec les couches bitumineuses, n’ont pas toujours été tenues en dissolution dans les eaux, quoique ces dépôts se soient faits suivant les lois des affinités. Elles n’étaient le plus souvent que suspendues dans la masse des eaux, comme paraissent l’avoir été dans la formation des terrains des environs de Paris, les couches de grès, d’argile, de schistes…

Il est donc possible que quelques couches bitumineuses n’aient été également que suspendues dans le sein des eaux, telles sont celles des géantrax, ou terres bitumineuses.

Mais le plus grand nombre des couches bitumineuses paraît avoir été dans un véritable état de dissolution.

Cette théorie simple de la formation des couches bitumineuses paraît satisfaire à tous les phénomènes qu’elles présentent, et leur formation a dû s’opérer comme celle des autres couches minérales, schisteuses, calcaires, gypseuses…

Mais, où prendre, dit-on, cette quantité immense de matières végétales ou animales fossiles ? Les couches bitumineuses de Liège ont jusqu’à 3,200 pieds de profondeur, celles de Witheltsawen sont encore plus profondes…

Je réponds que cette difficulté est commune à tous les systèmes. Mais on peut lui donner une réponse satisfaisante.

1°. Avant l’origine des grandes sociétés humaines, et il s’était écoulé un grand nombre de siècles, la surface du globe était entièrement couverte de forêts ; des animaux innombrables y périssaient : les eaux entraînaient, et leurs débris et ceux des forêts dans le sein des mers ou des lacs, et elles en formèrent des amas immenses.

2. Ces tourbes, ces bois, ces animaux étaient convertis en asphaltes, en pétroles…, par les causes que nous avons assignées.

3°. Enfin ces substances ont été postérieurement ou tenues en suspension ou en dissolution dans le sein des mers et des lacs.

4°. Elles s’y déposaient ensuite, suivant les lois des affinités, par couches, comme toutes les autres substances minérales, les schistes, les grès ; les calcaires, les craies, les gypses, les appatits…

Les difficultés sont les mêmes pour la formation de ces diverses couches minérales…

5. Enfin, il s’est formé dans ces couches, des fentes…, ce sont les failles.


DE LA FORMATION DES COUCHES SULFUREUSES DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Les observateurs ont vu dans les terrains secondaires, des bancs considérables de soufre alternant avec d’autres couches}minérales, ainsi que nous l’avons rapporté[24], il faut rechercher les causes de leur formation.

La formation de ces couches sulfureuses secondaires, doit être expliquée comme celle des couches bitumineuses dont nous avons parlé précédemment.

Ces couches sulfureuses ont différentes épaisseurs, depuis celle de quelques pouces jusqu’à celle de trente pieds, t. I, p. 89.

Elles alternent régulièrement avec des couches d’autres. substances minérales de gypse, d’argile…

On en doit donc conclure que ces couches sulfureuses ont obéi aux lois des affinités ; comme les couches gypseuses, argileuses.

Elles ont donc comme celles-ci été tenues en suspension, ainsi que les couches argileuses, ou tenues en dissolution ainsi que les couches gypseuses, les couches calcaires.


DE LA FORMATION DES STRONTIANITES DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Le sulfate des strontianes se trouve en couches régulières alternant avec d’autres couches de substances minérales au val de Mazzarin, en Sicile, ainsi que nous l’avons rapporté, tom. 1, page 174.

Le sulfate de strontiane se trouve également dans des couches argileuses des environs de Paris.

Ces sulfates de strontiane sont composés d’acide sulfurique et de strontiane.

L’acide sulfurique a été formé, ici comme ailleurs, par la décomposition du soufre.

Mais, qu’est-ce qui aura fourni la strontiane ?

a. Ou il faut dire qu’elle a été apportée des terrains primitifs : elle y est cependant très-rare.

b. Ou cette strontiane est d’une formation nouvelle, quoique aucun fait ne l’indique.

Cependant il ne serait pas impossible que cette strontiane fût d’une formation nouvelle : car les faits indiquent que dans plusieurs circonstances, il y a de nouvelles formations de nouvelles terres, comme chez les êtres organisés…


DE LA FORMATION DES BARYTITES DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Nous avons dit (tome I, page 93). qu’on trouve des barytites dans des terrains secondaires, comme au mont Paterno la pierre de Boulogne, à Angleseale la wittserité ; il faut rechercher les causes de leur formation.

a. Ou cette terre barytique aura été apportée des terrains primitifs, quoi qu’elle n’y soit pas très-abondante.

b. Ou elle est de formation nouvelle. Aucun fait n’indique qu’elle sort de formation nouvelle. Cependant la chose n’est pas plus impossible qu’elle ne l’est à l’égard de la strontiane.


DE LA FORMATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES QUI SE TROUVENT DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Les terrains secondaires contiennent des quantités considérables de diverses substances métalliques en différens étatsn ainsi que nous l’avons rapporté (tome I, page 166) ; il faut rechercher les causes de leur formations.

Elles paraissent différentes de celles qui ont formé les mines métalliques qui se trouvent dans les terrains primitifs.

Les substances métalliques des terrains primitifs, paraissent avoir primitivement coexisté avec les autres substances de ces terrains. Elles étaient toutes mélangées ensemble ; elle se sont ensuite séparées suivant les lois des affinités, et ont cristallisé chacune à part. Le plus grand nombre a formé des filons plus ou moins étendus, ainsi que nous l’avons exposé.

La formation des mines métalliques, dans les terrains secondaires, a été opérée d’une autre manière. Elle présente d’assez grandes difficultés. Il faut d’abord chercher l’origine de ces substances métalliques.

Les unes paraissent des produits nouveau.

Les autres paraissent avoir été apportées des terrains primitifs, où elles sont très-abondantes. Des substances métalliques de formation nouvelle dans les terrains secondaires.

Plusieurs substances métalliques des terrains secondaires paraissent d’une production nouvelle.

Tous les faits prouvent que le fer est produit journellement, et très-abondamment chez les végétaux et les animaux. Toutes les cendres des végétaux brûlés contiennent d’assez grandes quantités de fer.

Les tourbes marécageuses qu’on forme artificiellement en Hollande, contiennent également beaucoup de fer.

Les substances animales contiennent également de grandes quantités de fer, comme l’a prouvé Menghini.

Le manganèse.

Schéale a retiré des végétaux une certaine quantité de manganèse.

L’or.

Plusieurs chimistes ont dit avoir retiré des cendres des végétaux, surtout des sarmens de vigne, une petite quantité d’or. Mais ces expériences n’ont pas été suffisamment constatés.

Le fer, le manganèse (et peut-être l’or), étant produits si abondament chez les végétaux et les animaux, ont donc dû fournir une partie de ces métaux, qui se trouvent dans les terrains secondaires.


DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES APPORTÉES DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Mais on trouve dans les terrains secondaires plusieurs substances métalliques, qui ne paraissent pas être de formation nouvelle. Elles ont donc dû y être apportées des terrains primitifs.

1°. Le plomb sulfuré ou galène.

Il y a dans la Carinthie, à Bleyberg, des mines de galène ; dans des terrains calcaires secondaires. Quatorze couches de galène alternent avec le même nombre de couches de calcaire secondaire, qui contiennent un grand nombre de coquilles. Quelques-unes, telles que les lumachelles, ont conservé leurs couleurs les plus vives.

2°. Le cuivre.

À Ilmenau, dans la Thuringe, des couches schisteuses remplies de fossiles sont assez riches en cuivre pour qu’on les exploite avec avantage.

3°. Le zinc.

Des mines de zinc oxidé et carbonaté sont très-abondantes dans des terrains secondaires, comme dans le duché de Limbourg.

4°. Le mercure.

Les mines de mercure d’Idria sont dans des terrains secondaires, qui contiennent un grand nombre de coquilles, de bitumes… Beauvrard m’a donné des poissons fossiles trouvés dans les mines de mercure des bords. du Rhin…

Humboldt en a également observé au Mexique.

Mais aucun fait n’indique que le plomb, le cuivre, le zinc, le mercure… soient produits par les êtres organisés, et soient de formation nouvelle. Il faut donc en conclure que ceux qui se trouvent dans les terrains secondaires, y ont été apportés des terrains primitifs. Une partie du fer des terrains secondaires y aura été également apporté des terrains. primitifs, ainsi que le manganèse…

Cependant il ne serait pas impossible que ces métaux y fussent d’une formation nouvelle, comme la strontiane, la baryte… paraissent l’être dans d’autres circonstances ; comme la chaux ; la silice… et les autres terres, ou oxides métalliques.


LA FORMATION DES MASSES MÉTALLIQUES À L’ÉTAT TERREUX.


Ces diverses substances métalliques des terrains secondaires y sont en général sous deux états différens.

Les unes y forment des amas plus ou moins considérables à l’état terreux, et qui ne paraissent avoir été tenus que dans un état de cristallisation confuse ; telles sont plusieurs mines de fer à l’état d’ocre, les mines de fer limoneux ; phosphaté… qui sont si abondantes, dans les terrains secondaires.

On peut donc supposer que ces mines étaient seulement tenues en état de suspension dans les eaux, comme les schistes, les ampelites, les géanthrax, ou terres bitumineuses.


LA FORMATION DES MASSES MÉTALLIQUES EN COUCHES.


D’autres substances métalliques des terrains secondaires ont été tenues dans un véritable état de dissolution, ont cristallisé régulièrement, telle est la galène de Carinthie, qui forme plusieurs strates superposés.

Elles ont formé des couches, plus ou moins épaisses, plus ou moins étendues. Ces cristallisations ont été opérées dans les terrains secondaires par les mêmes causes que dans les terrains primitifs.


DE LA FORMATION DES MASSES MÉTALLIQUES EN NIDS DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


la formation des masses métalliques des terrains secondaires, en nids, mérite toute l’attention des géologues. Nous allons, prendre pour exemple la mine de mercure d’Idria. Plusieurs auteurs en ont parlé ; mais nous rapporterons principalement ce que vient d’en publier Payssé (Annale de Chimie, tome 91, page 161).

« La nature des roches, qui constituent la mine d’Idria, dit-il page 196, est généralement calcaire, et appartient à la formation des Alpes Juliennes. Ce calcaire, qui forme la majeure partie de la masse qu’on exploite, est rarement pur. Il est composé de chaux en plus grande partie, d’une autre portion d’alumine, de magnésie et de fer…

« Le gissement métallique a été reconnu à environ 400 toises. de longueur, 500 toises en largeur, et 120 toises en profondeur (page 190).

« La constitution de cette mine paraît assez extraordinaire… Tout semble y annoncer le désordre, la confusion et le chaos (page 198). On dirait que quelque grande catastrophe a présidé à cette formation extraordinaire, et que tous les règnes se sont confondus pour constituer la richesse minérale, qui est enfoncée dans ce vaste souterrain.

« Des amas énormes de coquilles sont mélangés, (brassés) ; avec le mercure, le bitume et le soufre…

Le mercure, dans cette mine, est mélangé ou combiné avec un grand nombre de substances.

a. Avec le souffre, sous forme de cinabre.

b. Avec des schistes.

c. Avec des bitumes.

Ce terrain contient d’ailleurs, plusieurs autres minéraux.

a. Du fer sulfuré, ou pyriteux ;

Du fer oxidé.

b. Du bitume.

c. Des schistes bitumineux, et non bitumineux.

d. Des coquilles ou lumachelles (pag. 174) le plus souvent brisées »


On doit conclure, de tous ces faits, que dans la mine d’Idria,

1° Il y avait, lors de sa formation, une très-grande quantité de mercure qui avait été apporté des terrains primitifs, suivant les probabilités.

2°. Il y avait une grande quantité de fer.

3°. Une grande quantité de soufre.

4°. Il s’y trouvait également des bitumes provenans des terrains secondaires.

5°. Des schistes, souvent bitumineux.

6°. Une immense quantité de coquilles.

. . . . . . . . . . . . . . .

7°. Toutes ces substances ont été agitées de mouvemens violens, qui les ont mélangées, ont brisé les coquilles…

8°. Le mercure et le soufre se sont combinés, et ont formé le cinabre.

9°. Néanmoins la combinaison du mercure n’a pas été entière, une portion est demeurée à l’état natif.

10°. Le fer et le soufre se sont également combinés.

. . . . . . . . . . . . . . . .

11°. La chaux et l’acide carbonique ont formé le calcaire.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

12°. Malgré les grands mouvemens de la masse entière, les différentes substances ainsi mélangées ont obéi aux lois des affinités, et ont cristallisé en partie chacune séparément…

Les mines de mercure de Huncavelica, au Mexique, présentent des phénomènes analogues…


DE LA FORMATION DES COUCHES DU SEL GEMME DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


Nous avons rapporté (tome I) qu’il se trouve dans les terrains secondaires des couches immenses de sel gemme. Leur formation a toujours été un objet de discussion parmi les géologues.

Nous rappellerons qu’on n’a point encore trouvé de sel gemme dans les terrains primitifs. Ainsi on ne pourrait supposer que celui qui est dans les terrains secondaires a été fourni par ceux-ci.

Mais d’où vient ce sel gemme ?

Il ne paraît pas que les eaux, à l’époque des cristallisations des terrains primitifs, en continsent ; car on n’a jamais trouvé de sel gemme dans ces terrains primitifs. Il y a cependant quelques portions d’acide muriatique dans l’argent muriaté, dans le mercure muriaté, de ces terrains. Il y a quelques portions de natron dans différens minéraux des terrains primitifs… (Voir mes Leçons de Minéralogie.)

Mais on n’a jamais trouvé dans les terrains primitifs ces deux substances combinées sons forme de sel marin.

Il paraît donc, que ce sel est de formation nouvelle dans les terrains secondaires.

Nous avons vu effectivement que dans les plaines de sable de l’Afrique, de l’Asie… il se forme journellement d’assez grandes quantités de sel marin, mêlé de sulfate de natron, de magnésie, de chaux.

Il s’en forme également dans les nitrières, dans les terres végétales…

Ce sel est composé suivant Bouillon-Lagrange et Vogel (Journal de Physique, tome 78, page 98).

Mille grains d’eau de la mer, à Bayonne, ont donné :

Matière saline par évaporation 38 grains.
Acide carbonique 0. 23
Muriate de souder 25. 10
Muriate de magnésie 3. 50
Sulfate de magnésie 5. 78
Carbonate de chaux et de magnésie 0. 20
Sulfate de chaux 0. 15

Ce sel, formé dans les sables et les différentes terres, est dissout par les eaux pluviales, et charrié dans les mers et dans les lacs où elles se rendent. Il y cristallise par les lois ordinaires de la cristallisation.

Shaw rapporte la manière dont s’opère cette cristallisation dans les lacs et surtout dans le lac des Marques (Shaw, voyage en Barbarie, tome 1, page 297).

Il y a un grand nombre de ces lacs d’eaux salées en Afrique, en Égypte, en Asie et dans toutes les parties de la surface de la terre.

Il y a ici deux observations à faire sur ces lacs.

La première est que ce sel cristallisé en été n’est point entièrement dissout par les eaux, qui, pendant l’hiver, s’accumulent dans ces lacs.

La seconde est que ce sel cristallise en été, et forme des couches plus ou moins épaisses, qui sont séparées par des dépôts de matières terreuses, sabloneuses… qu’y apportent les eaux.

Ce sont ces matières terreuses, déposées avec ce sel et mélangées avec lui, qui le rendent en partie insoluble dans l’eau.

Aussi, la plupart de ces sels fossilés sont colorés par ces terres, ou en rose, comme ceux de Hall, ou en gris. Nous venons de rapporter, d’après Shaw, qu’à l’extrémité du lac des Marques, il y a une montagne de sel, que les eaux, soit celles du lac, soit les eaux pluviales, ne peuvent faire fondre.

Ce sel se trouve souvent en masse dans le sein des montagnes. Wilds fait l’énumération de plusieurs mines de ce sel (Journal de Physique, tome 53, page 427).

Le sel gemme (muriate de soude), ou le sel marin fossile, est très-abondant en Pologne. Ses mines occupent des contrées entières. Celles de Wiéliska s’étend jusqu’à Bochnia l’espace de plus de vingt lieues.

Berniard a donné, dans le Journal de Physique, 1780, cahier de décembre, page 459, tome 18, une description détaillée de cette mine de Wiéliska.

« Le premier lit, dit-il, celui qui est à l’extérieur, est du sable semblable à celui qui forme une grande partie du terrain de Pologne.

Ce banc de sable est suivi de plusieurs couches de terre argileuse plus ou moins colorée. Mais le plus souvent cette couleur est de rouille de fer. Ces couches, à une certaine profondeur, sont séparées par des lames de pierre que leur peu d’épaisseur, jointe à leur couleur noirâtre, ferait regarder comme des ardoises, quoiqu’elles soient calcaires.

Les premières couches de sel sont à environ deux cents pied de profondeur. Il y en a plusieurs les unes sur les autres. Les plus profondes où on soit parvenu sont à neuf cents pieds.

Ce sel forme de grandes masses. Plus profondément l’on pénètre dans ces salines, plus l’on rencontre le sel abondant et pur. Si l’on rencontre quelques couches de terre, elles n’ont ordinairement que deux à trois pieds d’épaisseur, et fort peu d’étendue. Toutes ces couches sont d’une glaise plus ou moins sablonneuse.

On n’a trouvé, dans ces couches, aucune substance combustible, telles que le soufre, bitume, charbon minéralisé, comme il s’en trouve dans les salines de Hall, de la Haute-Saxe, et du comté du Tirol.

On y trouve beaucoup de coquilles, principalement des bivalves, des madrepores. (Berniard, ibid., page 463.)

On y a même trouvé des dents molaires d’éléphans, et d’autres os de cet animal, suivant Deborn[25].

Le sel gemme est très-abondant en Hongrie, en Transilvanie, en Moldavie, en Valachie… Fitchel croit même que toutes ces salines communiquent avec celles de la Pologne.

L’Angleterre, l’Espagne, l’Italie, la Sicile, la Chine, l’Amérique, contiennent également beaucoup de mines de sel gemme…

Le sel gemme n’est souvent qu’en petites parcelles, comme en France, à Montmorot, à Salins… en Suisse, à Bex… ; les eaux coulant sur ces sels, s’en chargent, et donnent lieu a des fontaines d’eaux salées dont on extrait ensuite le sel par évaporation. À Bex on a fait de grands travaux dans la montagne pour arriver à la masse saline qu’on supposait y exister ; mais les efforts ont été inutiles ; on ne saurait cependant en conclure que le sel n’y soit qu’en petites portions, et non en grandes masses.

Le sel gemme se trouve souvent dans des couches gypseuses, alternant avec des couches argileuses, calcaires.

Cependant, dans les riches salines de Pologne, les couches sont calcaires, argileuses, sabloneuses.

Toutes ces abondantes mines de sel sont situées dans les terrains secondaires, comme le prouvent les fossiles qu’on y rencontre fréquemment.

On voit cependant sortir quelques sources salées du dessous des terrains primitifs, comme auprès de Travers…, mais on a reconnu que ces terrains primitifs avaient été détachés des montagnes supérieures, et avaient couvert des terrains secondaires, et les sources salées sortaient réellement de ces derniers.

On trouve aussi de grandes quantités de sel marin à la surface de la terre.

Toutes les plaines de sable si abondantes en Afrique, dans l’Asie méridionale, dans les steppes de la Sibérie…, contiennent beaucoup de différens sels, surtout du sel marin ; du nitre, des sulfates de natron (sel de Glauber), sulfates de magnésie…

Une partie de ces faits était connue des anciens : car Hérodote rapporte que les eaux qui coulaient au pied des pyramides d’Égypte, étaient chargées de sel marin.

Schaw nous a donné des détails intéressans sur les sel qui se trouvent dans la Mauritanie. Il observe que toutes ces contrées sont remplies de sels ; et il, ajoute :

« Les salines d’Arsew, dit-il, sont environnées de montagnes, et ont près de six milles de tour. En hiver, elles paraissent comme un grand lac ; mais elles sont sèches en été ; l’eau s’exhalant alors par la chaleur, et le sel demeurant cristallisé au fond, on trouve en creusant dans ces salines, différentes couches de sel, dont quelques-unes ont un pouce d’épaisseur, et d’autres davantage, ce qui vient, à ce que je pense, de la différente quantité de particules de sel, dont l’eau qui à formé ces couches était imprégnée. Tout le terrain de cette saline est rempli de semblables couches entassées les unes sur les autres. Les salines qui sont entre Carthage et Gueltra, aussi bien que celles des marais de Shott, et celles de Sahara et son voisinage, sont constituées de la même manière ».

« Le Jibbel-Had-Deffa, est une montagne de sel, située à l’extrémité orientale du lac des Marques, qu’on appelle aussi Bahirah-Pharaonne, ou lac Triton. Ce sel est dur et solide comme une pierre, (Shaw, Voyages en Barbarie, tom. 1, page 297). »

Ce lac des Marques (Palus Tritonis), des anciens, auprès de Tozzer, est éloigné de la mer de quarante lieues : sa longueur est environ de vingt lieues sur une largeur assez considérable. Ses eaux, comme le dit Shaw, sont très-salées, et s’évaporent en partie pendant l’été : le sel alors se dépose, et se cristallise.

Toutes les plaines de sable de l’intérieur de l’Afrique, contiennent de pareils lacs d’eau salée. On retrouve dans les plaines de sable de l’Arabie, de la Perse…, également beaucoup de sel marin.

Quelquefois, le sel marin se décompose : l’acide est volatilisé, et la base, le natron, demeure seul, ou se combine avec l’acide carbonique.

C’est ce qui forme ces lacs de natron, comme en Égypte ; tout le sel marin n’a pas été décomposé, il en demeure encore une partie mélangée avec le natron.

Le nord de l’Asie, la Sibérie, les environs du lac Baïkal, de l’Irtisch, de l’Iaik, du Volga, les environs de la mer Caspienne, contiennent également des plaines et des lacs remplis de différens sels, le sel marin, le sel de glauber ou sulfate de natron, la sulfate de Magnésie, le natron… C’est ce que nous apprend Pallas, dans son Voyage en Sibérie.

« Les environs de Baïkal, dit-il, sont aussi abondans en sel de glauber et en natron, que les déserts de l’Iseth. On a découvert, il y a plusieurs années, de gros amas de sel de glauber, dans les lacs qui avoisinent la forge de la mine au nord de Baïkal.

Au printems, ces sels sortent de terre, sous la forme d’une écume blanche très-mouillée ; elle se dessèche et devient une farine blanche comme la neige, en été.

Toute la plaine de Baraba est remplie de pareils sels.

Plusieurs parties de l’Amérique présentent les mêmes phénomènes. Il y a un lieu fameux sur les bords de l’Ohio, qui est abondant en sels, les animaux sauvages viennent le lécher.

Le sel marin est également assez abondant dans plusieurs terres, comme en Espagne, en Anjou.

Il faut observer que le plus souvent, ce sel gemme ou muriate de soude, est mélangé avec d’autres sels, et particulièrement le sulfate de soude ou sel de glauber.

D’après ces faits bien constatés par des observations exactes, il faut rechercher la manière dont ces sels ont été formés.

1°. Le sel marin me paraît avoir été formé dans les sables, dans les terres…, comme il l’est dans les nitrières. On sait que dans celles-ci, il y a beaucoup de sel marin formé avec le nitre ; ce sont des produits nouveaux.

Les eaux courantes charrient ces sels.

Mais le nitre se décompose facilement.

Il ne demeure donc que le sel marin, qui est emporté dans les mers, dans les lacs, où il se dépose.

Le sel gemme ou sel marin fossile, est toujours déposé par couches assez régulières, alternant avec d’autres couches. Ces couches ont donc été formées par les mêmes procédés que les autres couches minérales ; les lois des affinités y ont exercé la même action ; car on ne trouve les mines de sel gemme que dans des cantons particuliers, et alternant avec d’autres couches.

On a de la peine à concevoir comment les eaux des mers contenant depuis un certain tems, et certainement bien antérieurement à la formation d’un grand nombre de ces couches secondaires, une quantité plus ou moins considérable de sel marin, toutes les couches des différentes substances minérales qu’elles ont formées postérieurement à cette époque, ne sont pas imprégnées de sel marin.

Mais ce sont des faits constans dont on ne saurait révoquer en doute la réalité ; il faut reconnaître que ce phénomène est une, suite des lois de la cristallisation et de la solubilité de ce sel.

2°. Quant aux mines de sel gemme, il me paraît probable que la plus grande partie de ces mines de sel fossile ont été formées dans des lacs particuliers, tels que la mer Caspienne, le lac Aral, le lac des Marques…

Les couches de sel s’y déposent alternativement avec des couches de terre, de sable… comme nous l’avons vu dans celles formées au fond de ces lacs, du lac des Marques, par exemple. Les mines de sel de Wieslisca, en Pologne, présentent les mêmes phénomènes.

Le sel gemme est mélangé ordinairement avec d’autres sels, tels que le sulfate de natron, le sulfate de magnésie, le sulfate de chaux ou gypse… Nous avons vu que, ces différens sels se forment, avec le sel marin, dans-les sables, dans les terres, les nitrières…

Mais on ne trouve point de nitre dans le sel gemme, quoiqu’il s’en produise beaucoup dans les sables, dans les nitrières… Mais on sait que ce sel se décompose, avec une grande facilité.

Quelques-uns de ces lacs salés, tels que ceux d’Égypte, contiennent d’assez grandes quantités de natron ou de soude. Ce natron paraît le produit d’une portion de sel marin et de sulfate du natron décomposés par différentes causes.

Les masses de ces différens sels déposés au fond des lacs ont été le plus souvent entièrement recouvertes par des dépôts de diverses terres, des sables… comme on le voit dans les salines de Wielisca, dans les lacs salés d’Afrique, tels que le lac des Marques…


DE LA FORMATION DES CRISTAUX PARTICULIERS DANS LES MASSES DES TERRAINS SECONDAIRES.


On observe, dans des terrains secondaires, des substances formant des cristaux particuliers isolés, ainsi que nous avons vu que cela a lieu dans les terrains primitifs[26].

Les gypses de Lunébourg, et ceux de Segébert, dans le Holstein, contiennent des boracites cristallisés régulièrement.

Les calcaires de Neuilly, proche Paris, contiennent des cristaux réguliers de fluor et de quartz mélangés avec des cristaux calcaires…

Nous avons vu qu’il se trouve au milieu des substances des terrains secondaires, des matières étrangères qui ne sont point cristallisées régulièrement, mais le sont d’une manière confuse, tels Sont les silex, les molarites, les calcédoines-secondaires, les ménilites, les pissites… Ces cristallisations s’opèrent comme les analogues, dans les terrains primitifs, les agathes, les opales, les pissites…


DES SUBSTANCES ÉTRANGÈRES CONTENUES AU MILIEU DES COUCHES SECONDAIRES.


Toutes les substances, qui forment les couches secondaires, sont remplies de parties étrangères, qui varient, telles que des sables, des galets, des coquilles, des os…

On trouve au milieu des bancs de gypses les plus épais, des os de grands animaux, des carapaces de tortues, des os d’oiseaux, des squelettes de poissons…

Les schistes, les matières bitumineuses, contiennent souvent d’immenses quantités de divers végétaux parfaitement conservés. Ou y rencontre également les impressions de plusieurs poissons…

Enfin, le plus grand nombre des pierres calcaires des terrains secondaires, contiennent des quantités prodigieuses de coquilles. Quelques pierres de Mont-Rouge, proche Paris, ne sont presque qu’une réunion de petites coquilles nommées millionites.

D’autres pierres, auprès de Mayence, paraissent presque uniquement composées de petits bulimes.

Mais, un des phénomènes les plus extraordinaires que présentent ces dépôts, est qu’on rencontre souvent réunis les débris d’animaux et des végétaux, qui ne vivent aujourd’hui que dans des climats très-éloignés, et d’autres dont on ne trouve plus les analogues.

Ainsi à Grignon il y a cinq à six cents espèces de coquilles fossiles. On n’y a reconnu qu’environ quarante ou cinquante espèces analogues à celles qui vivent aujourd’hui, et la plupart de ces analogues existent dans des mers très-éloignées.

Le trochus agglutinans, la fripière fossile, à Grignon. L’analogue vit dans les mers de l’Amérique méridionale.

Le pyrula ficus, fossile, à Grignon. L’analogue vit dans les mers des Indes.

Le murex tripterus fossile, à Grignon. L’analogue vit dans la mer Atlantique.

La crassatele fossile, à Grignon. L’analogue vit dans mers de la Nouvelle-Hollande.

Les os des grands animaux sont le plus souvent assez bien conservés : ce qui indique qu’il ne furent transportés qu’à de très-petites distances ; car autrement ils seraient au moins usés, arrondis comme les galets. Mais il est certain qu’ils ont été transportés, puisque ces os fossiles sont ordinairement isolés, et que très-rarement les os du même animal sont réunis.

On trouve également, dans ces couches secondaires, et principalement dans les schistes et les argiles, une quantité considérable de végétaux plus ou moins bien conservés. Il n’y en a également qu’un très-petit nombre, dent en connaît les analogues.

La formation de ces nouvelles couches, remplies de cette immense quantité de débris d’êtres organisés, présente de grandes difficultés aux géologues. Aussi n’ont-ils encore donné aucune théorie satisfaisante de ce singulier phénomène.

Nous traiterons ailleurs la grande question des analogues, soit végétaux, soit animaux. Nous allons seulement présenter ici quelques réflexions sur la manière dont on peut concevoir que tous ces débris d’animaux et de végétaux ont été apportés au milieu de ces diverses couches.

On trouve également au milieu de ces couches des substances minérales différentes de celles des couches.

Ils faut supposer que les courans des eaux des mers étaient assez violens pour transporter ces corps, que néanmoins ils ne l’étaient pas assez pour les briser et les réduire en poussière.


RÉSUMÉ.


Examinons maintenant les moyens qui ont servi à former les différentes couches secondaires, dont nous venons de faire l’histoire ; et la question n’est pas sans difficultés : car les eaux des mers actuelles ne paraissent contenir presque aucune de ces substances. On n’en retire ni phosphate calcaire, ni substances métalliques, ni substances bitumineuses… On y trouve quelques sels de natron, de magnésie, de chaux… et en très-petite quantité ; elles ne paraissent former aucuns dépôts par couches : elles apportent seulement quelques sables, quelques galets, sur leurs rivages.

Comment les eaux ont-elles donc pu faire autrefois ce qu’elles ne font pas aujourd’hui ? Telle est la grande question qui se présente à résoudre.

Je réponds qu’il est démontré que les terrains secondaires ont été formés dans les eaux des mers, de quelque manière qu’ils l’aient été. Il ne faut donc pas disputer sur la réalité du phénomène, mais en rechercher les causes physiques.

Il est prouvé que des eaux chargées d’acide carbonique peuvent tenir en dissolution une grande quantité de terre calcaire, et pu former des stalactites, des albâtres, des pierres calcaires.

On voit se former journellement des stalactites, des stalagmites dans les grottes.

Des eaux courantes, telles que celles de Saint-Philipe, de Savonnières, d’Arcueil… déposent des quantités considérables de pierre calcaire ; d’albâtre calcaire, d’alabastrite gypseux…

La fontaine de Saint-Allyre, auprès de Clermont, en Auvergne, au pied du Puy-de-Dôme, présente à cet égard des phénomènes surprenans. Elle sort dans un Jardin : son volume est environ de cinq à six pouces ; elle est tellement chargée de matière calcaire dissoute par l’acide carbonique, que dans moins de vingt-quatre heures elle en encroute d’une couche d’à peu près une ligne d’épaisseur la surface des corps qu’on place dans son cours. Elle se jette, après un trajet d’environ cent toises, dans un petit ruisseau, sur lequel elle s’est fait un pont en incrustant de cette même substance calcaire un arbre qui était tombé sur le bord de ce ruisseau. Arrivée dans le ruisseau, elle abandonne bientôt la plus grande partie de cette terre calcaire, par la dissipation de l’acide carbonique…

Si nous supposons que les eaux des mers aient pu contenir une aussi grande quantité d’acide carbonique et de terre calcaire, que les eaux de la fontaine de Saint-Allyre, on conçoit qu’elles auraient bientôt eu déposé des couches immenses de pierres calcaires.

Or, il paraît assez probable qu’aux époques où ont été formés les terrains secondaires, les eaux contenaient une grande quantité d’acide carbonique.

on voit journellement des masses pierreuses se former dans les eaux des mers, comme dans le golfe de Messine…

La compression a pu y contribuer dans quelques circonstances.


DE LA FORMATION DES MONTAGNES ET DES VALLÉES DES TERRAINS SECONDAIRES.


Toutes les cristallisations des terrains secondaires, les pierres calcaires, les gypses, les phosphates calcaires, les schistes, les grès, les bitumes, les soufres, les substances métalliques, les substances salines…, ont obéi aux lois des affinités. Elles forment des strates, des couches parallèles, absolument distinctes, qui alternent les unes avec les autres.

Elles ont été déposées sur les terrains primitifs qu’elles couvrent ; par conséquent elles ont dû en suivre les irrégularités, les élévations, les abaissemens… Elles auront formé ici des montagnes, ailleurs des vallées ; dans d’autres endroits, des plaines, Enfin, elles se seront modelées en général sur ces terrains primitifs. C’est la première cause des montagnes et des vallées des terrains secondaires.

Ces terrains secondaires forment des masses immenses. On les voit, et dans les lieux les plus profonds, tels que les mines de houille de Withe-Haven, et dans les endroits les plus élevés, tels que le Buet, aux Alpes, le pic du Midi, aux Pyrénées, et, dans les Andes, on a trouvé des coquilles jusqu’à la hauteur de deux mille toises.

Ces terrains occupent la plus grande partie de la surface du globe ; car nous avons vu que les terrains primitifs qui s’étendent beaucoup en longueur, ont très-peu de largeur en général.

Les diverses substances dont furent formés les terrains secondaires, soit celles qui sont cristallisées, comme les calcaires, les gypseuses… Soit celles qui ne le sont pas, comme les argileuses, les schisteuses… étaient agitées par les courans qui avaient lieu dans le sein des mers. Elles étaient transportées çà et là ; enfin, elles étaient déposées, souvent horizontalement, mais, d’autres fois, ces dépôts étaient d’une manière plus ou moins inclinée.

Ces courans charriaient, en même tems, tout ce qui se trouvait au fond des mers, les sables, les petites pierres, les coquilles, les ossemens fossiles et les autres débris des êtres organisés ; ils les déposèrent au milieu des nouvelles couches cristallisées ou non-cristallisées qui se formaient.

Mais comment des coquilles, qui ne se trouvent aujourd’hui que dans des mers très-éloignées les unes des autres, se trouvent-elles présentement réunies à l’état fossile, dans un même endroit, comme à Grignon, à Courtagnon, dans les falhunières de la Touraine ?

Comment des os fossiles d’animaux terrestres, comme des es d’éléphans, se trouvent-ils avec des os d’animaux marins, comme des baleines, avec des coquilles dont les analogues ne vivent actuellement que dans des mers éloignées les unes des autres, ainsi qu’on l’observe au mont Pulgnasco.

Voici la manière dont il me paraît qu’on peut le concevoir.

Les courans généraux des mers parcourent des espaces considérables. Celui du golfe du Mexique part, ainsi que nous l’avons vu, des côtes d’Afrique, et se porte vers celles d’Amérique, entre les tropiques. Il remonte ensuite au nord, par le détroit de Balxama, jusqu’au banc de Terre-Neuve, d’où il revient aux côtes d’Europe. Il a donc pu, dans ce long trajet, charrier quelques-unes des coquilles ou autres fossiles déposés sur les bas-fonds qu’il a parcourus. Supposons qu’il vienne les déposer dans quelqu’endroit comme à Grignon, dans les falhunières… On pourra donc, dans ces amas, trouver des fossiles dont les animaux ont vécu dans des contrées plus ou moins éloignées les unes des autres.

On pourrait objecter que si ces fossiles, par exemple, ces coquilles, avaient été apportés de distances éloignées, ils seraient brisés… Je réponds qu’effectivement, le très-grand nombre de ces coquilles est brisé, comme dans les falhunières. Mais quelques-unes ne le sont pas, parce qu’elles étaient enveloppées dans la masse.

Ces mêmes courans ont pu apporter, à différentes époques, dans les diverses couches d’une même montagne, d’une même plaine, des fossiles et des coquilles différentes. Supposons donc qu’à une époque quelconque a, il ait été déposé telles espèces de coquilles dans des couches A.

Supposons qu’à une autre époque postérieure b, il se soit formé d’autres couches B, et qu’il y ait été déposé telles espèces de coquilles.

Supposons les mêmes opérations à une troisième époque c, à une quatrième époque d.

On conçoit que, de cette manière, il se serait formé, dans la même montagne, dans la même plaine, diverses couches, qui contiendraient chacune des coquilles et des fossiles différens, comme on le voit dans les craies, les pierres coquillères, les plâtres, les argiles, les sables… des environs de Paris.

Il y a une seconde cause de la formation des montagnes secondaires : c’est la cristallisation. S’il se trouve une grande quantité de substances de ces terrains, dissoutes et réunies dans un petit espace, elles s’y déposeront par cristallisation, et y formeront une montagne plus ou moins élevée, comme nous le voyons dans cette montagne de sel, qui est à une des extrémités du lac des Marques.

Enfin, des commotions souterraines, des explosions volcaniques, ont renversé des montagnes, en ont soulevé d’autres.

Ces montagnes ont postérieurement pu être altérées par différentes causes. Les frimats, les neiges, les avalanches, les pluies, les dégradent continuellement. Leur élévation diminue, leurs pentes deviennent moins roides… Enfin elles s’abaissent et s’arrondissent.

Les vallées auront également été modifiées… Les unes auront été plus ou moins encombrées par les débris des terrains supérieurs, des galets, des sables… et elles s’exhaussent.

D’autres auront été creusées, ravinées par des courans…

Des angles saillans et des angles rentrans y auront été formés par ces courans ; mais ce sera accidentellement, et surtout dans les plaines basses.

Dans les grandes masses des montagnes, les vallées spacieuses qu’on y observe ont rarement de ces angles rentrans et saillans. Dans les grandes gorges des Alpes, des Pyrénées, on voit souvent qu’une nouvelle vallée s’ouvre à l’endroit où on croirait trouver un angle rentrant, un nouveau cours d’eau vient s’y jeter dans la rivière principale.

Aussi cette théorie des angles saillans égaux aux angles rentrans est-elle presque généralement rejetée ; et on reconnaît que Bourguet lui avait donné trop d’extension.

Il faut dans la formation des terrains secondaires distinguer différentes époques, comme nous l’avons fait dans la formation des terrains primitifs.

1°. Formation des terrains secondaires qui ne contiennent qu’un très-petit nombre de débris des êtres organisés, tels sont les calcaires les plus élevés.

Les fossiles qui se trouvent le plus communément dans ces terrains, sont les cornes d’ammon, ammonites, les bélemnites, les entroques…

2°. Les terrains à houilles sont en général assez voisins des terrains primitifs. Ils contiennent des poissons, des plantes des coquilles…

3°. Formation des terrains secondaires qui contiennent une certaine quantité de fossiles.

Ils sont situés à une hauteur moyenne au-dessus du niveau des mers.

On y trouve quelquefois des quantités immenses de coquilles, comme dans les falhunières de la Tourraine, à Grignon, à Courtagnon…

Ces couches sont de différentes natures.

a. Le plus souvent calcaires.

b. Gypseuses quelquefois.

c. Schisteuses.

d. D’appatits.

e. Grézeuses, ou de grès, comme aux environs de Paris.

4°. Formation des terrains secondaires les plus proches du niveau des mers.

Ils contiennent des quantités immenses de débris d’êtres organisés, surtout de coquilles fossiles. Nous avons vu que quelques pierres paraissent presque uniquement composées de coquilles.

5°. Formation des terrains tourbeux.

Ils sont en général dans le fond des vallées, et ont été formés en général après là retraite des eaux des mers.

Tous ces terrains ont été formés de différentes manières.

a. Les uns ont seulement été tenus en suspension dans les eaux, tels que les schistes, les argiles, les tourbes…

b. Les autres ont été tenus en dissolution, ou solution, et ont cristallisé d’une manière régulière, comme les spaths calcaires, les sélénites… ou d’une cristallisation confuse, les marbres… ou d’une cristallisation grenue, comme les craies, les grès…

Mais pour avoir une idée plus nette de la formation des terrains secondaires, examinons celle des terrains des environs de Paris (j’y mène promener tous les ans mes élèves) ; et je les ai décrits dans le Journal de Physique. Et cependant, ceux qui ont écrit postérieurement sur ces terrains, n’ont point parlé de mon travail.


DE LA FORMATION DES TERRAINS DES ENVIRONS DE PARIS.


Pour donner une idée générale de la formation des terrains secondaires, je vais rapporter ce que j’ai dit de celle des terrains des environs de Paris (Journal de Physique, tome 66, page 309, elle plan qui y est joint, même journal, tome 71, page 383). L’histoire de ces terrains doit interresser particulièrement le géologue, parce qu’ils sont très-variés. D’ailleurs, ils sont ouverts de tous les côtés par les travaux multipliés, que le voisinage d’une aussi grande ville y a fait exécuter. Des naturalistes. instruits, de tous les pays, les ont examinés avec le plus grand soin.

1°. On trouve à l’ouest de Paris, sur les sommets les plus élevés, une espèce de silex ou pierre meulière, qui contient un grand nombre de coquilles fluviatiles, telles que des planorbes, des lymnées… Ces coquilles sont souvent à l’état siliceux. Coupé en a donné des description exactes (Journal de Physique).

2°. Sur les sommets des collines des environs de Paris, à Montmartre, à Ménil-Montant, à 150 mètres environ au-dessus du niveau de l’Océan[27], sont des couches régulières de sable remplies ; de coquilles marines, cérites, pétoncles, calyptrées, turritelles, solen, corbules et autres coquilles analogues à celles. qui sont à Grignon. Ces couches alternent avec d’autres couches. On trouve, dans ces sables, des portions d’un fer oxidé brunâtre.

On y trouve encore, du côté de Bagneux, de Chatillon… et dans les bois de Viroflai, du côté de Versailles, une assez grande quantité de mica. Ce mica me paraît provenir du détritus des montagnes primitives de la Bourgogne, et qui ont été apportés par la vallée de la rivière d’Yonne.

3°. À vingt mètres plus bas environ, il y a deux petites couches d’huîtres marines.

4°. Succède ensuite une puissante couche d’argile, qui a quinze à vingt pieds d’épaisseur. Elle s’étend à plusieurs lieues, en offrant quelques modifications.

Quelques cristaux de sélénite sont disséminés dans cette couche : les eaux qui séjournent dessus, ou qui y passent, sont séléniteuses. Les argiles de la butte Chaumont contiennent une grande quantité de ces cristaux.

Les eaux pluviales s’arrêtent sur cette couche argileuse, qu’elles ne peuvent traverser. Elles coulent sur ses flancs et donnent naissance à différentes fontaines, qu’on voit surtout à Montmartre, à Belleville…

Les puits qu’on veut avoir dans ces cantons doivent être creusés jusqu’à cette couche d’argile.

On se sert, à Ménil-Montant, de cette argile pour faire de la tuile, de la brique… ce qui prouve qu’on ne peut l’appeler marne, et qu’elle ne contient pas, ou très-peu, de parties calcaires.

Dans cette couche d’argile on trouve des rognons de strontiane sulfatée, qui y ont cristallisé d’une manière confuse.

On y trouve également une terre verdâtre, qui paraît être de la chlorite. 5°. Au-dessous se trouve un banc peu épais de marne, jaunâtre, qui renferme des tellines marines.

6°. Se présentent ensuite différentes couches de substances diverses, marne, schiste à polir (polière-schiffer), sable…

On a trouvé, dans ces dernières couches, des troncs de palmier à l’état siliceux. Quelques-uns avaient jusqu’à dix-huit pieds de longueur : j’en à parlé dans le Journal de Physique.

7°. On arrive au platre (montmartrites), qui forme, dans ces cantons, trois masses distinctes.

a. La première, la supérieure, a de 50 à 54 pieds d’épaisseur. On y observe différentes couches. Il y en a une appelée des hauts piliers, qui paraît divisée en prismes analogues à ceux des chaussées basaltiques.

On trouve, dans cette couche, un grand nombre d’os fossiles de quadrupèdes, des os de testacées, des os d’oiseaux, des os de poissons…

Il y a aussi des petits rognons de silex, qui a un grain plus En que le silex ordinaire.

b. La seconde masse de plâtre n’a qu’environ quatorze pieds d’épaisseur. On y distingue également différentes couches : quelques-unes sont composées de gypse spéculaire, que les ouvriers appellent grignards.

Ces deux couches sont séparées par des lits de schistes à polir, une couche d’argile à dégraisser…

Dans une de ces couches schisteuses, à Ménil-Montant, se trouve la ménilite.

Succède,

c. La troisième masse de plâtre, qui a quatorze pieds d’épaisseur. Elle est composée de plusieurs bancs, dans lesquels il se trouve des grignards.

Ces strates sont séparés par des couches de marne, des schistes…

8°. Au-dessous de ces dernières couches de plâtre, se trouvent des bancs de marne, dans lesquels sont des cristaux de gypse spéculaire.

9°. Desmarets et Prévost y ont trouvé des coquilles marines.

Ces trois masses de plâtre, qui sont à Montmartre, à Ménil-montant, à Pantin… ne s’observent plus les mêmes dans les plâtrières au midi de la Seine, à Bagneux, à Villejuif, à Antony… Il n’y a souvent qu’une masse : celle d’Antony n’a que dix pieds d’épaisseur…

Tous ces plâtres s’étendent depuis Cormeil, cinq lieues au-dessous de Paris, proche Pontoise, jusques au-dessus de Château-Thierry, le long du bassin de la Marne, sur une longueur de trente lieues environ.

La largeur est environ de sept lieues, depuis Antony, sur la route d’Orléans, jusqu’à Saint-Brice, du côté de Sarcelles et d’Ecouen.

10. Aux masses de plâtre succèdent les grands bancs de pierres calcaires, du côté de Mont-Rouge… Ces pierres sont remplies de coquilles marines, qui sont des mêmes espèces que celles qu’on trouve à Grignon, des cérites, des corbules…

Dans ces bans calcaires, derrière Issy, on trouve des silex formant des plaques de plusieurs pieds. Ils sont remplis de cérites silicifiés. Mais au dessus de ces grands bancs calcaires, dans la plaine de Mont-Rouge, à cent cinquante pieds d’élévation au-dessus du niveau de la Seine, on trouve des cailloux roulés, semblables à ceux de la sablonnière de Vaugirard, qui est presque au niveau des eaux de la Seine, ce qui prouve qu’autrefois il y a eu, à cette hauteur, la mer, ou des courans qui y ont déposé ces cailloux.

Ces grands bancs de pierres calcaires présentent sans cesse des différences remarquables, soit par leur épaisseur, soit pour les fossiles qu’ils contiennent, soit pour leur nature. Celle de Mont Rouge est très-dure ; celle de Saint-Leu est très-tendre…

11o. Il se présente ensuite une seconde couche d’argile qu’on exploite derrière Vaugirard par le moyen des puits creusés jusqu’à quatre-vingts pieds de profondeur. Cette argile est de la même nature que celle de la couche supérieure. J’y ai aussi trouvé des cristaux de sélénite. Ses bancs sont séparés par des bancs d’un sable quartzeux, grisâtre. Les bancs d’argile et de sable ont environ trente à quarante pieds d’épaisseur.

J’ai trouvé, dans cette argile, du bois passant à l’état bitumineux. Il forme, avec l’argile, une espèce d’ampelite, qui brûle en dormant l’odeur bitumineuse.

On trouve encore, dans cette argile, des pyrites ferrugineuses. Il me paraît qu’elles sont de formation nouvelle.

12o. Au-dessous de cette couche d’Argile sont des couches énormes de craie. On ignore leur profondeur ; mais on est fondé à croire qu’elle est de plus de cent pieds.

Ces craies contiennent un grand nombre de coquilles marines, absolument différentes de celles des couches supérieures. Ce sont des bélemnites, des pinnes marines, des ananchites, des lituolites, des cranies, des térébratules, des spirorbes, des dents de squales…

On n’a pas pénétré au-dessous des couches de craie.

Ces craies paraissent, d’un côté, une continuation de celles du Gatinais, de la Champagne…

Et de l’autre côté, elles s’étendent sur les côtes de l’Océan, en Normandie, en Picardie… et vont communiquer avec celles d’Angleterre.

Ces couches de craie présentent d’assez grandes différences. dans leurs diffèrens gites.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Jetons maintenant un coup-d’œil général sur les terrains que nous venons de parcourir. Les différens strates, les différentes couches qui les composent, ne sont ni au même niveau au-dessus de celui des eaux des mers, ni de la même étendue, ni de la même épaisseur, ni de la même nature.

a. Les portions les plus élevées des terrains des environs de Paris, contiennent des molarites remplies de coquilles fossiles qui sont fluviatiles, des lymnées, des planorbes…

J’ai supposé que ces coquilles fluviatiles ont été apportées, comme les os des mammaux des continens, par des courans d’eaux douces qui se jetaient dans les mers. (Journal de Physique, tome 71, pag. 392).

Ces molarites varient dans les différens endroits.

b. Les sommets de Montmartre, de Ménil-Montant… sont couverts d’un sable quartzeux rempli de coquilles marines… Ce sable, en quelques endroits, contient une assez grande quantité de mica.

Ce mica paraît un détritus des pierres des montagnes primitives : il provient vraisemblablement des montagnes primitives de la Bourgogne, du côté d’Avalon, d’Autun. Il aura été charrié par des courrans qui existaient dans la vallée où coule aujourd’hui l’Yonne, laquelle vient se jeter dans celle de la Seine.

Mais ce sable micacé aura été déposé sur les terrains des environs de Paris, à l’époque où ils étaient encore couverts des eaux des mers, puisque ces sables contiennent une grande quantité de coquilles marines ; ils forment, d’ailleurs, des couches régulières, parallèles, qui alternent avec des couches ou strates d’autres substances.

Ces faits prouvent que les couches de sable ont été formées comme les autres couches, les calcaires, les gypseuses, les argileuses… dans les eaux des mers.

Mais ces couches de sable ne sont pas partout les mêmes. Elles varient dans les différens endroits.

J’ai supposé que ces sables formant des couches régulières, sont les produits d’une cristallisation, mais d’une cristallisation. grenue, analogue à celle de la craie.

c. Au-dessous de ces couches de sable, sont des couches de marne, des schistes à polir… qui varient également dans les différens endroits.

Ces couches ont été formées dans les eaux de la mer, comme le prouvent les couches d’huîtres marines…

d. La couche d’argile s’étend dans tous les environs de Paris, mais elle n’est pas partout de la même épaisseur et de la même nature. Elle forme des lits parallèles.

On trouve au-dessous une petite couche de coquilles marines.

Il n’est donc pas douteux que ces couches ont été formées dans les eaux des mers.

e. Les trois grandes masses de plâtre, que l’on observe Montmartre, à Mesnil-Montant… ne se trouvent pas dans toutes les plâtrières des environs de Paris. Au midi de la rivière, comme à Bagneux, à Anthony, il n’y a qu’une couche qui a différentes épaisseurs. À Anthony, elle n’a qu’une dizaine de pieds ; à Bagneux, elle en a près de trente.

J’ai trouvé, dans la haute masse de Montmartre, un spare, poisson de mer, un ésoce, autre poisson de mer.

Desmarêts et Provost ont trouvé, dans les couches inférieures, des coquilles marines.

On ne peut donc douter que ces couches de plâtres de Montmartre n’aient été formées dans les eaux des mers, et l’opinion de Lamanon, qui avait dit qu’elles avaient été formées dans les eaux douces, est contraire à tous les faits.

On a voulu appuyer cette opinion par un fait. On a dit y avoir trouvé un cyclostome ; mais ce cyclostome est terrestre, et il ne prouve pas plus en faveur de l’opinion de Lamanon, que les os fossiles d’oiseaux, de marmose…

f. Les grands bancs de pierres coquillères ont été certainement formés dans les eaux des mers, puisqu’on y trouve une quantité immense de coquilles marines de diverses espèces. Mais ces bancs de pierre sont entièrement différens dans les divers endroits.

Dans les plaines de Mont-Rouge, les bancs, qui sont ceux des caves de l’Observatoire, sont d’une pierre dure, que les ouvriers appellent caillou, parce qu’elle fait feu au briquet. Elle contient effectivement beaucoup de silice. Les bancs sont épais ; mais, du côté de Châtillon, à quelques centaines de mètres, les bancs varient.

Ils varient encore plus, en allant du côté de Sèvres, du côté de Saint-Cloud, du côté du Calvaire, du côté de Nanterre.

À Saint-Leu, la pierre est très-tendre.

À Soyancourt, la pierre est assez dure : elle contient ides oursins, ce qu’on ne voit pas dans les pierres dont nous venons de parler. Les bancs sont épais. On en a tiré la pierre pour le pont, de Passy.

g. Les couches argileuses, qui se trouvent sous les grands bancs calcaires, mélangées avec des sables, ont été formées dans les eaux. Néanmoins, elles ne présentent aucun indice que ç’ait été dans les eaux des mers, puisqu’on n’y trouve aucuns fossiles.

h. Les craies des environs de Paris ont certainement été formées dans les eaux des mers, puisqu’on y trouve une multitude de diverses coquilles marines.

D’ailleurs, elles forment des bancs réguliers, comme ceux des grands bancs de pierres calcaires, comme les douches gypseuses, les couches argileuses, les couches grèzeuses…

Mais ces craies présentent les mêmes phénomènes que les autres couches des environs de Paris. Elles varient sans cesse. Celles de Sèvres sont différentes de celles de Bougival ; celles de Soupe, entre Nemours et Montargis, diffèrent des unes et des autres. On observe, dans ces craies, entre Nemours et Montargis, des masses énormes de pouddings, composées de silex arrondis, agglutinées par un ciment siliceux.

Les craies de Champagne varient encore plus.

Celles d’Angleterre diffèrent également de celles de France.

Ces craies ont été déposées par une cristallisation grenue.

On doit conclure de tous ces faits, que :

1°. Des eaux des mers ont déposé, dans les environs de Paris, des couches immenses de craie, avec une multitude de coquilles marines.

Ce dépôt crayeux s’étend depuis les parties de la Champagne qui approchent les terrains primitifs, jusques à l’Océan, et de-là, s’étend à de grandes distances en Angleterre.

Ces dépôts crayeux varient sans cesse, par les silex et pouddings qu’ils contiennent, par les coquilles…

2°. Les mêmes eaux des mers ont déposé les couches d’argile qui sont au-dessus des craies, ainsi que les sables qui y sont mélangés.

Des portions des végétaux, tels que ceux qu’on trouve à Châtillon, y ont été entraînés des continens par les eaux.

Ces eaux étaient déjà séléniteuses, car j’ai observé des cristaux de sélénites dans ces argiles.

3°. Ces eaux des mers ont ensuite déposé ces bancs énormes de pierre calcaire, remplie d’une quantité prodigieuse de coquilles marines, différentes de celles des craies.

Mais ces bancs calcaires varient à peu de distance les uns des autres. Ceux des différens endroits de la plaine de Mont-Rouge présentent de grandes variétés ; ils diffèrent encore davantage du côté de Sèvres, de Saint-Cloud, du Calvaire, de Nanterre, des côteaux de la vallée de Montmorency, de Saint-Leu, de Sainte-Honorine, de Soyancourt…

À Grignon, il y a peu de calcaire compacte. Les coquilles de Grignon sont comme dans les falhunières amoncelées, et la plus grande partie brisée, pilée, suivant l’expression de Coupé.

En remontant la Seine, du côté de Choisy, de Saint-Maur, de Champigny… ces pierres calcaires offrent les mêmes variétés.

4°. Les eaux des mers ont ensuite déposé les plâtres, comme le prouvent les coquilles marines qu’on ya trouvées dans les lits inférieurs, les poissons marins que j’ai trouvés dans les lits supérieurs…

Mais ces plâtres présentent les mêmes variétés que les autres couches dont nous venons de parler. Les couches de plâtre, au midi de la Seine, sont toutes différentes de celles qui sont au nord. Il y en a trois à Montmartre, et qui ont près de quatre-vingts pieds d’épaisseur… et à Anthony, il n’y en a qu’une seule qui n’a que quelques pieds d’épaisseur…

Celles qui sont du côté de Meaux, du côté de Château-Thierry… en diffèrent encore davantage.

Des courans ont apporté, de dessus les continens qui étaient découverts, des os de quadrupèdes continentaux, d’oiseaux…

D’autres courans ont apporté dans la plaine de Mont-Rouge, à 150 pieds d’élévation, les mêmes cailloux ou galets roulés, des débris de granit de la Bourgogne… qu’on retrouve dans les plaines de Grenelle, la sablonnière de Vaugirard…

J’ai supposé que ces dépôts de cailloux, dans la plaine de Mont-Rouge, ont été faits lorsque la mer baignait encore ces côtes, les terrains des environs de Paris, comme elle baigne aujourd’hui celles du Havre…

5°. Les eaux des mers ont ensuite déposé les différentes couches des schistes à polir, d’argiles… qui sont au-dessus des plâtres. On trouve dans une de ces dernières couches un petit banc qui contient des coquilles marines.

6°. Les eaux des mers ont ensuite déposé les couches supérieures d’argile.

Les couches d’huîtres marines, qui leur sont contigues, ne laissent point de doute à cet égard.

Ces eaux contenaient encore des parties gypseuses, puisqu’on. trouve dans les argiles des cristaux de sélénite.

Elles contenaient également des sulfates de strontianes…

7°. Les eaux des mers ont ensuite déposé les couches supérieures de grès. Ces couches sont très-régulières, et contiennent une multitude de coquilles marines.

Toutes ces couches de schistes, d’argile, de grès… varient dans les différens endroits comme les autres couches précédentes.

Un lac d’eau douce, après la retraite des eaux des mers, s’est peut-être formé dans une portion de ses terrains des environs de Paris, à l’ouest. Ces eaux douces auraient couvert ces terrains du côté de Grignon, de Bièvre… et y ont déposé des coquilles fluviatiles, des planorbes : peut-être ces coquilles y ont-elles été apportées par des courans.

9°. Des courans divers ont ensuite raviné ces différens terrains. La butte de Montmartre est séparée de celles de Belleville, de Pantin, et cependant on observe, et dans l’une, et dans les autres, les mêmes bancs, les mêmes couches. On ne saurait donc douter qu’elles n’aient été contigues. D’ailleurs leur état de dégradation ne laisse aucun doute à cet égard.

Mais quelle a été la direction de ces courans ? Quelle a été l’intensité de leurs actions ? Nous n’avons aucune donnée précise.

Ce que nous venons, de dire des terrains des environs de Paris doit s’appliquer également à tous les terrains secondaires. On y voit les différentes couches, les différens strates, varier sans cesse. Les différentes couches calcaires, les différens bancs des pierres changent continuellement.

Les terrains des environs de Rouen ne ressemblent pas à ceux des environs de Paris… quoiqu’ils soient également de formation secondaire.

Il faut dire la même chose de tous les terrains, jusques au Havre.

Les mêmes phénomènes s’observent, sur toutes les côtes de Normandie, de Picardie… le long des bords de la Manche. Les terrains y sont partout, à la vérité, de formation secondaire, mais ils présentent partout des différences assez considérables.

On a dit que du côté de Boulogne, de Calais… les terrains des côtes d’Angleterre ressemblaient à ceux de France : cela n’est pas exact ; ils sont, il est vrai, également d’une formation secondaire, mais ils diffèrent beaucoup. On pouvait les confondre autrefois qu’on n’observait point avec précision, mais aujourd’hui cela n’est plus permis.

Tous ces phénomènes, auxquels le géologue ne saurait faire trop d’attention, sont des suites des lois de la cristallisation. Les eaux contenaient en dissolution ou en suspension différentes substances. Elles les ont déposé ça et là, en strates et en couches différentes. La précision qu’on porte aujourd’hui dans les observations, ne permet plus de les confondre. Qu’on examine bien la structure des couches de la montagne de Saint-Giles, que nous avons rapportée, et on se convaincra de l’exactitude de ces observations.


DE LA DIRECTION DES COUCHES MINÉRALES DES TERRAINS SECONDAIRES, SOIT PIERREUSES, SOIT BITUMINEUSES, SOIT MÉTALLIQUES.


De savans géologues ont cru que les couches des terrains secondaires affectaient constamment des directions générales. Ils ont appuyé cette opinion sur une multitude de faits.

Génetté soutenait cette opinion relativement aux couches bitumineuses. (Traité des Houillières, page 36).

« Les couches de charbon, dit-il, s’étendent d’Aix la Chapelle, par Liége, Huy, Namur, Charleroi, Valenciennes, Mons et Tournay, jusqu’en Angleterre, en passant sous l’Océan. »

« Et d’Aix-la-Chapelle, elles traversent l’Allemagne, la Bohème, la Hongrie. ».

« Je ne sais si de l’Asie elles s’étendent jusqu’en Amérique, elles peuvent se suivre, comme en Asie et en Europe ».

« Cette traînée de veine est d’une et demie, à deux lieues de largeur, tantôt plus, tantôt moins. »

L’auteur a donné trop d’extension à des faits particuliers. Les veines de houilles se trouvent en général suivant la direction des vallées des terrains primitifs, qui comme nous l’avons, vu, n’ont point de directions particulières.

On a également supposé que les mines métalliques ont des directions particulières ; mais les mines métalliques des terrains secondaires ne paraissent suivre aucune direction déterminée ; elles sont situées irrégulièrement dans ces différens terrains.

Humboldt a soutenu la même opinion (Journal de Physique, tome 53, page 48), en parlant des montagnes secondaires de l’Amérique méridionale.

« Les montagnes secondaires, dit-il, que j’ai observées jusqu’ici, se trouvent à peu près sous les mêmes rapports que celles d’Europe. Les plus anciennes paraissent encore avoir été affectées par la même cause, qui a déterminé les couches primitives à se diriger entre trois et quatre lieues, de la boussole, ou, comme les mineurs s’expriment : N. S. E. Elles sont comme aux Alpes de Berne, du Valais, du Tyrol, et de la Styrie, souvent inclinées au sud-est, mais la plupart, et surtout les plus neuves, qui sont les plus visibles dans le terrain que j’ai parcouru, ne suivent aucune loi fixe, étant couchées presque horizontalement, ou se relevant vers les bords des grands bassins desséchés, que nous nommons les Lanos en Amérique, et des déserts en Afrique. »

J’ai observé les mêmes faits que Humboldt. Quelques-unes des couches des terrains secondaires, qui sont contigues aux hautes montagnes primitives, paraissent en suivre quelquefois les directions ; mais nous avons vu que ces terrains primitifs n’ont aucune direction déterminée.

Les mêmes faits s’observent relativement aux couches secondaires les plus basses, celles qui sont presque au niveau des mers : elles n’ont aucune direction particulière.


DES LIMITES DES COUCHES MINÉRALES DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les couches des terrains secondaires ont obéi aux lois affinités dans leur cristallisation ; elles ont donc des limites assez fixes, ainsi que les couches primitives. Ici se terminent les calcaires, là les gypseuses ; ailleurs, les schisteuses… ; elles ne se confondent jamais, excepté peut-être dans leur point de contact.

Une des difficultés les plus considérables que présente cette formation de ces diverses couches, est celle-ci :

Comment des terrains cristallisés confusément en couches, ont-il pu former des masses isolées, et qui n’aient pas été continuées sur toute la portion de la surface du globe, couverte dans ce moment par les eaux ?

Le mont Ventoux, par exemple, en Provence, est une montagne calcaire, qui a environ mille toises d’élévation, et qui est entièrement isolée.

Laon est également une montagne secondaire, assez élevée, et isolée…

Nous observerons d’abord que les terrains secondaires n’ont pu être formés qu’après que les terrains primitifs furent sortis du sein des eaux, puisqu’il fallait qu’il y eût des continens découverts pour nourrir les végétaux et les animaux terrestres. Ainsi, ces portions de terrains primitifs ont pu être recouvertes par les terrains secondaires.

Mais la plus grande quantité des terrains primitifs, est moins élevée que quelques terrains secondaires.

Aux Andes, il y a des terrains coquilliers, à 1500 toises au-dessus du niveau de la mer.

Aux Alpes on observe les mêmes phénomènes.

Aux Pyrénées, le Pic du Midi contient des coquilles à 1500 toises de hauteur.

On voit sans cesse les terrains secondaires, contigus aux primitifs, et souvent être plus élevés.

Il y a même des terrains primitifs au niveau des eaux de la mer, et au-dessous de son niveau. Toutes les côtes de France depuis les sables d’Olonne jusqu’à Cherbourg, sont des terrains primitifs. Il est même vraisemblable qu’ils s’étendent sous l’Océan pour communiquer avec les terrains primitifs de Cornouailles.

Les mêmes faits s’observent sur un grand nombre de côtes ; les terrains primitifs du fort La Malgue, à Toulon, communiquent vraisemblablement avec les terrains primitifs de Corse.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il faut donc nécessairement supposer que des eaux chargées de substances des terrains secondaires, en ont pu déposer dans des endroits limités, comme au mont Ventoux…, sans en déposer dans tous les endroits qu’elles couvraient dans ce moment.

Les mêmes phénomènes s’observent dans les grands lacs d’eau salée. Il s’y forme en quelques endroits des couches très-épaisses de sel, des montagnes comme le Jibel-Had-Deffa, dans le lac des Marques ; et dans d’autres, il n’y en a pas ou peu.

Dans les lacs de natron, on observe des couches de natron dans quelques endroits et des couches de sel dans d’autres endroits…

Des causes particulières et accidentelles, ont donc favorisé ces cristallisations dans quelques endroits, et s’y sont opposées dans d’autres… C’est ce qui est constaté par une multitude de faits.

Hall a donné une autre explication de ce phénomène. Il l’attribue à l’action des grands courans.

« Tout indique, dit-il page 226[28], qu’une grande quantité de matières a abandonné la surface actuelle du globe : et des dépôts énormes de fragmens détachés évidemment de masses semblables à nos roches ordinaires, attestent l’action de quelque cause puissante de destruction. L’analogie nous conduit aussi à croire que toutes les roches primitives ont une fois été recouvertes par des secondaires ; cependant des régions très-vastes n’offrent aucune roche de cette nature. »

« Le docteur Hutton attribuait ces changemens à l’action longtems continuée des causes qui ne cessent point aujourd’hui d’attaquer la surface de la terre, telles que les gelées, les pluies, les inondations ordinaires des rivières… qu’il considère comme ayant agi toujours avec la même force, dans tous les tems.

« Mais je n’ai jamais pu admettre cette opinion, ayant adopté de bonne heure celle de Saussure, à laquelle une bonne partie des géologues du continent se sont également attachés. Ma conviction reposait sur l’inspection des faits qu’il a observés dans le voisinage de Genève, et qu’il a donnés pour base à son système. J’étais alors convaincu, et je n’en suis pas moins persuadé actuellement, que des courans immenses, assez profonds pour dépasser nos montagnes, ont balayé la surface du globe, creusant des vallées, rongeant latéralement des montagnes, et emportant avec eux tout ce qui ne pouvait résister à cette puissante érosion.

« Il serait difficile de calculer les effets d’un pareil agent. Mais si, par son moyen, ou toute autre cause, la masse entière des couches secondaires, dans des espaces considérables, a été enlevée de dessus les primaires. Le poids seul de cette masse doit avoir suffi pour remplir toutes les conditions de la théorie huttonienne. ».

Hall suppose donc que l’action de courans immenses a pu enlever, de dessus les terrains primitifs, les couches secondaires qu’il suppose les avoir tous couvert…

Je ne nie pas que cela ait pu avoir lieu dans quelques circonstances ; mais je ne pense pas que cela ait eu lieu pour tous les terrains primitifs, qui ne sont pas recouverts par des terrains secondaires.

D’autres géologues ont supposé que ces terrains primitifs étaient, dans le principe, plus élevés que les terrains secondaires ; et que, postérieurement, ils se sont abaissés au point où nous les observons.

Cette opinion ne me paraît également pas fondée, comme je le prouverai ailleurs.

Ces phénomènes ne peuvent donc avoir d’autres causes que celle que nous venons d’assigner, celle de la cristallisation.


DES TERRAINS SECONDAIRES PLUS ÉLEVÉS QUE LES PRIMITIFS.


Quoique, en général, dans les grandes chaînes de montagnes, les terrains primitifs soient plus élevés que les secondaires, le contraire a très souvent lieu, ainsi que nous l’avons dit.

Quelques géologues prétendent que ces terrains secondaires, plus élevés aujourd’hui que les primitifs, ont été primitivement à un niveau plus bas ; c’était l’opinion de Hutton, de Hall[29] : postérieurement, ils ont été soulevés au-dessus de ceux-ci.

Mais cette hypothèse, qui pourrait avoir eu lieu dans quelque circonstance particulière, ne saurait être généralisée. Ainsi, on pourrait peut-être supposer que, par exemple, le champ du Géant (Campo di Gigante), au Pérou, à 1200 toises au-dessus du niveau de la mer, dans lequel on trouve d’énormes os fossiles, aurait été soulevé par l’action prodigieuse des grands volcans de ces contrées.

Mais cette hypothèse ne saurait s’étendre à toutes les couches secondaires de ces contrées.

On pourrait encore moins l’étendre aux autres grandes chaînes du globe, dans lesquelles on ne connaît point de volcans, telles que les Alpes, les Pyrénées, les Krapacks.

J’ai fait voir (Théorie de la Terre, t. 5, p. 101) que ces phénomènes sont encore des suites des lois de la cristallisation. Lorsque les terrains primitifs ont été cristallisés, il s’est formé des terrains secondaires, dissous dans les eaux qui couvraient encore une partie de la surface du globe. Ces terrains ont cristallisé par les causes que nous avons exposées ; mais cette cristallisation ne s’est pas étendue sur toute la surface du globe : elle s’est opérée seulement dans quelques endroits, et non dans les autres.

On observe le même phénomène dans les lacs salés : il se dépose des masses considérables dans quelques endroits, et il y en a peu ou point dans les autres. Nous avons vu que, dans le lac des Marques, il se trouve, à une des extrémités, une masse. considérable de sel, nommée Jibbel-had-Deffa… Le sel a donc été amoncelé dans ce lieu.

Tous les autres lacs salés présentent les mêmes phénomènes. Dans les lacs de natron, en Égypte, le natron est amoncelé en quelques endroits, le sel marin dans d’autres…

Les faits constatent que les plus hautes sommités des montagnes sont des termina primitifs, tels que le Mont-Blanc, le Mont-Rose… aux Alpes, le Canigou, aux Pyrénées.

Les terrains secondaires n’ont été déposés que long-tems après que les terrains primitifs furent sortis du sein des eaux. il fallait qu’il y eût des portions de continent découvertes, pour que les végétaux et les animaux terrestres pussent y subsister.

Ces terrains secondaires n’auront pas couvert tous les terrains primitifs ; mais ils se seront amoncelés dans des endroits, plutôt que dans d’autres, comme les masses salines dont nous venons de parler.

Ce sont des effets des lois de la cristallisation, qu’on ne saurait trop étudier.

On a présenté d’autres explications de ces phénomènes.

Les uns ont dit que les terrains primitifs, qui se trouvent à un niveau plus bas que les secondaires, ont été affaissées…

Les autres ont dit que les terrains secondaires ont été soulevés au-dessus des primitifs.

Ces deux suppositions ne pourraient être admises que pour quelques circonstances particulières ; mais elles ne le sauraient être pour toute la surface du globe.


DE LA POSITION HORIZONTALE, OU INCLINÉE DES COUCHES SECONDAIRES.


Les différentes couches secondaires sont quelquefois horizontales, mais le plus souvent, elles sont plus ou moins inclinées ; On peut en assigner plusieurs causes.

a La position horizontale, ou à-peu-près horizontale de ces couches est la plus naturelle ; car des substances tenues en solution ou en dissolution, dans un fluide tranquille, et qui s’y déposent, affectent constamment la position horizontale, si le sol sur lequel se fait le dépôt est horizontal.

b. Mais si ce sol est incliné, les nouvelles couches affecteront la même inclinaison que celle des terrains sur lesquels elles se déposent.

c. Des couches secondaires sont à-peu-près verticales. L’inclinaison des couches des ardoises d’Angers est de soixante-dix, à quatre-vingts degrés.

d. Enfin, il est des couches qui sont plus ou moins coudées, et forment des arcs presque concentriques. On en observe un grand nombre dans les Pyrénées, et dans toutes les grandes chaînes de montagnes. Saussure a décrit et fait graver de pareilles couches dans la montagne du haut d’Arpenax, entre Maglan et Salanches. « Les couches de cette montagne, dit-il, §. 472, sont la continuation des couches supérieures de la cascade, et forment des arcs concentriques ».

La formation de ces couches très-inclinées, et contournées est assez difficile à expliquer ; plusieurs causes ont pu y concourir.

e. La formation primitive de ces couches, leur cristallisation, en peut être regardée comme une des causes principales. Saussure l’a reconnu lui-même (§. 475) : en parlant des couches contournées du Nantz Arpenax, il dit : « La cristallisation peut seule, à mon avis, rendre raison de ces bizarreries ».

g. D’autres couches inclinées ont pu prendre cette position par l’affaissement de leurs bases. Des eaux courantes, soit à l’extérieur, soit à l’intérieur, minent des terrains, font incliner, et quelquefois même renversent des montagnes.

g. Les tremblemens de terre ont bouleversé des contrées entières. Ils ont produit les inclinaisons de plusieurs couches. Une foule d’exemples le prouve.

h. Des courans ont pu ronger les bases de différentes montagnes, qui, par leur affaissement, auront produit l’inclinaison de plusieurs couches.

i. Mais les couches contournées paraissent provenir le plus souvent de couches schisteuses, qui, dans un état de mollesse, ont coulé sur des terrains inclinés. Nous en avons plusieurs exemples. On voit souvent, après des pluies de longue durée, des couches schisteuses, situées sur des plans inclinés, couler et descendre à des distances plus ou moins considérables. J’en ai cité plusieurs exemples dans ma Théorie de la Terre.


DES FAILLES.


« Les bouilleurs du pays de Liège (dit Génetté, des Houillières, page 40) appellent faille, ou voile, un grand banc de pierre, qui passe à travers de toutes les veines de houille qu’il rencontre, en couvrant les unes, coupant et dévoyant les autres, depuis le sommet d’une montagne jusqu’au plus profond des entrailles de la terre. »

Ces failles, ou fentes, peuvent être plus considérables du côté de la surface de la terre, ou l’être davantage à mesure qu’elles s’étendent vers le centre du globe. Dans la montagne St.-Gilles, près de Liége, il y a une faille peu épaisse, du côté, de la surface de la terre, à environ cent pieds d’élévation, et à quatre cent vingt pieds d’épaisseur à la profondeur de trois mille cent quatre-vingt-deux pieds… Il y a plusieurs autres failles dans la même montagne. Quelques-unes ont peu d’étendue.

Les mines métalliques présentent également des failles. Nous avons vu que les filons sont souvent coupés par des substances hétérogènes, qui coupent ou dévient le filon métallique…

L’origine des failles mérite une attention toute particulière de la part du géologue. Elles font un phénomène général assez difficile à expliquer.

On peut envisager la faille sous deux points de vue, comme je l’ai dit Théorie de la Terre, tome 5, page 186. a. Ou elle a été formée avec la masse des terrains dans lesquels elle se trouve.

Et alors, il faut l’envisager, ainsi que les filons, comme un effet de la cristallisation. Dans cette opinion, les substances forment la faille, se sont séparées par les lois des affinités, et ont formé cette espèce de filon au milieu des autres substances minérales, dont est composée cette montagne.

b. Ou la faille sera envisagée comme une espèce de fente qui se sera faite dans la montagne, et qui, postérieurement, aura été remplie par des causes secondaires…

. . . . . . . . . . . . . .

Pour éviter des répétitions, je renvoie à ce que j’ai dit ci-devant en parlant de l’origine des filons métalliques dans les terrains primitifs. Il me paraît probable qu’ils sont, en général, des effets de la cristallisation.

Quelquefois, néanmoins, ils ont pu avoir pour causes des fentes.


DE LA FORMATION DES CAVITÉS SOUTERRAINES DANS LES TERRAINS SECONDAIRES.


On observe, dans les terrains secondaires, ainsi que nous l’avons exposé, un grand nombre de cavités souterraines. On a donné le nom de cavernes ou grottes (tome 1) à quelques-unes.

D’autres cavités souterraines sont longitudinales : je les appelle fentes.

La formation de ces diverses cavités doit être attribuée à différentes causes.

1° La plupart de ces cavités sont postérieures à la formation de ces terrains secondaires. Elles sont dans des couches de pierres calcaires, de pierres gypseuses… Des portions terreuses qui n’avaient pas acquis la consistance pierreuse, en occupaient la place. Des eaux coulant intérieurement au milieu de ces terrains, délayaient ces terres, les entraînaient, et laissaient des espaces vides qui constituaient ces cavernes. On trouve, dans la plupart de ces cavernes, des courans d’eau.

Ces eaux allaient sortir, à l’extérieur, dans le flanc des montagnes, où elles formaient des fontaines plus ou moins considérables. La fontaine de Vaucluse, en sortant du sein de la terre, porte bateau ; et il a y en plusieurs qui sont dans le même cas.

D’autres fois ces eaux se rendent dans des cavités intérieures plus profondes, et vont sortir dans le sein des mers.

Peut-être quelques-unes se perdent-elles dans le sein du globe.

Les cavités, ou grottes, que Saussure a observées sur les bords de la mer, du côté de Gênes, lui ont paru avoir été creusées par les eaux de la mer.

2°. Des tremblemens de terre, des commotions souterraines… auront encore pu donner naissance à de pareilles cavités, en renversant des montagnes…

3°. Des affaissemens de terrains pourront produire les mêmes effets. Des masses de montagnes trop pesantes, des schistes qui se dessèchent… laisseront des espaces vides dans l’intérieur des montagnes.

4°. Quelques cavités auront pu être formées par de grandes masses cristallisées, solides, qui se seront précipitées. Elles auront laissé des espaces vides.

5°. Lorsque ces cavités auront beaucoup de longueur, et peu de largeur, elles prendront le nom de fentes. On en observe de semblables dans toutes les grandes carrières de pierres calcaires, de pierres gypseuses… Il y en a plusieurs dans les carrières ouvertes aux environs de Paris.

6°. Ces fentes peuvent s’étendre a de grandes distances, comme paraîtraient, l’indiquer les commotions souterraines.

7°. Enfin le refroidissement de la surface du globe, plus considérable que celui de son centre, a dû y produire des fentes et des cavités, comme nous l’avons dit ci-devant.


DES TERRAINS PRIMITIFS SUPERPOSÉS SUR DES TERRAINS SECONDAIRES.


Ce fait singulier, et qui paraît contraire à toutes les opinions géologiques qu’on croirait les mieux fondées, a été d’abord avancé par un savant distingué, Buch ; dans un voyage qu’il a fait en Norvège. (Journal des Mines, tome 30, page 405). Voici ce qu’il dit :

« Du côté de Christiania, il observa que le terrain est composé d’un gneis, qu’il regarde comme la plus ancienne formation et la base de tous les autres terrains dans le nord.

« Ce gneis est immédiatement recouvert par le thonschiefer, et le calcaire de transition. Mais dans l’intérieur de cette espèce de bassin de transition, on trouve une chaîne de petites montagnes de granit, qui s’élèvent à environ 750 mètres.

» Cette masse granitique, étant toujours séparée du gneis, on n’a pas de faits positifs pour juger de la superposition respective des deux roches. Mais l’auteur a de fortes raisons pour considérer le granit, comme le plus nouveau, et même comme faisant partie de la formation intermédiaires. Il a même quelques raisons de soupçonner qu’il pourrait bien reposer sur des schistes et des calcaires de transition. Cependant partout où il a vu la jonction de ces deux terrains, le granit était toujours inférieur. »

Ce granit est absolument semblable à celui de la plus ancienne formation. Il est à petits grains, composé de feldspath rouge de chair, ou blanc, d’un peu de quartz, et de petites lames de mica. »

« Le calcaire a tous les caractères assignés à celui de transition. Il est généralement noir, compacte, contient beaucoup d’orthoceratites, longues, quelquefois de plus d’un mètre, divisées en petites loges. On y voit aussi des madreporites, des trochites, des entrochites, des pectinites et quelques autres coquilles inconnues. On dit même qu’on y a trouvé une ammonite… »

Tel est le précis de l’observation de Buch.

Il convient qu’il n’a pas de faits positifs pour juger de la superposition respective de ces roches. De fortes raisons, néanmoins, le portent à croire que le granit est le plus nouveau.

D’ailleurs, il convient que dans toutes ces contrées, les terrains sont singulièrement mélangés de différentes roches.

Omalius de Halloy, a fait des observations analogues dans le Cotentin, en Normandie. Il a cru voir des granits posés au-dessus des terrains secondaires.

Bonnard, ingénieur des mines, a observé (Annales de Chimie et de Physique, tome 1, page 210).

1°. Que le granit de Freyberg, en Saxe, est le noyau sur lequel s’appuie le gneis, et les autres roches de ce canton.

2°. Que les roches appellées par les Allemands Weiss-tein, (pierre blanche), composées de feldspath… constituent une formation particulière inférieure au gneis.

3°. Que le granit de Dohna est supérieur à des schistes argileux, qui alternent avec des grauwacke, et qu’il est par conséquent d’une formation postérieure à celle de plusieurs roches de transition, qui, dans quelques circonstances et dans d’autres lieux, renferment des débris d’êtres organisés.

Tous ces faits que nous venons de rapporter concernant la prétendue superposition des terrains primitifs, au-dessus des terrains secondaires, s’ils étaient bien constatés, présenteraient différentes explications.

a. Ou on pourrait dire que ces granits et autres substances des terrains primitifs, ont été, à l’instant de leur formation, superposés sur les terrains secondaires.

b. Ou on pourrait dire que les masses de ces terrains, soit primitifs, soit secondaires, ont été culbutées par des commotions souterraines, de manière qu’en supposant que les terrains primitifs eussent été d’abord sous les secondaires, ils se fussent ensuite trouvés au-dessus.

c. Ou enfin on pourrait dire que ces terrains primitifs, ces granits, auraient été remaniés postérieurement par les eaux, et auraient éprouvé une nouvelle dissolution, et une nouvelle, cristallisation.

Cette troisième hypothèse ne paraît pas probable.

On pourrait plutôt supposer que des commotions souterraines ont culbuté ces terrains.

Mais auparavant que de prononcer sur ces faits, il faut voir de nouveau les terrains où on a cru les apercevoir, et bien examiner les circonstances… et s’assurer jusqu’à quel point ils sont fondés.


DES TERRAINS DE TRANSITION.


On observe entre les différentes masses qui composent la surface du globe, des terrains qui paraissent tenir aux deux terrains contigus. Ainsi, entre les terrains primitifs et les terrains secondaires, sont des terrains intermédiaires, qui ont des rapports avec les uns et les autres. Il y en a beaucoup à Sellemberg, en Saxe, dans la Tarantaise…

Werner a donné à ces terrains. le nom de transition, ou de terrains intermédiaires. (Urberg-gangs-gebirgsarten), ces terrains sont, suivant lui, composés de diverses substances.

a. De brèches et de pouddings, des substances minérales qui se trouvent dans les terrains primitifs, tels que granit, hornblende, grauwacke, serpentines, stéatites.

b. On y trouve également des calcaires, mélangés avec des schistes argileux, des stéatites…

c. Enfin, il s’y trouve des débris d’êtres organisés… tels que trochites, orthoceratites…

Ces idées de Werner sur ces terrains qu’il appelle de transition, ne me paraissent pas appuyées sur les faits ; car puisqu’ils contiennent des débris d’êtres organisés, ils rentrent dans la classe des terrains que nous appellons secondaires.


DE L’ACTION DES COURANS DES EAUX DES MERS À LA SURFACE DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les courans ont agi sur les terrains secondaires de la même manière qu’ils ont agi sur les terrains primitifs, et ils y ont produit des effet analogues ainsi que nous l’avons dit tome 1, page 94.

a. Ils en ont sillonné les plaines, et y ont creusé des vallées nouvelles. Ils ont élargi celles qui y avaient été formées antérieurement.

Enfin, ils ont dégradé plus ou moins les bases des montagnes.

b. Des terrains secondaires ainsi ravinés par les courans, présentent souvent aux deux côtés de la vallée et à la même hauteur, des couches analogues de substances semblables, soit calcaires, soit gypseuses, soit schisteuses, soit bitumineuses… et forment des angles rentrons égaux aux angles saillans.

c. Les angles saillans de ces terrains sont souvent opposés leurs angles rentrons.

Ceci s’observe particulièrement dans des plaines de terrains secondaires.

Mais on aurait tort d’en conclure que dans toutes les vallées il y ait des angles rentrans égaux aux angles saillans. Des savans ont dit que ce phénomène était un des principaux points, qui devait conduire le géologue. Bourguet a beaucoup insisté sur ce phénomène. Mais les observations ont prouvé qu’il y avait donné trop d’extension.

Dans les grandes masses des montagnes, il y a toujours, à la vérité, quelques vallées principales, où se rendent les eaux courantes, et qui sont les bassins des grands fleuges. C’est ce que l’on observe aux Alpes dans les bassins du Pô, du Rhin, du Danube… mais des vallées secondaires apportent leurs eaux dans ces vallées principales, et se trouvent le plus souvent aux lieux où auraient dû être des angles saillans ou rentrans…

Aussi des observateurs exacts, tels que Saussure… ont reconnu que Bourguet avait donné beaucoup trop d’étendue à cette cause, et que les angles rentrans et saillans étaient rarement égaux.


DE LA DÉGRADATION DES TERRAINS SECONDAIRES.


La dégradation des terrains secondaires est peut-être encore plus prompte et plus active que celle des terrains primitifs, et elle est opérée par les mêmes causes, les frimats, les neiges, les pluies… et principalement les eaux courantes.

Ces causes sont d’autant plus actives dans les terrains secondaires, que les substances dont ils sont composés ont moins de dureté que celles des terrains primitifs.


DE LA FORMATION DES MINES MÉTALLIQUES PAR TRANSPORT.


On appelle mines métalliques par transport celles qu’on suppose avoir été transportées par une cause quelconque, principalement par les eaux.

Les mines de fer des terrains secondaires, celles qui sont oxidées, telles que les ocres, celles qui sont phosphatés, telles que les limoneuses… ont été transportées par des courans. On les retrouve dans la plus grande partie des terrains secondaires, ainsi que nous l’avons vu.


DE LA FORMATION ET DU TRANSPORT DES BRÈCHES, POUDDINGS ET SABLES DES TERRAINS SECONDAIRES.


On trouve, dans les terrains secondaires, des quantités considérables de brèches, de pouddings et de sables formés par l’action des eaux.

La formation de ces brèches, de ces pouddings, de ces sables… est due aux mêmes causes que dans les terrains primitifs.

Des portions pierreuses des montagnes secondaires sont détachées, et ensuite agglutinées, par un ciment lapidifique quelconque, Lorsque ces morceaux détachés conservent leurs angles, ce sont les brèches.

S’ils ont été roulés et arrondis, ils forment les pouddings.

Ces pouddings sont le plus souvent formés de silex assez durs pour n’être pas réduits en sable ou en poussière. Ces pouddings siliceux sont très-communs aux environs de Paris, à Nemours…

Et enfin, si ces morceaux détachés sont réduits en petites parties, ce sont les sables d’alluvion.

Les sables sont amassés en quantités immenses dans les terrains secondaires, ainsi que nous l’avons rapporté.

Werner a parlé d’une formation particulière de grès, qu’il appelle grès rouge, qui se trouve dans les terrains secondaires les plus anciens. Cette couleur rouge est sans doute due à des ocres de fer.

On peut donc supposer que ces grès rouges proviennent de débris des mines ocreuses ferrugineuses qui ont été charriées et déposées par des courans.

Ces sables secondaires des plaines sont souvent charriés par les vents, et sont transportés à de grandes distances. Ceux de la Lybie sont charriés par les vents d’ouest : ils encombrent la vallée du Nil… et vont jusqu’à la mer Rouge…

On sait qu’il arrive quelquefois que des caravannes sont ensevelies sous les mers de Sable.

Les sables des terrains secondaires peuvent avoir été formés par deux procédés différens.

a. Les uns l’ont été, comme les pouddings, et sont réduits en petites parties par le frottement.

b. Les autres sont le produit d’une cristallisation grenue, opérée dans le sein des eaux des mers.


DU TRANSPORT DES MASSES GRANITIQUES SUR LES TERRAINS SECONDAIRES.

Nous avons vu (tome 1) qu’on trouve sur les terrains secondaires des masses granitiques plus ou moins considérables. Les causes qui ont pu les y transporter sont assez difficiles à assigner.

Voici les faits dont il ne faut point s’écarter dans la recherche de ces causes :

1°. Plusieurs de ces masses granitiques, telle que celle qui a servi à élever un monument à Pierre Ier, sont d’un volume immense et d’un poids énorme. Cette dernière avait trente à quarante mille pieds cubes. Son poids était de plus de six millions de livres.

2°. La plus grande partie de ces masses granitiques sont d’un assez petit volume.

3°. Elles sont usées par le frottement, et arrondies, comme les galets des attérissemens.

4°. Quelques-unes, cependant, ne sont point arrondies, telle que celle que j’ai vue du côté de Pontarlier.

5°. Ces masses sont ordinairement à la surface de la terre. Quelques autres sont plus ou moins enfoncées.

6°. Elles sont le plus souvent sur des substances calcaires.

7°. Enfin elles sont à une distance plus ou moins considérable des chaînes des terrains primitifs, quelquefois à plus de vingt lieues.

On peut tirer de ces faits les conséquences suivantes :

a. Le transport de ces masses granitiques, sur les terrains secondaires, a donc été opéré postérieurement à la formation des dernières couches secondaires.

b. Ce transport a été fait par les eaux, puisque le plus grand nombre de ces masses est roulé.

D’où il faut conclure qu’à cette époque les eaux étaient au moins à la hauteur où on trouve ces masses.

Mais quelles sont les eaux qui ont charrié ces masses ?

Ferber attribue ce transport des masses granitiques au cours des fleuves. En parlant des blocs granitiques déposés sur les montagnes calcaires de l’état vénitien, il dit : « Comment ces roches détachées peuvent-elles avoir été portées où on les voit ? Elles sont semblables, il est vrai, à celles qu’entraînent dans leur cours l’Adige et la Brenta en traversant les montagnes du Tyrol. Mais ces rivières ont-elles pu, dans leur état actuel, déposer ces roches roulées en des lieux élevés aujourd’hui de quelques pieds au-dessus de leur lit… Cela paraît impossible… Il est donc plus naturel de croire que l’Adige et la Brenta avaient autrefois leurs cours à cette hauteur. Le cours de leurs eaux a peut-être suffi pour couper et percer des vallons fort au-dessus de ceux qu’elles arrosaient (Ferber, Lettres sur l’Italie, page 56). »

Il ne paraît pas que les eaux des fleuves aient pu produire des effets aussi considérables.

Il n’y a que les eaux des mers, ou des lacs immenses, qui aient été capables de déplacer des masses aussi pesantes.

Les nouvelles expériences de Bremontier, rapportées dans le Journal de Physique (tome 79, page 73) font voir la force prodigieuse des lames des grandes masses d’eaux. Il a exposé à l’impétuosité des ondes de la mer, auprès de Saint-Jean-de-Luz, des pierres du poids de mille livres, et de douze cents livres. La force des lames les souleva et les déplaça.

Les lames, dans ces cantons, ne s’élèvent que de quelques pieds.

Mais, dans d’autres parages, comme à Saint-Malo, elles s’élèvent jusqu’à quarante et cinquante pieds. Quelle force ne doivent-elles donc pas avoir ?

On doit donc supposer que dans tous les lieux où on trouve de ces grandes masses granitiques, déposées sur les terrains secondaires, il y a eu des agitations violentes de grandes masses d’eau ; les lames ont eu assez de force pour détacher ces masses et les transporter à des distances plus ou moins considérables.

Les masses, par exemple, que j’ai observées sur le Jura, du côté de Pontarlier, ont dû être apportées ou des chaînes du Mont-Blanc, et elles auraient été obligées de traverser une grande étendue de terrain.

Ou elles auraient été détachées du Saint-Bernard, ou du Saint-Gothard, et elles auraient traversé la vallée de Sion, celle du lac Léman.

Linné avait déjà reconnu que le transport de ces masses granitiques avait été opéré par les eaux des mers. En parlant d’une grosse roche micacée que l’on observe près Hoburg, en Gothlande, il dit : « Lapis ingens micaceus, in distantia quadruntis milliaris ab Hoburgo conspiciendus gravior est, quam ut hominum virbus potuisset moveri. Nec tamen in loco sua natali jacet. Nam hic mm reperitur materia ei generando apta : Undex colligitur eum maris alluvio fuisse hic deportatum ex sulta vel Moscovia, quum adhuc salso submersa esset Gothlandia (Linn. De Telluris incremento § 39).

Linné reconnaît que cette grosse roche micacée avait été transportée à l’époque où la mer couvrait encore ces terrains.

On pourrait encore supposer que quelques-uns de ces transports ont été les effets des commotions souterraines. Elles sont quelquefois assez fortes pour transporter jusqu’à la distance d’une lieue et plus, des masses immenses de terrains d’une profondeur considérable, et contenant plusieurs arpens de superficie, comme il est arrivé en Calabre dans le tremblement de 1783.

Mais ces cas seront arrivés rarement. D’ailleurs le plus grand nombre de ces masses est arrondi, roulé, ce qui suppose qu’elles ont été exposées à l’action des eaux.


DE LA COMPOSITION DES TERRAINS FORMÉS DANS LES EAUX DOUCES.


Plusieurs terrains secondaires ont été formés dans des lacs ou amas particuliers d’eaux douces, ainsi que je l’ai dit Théorie de la Terre, tome 5, page 137.

« L’acide boracique, par exemple, disais-je, ne se trouve que dans les lagonis du Thibet ou ceux de la Toscane. Au moins les naturalistes ne l’ont-ils pas encore observé ailleurs. Ces lacs contiennent en même tems beaucoup d’acide sulfureux, qui, passant à l’état d’acide sulfurique, dissoudra la terre calcaire, et formera du gypse.

« L’acide boracique dissoudra en même tems de la magnésie, et une portion des terres calcaires, dont il formera des boracites.

« Ces deux substances cristalliseront simultanément dans le même liquide.

« On sent qu’il peut se former de cette manière, dans les lagonis du Thibet, et dans ceux de Toscane, des couches gypseuses très-étendues, au milieu desquelles se trouveront des cristaux de spath boracique. »

J’ai rapporté dans le même endroit divers autres exemples des cristallisations minérales opérées dans des lacs d’eau douce.

Enfin il est certain, disais-je, qu’un grand nombre de phénomènes géologiques ont été opérés dans des lacs.

Depuis cette époque, les géologues se sont beaucoup occupés de la formation des terrains dans les eaux douces

Lamanon avait déjà dit que les plâtres de Montmartre avaient été formés dans un lac d’eau douce, parce qu’il y avait observé, disait-il, des coquilles fluviatiles, telles que des planorbes… (Journal de physique, tom. 18.)

Coupé a également observé, dans des terrains des environs de Paris, beaucoup de coquilles fluviatiles, telles que des limnées, des planorbes, soit siliceux, soit à l’état terreux… d’où il avait conclu qu’ils avaient été formés dans des lacs d’eau douce.

Ces terrains sont à l’ouest de Paris et à la surface, mais il n’en a point observé à Montmartre. Ce lac d’eau douce y avait été formé après la retraite. des mers, et il ne couvrait point. Montmartre.

Bigot-de Morose a observé dans les environs d’Orléans les mêmes coquilles fluviatiles… mais il a reconnu que ces terrains avaient été le fond d’un lac d’eau douce.

Cuvier et Brogniard ont prétendu avec Lamanon, que la butte de Montmartre et quelques terrains des environs, avaient été formés dans un lac d’eau douce, parce qu’ils y avaient trouvé un ciclostome terrestre. Mais j’ai fait voir que les couches supérieures de Montmartre, celles de grès, contenant une grande quantité de coquilles marines, il n’est pas probable que les couches inférieures aient été formées dans les eaux douces. Ce ciclostome y aura été apporté par des eaux courantes, comme les grands os des fossiles des continens qui s’y trouvent, les palocthérium, les anoplothérium, les marmoses…

Ces mêmes savans, Cuvier et Brogniard, ont cru reconnaître des coquilles fluviatiles dans plusieurs autres endroits de la, France, d’où ils ont conclu également que ces différens terrains avaient aussi été formés dans les eaux douces.

Plusieurs autres naturalistes ont aussi vu des coquilles d’eau douce dans différens endroits. Passinge en a observé auprès de Roanne ; Faujas auprès du Mayence ; Breislac, dans les Apennins ; Omalius, du côté de Rome, d’Ulm et de Nevers ; Daudebert du Ferrusac, dans la Silésie, Le Quercy, l’Agenois, en Espagne ; Bosc, en Espagne, Risso auprès de Nice…

Il est donc certain qu’on trouve des coquilles fluviatiles à l’état fossile, en plusieurs endroits. Par conséquent il est probable que quelques-uns de ces lieux ont pu avoir été les bassins d’eau douce. Certainement il se forme encore journellement des terrains dans des lacs d’eau douce, tels que les grands lacs de l’Amérique septentrionale, ceux de l’Asie… Lorsque ces lacs seront desséchés en partie, ou en totalité, on y trouvera fossiles les coquilles fluviatiles qui y vivaient.

Mais on a voulu déduire de ces faits, que les terrains qui renferment des coquilles fluviatiles ont été toujours formés dans des lacs d’eaux douces. Il m’a paru que cette conclusion est trop générale, et j’ai dit (Journal de Physique, tome 77) que des coquilles fluviatiles pouvaient avoir été transportées dans des terrains formés dans le sein des mers, par les fleuves qui y portent leurs eaux, et que par conséquent quelques coquilles fluviatiles, trouvées dans un terrain, ne prouvaient pas que ce terrain eût été formé dans les eaux douces.

Les eaux de la Seine, par exemple, peuvent porter dans la mer, au Havre, des planorbes, des lymnées… dans les terrains qui s’y forment…

J’ai également fait voir dans le même journal qu’on pouvait trouver des coquilles marines dans des terrains formés dans les eaux douces, par exemple dans le lac de Genève.


DE LA FORMATION DES TERRAINS D’ALLUVION PAR LES FLEUVES.


On observe des quantités plus ou moins considérables de galets et de sables dans toutes les plaines qui sont traversées par des courans, par des fleuves…

Ces débris se présentent sous différens états.

1°. Ils sont des galets d’un assez gros volume dans les gorges des hautes montagnes.

2°. Leur volume diminue dans les vallées inférieures, parce que le frottement les use.

3°. Enfin ils sont réduits en parcelles plus ou moins tenues, en sables, en limons.

4°. Où il sont à l’état terreux.

Ces terrains d’alluvion ressemblent, jusqu’à un certain point, à certains terrains secondaires, qui ont été dégradés par les eaux des mers, et dont nous avons parlé précédemment.

Mais ils en diffèrent par ce qu’ils ne contiennent point de coquilles marines.


DE LA FORMATION DES BRÈCHES ET POUDDINGS DES TERRAINS D’ALLUVION.


Parmi les quantités considérables de pierres des terrains d’alluvion, les unes sont anguleuses, les autres sont arrondies. Elles sont souvent réunies par un ciment quelconque : c’est ce qui forme les brèches et les pouddings qui varient et à raison de la nature des pierres agglutinées, et à raison du ciment qui les agglutine.

Ces brèches et pouddings se rencontrent dans différens terrains primitifs ou secondaires, traversés par les courans.


DE LA FORMATION DES LIMONS.


Quelquefois ces brèches ou pouddings sont réduits à l’état terreux, et forment les limons[30]. Ces limons s’observent surtout dans les bassins des eaux qui coulent sur des fonds argileux, tels que la Charente, la Marne, la Saône…

Le bassin du Nil, la Basse Égypte, ou Delta, contiennent des quantités considérables de limons connus sous le nom de terre du Nil.

Ces limons sont de différentes natures, suivant celle des terrains qui servent de bassins à ces fleuves.


DE LA FORMATION DES SABLES DES TERRAINS D’ALLUVION.


Lorsque ces débris sont réduits en petites parties, ils forment des sables.

On trouve des quantités immenses de sable dans les terrains d’alluvion. C’est ce qu’on observe dans les bassins de tous les grands fleuves qui viennent des terrains primitifs, et principalement à leur embouchure dans les mers. Le Rhin et la Meuse déposent une si grande quantité de sable, que leurs eaux s’y perdent en partie avant que d’arriver à la mer. Toutes les mèrs des côtes de Hollande en sont tellement encombrées, que la navigation y est très-difficile, et y deviendra peut-être impossible dans quelques siècles : on a déjà beaucoup de peine à naviguer dans le Zuydersée.

Les embouchures du Véser, de l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule… présentent les mêmes phénomènes. Elles sont encombrées par des amas considérables de sable.

Ces sables s’amoncèlent sur les côtes de ces mers, et forment des bancs de sable qui se prolongent plus ou moins loin.

Les mêmes phénomènes s’observent aux embouchures du Rhône, de l’Adour, de la Garonne, de la Loire…

Il faut distinguer soigneusement ces sables d’alluvion de ceux qui ont été formés dans les terrains secondaires. Ces derniers, tels que ceux qu’on observe dans les environs de Paris, à Ménil-Montant, à Montmartre… sont déposés par couches régulières, alternant avec des couches d’autres substances… Ils sont remplis de coquilles marines… Ceci indique qu’ils ont été déposés dans le sein des mers par une cristallisation grenue

Les sables d’alluvion sont au contraire des débris des montagnes primitives. On ne les trouve que dans des bassins des fleuves qui descendent de ces montagnes, tels que le Rhin, la Loire, la Garonne, l’Adour, le Rhône.

Les fleuves qui parcourent des terrains secondaires, tels que la Marne, la Seine, la Saône… ne contiennent que des terres argileuses, des limons…


DE LA FORMATION DES MONTICULES D’ALLUVION, OU TERTIAIRES[31] DES VALLÉES ET DES PLAINES.


Quelquefois les substances que les alluvions ont entraînées à des distances plus ou moins considérables, se sont amoncelées çà et là, et ont formé des monticules, des vallées et des plaines.

La plaine de la Camarque, à l’embouchure du Rhône, a été formée par les matières d’alluvion charriées par ce fleuve.

À l’embouchure du fleuve des Amazones, il y a un grand nombre d’îles et de monticules formées par les mêmes atterrissemens.

On observe également, à l’embouchure du Mississipi, du Saint-Laurent… des sables, des galets amoncelés.

Le grand banc de Terre-Neuve paraît un amas formé par ces atterrissemens du golfe Strimme.

Les dégradations qu’on observe principalement dans les terrains secondaires sont si considérables, que plusieurs géologue ont, pour les expliquer, supposé qu’il est arrivé à la surface du globe différentes catastrophes, à diverses époques.

Les uns ont supposé des catastrophes particulières, l’irruption, par exemple, des eaux de la mer Noire, ou Pont-Euxin, qui aurait rompu ses digues au détroit de l’Hellespont, et aurait inondé toutes les côtes de la Méditerranée.

D’autres savans ont supposé des catastrophes générales, telles qu’une inondation générale, l’action d’une grosse comète, qui aurait passé auprès du globe terrestre…

Nous parlerons ailleurs de ces hypothèses.

Mais nous n’avons point assez de faits constatés pour prononcer sur ces catastrophes. Les faits historiques nous disent que depuis trois à quatre mille ans, il n’y a point eu, à la surface du globe, de catastrophes un peu considérables. Les histoires des anciens peuples, tels que les Chinois, les Hindoux, les Perses, les Assyriens, les Égyptiens, nous font voir que leurs villes, Nankin, Benarès, Persépolis, Babylone (les vestiges), Jérusalem, Thèbes (d’Égypte)… sont toujours dans leur ancienne position. Les eaux des mers sont à la même hauteur sur ces côtes. C’est ce qui est bien constaté au cap Comorin, dans la golfe Persique, à Alexandrie, à Marseille…

Des traditions plus anciennes, qui remonteraient à dix à onze mille ans, suivant Platon, nous parlent d’une catastrophe considérable qui aurait fait disparaître l’immense île Atlantique (suivant le récit qu’un prêtre de Saïs fit à Platon). Mais ce récit de Platon n’est pas appuyé sur des preuves suffisantes.

Quelques faits géologiques paraissent indiquer des retraites subites des eaux des mers, tels sont ceux rapportés par Fleuriau de Bellevue (Journal de Physique, tome 78) ; mais nous parlerons ailleurs de tous ces faits et de toutes ces théories.




  1. Voir ce. que j’ai dit Journal de Physique, tom. 71, pag. 197 et 283.
  2. Leçons de Minéralogie, tom. 2
  3. Voir mon Mémoire sur la formation de la craie, Journal de Physique, décembre 1814, tome 79.
  4. Théorie de la Terre
  5. Journal de Physique, tom. 32, pag 241.
  6. Journ. de Phys., tom. 63.
  7. Leçon de Minéralogie, tom. 2, pag 177.
  8. Voir mon Mémoire sur les cristallisations du grès, Journal de Physique, tom. 79.
  9. Voir mon Mémoire sur la formation des houilles et des substances bitumineuses. Journal de Physique, tom. 78, p. 241, année 1814.
  10. Genetté.
  11. Le pied liégeois est de dix pouces, et la toise de sept pieds.
  12. Théorie de la Terre
  13. Leçons de Minéralogie, tom. I
  14. Traduction française de ses œuvres, tom. 2, pag. 452.
  15. Génetté, Mémoire sur les houilles.
    Deluc, Journal de Physique, tom. 38, pag. 186, parle de pareilles tourbes.
  16. Journal de Physique, tom. 63, pag. 337.
  17. Journal de Physique, tom. 39, pag. 365.
  18. Journal de Physique, tom. 63, pag. 335.
  19. Journal de Physique, tom. 63, pag. 320.
  20. Leçons de Minéralogie, tom. 1.
  21. Transactions philosophiques de Londres. Journal de Physique, tom. 64, pag. 405.
  22. Expériences qui montrent combien la compression peut modifier l’action de la chaleur, page 180.
  23. Description d’une suite d’expériences qui montrent comment la compression peut modifier l’action de la chaleur, par Sir James Hall.
  24. Tome 1, pages 79 et 141.
  25. Catalogue de Mlle. de Raab, tom. 1, pag. 463.
  26. Leçons de Minéralogie.
  27. Mémoire de Daubuisson, Journal de Physique, tom. 68, p. 300.
  28. Description d’une suite d’expériences, par Sir James Hall.
  29. Hall, Expérience de l’action sur l’action de la chaleur, pag. 226.
  30. Voir mes Leçons de Minéralogie.
  31. Pallas a donné la ces montagnes le nom de tertiaires. Observations sur la formation des montagnes, pag. 68.