Leçons sur le calcul des fonctions/Leçon 09

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LEÇON NEUVIÈME.

De la manière d’avoir les limites du développement d’une fonction, lorsqu’on n’a égard qu’a un nombre déterminé de termes. Cas dans lesquels les principes du calcul différentiel sont en défaut. Théorème fondamental. Limites de plusieurs séries. Manière rigoureuse d’introduire les fonctions dérivées dans la théorie des courbes et dans celle des mouvements variés.

Toute fonction se développe, ainsi qu’on l’a vu, dans la série

laquelle va naturellement à l’infini, à moins que les fonctions dérivées de ne deviennent nulles, ce qui a lieu lorsque est une fonction rationnelle et entière de

Tant que ce développement ne sert qu’à la génération des fonctions dérivées, il est indifférent que la série aille à l’infini ou non ; il l’est aussi lorsqu’on ne considère le développement que comme une simple transformation analytique de la fonction ; mais, si on veut l’employer pour avoir la valeur de la fonction dans les cas particuliers, comme offrant une expression d’une forme plus simple à raison de la quantité qui se trouve dégagée de dessous la fonction, alors, ne pouvant tenir compte que d’un certain nombre plus ou moins grand de termes, il est important d’avoir un moyen d’évaluer le reste de la série qu’on néglige, ou du moins de trouver des limites de l’erreur qu’on commet en négligeant ce reste.

La détermination de ces limites est surtout d’une grande importance dans l’application de la Théorie des fonctions à l’Analyse des courbes et à la Mécanique, pour pouvoir donner à cette application la rigueur de l’ancienne Géométrie, comme on le voit dans la seconde Partie de la Théorie des fonctions analytiques.

Dans la solution que j’ai donnée de ce problème dans l’Ouvrage cité, j’ai commencé par chercher l’expression exacte du reste de la série, ensuite j’ai déterminé les limites de cette expression. Mais on peut trouver immédiatement ces limites d’une manière plus élémentaire, et également rigoureuse.

Nous allons, pour cela, établir ce principe général, qui peut être utile dans plusieurs occasions :

Une fonction qui est nulle lorsque la variable est nulle aura nécessairement, pendant que la variable croîtra positivement, des valeurs finies et de même signe que celles de sa fonction dérivée, ou de signe opposé si la variable croît négativement, tant que les valeurs de la fonction dérivée conserveront le même signe et ne deviendront pas infinies.

Ce principe est très important dans la théorie des fonctions, parce qu’il établit une relation générale entre l’état des fonctions primitives et celui des fonctions dérivées, et qu’il sert à déterminer les limites des fonctions dont on ne connaît que les dérivées.

Nous allons le démontrer d’une manière rigoureuse.

Considérons la fonction dont le développementgénéral est

Nous avons vu, dans la Leçon précédente, que la forme du développement peut être différente pour des valeurs particulières de mais que, tant que ne sera pas infinie, les deux premiers termes de ce développement seront exacts, et que les autres contiendront par conséquent des puissances de plus hautes que la première, de manière qu’on aura

étant une fonction de et telle qu’elle devienne nulle lorsque

Donc, puisque devient nul lorsque devient nul, il est clair que, en faisant croître par degrés insensibles depuis zéro, la valeur de croîtra aussi insensiblement depuis zéro, soit en plus ou en moins, jusqu’à un certain point, après quoi elle pourra diminuer ; que par conséquent on pourra toujours donner à une valeur telle que la valeur correspondante de abstraction faite du signe, soit moindre qu’une quantité donnée, et que pour les valeurs moindres de la valeur de soit aussi moindre.

Soit une quantité donnée qu’on pourra prendre aussi petite qu’on voudra ; on pourra donc toujours donner à une valeur assez petite pour que la valeur de soit renfermée entre les limites et donc, puisqu’on a

il s’ensuit que la quantité sera renfermée entre ces deux-ci

Comme cette conclusion a lieu quelle que soit la valeur de pourvu que ne soit pas infinie, elle subsistera aussi en mettant successivement

à la place de de sorte qu’on pourra toujours prendre positif et assez petit pour que les valeurs des quantités

soient renfermées respectivement entre les limites

en prenant pour la même quantité dans chacune de ces limites, ce qui est permis, pourvu qu’aucune des quantités

ne soit infinie.

Donc, si toutes ces dernières quantités sont de même signe, c’est-à-dire, toutes positives ou toutes négatives, il est facile d’en conclure que la somme des quantités précédentes, laquelle se réduit à

aura pour limite la somme des limites, c’est-à-dire les quantités

Si donc on prend la quantité arbitraire moindre que la somme

divisée par abstraction faite du signe de cette somme, la quantité sera nécessairement renfermée entre zéro et la somme

Donc, si est la plus grande valeur positive ou négative des quantités

la quantité sera, à plus forte raison, renfermée entre zéro et

Or, comme, en prenant aussi petit qu’on voudra, on peut en même temps prendre aussi grand qu’on voudra, on pourra supposer égale à une quantité quelconque positive ou négative, puisque la quantité peut être prise positivement ou négativement.

La quantité deviendra ainsi et pourra représenter une fonction quelconque de qui s’évanouit lorsque la quantité pouvant maintenant être regardée comme une constante arbitraire. De même, la quantité deviendra et représentera la fonction dérivée de la même fonction de puisque est également la fonction dérivée de soit par rapport à soit par rapport à

On peut donc conclure en général que, si a constamment des valeurs finies et de même signe, depuis et que soit la plus grande de ces valeurs, abstraction faite du signe, la fonction primitive dont il s’agit sera renfermée entre et par conséquent elle aura toujours aussi des valeurs finies, et de même signe que la fonction dérivée si est positive, ou de signe différent si est négative.

Dans le Calcul différentiel, la conclusion précédente est une suite immédiate et nécessaire de la manière dont ce Calcul est envisagé, et elle se présente même sans aucune limitation relativement aux valeurs infinies ; mais nous allons voir qu’elle est souvent en défaut à cet égard, ce qui servira à montrer la nécessité d’une analyse plus rigoureuse que celle qui sert de base au Calcul différentiel.

En effet, si est une fonction de sa fonction dérivée, suivant la notation de ce Calcul, sera représentée par et intégrale de est regardée, par les principes mêmes du Calcul, comme la somme de tous les éléments infiniment petits ou par conséquent, si lorsque sera la somme de tous les éléments qui répondent à tous les éléments de D’où l’on est en droit de conclure que, si a toujours des valeurs positives, depuis jusqu’à une valeur quelconque positive de tous les éléments étant positifs, la valeur de répondant à cette valeur de sera nécessairement positive.

Cependant, si l’on a, par exemple,

étant une constante quelconque positive, on aura lorsque et la valeur de sera, par les règles connues de la différentiation, Cette valeur est constamment positive, quelle que soit la valeur de il faudrait donc que la valeur de fût toujours positive, ce qui n’est pas ; car, en prenant plus grand que devient négative. Ainsi les principes du Calcul différentiel sont en défaut dans ce cas.

Suivant le principe que nous venons d’établir, la valeur de ne sera nécessairement positive qu’autant que la fonction dérivée ne sera pas infinie dans l’étendue de la valeur de Or, étant égale à elle devient infinie lorsque Donc les valeurs de seront nécessairement positives depuis jusqu’à mais elles pourront ne pas l’être lorsque quoique les fonctions dérivées soient toujours positives.

Voici maintenant comment le principe dont il s’agit s’applique à la détermination des limites du développement de

Soient d’abord et les valeurs de qui rendent la fonction dérivée la plus petite et la plus grande, en regardant comme donné, et faisant varier depuis zéro jusqu’à une valeur quelconque donnée de Donc sera la plus petite valeur de et en sera la plus grande ; par conséquent, et seront toujours des quantités positives.

Regardant ces deux quantités comme des fonctions dérivées, relatives à la variable leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque seront, à cause de et supposées constantes,

Ainsi, pourvu que ne soit jamais infinie depuis jusqu’à la valeur donnée de ce qui aura lieu si et ne sont point des quantités infinies, on aura par le principe précédent, si est positif,

d’où l’on tire

Supposons ensuite que et soient les valeurs de qui rendent la fonction dérivée du second ordre la plus petite et la plus grande, en faisant varier depuis zéro jusqu’à une valeur donnée ; on aura et pour la plus petite et la plus grande valeur de par conséquent, et seront toujours des quantités positives.

Regardant ces quantités comme des fonctions dérivées relatives à la variable leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles, lorsque seront

Donc, pourvu que ne soit jamais infinie dans toute l’étendue de ce qui revient à ce que et ne soient point infinies, ces deux quantités seront, par le même principe, toujours positives et finies, étant supposé positif ; et en les regardant comme des fonctions dérivées relatives à leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque seront, à cause de et supposées constantes,

Ces nouvelles quantités seront donc aussi, par le même principe, toujours positives ; on aura ainsi

d’où l’on tire

Si l’on suppose, en troisième lieu, que et soient les valeurs de qui rendent la fonction tierce la plus petite et la plus grande, jusqu’à une valeur donnée de on aura les deux quantités depuis et qui seront nécessairement positives dans toute l’étendue de Donc, en les regardant comme des fonctions dérivées relatives à la variable leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque seront

et ces quantités seront, par le même principe, toujours positives et finies, pourvu que ne soit jamais infinie dans toute l’étendue de c’est-à-dire, pourvu que et ne soient point infinies.

Donc, en regardant de nouveau ces dernières quantités comme des fonctions dérivées relatives à leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque seront

lesquelles seront par conséquent aussi toujours positives et finies, en vertu du même principe.

Enfin, regardant encore ces nouvelles quantités comme des fonctions dérivées relatives à leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque seront

Ces quantités seront donc encore positives par le même principe ; ainsi on aura

d’où l’on tire

et ainsi de suite.

Nous avons supposé dans ces développements positif ; si était négatif, ou bien si l’on changeait en alors on trouverait pour premières limites de

On trouverait ensuite pour secondes limites

et ainsi des autres.

Donc, en général, la quantité soit que soit positif ou négatif, sera toujours renfermée entre ces deux-ci :

en prenant pour et les valeurs de qui répondent à la plus petite et à la plus grande des valeurs de dans toute l’étendue de depuis pourvu que les deux quantités et ne soient pas infinies.

Au reste, il est facile de voir, par l’analyse précédente, qu’on n’est pas astreint à prendre pour et la plus petite et la plus grande valeur de mais qu’on peut prendre à leur place des valeurs quelconques plus petites que la plus petite, et plus grandes que la plus grande ; ce qui peut servir, dans nombre de cas, à faciliter beaucoup la détermination des limites.

J’observerai ici, quoique cela ne soit presque pas nécessaire, que j’entends toujours par quantités plus grandes ou plus petites absolument celles qui sont plus avancées vers l’infini positif ou vers l’infini négatif ; ainsi, si on aura etc.

L’analyse précédente redonne, comme l’on voit, successivement les termes du développement de mais elle a l’avantage de ne développer cette fonction qu’autant que l’on veut, et d’offrir des limites du reste.

En effet, si dans le développement de on veut s’arrêter au terme pour avoir les limites du reste du développement, il n’y a qu’à considérer le terme suivant, qui serait de la forme

et y mettre à la place de la plus grande et la plus petite valeur de en faisant varier depuis zéro, ou bien des quantités quelconques plus grandes ou plus petites que la plus grande et la plus petite valeur de Si ces deux valeurs, ou l’une d’entre elles, étaient infinies, il n’y aurait point alors de limites ; c’est aussi le cas où le développement deviendrait fautif, parce que la valeur de serait infinie dans quelque point.

En général, on peut avoir de la même manière les limites des valeurs de toute fonction dont on ne connaîtra que la fonction dérivée d’un ordre quelconque. On examinera la marche de la fonction dérivée depuis l’origine de la variable, et, si elle ne devient jamais infinie, on y appliquera immédiatement les formules précédentes, où est la variable, et peut être une constante quelconque. Si, au contraire, la fonction dérivée devient infinie pour certaines valeurs de la variable, on partagera cette variable en autant de parties séparées par les termes auxquels répondent les valeurs infinies de la fonction, et l’on appliquera séparément les mêmes formules à chacune de ces parties.

Supposons, pour donner quelques exemples,

on aura

et de là

et en général

comme on l’a vu dans la Leçon II. On aura donc

où l’on voit que cette fonction ne peut jamais devenir infinie tant que n’est pas et que n’est pas On voit aussi que la plus petite et la plus grande valeur de répondent, l’une à et l’autre à de sorte queles valeurs et seront et ou et

Donc, en général, le développement de sera compris entre ces deux limites

Par le moyen de ces limites, on est à couvert des difficultés qui peuvent résulter de la non-convergence de la série ; car, comme un terme quelconque ième est au suivant dans le rapport de à pour que la série soit convergente, il faut que la quantité abstraction faite du signe qu’elle doit avoir, soit moindre que l’unité. Si il est clair que la série finira toujours par être convergente, puisque la dernière valeur de</math> 1 est Mais elle sera toujours divergente à son extrémité, si quoiqu’elle puisse être convergente dans ses premiers termes. Ainsi elle ne pourra alors être employée avec sûreté, quelque loin qu’elle soit portée, qu’en ayant égard aux limites que vous venons de donner.

Supposons, en second lieu,

on aura

et de là

Donc, en général,

où l’on voit que la plus petite et la plus grande valeur répondent aussi à et à Ainsi on aura, en faisant

pour les limites de la valeur de où l’on pourra prendre dans le dernier terme, au lieu de une quantité quelconque plus grande.

Soit, en troisième lieu,

on aura

donc

le signe supérieur étant pour le cas de impair, et l’inférieur pour le cas de pair.

Il est clair que, pourvu que ne soit pas égal à zéro, la quantité ne sera jamais infinie, et que sa plus grande valeur et sa plus petite, relativement à répondront à et à

On aura donc, par la formule générale, ces deux limites, pour la valeur de

où l’on pourra mettre à la place de une valeur quelconque plus grande dans le dénominateur

Soit, en quatrième lieu,

on aura

donc, en général,

suivant que sera de l’une de ces formes, étant un nombre entier quelconque ; ce qu’on peut renfermer dans cette expression générale

étant l’angle droit.

Or, quelles que soient les valeurs de et il est visible que la plus grande et la plus petite valeur de seront et ainsi on aura, pour le développement de ces limites

Si l’on fait on aura

et, si l’on fait on aura

pour les limites de et où il faudra prendre pour le nombre immédiatement plus grand d’une unité que l’exposant de dans le terme auquel on voudra s’arrêter.

Nous avons donné, à la fin de la Leçon VII, la série du développement de en supposant et et nous avons trouvé en général

Donc, on aura aussi

en faisant c’est-à-dire

Or, quels que soient et il est visible que la plus petite et la plus grande valeur de ou seront et d’où l’on peut d’abord conclure que la série est vraie pour des valeurs quelconques de et et que, si l’on veut arrêter la série au terme \muième, le reste de la série sera nécessairement renfermé entre les limites

Ainsi, en faisant on aura ces limites

est l’exposant du terme auquel on veut s’arrêter.

Nous finirons par remarquer que les mêmes formules peuvent servir à développer une fonction quelconque, suivant les puissances de sa variable ; car en faisant devient simplement et peut représenter une fonction quelconque d’une variable

Or il est visible que les valeurs de lorsque doivent coïncider avec celles de lorsque

Donc, si l’on dénote simplement par les valeurs de lorsque on aura en général

et si l’on veut s’arrêter au terme alors, comme le terme suivant serait

il n’y aura qu’à substituer à la place de la plus grande et la plus petite valeur de ou des valeurs plus grandes ou plus petites que celles-ci, et l’on aura les limites du reste du développement.

Ainsi le développement sera exact tant que ces limites auront des valeurs finies. Si l’une d’elles devenait infinie, le reste de la série pourrait aussi devenir infini, et le développement deviendrait fautif. Il faudra donc alors, ou s’arrêter à un terme précédent, ou n’attribuer à que des valeurs telles, que ne devienne pas infinie depuis jusqu’à cette valeur.

Puisque ces limites répondent à la plus grande et à la plus petite valeur de en prenant depuis zéro jusqu’à la valeur donnée, il est clair que la valeur exacte du reste du développement de la fonction répondra à une valeur intermédiaire de qui pourra être représentée par en prenant pour une quantité entre zéro et Il suit de là qu’on pourra toujours représenter d’une manière finie le développement d’une fonction quelconque en y introduisant une quantité inconnue moindre que Ainsi on a ce théorème analytique, remarquable par sa simplicité,

sont les valeurs de en y faisant l’exposant étant quelconque.

On a par là une démonstration rigoureuse de cette proposition qu’on s’était contenté de supposer jusqu’ici savoir que, dans le développement d’une fonction, on peut donner à la variable, suivant laquelle est ordonné le développement, une valeur assez petite pour qu’un terme quelconque de la série soit plus grand que la somme de tous ceux qui le suivent ; car il est clair qu’il suffit pour cela de faire voir qu’on peut toujours prendre assez petit pour que l’on ait

condition qui se réduit à celle-ci

à laquelle il est visible qu’on peut toujours satisfaire en diminuant la valeur de pourvu qu’on n’ait pas

On peut démontrer de la même manière cette autre proposition, que, si l’on a deux fonctions différentes et qui soient telles que les premiers termes du développement de soient respectivement égaux aux premiers termes du développement de on peut, en diminuant la quantité rapprocher assez près les valeurs de ces deux fonctions, pour que la valeur d’aucune autre fonction, comme ne puisse jamais tomber entre ces valeurs, si les premiers termes du développement ne coïncident pas aussi avec ceux du développement de et de car la différence se réduira, par l’hypothèse, à

où la quantité pourra être différente dans les deux fonctions, mais toujours au lieu que la différence sera de la forme

étant d’où l’on voit qu’en diminuant la valeur de le rapport de cette différence à la première deviendra toujours plus grand, à moins que l’on n’ait aussi etc.

C’est sur ces principes qu’est fondée l’application rigoureuse de la théorie des fonctions dérivées aux parties de la Géométrie et de la Mécanique, pour lesquelles on emploie le Calcul différentiel. Soit l’ordonnée d’une courbe dont est l’abscisse ; prenons une nouvelle abscisse qui commence où finit l’abscisse que nous regarderons maintenant comme constante ; l’ordonnée correspondante sera

Arrêtons-nous aux premiers termes, et supposons l’équation

entre l’abscisse et l’ordonnée cette équation sera une ligne droite qui passe par le point de la courbe qui répond à l’abscisse et qui est inclinée à l’axe d’un angle dont est la tangente.

Comme les deux termes de l’ordonnée de cette droite coïncident avec les deux premiers termes de celle de la courbe, il sera impossible qu’aucune autre droite passant par le même point de la courbe puisse passer aussi entre elle et la droite dont il s’agit ; celle-ci sera donc la tangente de la courbe au même point, de manière qu’en appelant la sous-tangente, on aura en général et de là

Prenons maintenant les trois premiers termes du même développement, et considérons la courbe dont l’équation entre l’ordonnée et l’abscisse serait

on aura une parabole dont l’axe est parallèle aux ordonnées, et dont le paramètre est

Cette parabole passera par le point de la courbe proposée qui répond à l’abscisse et aura la même tangente qu’elle, parce que les deux premiers termes de son équation coïncident avec ceux de l’équation de la courbe ; et, comme les troisièmes termes coïncident aussi ; il s’ensuit qu’aucune autre parabole ne pourra passer entre celle-ci et la même courbe.: ce sera, par conséquent, la parabole qu’on nomme osculatrice, et qui aura ou pour paramètre.

Comme c’est ordinairement au cercle qu’on rapporte la courbure des courbes, pour avoir le rayon de courbure, on supposera que la courbe proposée est un cercle dont l’équation générale est, comme l’on sait,

ainsi on aura

d’où l’on déduit, en prenant les fonctions dérivées,

Si l’on détermine, par ces trois équations, les valeurs de en on aura non seulement le rayon du cercle osculateur, mais aussi la position du centre de ce cercle par les deux coordonnées qui seront en même temps celles de la développée ; car alors les trois premiers termes du développement de dans le cercle coïncideront avec les trois premiers termes du développement de dans la courbe proposée.

On aura aussi, pour une courbe quelconque,

On peut pousser plus loin cette théorie des osculations, comme nous l’avons fait dans les nos 117 et suivants de la Théorie des Fonctions analytiques.

Si l’on considère l’espace décrit par un mobile comme fonction du temps employé à le parcourir, et qu’on nomme le temps et l’espace, l’équation exprimera la nature du mouvement. Soit l’espace décrit dans le temps qui commence au bout du temps on aura

et par le développement

ne prenons dans cette expression de que le premier terme, et considérons un autre mobile dont le mouvement serait représenté par l’équation

entre l’espace et le même temps ce mouvement sera uniforme avec la vitesse Comme la valeur de est exprimée par un terme qui est le même que le premier terme de la valeur de il suit de ce que nous avons démontré, en général, que, dans les premiers instants du temps ce mouvement uniforme approchera plus du mouvement dont il s’agit qu’aucun autre mouvement uniforme ; car on pourra toujours prendre le temps assez court pour que, entre les espaces parcourus en vertu de ces deux mouvements, il ne puisse être parcouru uniformément, dans le même temps, aucun espace moyen avec une autre vitesse que Donc on pourra regarder comme l’expression de la vitesse de tout mouvement représenté par l’équation au bout du temps

Si l’on prend les deux premiers termes de l’expression de pour l’espace décrit par un autre mobile dans le même temps la formule

représentera un mouvement composé d’un mouvement uniforme avec la vitesse et d’un mouvement uniformément accéléré produit par une pression ou force accélératrice constante comme l’expérience le prouve dans le mouvement des graves.

Les termes de la valeur de étant les mêmes que les deux premiers termes de l’expression générale de on conclura des mêmes principes établis ci-dessus, et par un raisonnement semblable au précédent, que, dans les premiers instants du temps ce nouveau mouvement approchera du mouvement représenté par l’équation

plus qu’aucun autre mouvement semblable, de manière qu’on pourra prendre pour la vitesse, et pour la force accélératrice au commencement du temps c’est-à-dire au bout du temps Donc, en général, étant l’espace décrit et exprimé en fonction du temps, sera la vitesse, et la force accélératrice nécessaire pour ce mouvement.

Ceci a lieu naturellement dans les mouvements rectilignes ; mais, en considérant les mouvements curvilignes comme composés de rectilignes, on en déduit les lois des vitesses et des forces dans toutes sortes de mouvements.

Nous nous contenterons ici d’avoir fait voir, en deux mots, l’usage de notre théorème sur les limites du développement des fonctions, dans l’application des fonctions dérivées à la Géométrie et à la lécanique et nous renverrons ceux qui désireront un plus grand détail à la seconde Partie de notre Théorie des Fonctions analytiques.


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