LEÇON QUATRIÈME.
Fonctions dérivées des quantités exponentielles et logarithmiques. Développement de ces quantités en séries.
La fonction dans laquelle est la variable et est une constante, conduit naturellement à la considération de la fonction dans laquelle la variable est et où est une constante. Ces sortes de quantités s’appellent exponentielles, parce qu’elles ne varient qu’à raison de l’exposant.
Pour trouver la fonction dérivée de il n’y aura, suivant le principe général, qu’à substituer à la place de et développer suivant les puissances de le coefficient du terme affecté de sera la fonction cherchée.
Cette substitution donne la fonction
Supposons on aura
et, par la formule générale démontrée précédemment, on aura
En ordonnant les termes de cette série suivant les puissances de il est facile de voir que les deux premiers termes du développement de seront
Soit, pour agréger,
on aura donc pour les deux premiers termes du développement de par conséquent, en multipliant par on aura pour les deux premiers termes du développement de Donc coefficient de sera la fonction dérivée de
Le coefficient dépend, comme l’on voit, de la quantité qui est comme la base de l’exponentielle, et l’on nomme communément ce coefficient le module.
On peut ainsi établir cette règle, que la foncton dérivée d’une quantité exponentielle est égale à cette exponentielle multipliée par un coefficient constant qui dépend de la base de l’exponentielle, et qu’on nomme le module.
Puisque la dérivée de est la dérivée de celle-ci sera et la dérivée de cette dernière sera de même et ainsi de suite.
Ainsi, en faisant on aura
Donc, substituant ces valeurs dans le développementde on aura
et, divisant par
C’est la série dont nous n’avions trouvé ci-dessus que les deux premiers termes. Elle peut servir, comme l’on voit, à réduire toute puissance en une série ordonnée suivant les puissances de son exposant.
On peut par cette série déterminer directement la valeur de en
En faisant on aura
Et, lorsque la valeur de se trouvera exprimée par la série très simple
dont la valeur est
C’est le nombre qu’on désigne ordinairement par et qui est par conséquent la base des exponentielles dont le module est l’unité.
Ainsi, en faisant on aura simplement et conséquemment
Si, dans l’équation trouvée ci-dessus
on fait on aura
Ainsi l’on a entre les trois constantes et la relation
d’où l’on tire
Cette équation donne aussi
d’où l’on voit qu’en prenant négatif, se change en ainsi, en faisant ces changements dans l’équation
donnée ci-dessus, on aura
Cette série est plus propre que la précédente à donner la valeur de lorsque est un nombre plus grand que l’unité.
En faisant on a
et l’on trouvera, par le calcul,
On peut exprimer toute quantité variable par une constante élevée à une puissance variable ; alors l’exposant de cette puissance devient une fonction de la même quantité, et cette fonction est, dans le sens le plus général, le logarithme de la quantité proposée. D’où l’on voit que les fonctions logarithmiques ne sont proprement que les réciproques des fonctions exponentielles.
Nous dénotons, en général, les logarithmes d’une quantité par le mot mis en avant de cette quantité en forme de caractéristique. Ainsi exprimera le logarithme ou la fonction logarithmique de et cette fonction sera donnée par l’équation où base de l’exponentielle, sera en même temps la base du système logarithmique.
Pour trouver maintenant la fonction dérivée de on fera, en général,
ce qui donnera et, mettant à la place de on aura
équation qui doit être identique, et avoir lieu par conséquent, quelle que soit la valeur de Or, par le développement, on a
en posant
donc, faisant cette substitution, on aura
et, divisant par
Or, par la formule trouvée ci-dessus, on a, en général,
donc on aura
Donc, remettant pour sa valeur, et ordonnant les termes suivant les puissances de on aura cette équation identique
et la comparaison des termes donnera d’abord
d’où l’on tire
La comparaison des autres termes donnera les valeurs de mais il est plus simple de les déduire successivement de celle de
La constante dépend de la base du système logarithmique, par les mêmes formules que nous avons trouvées plus haut : relativement, aux logarithmes, elle s’appelle le module du système logarithmique.
De là résulte cette règle générale, que la fonction dérivée du loga- rithme d’une variable est égale à l’unité divisée par celle variable multipliée par le module du système logarithmique.
Puisque
en prenant successivement les fonctions dérivées, d’après la règle générale des puissances, on aura
donc, si l’on fait ces substitutions dans le développement de on aura la série
pour la valeur de
Ayant ainsi le logarithme d’un nombre quelconque on peut par cette série trouver celui d’un autre nombre plus grand et la série sera d’autant plus convergente que la différence des deux nombres aura un moindre rapport au nombre
Par la théorie des logarithmes, on a
donc, si l’on fait dans la formule précédente on aura
formule connue.
Soit on aura
donc
Cette série n’est convergente et par conséquent ne peut servir à trouver le logarithme d’un nombre donné que lorsque ce nombre diffère peu de l’unité ; mais on peut la rendre convergente, dans tous les cas, par la substitution de au lieu de car, puisque est égal à on aura, en multipliant par
où l’on peut prendre pour un nombre quelconque positif ou négatif.
Or, quel que soit le nombre on peut toujours en extraire la racine d’un degré tel que soit un nombre aussi peu différent de l’unité qu’on voudra ; ainsi la formule précédente donnera toujours la valeur de avec toute l’exactitude qu’on pourra désirer.
Si l’on prend négativement, alors devient et la série qui exprime devient, en changeant les signes,
où tous les termes sont positifs. Ainsi l’on peut avoir à volonté, pour la valeur de une série dont tous les termes soient positifs, ou alternativement positifs ou négatifs. Car il est évident que, étant un nombre plus grand que l’unité, sera plus grand que l’unité, et, étant moindre que l’unité, sera aussi moindre que l’unité ; mais les différences seront d’autant plus petites, que l’exposant de la racine sera un plus grand nombre ; donc et seront positifs dans le premier cas, et négatifs dans le second.
Si est la base des logarithmes, en sorte que on pourra, par les mêmes formules, déterminer aussi exactement qu’on voudra la valeur du module car, en faisant on aura
ou bien
Il est clair que les deux séries que nous venons de donner pour l’expression de logz seront nécessairement convergentes aussitôt qu’on aura extrait de une racine telle que soit une fraction moindre que l’unité ; car alors sera une fraction plus petite encore, puisque
Ainsi, puisque dans la première série les termes sont alternatifs, le second et le troisième, le quatrième et le cinquième, etc., formeront des sommes négatives ; de sorte que la première série donnera
Au contraire, la seconde série, ayant tous ses termes positifs, donnera
Ainsi l’on a tout de suite deux limites pour la valeur de qu’on peut resserrer autant que l’on veut, en prenant toujours plus grand.
On aura, par la même raison, si
Puisqu’on a
il est visible que la différence entre les deux limites de sera
ainsi, en prenant l’une ou l’autre des deux expressions précédentes de on est assuré que l’erreur en excès ou en défaut est nécessairement moindre que cette même quantité.
Ainsi l’on sera sûr d’avoir, par ces expressions, les logarithmes exacts jusqu’à chiffres, en prenant la racine de telle manière qu’il y ait après la virgule zéros avant les chiffres significatifs.
En général, puisque l’erreur va en diminuant à mesure que l’on prend l’exposant de la racine plus grand, on peut dire qu’elle deviendra nulle ou comme nulle, si l’on prend infiniment grand de sorte qu’on pourra regarder alors l’une et l’autre des deux formules
comme l’expression exacte de
On peut conclure de là que les logarithmes rentrent dans la classe des puissances, et forment le premier terme de la série des puissances dont les exposants croissent ou décroissent depuis zéro, ou le dernier terme des racines dont les degrés vont en augmentant à l’infini.
C’est aussi sous ce rapport qu’on peut dire qu’à un nombre donné répond toujours une infinité de logarithmes, puisque sa racine infinitième a nécessairement une infinité de valeurs différentes.
La meilleure manière d’employer la formule précédente est de prendre pour une puissance de puisqu’on n’aura alors que des extractions de racines carrées à faire. C’est ainsi que Briggs a calculé les premiers logarithmes il avait remarqué qu’en faisant des extractions successives de racines carrées d’un nombre quelconque, si l’on s’arrête dans une de ces extractions à deux fois autant de décimales qu’il y aura de zéros à la suite de l’unité, lorsqu’il n’y a plus que l’unité avant la virgule, la partie décimale de cette racine se trouve exactement la moitié de la racine précédente, en sorte que ces parties décimales ont entre elles le même rapport que les logarithmes des racines mêmes ; c’est ce qui résulte évidemment de la formule précédente.
Ainsi, en prenant on trouve, pour
de sorte que l’on aura
C’est de ce nombre qu’on a tiré celui qu’on a donné ci-dessus pour la valeur de
Si maintenant on veut avoir, par exemple, le logarithme de on fera et, employant de même extractions de racines carrées, on trouvera les nombres suivants :
et de là
Cette méthode est, comme l’on voit, très laborieuse par le grand nombre d’extractions de racines qu’elle demande pour avoir un résultat en plusieurs décimales ; mais les séries que nous avons données ci-dessus servent à la simplifier et à la compléter ; car, quel que soit le nombre il suffira d’en extraire quelques racines carrées, jusqu’à ce qu’on parvienne à un nombre qui n’ait que l’unité avant la virgule ; alors les puissances de seront des fractions d’autant plus petites qu’elles seront plus hautes ; par conséquent il suffira toujours de prendre un certain nombre de termes de la série pour avoir les logarithmes exacts jusqu’à tel ordre de décimales qu’on voudra.
Les logarithmes qui ont l’unité pour module sont ceux qui se nomment logarithmes naturels ou hyperboliques, parce qu’ils représentent l’aire de l’hyperbole équilatère, rapportée aux abscisses prises sur l’une des asymptotes, et que Neper a le premier calculés. Leur base est le nombre et, pour les distinguer des autres, nous les dénoterons simplement par la caractéristique
Ainsi aura pour fonction dérivée et la formule générale deviendra pour ces logarithmes de sorte qu’on aura en général et, comme on a trouvé plus haut on aura et, par conséquent, D’où l’on voit que les logarithmes d’un même nombre, dans différents systèmes, sont en raison inverse de leurs modules.
Au reste, l’équation donne d’où il suit que le module du système logarithmique dont la base est n’est autre chose que le logarithme naturel de la même base. Ainsi l’on pourra par la suite substituer l’expression à la place de dans les fonctions dérivées de et de
De cette manière, on aura pour la dérivée de et pour la dérivée de
Dans le système des logarithmes des Tables usuelles, la base est supposée égale à ainsi le module de ce système sera dont la valeur est
Avant de terminer cette Leçon, je ne puis m’empêcher d’indiquer un usage de la formule
pour trouver le développement d’une puissance quelconque d’une quantité composée d’autant de termes que l’on voudra.
En effet, si à la place de on met on aura
Ainsi le terme multiplié par sera
d’un autre côté, on a
Donc le coefficient de dans le développement de ces différents produits, multiplié par sera la valeur de
Or il est visible que ce coefficient se trouvera composé d’autant de termes de la forme
qu’on peut donner de valeurs différentes à de sorte que l’on ait
en prenant pour des nombres entiers positifs.
Ainsi la puissance sera composée d’autant de termes de la forme
ce qui s’accorde avec ce que donne la théorie des combinaisons.