Leçons de géologie (Delamétherie)/Tome III/Section onzième

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DES CATACLYSMES DU GLOBE TERRESTRE, OU DES CATASTROPHES QUI LUI SONT ARRIVÉES ET QUI PEUVENT LUI ARRIVER.


La plus grande partie des peuples anciens admettait, des cataclysmes, c’est-à-dire des révolutions périodiques arrivées à notre globe. Ils avaient été exposés alternativement à des déluges, et aux explosions des feux souterrains qui renversaient leurs habitations. Ils retrouvaient partout des traces non équivoques, et de ces feux souterrains, tels que des cratères, des laves… et du séjour des eaux, comme des coquilles sur les plus hautes montagnes… Ils en avaient conclu qu’il était arrivé successivement la notre globe un grand nombre de révolutions, causées tantôt par le feu, tantôt par l’eau.

Ces idées se retrouvent particulièrement chez les peuples qui habitaient les rives de la Méditerranée et de la Caspienne, parce qu’ils avaient essuyé, comme nous l’avons vu, des déluges d’un côté, et que de l’autre ils n’étaient pas moins exposés aux secousses terribles des feux souterrains, et des tremblemens de terre si fréquens sur les côtes de Syrie, dans les îles de l’Archipel, du côté du mont Ararath…

Enfin ces mêmes opinions ont été soutenues par les plus beaux génies de l’antiquité ; les prêtres égyptiens, les sages de l’Inde, et les plus célèbres philosophes de la Grèce, ainsi que par plusieurs savans modernes.

Cette doctrine était généralement admise par les Égyptiens. Les prêtres de Saïs disaient à Platon : « le genre humain a déjà été détruit plusieurs fois par des déluges… »

Mais ces prêtres, et les philosophes, qui étaient les mêmes à cette époque, allaient encore plus loin. Ils croyaient que ces événemens arrivaient à des périodes réglées, et que chaque période était déterminée par un certain nombre d’années. Ils assuraient que ce tems expiré, un nouvel ordre d’événemens, semblables aux précédens, recommençait. Plusieurs philosophes donnèrent le non de grande année à cet intervalle de tems, dans lequel s’opéraient d’aussi grands phénomènes.

On soupçonne que la période de 36,525 ans, dont parle Manethon, est une de ces grandes années.

L’histoire du serpent Python, rappelle l’idée d’un déluge. Il est enfin tué par Osiris, ou le dieu du Soleil ; ce qui signifie que la chaleur fit évaporer les eaux, et que les continens se découvrirent.

Les phéniciens avaient à peu près la même doctrine : ils pensaient qu’il y avait eu successivement sur la terre des incendies et des déluges. Eusèbe (Préparations Évangéliques, liv. I, chap. X), rapporte leur doctrine d’après Sanchoniaton. Ils croyaient que les terres et les mers avaient été enflammées… que des grands vents et des nuages succédèrent, et qu’il tomba beaucoup d’eau… Cum igneum splendorem cer emississet, ex ardenti matis ac terrarum inflamationne, venti, nubes… extitere

Toutes leurs fêtes rappellaient ces idées d’une manière allégorique.

Le Phénix, qui périt sur un bûcher et renaît de ses propres cendres, indiquait la fin d’un de ces grands événemens opérés par le feu, et le commencement d’un autre.

Le feu sacré, qui s’éteignait et se rallumait, signifiait la même chose.

Prométhé, après le déluge qui porte son nom, fût dérober le feu du ciel, pour le rallumer sur la terre… C’est le feu ou la chaleur du Soleil, qui vient réchauffer la terre, après qu’elle a été inondée.

On croit que la fête de la mort d’Adonis, chéri par Venus, déesse de la reproduction, indiquait la fin d’un cataclysme, et le renouvellement d’un autre.

Les peuples de la Toscane avaient les mêmes opinions. C’est ce que Plutarque expose clairement dans la vie de Sylla. Il rapporte différens phénomènes extraordinaires qui arrivèrent à l’instant qu’éclata la guerre civile entre Marius et Sylla. On fut consulter les devins de Toscane, et voici la réponse qu’ils firent :

« Sur quoi les savans devins de Toscane enquis, dit Plutarque, répondirent que ce tant étrange signe dénonçait la mutation du monde et le passage à un autre âge, parce qu’ils tiennent qu’il doit y en avoir huit, tous différens les uns des autres, en mœurs, et en façon de vivre ; à chacun desquels, disent-ils, Dieu a préci certain terme de la durée. mais que tous viennent à finir leur cours dans la révolution d’un grand an : et que quand l’un est prêt à finir, l’autre est prêt à recommencer, il se fait ainsi quelques merveilleux et étranges signes en la terre et au ciel, de manière que ceux qui ont étudié en cette science là, connaissaient incontinent clairement, qu’il était né des hommes tout différens, des précédents, en leurs vies ou leurs mœurs. »

Ce passage de Plutarque indique la doctrine des anciens sur les cataclysmes, ou révolutions qu’ils croyaient être arrivés au globe, et celles qu’ils pensaient qui lui arriveraient dans la suite des tems. Ils donnaient à cet intervalle de durée le nom de grande année.

Les Hindoux ont également admis des cataclysmes. Nous allons rapporter ce qu’en dit un de leurs livres sacrés, la Bagavadam (traduction française, page 67). Le sage y parle de quatre grandes périodes ou âges du monde.

« Je vous ai dit qu’un an de l’homme (composé de 360 jours), n’est qu’un jour aux dieux. Ainsi 360 années vulgaires ne forment qu’une année des dieux.

« Une période de 4000 ans divins, se nomme credayougam. Il faut y joindre 800 ans divins intermédiaires.

« (Ce premier âge est par conséquant de 1,728,000 années ordinaires).

« Le second âge, composé de 3000 ans divins, est appellé teradayougam. Il a 6000 années intermédiaires.

« (Ce second âge comprend 1,296,000 années communes).

« Le troisième âge est composé de 2000 ans divins ; il se nomme tovabarayougam. Il a 400 années intermédiaires.

« (Ce troisième âge comprend 864,000 années communes).

Le quatrième âge, nommé calyougam, dure 1000 ans divins, et il y en a 200 intermédiaires.

« (La durée de cet âge est de 432,000 années communes.)

« Ces âges réunis embrassent 12,000 ans divins ou 442,000,000 années communes), et se nomment muhayougam, ou sadyriougam.

Une révolution de mille sadyriyougam forme pour Brahama un jour du matin au soir. Sa nuit venue, ce dieu se repose. Pendant son sommeil l’univers est submergé, et comme détruit par un déluge universel.

» Quatorze grandes dynasties périodiques paraissent et finissent successivement avant la nuit et le repos de Brahama. Ainsi la durée de chacune de ces dynasties est environ de soixante-onze sadyriyougam (ou 852,000 ans divins). La septième de ces dynasties dure encore.

Un an de Brahama est composé. de 360 de ces jours, et de nuits semblables.

Cent de ces années font l’âge complet de ce dieu, ou de sa grande ère (qui est de 864,000,000,00 ans divins, dont la moitié, ou 432,000,000,00, c’est-à-dire 155,520,000,000,000 années communes, s’est écoulée). C’est au commencement de la seconde partie de cette année que Vichnou se transforma en sanglier.

Vichnou a subi dix-neuf transformations.

Dans la seconde il parut sous la forme de sanglier, qui, avec ses défenses, souleva la terre submergée par les eaux. (Ibidem page 12.) et page 74. Il est dit « Vichnou souleva la terre avec les pointes de ses défenses, et la posant sur les eaux, comme elle était jadis, il plaça des chaînes de montagnes pour la tenir en équilibre. »

« L’ère de Brahama révolue, le soleil et la lune s’obscurciront, d’épaisses ténèbres couvriront les globes, Vichnou seul éclairera tout ; il est la lumière par essence. Le serpent à mille têtes Atyséchen, vomira son feu, qui consumant tous les globes, les réduira en cendres. Un vent furieux s’élèvera Les mers franchissant leurs bornes, ouvriront les trois mondes, le ciel, la terre et l’abîme, pris collectivement. »

Quelque idée qu’on ait de toute cette doctrine, on y retrouve toujours cette succession de déluges et d’emhrasemens, ou incendies du globe terrestre.

L’Ezourve dam, autre livre sacré des Hindoux, parle également de plusieurs déluges (tom. 1, page 188, traduction française.)

« On doit d’abord distinguer quatre différens âges : à la fin de chaque âge tout périt, tout est submergé ; c’est pourquoi on a donné au pesage d’un âge à l’autre le non de déluge.


« Dieu créa d’abord le tems, et rien de plus. Il créa ensuite si l’eau et la terre. Il vit ne la terre était toute submergée, et qu’elle n’était encore habitée par aucun être qui eût vie ; il ordonna donc que les eaux se retirassent d’un côté, et que la terre devint stable et solide. »

Au milieu de la terre est la plus grande des montagnes, qui s’appelle Merou.

Le Schaster, autre livre sacré des Hindoux, contient la même doctrine, Il admet quatre âges du monde.

Premier âge. Dieu créa quatre élémens, la terre, l’air, le feu et l’eau… il souffla avec un grand roseau sur les eaux, qui, s’élevant en un rond de la figure d’un œuf, formèrent le firmament. De la terre et de l’humidité qui resta il fit une boule, dont les parties solides constituèrent la terre, et les liquides les mers… Les hommes se corrompirent… Dieu irrité voulut les détruire… Les cieux se couvrirent d’obscurité… Les mers irritées franchirent leurs barrières ; inondèrent la terre, et engloutirent tout le genre humain.

Deuxième âge. Dieu créa de nouveaux hommes, qui devinrent également méchans… Les vents sortirent avec violence de leurs prisons souterraines, firent trembler le monde, les montagnes s’écroulèrent… Cette horrible tempête fit périr toute la race humaine, à la réserve d’un petit nombre d’élus.

Troisième âge. Les hommes, d’abord justes, se corrompirent de nouveau. Dieu irrité fit entr’ouvrir la terre qui les engloutit tous vifs.

Quatrième âge. C’est l’âge présent, qui finira par la destruction du monde, qui doit s’opérer par le feu. Extrait du Bhaguet Geeta, traduction Française.

À ces quatre âges des philosophes Hindoux, correspondent les quatre siècles qu’ont supposés les philosophes de la Grèce, tels qu’Hésiode.

1°. Siècle d’or.

2°. Siècle d’argent.

3°. Siècle d’airain.

4°. Siècle de fer.

Les Chaldéens pensaient comme tous les peuples anciens sur les cataclysmes arrivés en notre globe. Sénèque rapporte l’opinion de Bélus à cet égard (chap. XXIX, lib. III, des Questions Naturelles). Je vais transcrire un passage qui est fort curieux, parce qu’il nous donne l’opinion de Belus, un grand astronome, sur la cause de ces révolutions. Senèque commence à rechercher les cause du déluge, et il dit :

« Quelle sera la cause de ce désastre ? La même qui doit produire la déflagration universelle. Le déluge d’eau ou de feu arrive quand un ordre plus parfait de choses recommence, et met fin à l’ancien. Le feu et l’eau sont les arbitres souverains de la terre ; c’est à ces deux élémens qu’elle doit son commencement et sa fin. Lors donc que l’univers veut se renouveller, il se sert de la mer, qu’il envoie contre nous, ou de l’action du feu, quand il préfère un autre moyen de destruction. »

« Bérose, l’interprète de Bélus, dit que ces grandes révolutions sont amenées par le cours des astres. Il en est si sûr qu’il fixe même le tems de sa flagration et du déluge futur. Il dit que la terre sera réduite en cendres, quand tous les astres, qui suivent aujourd’hui des routes différentes (les planètes) seront réunis dans les signes du cancer, et placés les uns sous les autres, tellement que la même ligne droite traverse tous les centres. Il ajoute que l’inondation générale aura lieu quand la même multitude de ces astres sera rassemblée dans le capricorne. Le premier de ces signes préside au solstice d’été, le second au solstice d’hiver, et l’on ne peut pas douter qu’ils n’aient tous deux une grande influence sur la marche de la nature, puisque d’eux dépendent toutes les révolutions de l’année. »

« En admettant la cause alléguée par Berose, comme une seule ne suffit pas pour un tel événement, je crois devoir y ajouter celle que les stoïciens font intervenir pour la déflagration du monde. Soit qu’on regarde l’univers comme une âme (animan) ou comme un corps animé, gouverné par la-nature sur les modèles des arbres et des plantes, il renferme en lui-même le principes des révolutions actives ou passives, par lesquelles il doit passer depuis son commencement jusqu’à sa destruction, de même que le germe de l’homme comprend en petit toutes les parties du corps qui doit un jour se développer. L’enfant a, dès le sein de sa mère, les principes de la barbe et des cheveux blancs. Un mélange imperceptible renferme les traits primitifs, non seulement du corps entier, mais des générations successives, qui en doivent naître. Ainsi le monde, dès son origine, contenait, non seulement le soleil, la lune, la vissicitude des astres, la naissance des animaux, mais encore les causes du changement futur de la terre. Parmi ces causes étaient les inondations, aussi conséquentes aux lois du monde que l’hiver. et l’été. »,

Le même philosophe dit (liv. III, chap. XXVIII, des Questions Naturelles). « Les déluges d’eau ou de feu arrivent quand il plaît à dieu de recommencer un ordre plus : parfait de choses, et de mettre fin à l’ancien : le feu et l’eau sont les arbitres, souverains de la terre. C’est à ces deux élémens qu’elle doit son commencement et sa fin. Lors donc que l’univers veut se renouveller, il se sert de la mer, qu’il envoie contre nous, ou de l’action du feu, quand il préfère un autre moyen de destruction. »

Les mêmes idées se retrouvent chez tous les peuples. Boulanger, et plusieurs autres auteurs, ont fait voir que la plupart des rites religieux, et des fêtes célébrées par les différentes nations, n’avaient pour objet que de rappeler l’histoire du déluge. (Antiquité dévoilée, par Boulanger).

Il y a de ces fêtes chez les Persans, les Chinois, les Japonais, les habitans du Brésil.

Les peuples les moins civilisés ont également la croyance d’un déluge. « Après une longue révolution de siècles entassés, disent les Groenlandais, suivant Crantz, le genre humain disparaîtra de dessus la surface du monde ; le globe terrestre sera dissous et mis en pièces ; mais enfin il sera purifié du sang des morts par une vaste inondation. Un vent séchera cette poussière bien lavée, la raménera dans les airs, et la remettra dans une forme plus belle qu’auparavant. Dès lors, on ne verra plus de rochers nus et décharnés, et toute la terre ne sera qu’une plaine riante, toujours couverte de verdure et de délices ». Histoire des Voyages, tome XIX, in-4o, page 105.

Cet accord unanime de tous les peuples, pour admettre ces cataclysmes, ou ces déluges et conflagrations successives de notre globe, doit fixer l’attention du philosophe. Il y aura d’autant plus d’égard qu’il n’est pas douteux que les anciens sages ne fussent très-instruits dans les faits de la nature ; ce qui doit faire présumer qu’ils n’avaient pas adopté ces opinions, sans des motifs puissans.

Cependant nous ne pouvons, ni ne devons admettre leurs sentimens, qu’autant qu’ils sont conformes aux faits que nous connaissons, ou que les effets qu’ils disent être arrivés, ou devoir arriver, seraient une suite des causes physiques qui régissent l’univers.

Or, aucun fait historique, ou pris dans la nature, n’indique cette succession régulière des cataclysmes, ou de révolutions périodiques, dans les phénomènes que nous observons à la surface du globe. Nous avons des preuves innombrables qu’elle a éprouvé de grandes altérations, soit par des déluges particuliers, soit par l’action des feux souterrains. Mais rien ne constate que ces événemens aient été assujétis à des période régulières.

D’ailleurs, tous les événemens de ce genre, dont parlent les anciens, paraissent être des événemens locaux pour quelques contrées, et n’avoir pas agi sur la masse générale du globe.

D’un autre côté, nous n’entrevoyons aucune cause physique, qui ait pu produire de pareilles révolutions, lesquelles se seraient succédées aussi régulièrement. Par conséquent, sans nier absolument que ces cataclysmes aient eu lieu, et qu’ils puissent encore arriver, nous dirons que nous ne pouvons les admettre, parce qu’ils sont contraires aux probabilités.

Car la conjonction des astres, ou planètes, au signe du Cancer, qui est le tems des grandes chaleurs, ou à celui du Capricorne, qui est la saison des pluies, ne pourrait produire aucun de ces effets, comme le prétend Bélus.

Il n’y aurait donc, pour opérer de pareils phénomènes, que les retours périodiques de certaines comètes, qui, dans leur cours régulier, pourraient approcher assez de la terre, et reviendraient, à des périodes fixes et constantes, pour l’inonder quelquefois, et d’autres fois l’embraser. Mais ces suppositions sont contraires à toutes les probabilités.

Ainsi, quoique tous ces cataclysmes ne soient peut-être pas physiquement impossibles, nous ne pouvons cependant pas dire qu’ils aient eu lieu, puisqu’aucun fait ne nous le prouve. Nous ne connaissons encore aucune comète qui, dans son cours, approche assez de la terre, pour produire de pareils effets, et d’une manière régulière et périodique.

Les traces de feu qu’on aperçoit à la surface de notre globe, sont des effets des volcans.

Les coquilles marines, et autres produits analogues, qu’on rencontre au sein des continens, ne peuvent y avoir été déposés par l’effet d’un déluge universel.

Nous pouvons donc regarder comme certain qu’aucun fait physique ne nous prouve l’existence de ces cataclysmes, ou retours périodiques des mêmes phénomènes désastreux à la surface de notre globe, dont ont parlé les anciennes traditions.

Néanmoins, ces idées des anciens ont été adoptées par plusieurs philosophes modernes.

Maillet suppose que le globe terrestre et la plus grande partie

des planètes sont alternativement embrâsés et couverts d’eau.

Celsius prétend qu’il y a un incendie et un déluge périodiques de notre globe et de toutes les autres planètes. Voici ses suppositions pour chaque planète.

Mercure est trop près du soleil, pour que nous puissions connaître son état.

Vénus a des taches constantes, qui ne changent point. L’air en est pur. Elle est proche du tems de son incendie.

Terre. L’eau diminue journellement à sa surface (comme il le concluait de l’abaissement des eaux de la Baltique). Dans cinq à six mille ans, l’incendie pourra y commencer.

Mars a encore une certaine masse d’eau ; mais il est plus proche que la Terre de son incendie.

Jupiter est à peu près au même point que le globe terrestre. Ses bandes sont des mers ; dont les vapeurs nous dérobent quelquefois sa vue.

Saturne est peut-être en état d’incendie. Son anneau en est peut-être la croûte ou surface embrâsée.

Lune. Elle est peut-être au même point que Vénus. On n’y voit ni mers ni fleuves : on y découvre de grandes cavernes, des vallées profondes et des montagnes élevées.

Schroëter, qui a observé la lune avec de grands télescopes de Herschel, a cru y distinguer des traces continuelles de volcans éteints, et même des coulées de laves. Il y voit un volcan en activité : les eaux y sont en très-petite quantité, et les montagnes très-élevées… ce qui indiquerait que cet astre a réellement perdu une grande partie de ses eaux, qui ont dû couvrir ses montagnes comme l’ont été celles de la terre…

À Toutes ces idées de Celsius sont, comme l’on sent, absolument hypothétiques.

Plusieurs autres philosophes modernes ont supposé qu’il y a eu à la surface du globe, différentes catastrophes plus ou moins considérables.

Bertrand disait en 1757, dans son ouvrage sur les tremblemens de terre, page 287 : « Peut-être cette terre existante sous la forme où nous la voyons, a-t-elle été bâtie sur les ruines d’un monde antécédent. Le chaos primitif aura été les décombres du monde détruit ; et dans le nouveau monde formé se trouvent par conséquent toutes les ruines de l’ancien. »

Hutton a exprimé la même opinion ; « Avant que les couches extérieures de la terre existassent, dit-il, un autre monde les avait précédé. »

Pallas, Saussure… supposent également de grandes catastrophes quelconques arrivées à la surface du globe. Ils pensent que son état présent n’est pas fort ancien. Deluc, Dolomieu… disent même que l’existence du genre humain ne date que de quelques milliers d’années…

Nous avons vu que toutes ces opinions ne sont appuyées sur aucuns faits physiques.

Il resterait donc à dire que chez les peuples anciens dont quelques-uns, tels que les Chaldéens, comptaient, suivant Bérose, plus de quinze millions d’années, les Hindoux qui en comptaient encore un plus grand nombre. Les sages ou les philosophes avaient eu le tems d’observer un grand nombre de comètes, qui nous sont encore inconnues, et que quelques-unes de ces comètes pourraient produire ces cataclysmes, c’est-à-dire des déluges, et des incendies alternatifs sur notre terre dans des tems déterminés et fixes, puisque leurs mouvemens sont aussi réguliers que ceux de nos planètes. Mais rien ne nous annonce d’aussi grandes connaissances de la part de ces peuples.

Cependant examinons les effets que pourrait produire une comète qui passerait auprès de la terre.


DE L’HYPOTHÈSE DU PASSAGE D’UNE COMÈTE ASSEZ PRÈS DE LA TERRE POUR PRODUIRE DES CHANGEMENS CONSIDÉRABLES À SA SURFACE.


Dans le nombre des hypothèses qu’on a formées pour expliquer les changemens arrivés à la surface du globe terrestre, il ne faut pas oublier celle d’une comète qui passerait assez près de lui, pour que sa présence y produisit des changemens plus ou moins considérables.

Newton fournit un grand argument à ces hypothèses, et faisant voir que les comètes étaient des astres semblables aux planètes, et qui se mouvaient dans des courbes elliptiques plus ou moins allongées. Le plan de ces ellipses coupe l’écliptique dans toutes sortes de directions, même contre l’ordre des signes, en sorte qu’il est possible qu’une comète, dans sa course, passe proche la terre ; elle pourrait même la toucher, si les deux astres se rencontraient dans le nœud de l’intersection de leurs ellipses.

Mais il faut observer que d’après les notions qu’on a actuellement sur ces comètes, ces corps paraissent avoir peu de masse. Leur action ne saurait donc produire que des effets très-limités.

Une comète qui passerait proche la terre, pourrait agir sur elle de trois manières différentes.

1°. Elle pourrait passer proche la terre avant son périhélie. On suppose qu’alors les comètes ont éprouvé un grand degré du froid à leur aphélie, à cause de leur éloignement du soleil. Dans cette hypothèse, elle produirait une diminution de la chaleur propre de la terre. Ce refroidissement serait proportionné à la masse respective des deux astres, et au degré de froid de la comète.

2°. La comète pourrait passer proche la terre à son périhélie et c’est l’hypothèse à laquelle on s’est attaché particulièrement. La comète acquert un degré de chaleur assez considérable pour réduire en vapeur une partie des substances dont elle est formée : ce qui donne naissance à ces queues, à ces chevelures, qu’ont toutes les comètes à leur retour du périhélie.

Newton a calculé que la comète de 1680 avait à son périhélie acquis une chaleur deux mille fois plus considérable, que celle d’un fer rouge. Mais les données de Newton ne paraissent pas bien exactes. 1°. Il suppose que la chaleur communiquée à la comète par le soleil, était 28,000 fois plus grande que celle qu’une terre sèche reçoit du soleil dans un jour d’été ; mais le passage de la comète proche du soleil, est beaucoup plus long qu’un jour de douze heures. Ainsi la chaleur communiquée doit être plus considérable.

« La comète de 1680 fut dans son périhélie, dit Laplace, (Système du Monde, page 124), cent soixante-six fois plus près du soleil que la terre, et par conséquent elle dut en éprouver une chaleur vingt-sept mille cinq cents fois plus grande que celle qu’il communique à la terre ; si, comme tout porte à le penser, sa chaleur est proportionelle à l’intensité de sa lumière. Cette grande chaleur, fort supérieure à celle que nous pouvons produire, volatiliserait, selon toute apparence, la plupart des substances terrestres. »

Cette supposition n’est pas exacte, puisque sur les hautes montagnes, les rayons du soleil y produisent peu de chaleur ; ils n’y fondent point la neige, quoique leur lumière y soit très-vive…

La chaleur produite par la présence du soleil, tient donc à une autre cause, comme je l’ai prouvé tome premier, page XXXI.

On a présumé que le corps de plusieurs comètes peut être ainsi tout réduit en vapeurs, et les faits paraissent le prouver : car Herschel a dit que sur seize comètes qu’il a observé avec soin, il n’y en a que deux chez qui il ait pu distinguer un noyau solide. Il est donc vraisemblable que les corps de quatorze autres avaient été réduits presque tout en vapeurs qui forment leurs queues et leurs chevelures.

Or, une pareille comète qui passerait proche la terre, y produirait plusieurs phénomènes nouveaux.

a. Elle pourrait lui communiquer une partie de sa chaleur, et par conséquent l’échauffer à un degré qui dépendrait de l’intensité de cette chaleur, et de la proportion de leurs masses respectives.

b. La queue de la comète pourrait envelopper le globe terrestre et l’inonder.

Halley fit cette supposition à l’égard de la comète de 1680. Il trouva parle calcul que les tems de la révolution de cette comète, ou son année, devait être à peu près de 575 ans : d’où il s’en suivait qu’elle avait dû paraître en 1106, en 531, ensuite 44 ans avant l’ère vulgaire, puis en 619, 1194 (il paraît qu’Homère parle de cette apparition (Illiade, liv. IV, vers 75) en 1769. Et enfin, en 2344, année qui suivant lui, correspond au tems du déluge universel rapporté par Moïse. Il y aurait eu une perturbation d’environ cinq ans, parce que Whiston suppose que ce déluge est arrivée en 2349.

Whiston suppose que cette comète avait dû passer assez près de la terre, pour que sa queue atteignit notre globe, et l’enveloppât. Les vapeurs, dont était remplie cette queue, furent condensées, comme le sont par exemple les nuages sur nos plus hautes montagnes, et versèrent une quantité d’eau suffisante pour couvrir toute la surface du globe.

Cette supposition de Whiston est appuyée par le récit de Solin qui dit que lors du déluge de Deucation il y eut une nuit de neuf mois et quelques jours. Cette nuit prétendue n’aurait pu être occasionnée que par des nuages très-épais.

Varron dit qu’alors Vénus changea de couleur et de grandeur, et que son mouvement fut altéré. Il est beaucoup plus vraisemblable qu’on prit une comète pour Vénus.

Cette comète aurait donc pu produire une partie des effets dont parle Wihston.

Elle aurait encore pu faire changer de position à l’axe de la terre, qui peut-être était alors, parallèle à l’axe du monde ; comme le suppose la tradition du printems perpétuel admise par toute l’antiquité. Elle l’aurait fait pencher de 23° 52′, ou environ, comme il devait être alors, d’après la diminution actuelle de l’obliquité de l’écliptique.

On a calculé, depuis Whiston, l’orbite de cette comète de 1680 ; et on a vu qu’elle était, de toutes les comètes connues, celle qui pouvait approcher le plus près de la terre. Sa distance à la terre pourrait n’être que de 165,740 lieues. Mais cette grande proximité de la comète à la terre, n’aurait lieu que dans la portion de son ellipse, qu’elle décrit avant son passage par le périhélie, c’est-à-dire, avant qu’elle ait passé auprès du soleil. Dans ce moment, la queue des comètes a peu d’étendue. Elle ne devient considérable qu’après le périhélie. Or, dans son retour du périhélie, la moindre distance de cette comète à la terre, est de neuf millions de lieues, distance trop considérable pour que sa queue puisse atteindre la terre.

3°. La troisième manière dont on peut concevoir qu’une comète peut agir sur le globe terrestre, est par sa force d’attraction. On sait que tous les grands globes agissent les uns sur les autres, en raison directe de leurs masses et de l’inverse des quarrés des distances. Les comètes, dans leurs courses, attirent donc les planètes, et en sont attirées. Clairault a prouvé que le retour de la comète de 1682, qui devait paraître en 1757, fut retardé de six cent dix-huit jours, par l’attraction de Saturne et Jupiter. C’est pourquoi elle ne reparut que dans le mois d’avril 1759.

Une comète qui passerait assez près de la terre, l’attirerait donc, et en serait attirée, en raison de leurs masses. Si la masse de la comète était considérable, son action pourrait donc produire des changemens importans sur le globe de la terre, soit dans ses mouvemens annuel et diurne, soit dans l’inclinaison de son axe, relativement à l’écliptique.

Mais la masse des comètes est, en général, très-petite. Leur action sur le globe terrestre doit donc être proportionnelle à cette masse.

Cette question a fait beaucoup de bruit ; ce qui a engagé des géomètres du plus grand mérite à l’examiner avec soin.

Charles Euler traita cette question en 1760. Il examina l’action que la comète de 1759 avait pu exercer sur la terre. Il ne put en déterminer la quantité, parce qu’on ne put s’assurer de la masse de cette comète ; mais il fit voir qu’en la supposant égale à la masse de la terre, elle aurait changé de 27′ l’année de la terre.

Prosperin, qui examina, dans le même tems ce sujet, prouva, dans les mémoires de l’Académie de Stockholm, année 1773, qu’aucune des soixante-trois comètes, dont la marche était calculée à cette époque, n’avait pu affecter le mouvement de la terre.

Lalande prouva la même chose, dans les mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, année 1773.

Duséjour examina de nouveau la question plus en détail, dans son Essai sur les comètes, en 1775. Il a calculé la marche des soixante trois comètes connues jusqu’alors. Il prouva que toute comète qui serait éloignée de la terre de plus d’un million de lieues, ne doit pas être censée pouvoir produire d’effet sensible sur la terre.

« Or, le calcul m’a fait voir, dit-il, que si l’on suppose la distance d’une comète à la terre, d’un million de lieues, il n’y a que sept des comètes connues, qui aient approché plus près de l’orbite de la terre. Celles 837, de 1618, de 1680, de 1702, de 1743, de 1763, de 1770.

« La comète de 1770 a été deux fois à des distances de l’obite de la terre plus petites qu’un million de lieues, savoir, le 1er juillet, et le 14 septembre. Le minimum de distance été d’environ 750,000 lieues, dans la journée du 1er juillet.

» On peut conclure de ces recherches que, de toutes les comètes observées, celle qui a approché le plus près de la terre, est constamment la comète de 1770. Ce phénomène eut lieu de nos jours, sans qu’il y ait eu la moindre altération dans la nature. (Pag. 116).

« Ce passage, avait-il dit auparavant (pag. 72), n’a occasionné aucun mouvement sensible dans l’atmosphère, dans les marées, aucun dérangement dans les mouvemens de la lune ».

Il paraît cependant que la comète de 1680 pouvait approcher davantage de la terre, que celle de 1770 ; « car, avec les élémens qu’on a conclu de la dernière apparition de cette comète, ajoute Duséjour (pag. 90), son minimum de distance, à la terre, n’aurait pu être que de 165,740 lieues ».

Duséjour pousse son examen encore plus loin. Il suppose, « qu’une comète, égale en masse à notre globe, n’en fût éloignée que de 13,000 lieues, et il calcule les effets qu’elle produirait. Il trouve que, dans les circonstances les plus favorables à son action, elle augmenterait le grand axe de l’orbite terrestre de

« Que la nouvelle orbite de la terre serait inclinée de 2° 4′10″ sur l’ancienne.

« Que la durée de la nouvelle année serait de 367 jours, 16 heures, 4 minutes, 48 secondes (pag. 178 et 184) ».

Il examine encore l’effet que cette comète produirait sur nos mers. Il est certain que si elle demeurait long tems dans cette position, elle augmenterait prodigieusement les marées et pourrait soulever les mers, peut-être au-dessus des plus hautes montagnes ; mais il trouve qu’une pareille comète, dans les circonstances les plus favorables, ne peut jamais être plus de 2 h 32′ 2″ à une distance de la terre, moindre de 13,000 lieues. Or, en faisant usage des formules que d’Alembert a données, dans ses Recherches sur la cause des Vents, où la terre est supposée enveloppée d’une couche d’eau d’une lieue de profondeur, il trouve que cette comète, à la distance de 13,000 lieues de notre globe, et qui répondrait toujours au même point, perpendiculairement, emploierait 10 h. 52′ à produire son effet.

D’ailleurs, la profondeur moyenne des mers n’est vraisemblablement que d’un quart de lieue environ. Elles sont coupées par des continens, des îles ; par conséquent, cette comète, même dans les circonstances les plus favorables, ne produirait que peu d’effet sur nos marées. Le comète de 1770, qui était éloignée de la terre de 750,000 lieues, au premier juillet, ne les a pas affecté d’une manière qu’on ait pu apercevoir. L’auteur conclut de tous ces faits, qu’il n’existe aucune comète connue, qui, d’après ses élémens établis dans ses dernières apparitions, puisse assez approcher de la terre, pour y produire un effet nuisible.

Laplace a examiné de nouveau cette question, dans son Système du Monde, pag. 213. Ses conclusions sont que :

1°. Le passage des comètes proche de la terre est trop prompt pour que la comète puisse y produire des effets sensibles.

2°. La première comète de 1770 a passé assez près de la terre, et Delambes s’est assuré, en calculant les tables du soleil, qu’elle n’a produit aucun effet sensible sur les mouvemens de la terre.

3°. Cette comète a même passé au travers des satellites de Jupiter, sans produire aucun dérangement dans leurs mouvemens.

4°. Une comète ne pourrait donc produire d’effet sur la terre, qu’en la choquant ; mais, en général, la masse des comètes est si petite, que ce choc ne produirait que des révolutions locales. L’ouvrage de Duséjour fut fait pour calmer les inquiétudes qu’avait le public, sur le retour d’une comète annoncé par Lalande. Mais la vérité exige que nous fassions les observations suivantes.

I. Nous sommes bien éloignés de connaître toutes les comètes existantes, puisque, tous les jours, on en aperçoit qu’on ne connaissait pas.

Il est donc très possible que l’orbite de quelques-unes de celles qui n’ont pas encore été aperçues, coupe l’orbite terrestre, de manière à ce qu’elle puisse rencontrer la terre, ou au moins passe assez près d’elle, pour y produire de grands changemens.

II. Les orbites de celles que nous connaissons, l’éprouvent de grandes perturbations, par l’action des grosses planètes, comme nous l’avons vu pour la comète de 1759.

Elles en pourraient encore éprouver par d’autres comètes.

Il serait donc possible que, par l’effet de ces perturbations ; elles pussent s’approcher davantage de la terre que les observations ne l’indiqueraient.

III. Il serait donc absolument possible que, dans des tems antérieurs, quelques-unes de ces comètes eussent passé assez près de notre globe,

a. Pour le refroidir beaucoup, avant leur périhélie ;

b. Ou, pour l’échauffer beaucoup, après leur périhélie ;

c. Ou pour l’inonder par leurs queues ;

d. Ou pour en déranger les mouvemens, incliner leur axe, changer la durée de l’année, celle des jours…

Mais ces possibilités ont très-peu de probabilités, puisqu’aucune des comètes connues n’a pu produire de pareils effets ; et qu’il faudrait supposer des comètes ayant beaucoup de masse, au lieu que tout prouve qu’elles en ont peu.

Un philosophe sage ne peut donc admettre aucun des effets, y qu’on a attribué aux comètes.

Néanmoins, il ne peut pas dire qu’ils sont impossibles physiquement.


DE L’HYPOTHÈSE DE L’INCENDIE DU GLOBE TERRESTRE À DIFFÉRENTES ÉPOQUES.


C’était une doctrine assez généralement admise chez les anciens, que notre globe avait éprouvé l’action du feu, comme celle de l’eau. Quelques-uns de leurs sages croyaient même que celle du feu avait précédé celle de l’eau.

Belus, l’Assyrien, disait expressément, que la terre avait été dans un état de conflagration : comme nous venons de voir que le rapporte Sénèque.

Eratosthène, suivant le rapport de Strabon, pensait également que le globe terrestre avait été embrasé.

Ce sentiment a été soutenu par plusieurs philosophes anciens. Quelques-uns, il est vrai, disaient que les eaux avaient couvert le globe avant qu’il eût été soumis à l’action du feu.

Mais ces sages ne nous ont point laissé les preuves sur lesquelles ils fondaient leurs opinions. Le géologue doit rechercher si les faits confirment ces idées, ou leur sont contraires.

Tous les faits connus nous indiquent que,

1°. La surface actuelle du globe terrestre est le produit de l’action immédiate des eaux. Il faut seulement en excepter les contrées volcaniques ; et ce ne sont que des phénomènes locaux.

2°. La masse entière du globe a été formée par des substances aériformes.

3". On en doit conclure que le globe, dans les premiers momens de sa formation, a éprouvé un très-grand degré de chaleur, semblable à celui qu’éprouve une comète qui passe, près du soleil : mais il y a diverses manières de concevoir que la température de la terre ait pu être élevée à un haut degré. Examinons auparavant les effets qui en résulteraient.

Supposons que le globe terrestre, tel qu’il est aujourd’hui, éprouvât, par une cause quelconque, un degré de chaleur très-intense. Il s’en dégagerait, comme des comètes qui passent près du soleil, une immense quantité de fluides aériformes, qui augmenteraient considérablement son atmosphère ; les eaux seraient réduites en vapeurs ; peut-être même une portion de substances solides du globe le serait-elle[1]. Les vapeurs de toutes ces matières combustibles se mêleraient ; encore à ces. airs : il se formerait autour du globe une atmosphère immense qui prendrait la figure qu’a la queue d’une comète, puisque cette atmosphère serait soumise aux mêmes lois que la queue de la comète…

La chaleur diminuerait ensuite, les vapeurs se condenseraient, d’immenses nuages s’accumuleraient, et finiraient par se résoudre en eau qui retomberait sur la surface du globe, laquelle en serait bientôt couverte à une hauteur plus ou moins considérable.

La masse entière du globe aurait été, par la grande chaleur, réduite en une espèce de matière vitreuse. Mais la compression y retiendrait une partie des fluides aériformes, comme l’a fait voir Hall. Ces matières vitreuses, en se refroidissant lentement, se dévitrifieraient, et formeraient des masses analogues aux laves volcaniques. (Voir ce que nous avons dit ci-devant des substances volcaniques.)

Néanmoins il s’y formerait des cavités immenses, comme dans les matières volcaniques. Ces cavités se trouvant à une grande profondeur dans le sein du globe, et dans des masses prodigieuses, auraient une étendue que nous ne pourrions soupçonner.

Une partie de ces matières serait : toujours à l’état plus ou moins scoriforme. Nous pouvons le conclure de l’état ou se trouvent le soleil, et les comètes à leur périhélie : celles-ci ne paraissent avoir que très-peu de masse ; et la densité du soleil est quatre fois moindre que celle du globe terrestre.

La masse immense d’eau, qui couvrirait la surface du globe terrestre, éprouverait les mêmes mouvemens que les eaux de T nos mers :

1°. Celui des marées ;

2°. Le transport de l’orient à l’occident ;

3°. Un mouvement des pôles à l’équateur.

Ces eaux contiendraient différens acides qui n’auraient pas été décomposés, tels que l’acide carbonique, l’acide sulfurique, l’acide phosphorique, l’acide fluorique, les acides métalliques… Il s’y trouverait aussi des alkalis.

Il se formerait du soufre, du phosphore, du charbon…

Les terres, les oxides métalliques… n’auraient pas été tous vitrifiés… ; plusieurs seraient dans un état de pureté plus ou moins considérable ; ils seraient dissous par les eaux : les acides, les alkalis, les attaqueraient, et en formeraient différens sels terreux ou métalliques.

Les matières vitreuses scarifiées seraient également attaquées par ces divers agens.

Ces différentes substances, ainsi dissoutes, cristalliseraient suivant les lois des affinités, et formeraient des terrains analogues à nos terrains primitifs.

Ces terrains ne composeraient pas une surface plane, mais formeraient des montagnes et des vallées.

La chaleur intérieure diminuant, les eaux extérieures gagneraient les cavités internes, rempliraient les boursouflures… et diminueraient à la surface du globe.

Plusieurs de ces cavernes pourraient s’affaisser, et, par les inégalités de ces affaissemens, produire des montagnes et des vallées.

Les continens paraîtraient…

Les êtres vivans s’organiseraient…

Il se formerait de nouveaux terrains analogues à nos terrains secondaires, et dans lesquels se trouveraient enfouis les débris des animaux et des végétaux, comme fossiles…

Enfin, on verrait les mêmes phénomènes qu’on observe aujourd’hui…

Ainsi le globe terrestre, dans l’état où il est maintenant, pourrait éprouver un grand degré de chaleur, être réduit à l’état d’incandescence, qui consumerait toutes les matières inflammables qu’il contient, soufre, phosphore, pyrites, substances métalliques, matières bitumineuses, êtres organisés… et se retrouver, dans des milliers de siècles, au même état qu’il se présente actuellement.

Cet exposé fait voir qu’en supposant que le globe eût été, à une époque quelconque, dans un état capable de le réduire à celui, qui serait résulté de l’hypothèse que nous venons de faire, s’il eût été exposé à l’action du feu, tous les phénomènes qu’il nous présente, auraient pu également avoir lieu, postérieurement à cet état d’incandescence.

Il s’agit donc de savoir si le globe terrestre, lors de sa formation, ou à une époque postérieure quelconque, a éprouvé le degré de chaleur que nous venons de supposer.

On ne doit jamais oublier que la figure du globe terrestre, conforme à la théorie des forces centrales, prouve qu’il a été primitivement dans un état de fluidité, qui a permis aux matières dont il est composé, d’obéir à ces lois des forces centrales ; par conséquent, il faut, dans cette hypothèse, supposer que la chaleur a été capable de donner cet état de liquidité aux substances dont le globe est formé.

Nous avons vu que, dans l’hypothèse de la fluidité aériforme ou aqueuse du globe, il faut toujours lui supposer un degré de chaleur capable de tenir l’eau, et tous les fluides aqueux, à l’état de liquidité. Son refroidissement continuel, que l’observation prouve s’opérer journellement, nous a fait tirer la conséquence que, dans les premiers tems de sa formation, il avait un degré de chaleur très-considérable, et vraisemblablement supérieur à celui de l’eau bouillante. Ce sont des faits qu’on ne peut révoquer en doute.

La question se réduit donc à cette proposition :

Cette chaleur primitive n’a-t-elle été que suffisante pour donner une fluidité aux substances qui composaient le globe, lors de sa formation ?

Ou, cette chaleur a-t-elle été capable de leur donner la fluidité ignée, et de réduire toutes ces substances à un état de fusion ou de scorification capable de les faire obéir à l’action des forces centrales.

Plusieurs philosophes, tels que Descartes, Leibnitz… ont avancé que la terre avait été primitivement un soleil enflammé, qu’il avait été couvert de taches ; et que ces taches, s’étant réunies, avaient formé une croûte solide, qui compose sa surface.

Nous examinerons ailleurs ces hypothèses ; et nous ferons voir qu’elles ne sont appuyées sur aucunes preuves.

Il semble plus conforme aux faits connus de supposer que :

1°. Les substances qui composent tous les grands globes, les soleils, les planètes et les comètes ont été primitivement dans une fluidité aériforme.

2°. Les uns, tels que les soleils, contenaient une très-grande quantité de matières, qui se sont enflammées spontanément, soit par l’action galvanique, soit par toute autre action, et donnent une chaleur ainsi qu’une lumière proportionnées à leurs masses.

3°. Les parties non-lumineuses, et les scories, forment des taches plus ou moins considérables. Il peut arriver que ces taches se multiplient au point de diminuer la splendeur de l’astre, enfin, de l’obscurcir entièrement, comme cela est arrivé à plusieurs étoiles, à la brillante de Cassiopée, à celle du Sagittaire…

4°. Quelques comètes, et peut-être quelques planètes, ont pu être autrefois enflammées. Dans cette hypothèse, leurs taches auraient été assez nombreuses pour intercepter la communication du corps de l’astre avec l’air.

L’analogie nous autorise donc à croire que le globe terrestre, ainsi que tous les autres globes célestes, a été primitivement dans un état de fluidité qui était aériforme ; mais, à sa surface, cette fluidité était d’une nature aqueuse, c’est-à-dire que toutes les parties qui composaient cette surface, étaient dissoutes par les eaux.

Toutes ces substances exerçaient, les unes sur les autres, une action galvanique assez considérable, pour tenir en état de liquéfaction, non-seulement l’eau, mais pour donner à toutes ces matières, une température vraisemblablement supérieure même au degré de l’eau bouillante.

Mais, peut-on dire que, immédiatement après la formation du globe terrestre, par une cristallisation aériforme, l’action galvanique des substances dont il est composé eût une intensité suffisante pour en former une espèce de soleil, qui se serait postérieurement éteint, par l’abondance des matières qui auraient formé des taches ?… Les eaux, retombant postérieurement sur sa surface, auraient élaboré ces substances, et les auraient amenées à l’état où se trouvent actuellement les couches extérieures de la terre.

Nous, n’avons aucun fait qui puisse appuyer cette supposition.

Concluons de tous ces faits que, sans nier absolument que le globe terrestre, à l’époque de la formation, ou à une autre époque postérieure quelconque, ait pu éprouver des incendies généraux, cette hypothèse est dénuée de preuves suffisantes, pour qu’un esprit sage puisse l’admettre.

On ne saurait donc dire, avec Descartes, que la terre a été un soleil, qui, postérieurement, a été encrouté.

L’opinion de Buffon, que les planètes, et par conséquent, le globe terrestre, sont des masses détachées du soleil, est tellement dénuée de preuves, qu’elle est généralement abandonnée…

On pourrait peut-être dire que cette conflagration générale du globe aurait pu être opérée par une cause extérieure ; par exemple, par une comète considérable, qui, en revenant de son périhélie, passerait trop près de la terre.

L’histoire de Phaéton, qui, voulant conduire le char du Soleil, mit. le feu à la terre, paraît, à plusieurs savans, donner de la probabilité à cette opinion. Car le soleil n’a pu se déplacer, ni la terre. On aurait donc pris, pour le soleil, une comète enflammée, revenant de son périhélie, et qui aurait passé assez près de la terre pour l’embrâser, comme elle-même l’aurait été par le soleil, dans cette hypothèse. Nous avons vu que Sénèque et Justin rapportent qu’on avait observé des comètes dont l’éclat éclipsait celui du soleil.

Mais nous avons dit que le passage des comètes proche la terre est si prompt, qu’elles ne pourraient produire de pareils effets : et toutes les comètes qu’on a observées, dans ces derniers tems, sont très-petites, et ont peu de masse…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Abandonnons donc toutes ces hypothèses.


DE L’HYPOTHÈSE DE LA SUBMERSION DU GLOBE À DIFFERENTES ÉPOQUES.


Cette submersion du globe, à différentes époques, était admise par tous les anciens philosophes. Ils ont fait des peintures pleines d’énergie, des maux qu’avait essuyés le genre humain. Écoutons un des plus éloquens d’entr’eux, Platon (liv. III, des Lois).

« Le genre humain a été détruit plusieurs fois par des déluges, des maladies, et d’autres accidens semblables, qui n’ont épargné qu’un très-petit nombre de personnes… Ceux qui échappèrent à la désolation universelle, étaient, pour la plupart, des pâtres, habitans des montagnes, sur le sommet desquelles il se conserva quelques faibles étincelles du genre humain ».

Nous avons rapporté, en parlant des déluges, les témoignages unanimes de toute l’antiquité, sur les submersions du globe. Mais ces autorités ne suffisent pas pour le géologue. Il doit rechercher, dans les faits connus, les preuves de ces n submersions.

Or, nous avons fait voir qu’aucun fait constaté ne prouve que le globe ait été submergé, à différentes époques. Il y a eu des inondations locales plus ou moins étendues ; mais rien n’atteste des submersions générales. Cependant, des philosophes modernes, du plus grand mérite, ont soutenu la même opinion. Whiston, Burnet, Woodward, Scheuzer… ont parlé de ces inondations générales. Mais leurs opinions sont aujourd’hui universellement rejetées.


DES CHANGEMENS QUE LE GLOBE TERRESTRE POURRA ÉPROUVER.


Aujourd’hui le globe terrestre paraît être dans un état de tranquillité, en comparaison des grandes révolutions qu’il a éprouvé. Les eaux des mers ne paraissent pas avoir sensiblement changé de niveau, depuis trois mille ans. Les cours des fleuves sont à peu près les mêmes. Les montagnes, les collines n’ont été abaissées, par les alluvions et les dégradations, que d’une quantité peu considérable. L’exhaussement des plaines a suivi les mêmes progressions. Les attérissemens ; que les eaux courantes ont charrié dans le sein des mers ; n’ont pas produit des effets qui aient influe sur leurs masses. L’action des volcans a été faible, relativement à la masse du globe.

Mais il ne faut pas oublier que les observations qui nous sont parvenues, ne datent que de deux à trois mille ans. Et qu’est cette durée, relativement à d’aussi grands phénomènes ?

Il est même plusieurs faits historiques qui déposent en faveur de changemens arrivés au globe terrestre. À la vérité, ces faits ne sont pas assez constatés ; mais ils acquièrent de la probabilité lorsqu’on les réunit aux faits physique ; Aussi, on ne peut douter que le globe n’ait éprouvé de grands changemens, depuis sa formation.

Mais n’est-il pas vraisemblable que dans la suite des siècles, il en éprouvera d’autres, qui ne seront peut-être pas moins considérables ? C’est ce que nous allons examiner.



DE L’AUGMENTATION DE LA MASSE DU GLOBE TERRESTRE.


Tous les faits que nous avons rapportés jusqu’ici, paraissent prouver que la masse du globe terrestre augmente journellement. C’est l’opinion de Newton, qui pense :

« Que les vapeurs qui s’élèvent du soleil, des étoiles fixes, et des queues de comètes, peuvent, par leur gravité, retomber dans l’atmosphère des planètes, s’y condenser, et s’y changer en eau et esprits humides, et ensuite, se convertir, par une chaleur lente, en sels, en soufre, en parties colorantes, en limon, en boue, en argile, en sables, en pierres, en coraux, et autres substances terrestres[2].

Suivant cette opinion, la masse du soleil peut être diminuée, et celle du globe terrestre peut être augmentée, par les vapeurs qui s’élèvent du soleil, des étoiles, et des queues des comètes.

Cette augmentation pourrait également avoir lieu pour les autres planètes, par les mêmes causes.

Mais, quoiqu’il en soit de cette hypothèse de Newton, un grand nombre d’autres faits peut faire présumer que la masse du globe terrestre augmente.

Nous avons vu qu’une grande partie des terrains secondaires est formée de débris des êtres organisés, tels sont les bitumes, les plantes fossiles, les coquilles, les os… Les couches bitumineuses de la montagne Saint Gilles, à Liège, sont à plus de mille mètres de profondeur.

Les substances salines, qui se trouvent dans la mêmes terrains secondaires, sont également des produits nouveaux. Tels sont les trois alkalis, une partie du soufre, du phosphore… la plupart des acides, le sulfurique, le phosphorique, le carbonique, le fluorique, le boracique, l’acide métallique, plusieurs métaux, plusieurs terres…

Or, tous les êtres organisés, toutes ces substances salines, métalliques, terreuses… sont composés de différens gaz, du feu, des fluides lumineux, électrique, magnétique.

Ces différens fluides sont donc combinés dans ces produits nouveaux, et deviennent portion de la masse du globe terrestre, tandis qu’auparavant, ils n’en faisaient pas partie, et appartenaient à la masse totale des grands fluides de l’univers.

On peut donc regarder comme probable, que ces causes doivent augmenter réellement la masse totale du globe terrestre, d’une quantité qu’il serait néanmoins difficile d’assigner.

Mais, d’un autre côté, il est vraisemblable que le globe peut éprouver les mêmes pertes que les comètes ; une partie des eaux, qui, sous forme de vapeurs, sont dans l’atmosphère, peut v passer en d’autres globes.

Cette dernière cause fera-t-elle plus perdre au globe terrestre, que les autres, dont nous venons de parler, lui feront acquérir ? C’est ce qu’il ne me paraît pas possible de décider, dans l’état actuel de nos connaissances.

Néanmoins, en supposant, avec Newton, que la masse du globe terrestre augmentât réellement, ainsi que celle des autres planètes, il en résulterait de grands changemens dans notre système, solaire. Car, si les masses des planètes augmentaient, et celle du soleil diminuait, dès lors leurs attractions réciproques changeraient et ne seraient plus les mêmes. Le système total changerait.

Dès lors, tous leurs élémens éprouveraient les mêmes variations ; leurs distances du soleil, leurs excentricités, leurs révolutions diurne et annuelle, la position de leurs axes… éprouveraient des changemens plus ou moins considérables, et après un plus ou moins grand nombre de révolutions, les mouvemens respectifs de tous ces grands corps seraient entièrement différens de ce qu’ils sont aujourd’hui.

Nous avons vu que plusieurs soleils, ou étoiles, ont éprouvé de grands changemens, tels que la brillante de Cassiopée, celle du Sagittaire… On en doit conclure que les mêmes changemens peuvent arriver à notre soleil, à nos comètes, à nos planètes, à notre globe terrestre.


DE L’ÉTAT FUTUR DU GLOBE TERRESTRE.


Tous les changemens qui se sont opérés successivement à la surface du globe terrestre, indiquent assez qu’il s’en opérera de nouveaux dans la suite des siècles futurs. Mais quels seront ces changemens ? Nous ne pouvons sans doute les prévoir ; mais, en suivant les analogies, nous pouvons en assigner quelques-uns.

Les eaux des mers continueront de s’abaisser de plus en plus, sans que nous puissions prévoir où s’arrêtera cet abaissement. Nous n’avons, ni ne pouvons avoir aucunes données à cet égard.

Disparaîtront-elles entièrement de dessus la surface du globe ?

Le bassin des mers sera-t-il réduit à siccité, ou à peu près à siccité ?

Dans cette hypothèse, les fontaines tariraient : il n’y aurait plus de ruisseaux, plus de rivières, plus de fleuves.

La végétation cesserait, puisqu’elle ne peut s’entretenir que par le moyen de l’eau.

Les animaux périraient, puisque les végétaux leur sont absolument nécessaires pour se nourrir, et que l’eau leur est absolument indispensable.

L’état présent de la lune pourrait-il donner de la force à ces analogies ? car toutes les observations astronomiques paraissent indiquer qu’il y a peu de mers à la surface de cette planète.

Les autres planètes paraissent offrir des changemens analogues.

Ainsi, sans pouvoir soupçonner les changemens qui arriveront à notre globe, et à ses divers mouvemens, les analogies nous disent qu’il lui en arrivera de considérables.

Laplace dit (Exposition du système du monde, page 256) : « En supposant donc que, par une cause quelconque, l’atmosphère vienne à se resserrer, ou qu’une partie se condense à la surface du corps, le mouvement de rotation du corps et de l’atmosphère en sera accéléré… »

Or tous les phénomènes prouvent que l’atmosphère terrestre a dû diminuer d’étendue, par la formation des couches secondaires de la terre : d’où on peut conclure que le mouvement de rotation du globe éprouvera des changemens analogues.

Nous devons donc conclure n’en nous en tenant aux faits, qui paraissent constatés, on peut dire que,

1o. Le soleil, ainsi que toutes les étoiles, doivent perdre chaque jour une portion de leurs masses : car on ne saurait concevoir que d’aussi grands corps, qui sont dans un état de combustion ou de galvanisme permanent, ne perdent beaucoup, ainsi que l’a dit Newton. On suppose même que des étoiles peuvent s’éteindre, telle que la brillante de Cassiopée…

2o. Dès lors la force attractive de ces grands globes diminue journellement avec leurs masses, et perd de son intensité.

3o. D’un autre côté, la masse du globe terrestre, ainsi que celle des autres planètes, paraît augmenter journellement.

4o. Dès lors la force attractive de toutes ces planètes, deviendra plus considérable, tandis que celle du soleil diminue.

5o. Les comètes, qui à leur périhélie éprouvent une si grande chaleur, doivent encore plus perdre que le soleil : car Herschel dit que sur seize comètes qu’il a observées, il n’y en a que deux en qui il ait observé un rayon solide ; les quatorze autres ne lui ont paru composées que d’une substance transparente analogue à leurs queues : d’où on doit conclure que le corps entier de la comète a été réduit en fluides aériformes, de la nature de ceux qui composent les queues et les chevelures des autres comètes.

6o. La courbe elliptique allongée, qu’on suppose que décrivent les comètes, est perpétuellement altérée par les attractions des autres globes auprès desquels elles passent.

7o. Les corps des comètes et leurs mouvemens éprouveront donc des changemens considérables.

Tous ces faits, qui sont constatés, ne permettent pas de douter que le globe terrestre et ses mouvemens n’éprouvent de grandes attractions dans la suite des siècles : car,

a. La force attractive du soleil diminue avec sa masse.

b. La force attractive du globe terrestre, et celle des autres planètes, augmentent avec leurs masses.

c. Dès lors le système de l’action réciproque de tous ces corps les uns sur les autres changera.

d. La terre sera moins attirée par le soleil.

e. Les planètes, surtout Vénus et Jupiter, exerceront sur le globe terrestre une action plus puissante que celle qu’ils y exercent aujourd’hui : c’est-à-dire, que-la perturbation qu’ils produisent sera plus considérable.

f. La diminution de l’obliquité de l’écliptique en sera altérée : elle deviendra plus considérable ; et peut-être pourra-t-elle devenir nulle, c’est-a-dire, amener le parallélisme des deux axes.

g. Un des hémisphères du globe terrestre peut plus acquérir que l’autre…

Toutes ces causes réunies, agissant constamment, font voir que l’opinion de ces astronomes, qui supposent un équilibre constant entre tous les corps célestes, n’est pas fondée. Nous voyons des changemens continuels, dans les phénomènes que la brièveté de notre vie nous met à même d’observer. Nous en devons conclure par analogie, que les mêmes changemens n’auront lieu pour ceux de ces phénomènes qui ne nous paraissent permanens, que parce que leur durée est très-considérable par rapport à la nôtre.

Nihil equidem durare diu sub imagine eadem

Crediderim. Pythagore. Métamorphoses d’Ovide

Multosque per annos

Sustenta ruet moles, et machinæ mundi. Lucrec.

Tout dans la nature, porte en soi son principe de vie et son principe de déstruction. Sénèque.

Les mêmes causes doivent produire des effets analogues sur le globe terrestre.




  1. La comète de 1680 éprouva une chaleur capable de volatiliser, selon toute apparence, la plupart des substances terrestres de notre globe, dit Laplace, Exposition du système du monde, pag. 124.
  2. Vapores autem qui ex sole et stellis fixis, et candis cometarum oriuntur, incidere possunt per gravitem suam in atmosphœras planetarum, et ibi condensari et conevnti in aquam et spiritus humidos, et subinde per calorem lentam in sales et sulphura et trictures, et limum, et lutum et argillam, et arenam et lapides, et corala, et substantias alias terrestris paulatim migrare. Principia matheri, lib III, prop. XLII, probl. XXII, pag. 671, tom. 3, édition de Lesueur.